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 Après Amblère reste la guerre

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Gaston Berdevin
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MessageSujet: Après Amblère reste la guerre   Après Amblère reste la guerre I_icon_minitimeMer 2 Nov 2016 - 13:32

1ère énéade de Favrius, 9ème année du 11ème cycle.





Un mélange de tension et de joie s'était emparé d'Odelian depuis le retour des siens.
Trente jours de cela, c'est un gros bourg d'Odélian tout de fleurs et de guirlandes qui reçut ses soldats victorieux. Aux cors et aux buccins qui soufflèrent du nord, les tocsins et les cloches de la cité avaient répondu puissamment. Le martèlement et la fanfare laissèrent place à la procession guerrière. Au devant des cohortes de vougiers marchant au pas, toute la noblesse du pays faisait corps autour du char du chef. Les canassons et les basternes, marchant de front, débordaient de la large route des Pradelles. A la droite du marquis, le Faucon d'Assar, Loup de Rochefort, scrutait à l'arrière ses compagnies qui chantaient. A sa gauche, Cagmael le barde, dernier mâle de la lignée asovienne, époussetait du gantelet le caparaçon de son étalon saure. Derrière, à l'ombre des bannières de soie surmontées d'armets d'Elda, Foulques de Prademont, sénéchal du septentrion, était dérangé par les ailes de cygne de son heaume placé à l'épaule. Alentour, des maréchaux, varlets et vicomtes assenaient Fulbert, le vieux clerc des Berdevin, des prétentions de chacun aux trophées arrachés dans la campagne d'Oësgard.

Autour piaffait l'avant-garde, un essaim de jeunes cavaliers qui piétinaient l'or des champs. D'aucuns faisaient mugir leur olifant à l'adresse des remparts, d'autres avançaient vers les tours pour montrer les gueules de guerriers eldéens suspendus à leur lance. Hubert le Jeune, fils du marquis, suivait son cousin Hadrien de Rochefort qui prenait à la course l'un des Emérillons, bâtards de son père. Le jeu les poussa jusqu'à la flanc-garde de droite et son capitaine Thibaut l'Archer, dont la conversation fut pauvre : il était trop accaparé à surveiller le train des prisonniers. Sur l'autre aile, Jaworsk le Titan, un Hortelin haut de sept pieds et le champion d'Odelian, brutalisait son large poitrail en rugissant une chanson. Il gueulait à tue-tête, et le choeur de la troupe poussait du coffre avec lui sans parvenir à dominer son timbre puissant, sa voix cassée et ses accentuations montagnardes.

Par delà le bruyant cortège, derrière les harnois rutilants et le taillis des lances, un ruban brun de carrioles et de bœufs se perdait dans l'horizon plat. Serviteurs, valets, clercs, quand les coffres, les planches, les tonneaux, les jattes et les provisions laissaient une place dans le lourd voiturage, s'asseyaient comme ils pouvaient. Ils se serraient avec les artisans du marquis et ses gens d'arbalète en regardant grandir les coteaux du Pélanchon, où était nichée la bourgade, ou en considérant les grappes de badauds et de femmes et d'enfants qui les avaient suivi et les accostaient dès les premiers jours du voyage pour une miche de pain ou une gorgée de vin. Enfin arrivé, le bois des chariots paraissait moins inconfortable et les sollicitations moins agaçantes. « Nous y voilà, les pauvres, mais tenez, mangez et soyez contents. » L'on pouvait se débarrasser du reste des victuailles maintenant. Aux Enfers le pain sec et le vin pisseux d'Oesgardie, place aux rôtis, aux outardes et aux brochets baignés de leur sauce verte. La fringale et les souvenirs aidaient déjà à imaginer le fumet de la maniguette et de la moutarde, la chaleur doucereuse des montagnes de pains d'épeautre encore brûlants. Les esprits des vins de sauge, des cervoises jeunes et des aquavits commençaient déjà à faire saliver les soudrilles et le reste des soiffards.

La marquise et sa maison exaucèrent leurs souhaits. Pendant trois jours, on célébra le triomphe et les jeux funéraires par des banquets et des libations. Une hécatombe de cinquante bœufs et autant de béliers fut donnée pour saluer Mogar et Néera, à la victoire de la lumière sur les ténèbres. Cagmael d'Odélian demanda aux bardes qu'ils chantent les exploits des héros tombés et astreignit les survivants à égaler leur exemple. Au dernier soir, quand la tostée fut consommée et que les tablées furent évacuées, Gaston leva sa corne le premier. Le reste des hommes suivit son exemple, l'oreille tendue, curieux d'entendre comment il ouvrirait cette ultime beuverie.

L'hôte s'accorda un silence puis annonça : « Que le reste de la guerre ressemble à la victoire d'Amblère ! » L'appréhension traversa certains dans l'assemblée mais le seigneur Foulques confirma le souhait de son suzerain : « Plaise à l'Othar ! » Et le reste des seigneurs de reprendre la réponse du sire de Prademont et de boire. Les libations s'enchaînèrent sur le même thème.
Oncques mais, c'était encore la guerre ? Amblère et ses milliers de noirauds, qu'une bataille ? Au fond, tous s'en étaient doutés. Ceux qui avaient été de la première défense dix ans auparavant l'avait assez rabâché aux plus jeunes : c'était le début, pas la fin. Autrefois, ces yeux rouges avaient appartenu aux légendes et aux contes de fées, et après qu'on eut repoussé trente mille d'entre eux du temps du roy Trystan, chacun avait voulu qu'ils y retournent, dans les fables et les féeries. Des êtres noirs comme la nuit, avec des charbons incandescents dans les orbites et des reptiles anthropophages pour montures, qui voulait croire qu'ils fussent de la même réalité que Clémence, la fille du meunier ? Aux veillées, les plus jeunes écoutaient déjà avec un scepticisme moqueur les exploits des anciens. Il y en avait parfois un pour rouspéter les cyniques avec emphase et brandir son trophée, un kriss ou un sceptre ramassé sur le corps d'un de ces monstres. Mais toujours l'assemblée coupait sa diatribe furieuse. On voulait simplement oublier.

Mais Sangdieu ! Il fallait avoir de la merde dans les yeux pour ne pas voir la vérité en face tant elle était éclatante de noirceur. Tout s'était déréglé en quelques années. Ces mêmes vampires avaient bu une bonne moitié du sang royal. Partout on contait les morts suspectes dans les nobles maisons et les ombres qui avaient été aperçues sur les lieux du meurtre. Cette engeance démoniaque se servait des humains d'Estrévent comme de bétail à peine bon à être dévoré. Et s'il n'y avait eu qu'eux ! Peste, guerres civiles, disettes, le soleil même s'était obscurci des mois durant. Au nord, les nains étaient presque tous morts, noyés sous des pluies de cendres, tandis que la première race était revenue à son état sauvage. Ca fleurait bon la fin du monde.


Ainsi n'avait-on remporté qu'une bataille, pas la guerre. Les Sombres avaient été de nouveau boutés hors de la Péninsule, comme dix ans auparavant, certes, mais les lambeaux de la horde avait pu traverser la Vâmme sans heurt et s'enfuir par les bois maudits d'Aduram, où on n'avait pas osé les traquer. A l'abri des futaies de l'immense forêt, les envahisseurs auraient pu se disperser sans difficulté voire tendre à leurs chasseurs des guets-apens que la région, difficile et sauvage, aurait facilité. S'enfoncer au gré des pistes avait semblé une entreprise illusoire et périlleuse qui ne se serait soldée que par une improbable victoire en demi-teinte ou un échec complet.

Mais la prudence seule n'avait pas commandé aux seigneurs du nord d'abandonner ces projets de traque. Une fois l'invasion mise en déroute, le ralliement de toutes les bannières du nord n'avait plus de raison d'être. Les intérêts des différents seigneurs reprenaient leur cours naturel. Oësgard, pour décharnée qu'elle était, redevenait un os appétissant.

J'ai eu tort de me laisser distraire par une telle chimère. Cet os sgardien, Gaston l'avait encore en travers de la gorge. J'aurais dû prendre cent hommes et en finir une bonne fois pour toute avec cette racaille noire. Le nord était sauf à présent, Oesgard pouvait recommencer à se détruire sereinement. Que Serramire garde ces ruines, Gaston n'avait aucun doute que les maigres bandages qu'avait placé Brochant sur la plaie purulente qu'était Oësgard ne la guérirait pas de sa putréfaction. Tant de seigneurs de guerre étaient passés sur le corps de ce maudit pays que la pratique était devenue partie intégrante du patrimoine local. Pourtant, la concorde qu'avait réussi à établir Aymeric de Brochant en plaçant ce champ de ruines dans la mouvance serramiroise avait surpris le Berdevin. Mais quand il prenait du recul sur la situation, il se convainquait de sa précarité. Les corbins avait naturellement joué sur le lustre de la victoire d'Amblère et la repoussée des barbares mais le compromis que les circonstances leur avaient imposé, Gaston ne l'aurait même pas approché avec un bâton. Une Heinster, un Falkenberg et un Clairssac à la tête d'Oesgard... On dirait le début d'une mauvaise blague.

Non content d'avoir retrouvé Ansleubane d'Heinster, la nièce obscure de Baudoin d'Heinster, un de ces barons qui avaient mis à sac Diantra, le marquis l'avait fiancé à rien de moins que Geoffrey de Falkenberg, roi du bled. Celui-ci en lieu et place de l'écartèlement et la malédiction éternelle qu'on aurait dû lui réserver fut fieffé de son royaume redevenu baronnie. Au mariage de ce deux rejetons issus des maisons les plus honnies du nord, Gaston se serait volontiers invité, en armes et à la tête d'une cinquantaine d'honnêtes hommes.

La composition amarescente du nouvel ordre baronnial devenait carrément amère quand on y apportait le dernier ingrédient, le régent Jérôme. Le marquis d'Odélian se demandait encore si cette touche finale, il la devait à la perfidie du marquis de Serramire ou à son opportunisme.

« Falkenberg, Heinster,
Et Clairssac tiennent Oesgard,
Plaise aux dieux qu'un d'eux meurt,
Bonjour la bagarre... »

« Monseigneur ? »
« Dis-moi, Fulbert, pourrais-tu occire un enfant ? »
« Heu... difficilement, Seigneur, et avec ma plume seulement. Je laisse les affaires d'épée à ceux qui ont le bras pour. »
« Sage homme. Moi je n'arrive pas à m'enlever ce petit roi de la tête. Geoffrey... Geoffrey le petit du Sanglier d'Amblère, sain et sauf, et maître d'une marche du nord avec ça ! »
« Seigneur, je compte au moins six reines et rois. Elfe, manchot, infante, noyé, ressuscité ou malheureux élu du clergé, ceux-là méritent plus votre attention que le marcassin de Serramire. »

Le vieux clerc avait raison. Il était inutile de se mettre martel en tête à propos du gamin. Pourtant l'impression qu'Oesgard et le sort de Geoffrey lui avaient filé entre les doigts l'empêchait de décolérer à ce sujet. On appela pour le dîner, une dernière fois ses vassaux allaient partager le pain avant la dispersion complète du ban.

« N'oubliez pas ce qui vous fut dit lorsqu'on vous présenta en tant que marquis, Monseigneur. »
« Et que m'a-t-on dit ? »
« Que vous n'êtes pas un barde ou un chevalier. Vous êtes le suzerain d'Odélian comme furent vos frères. L'heure n'est plus aux rimes. »
« Et qu'ont-elles, mes rimailles ? »
« Seigneur, je ne suis qu'un simple scribe. Je laisse la poésie à ceux qui l'entendent. »
« Sage homme... »

Le midi n'avait pas le faste du festin de la veille. Le gros des hommes avait déjà été renvoyé aux villages, les dernières récoltes approchaient. En plus des chevilles ouvrières de la cour, seuls les seigneurs odélians étaient présents. Assar, Prademont, Dens, la réunion avait quelque chose de familial. Trente années qu'il voyait déjà ces tronches-là. L'un un oncle, l'autre un beau frère, un cousin ou un fils. Ceux qui avaient mis son cul sur ce fauteuil, au bout de la table (et Madeleyne dans sa couche) attendaient qu'il entame. Gaston prit une inspiration grave avant de jeter un coup d'oeil à son fils Hubert. Pendant que son aîné servait le vin, le marquis s'y mit.

Le plan était simple, c'était un plan de guerre. Le blé sera cantonné au marquisat, interdiction de le sortir. Chaque bangard de chaque seigneurie recensera chaque homme et bien inféodé aux marquis d'Odélian. Au premier jour de la sixième ennéade de Bàrkios, chaque banneret répondra de ses valets, écuyers, bêtes et gens d'armes à Assar, où Gaston adoubera Hadrien de Rochefort et Loup, Hubert d'Odélian. Au dedans, vilains, bourgeois et lieux saints seront astreints aux aides de guerre, au dehors, des ambassades essaieront de tirer tout ce qu'elles pourront de soutiens matériels et pécuniaires. Enfin, les garçons faits chevaliers, ils honoreront l'Othar d'un grand feu de joie. L'Odélian fera brûler tout ce qu'il pourra des lisières d'Aduram, y bâtira autant de guets qu'il faudra pour que plus jamais les Sombres ne s'invitent sans prévenir. Une fois qu'on en serait assuré, alors, à la neuvième ennéade de Bàrkios, on décidera quoi faire avec la Péninsule.



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