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| Nuit folklorique [Manel] | |
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Romey le Bègue
Humain
Nombre de messages : 21 Âge : 34 Date d'inscription : 18/02/2016
Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : 64 Taille : Niveau Magique : Arcaniste.
| Sujet: Nuit folklorique [Manel] Mar 20 Déc 2016 - 17:07 | |
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1ère ennéade de Bàrkios, An IX du onzième cycle
La fumée de pipe s'échappe en épaisses volutes parfumées d'encens. Elle s'élève entre les halos orangés des feux de camp, et je la regarde tourbillonner puis disparaître avec les ombres de la nuit. A cette heure avancée, sous l'effet combiné de la fatigue et des opiacés, je peine à ne pas laisser les divagations de mon esprit m'entraîner moi aussi vers le néant. Curieusement, il me semble que j'ai les idées claires ; la drogue a endormi mon corps de vieillard fatigué et usé, elle a fait taire les élancements et les douleurs dans mes articulations, si bien que je me sens libéré d'une contrainte quotidienne à laquelle les années ne m'ont jamais vraiment habitué. Ne me serais-je pas senti si amorphe, et j'aurais pu me croire rajeuni de dix ans. Je ne m'y trompe pas ; mon corps refuse obstinément le moindre mouvement, et je demeure là, immobile, mais sur l'instant cette immobilité ne me semble pas contrainte. Eussé-je été libre de bouger, je ne m'en serais pas donné la peine ; pour la première fois depuis longtemps, je me sens bien. Assis sur un vieux tapis humide qui me grattait le fondement quand je pouvais encore le sentir, enveloppé dans de chaudes fourrures qui me protègent d'une fraîcheur dont je n'ai plus conscience, je crois vivre en-dehors de mon corps ; et j'en viens à espérer qu'au jour de ma mort, lorsque mon âme quittera mon corps malingre, la sensation sera semblable à celle que je vis à l'instant.
Mon regard oscille entre moult détails insignifiants dont je n'ai cure d'ordinaire ; toutes les choses me paraissent avoir un subit intérêt, et j'ai l'impression de découvrir un sens caché à tout ce qui se trame sous mes yeux. Je contemple les nuances orangées des feux de camp, le mouvement des fumées, le souffle du vent sur les herbes, le frétillement des arbres dans les ténèbres alentours. J'écoute les mélodies et les histoires des saltimbanques, me perds dans la contemplation des danses des jeunes hommes et des jeunes femmes dont les corps enlacés sans pudeur forment une symbiose parfaite. Je prends conscience de la beauté de toute chose, et une larme coule le long de ma joue, si bien que je ne parviens pas à réprimer un sanglot ému. A quelques pas, une jeune fille lève la tête dans ma direction ; et frappé de plein fouet par la joliesse de la petiote, je reste bouche bée, ébahi par la grâce de cette reine de beauté. La fille hausse des sourcils interloqués, donne un léger coup de coude amical au garçon qui serre l'un de ses petits seins d'une main leste, et le type se met à me reluquer avec une expression de malaise. Je mets un moment à réaliser qu'il s'agit d'Odilon, mon brave cocher, et je lui souris ; le brave garçon ! Je le revois encore, quelques heures plus tôt, s'excuser de ce que les auberges les plus proches sur notre route soient toutes bondées, nous condamnant à camper à la belle étoile pour cette nuit alors que je ne supporte pas le froid. Nous n'imaginions pas, alors, qu'une troupe d'artistes-danseurs et de comédiens allait dresser son bivouac au même endroit ; et si je me défiais au premier abord de ces marginaux, ceux-ci réussirent bien vite à gagner ma sympathie - et celle d'Odilon visiblement.
Lorsqu'enfin je parviens à détourner le regard, je m'aperçois qu'un jeune homme maigre au teint pâle me dévisage, sans doute interloqué lui aussi par ma crise de larmes ; l'homme porte un luth, et mon cœur se met subitement à battre d'un fol espoir. Une chanson ! Une chanson !
« C-chant-tez moi quel... quelque c-chose, s... s'il vous plaît », lui dis-je sur un ton implorant.
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| Sujet: Re: Nuit folklorique [Manel] Dim 25 Déc 2016 - 20:07 | |
| La nuit remplaça le jour. Le couple d'artiste au service de la Dame du Val sortit dépité d'une auberge trop pleine. Plus le choix, ils devaient prendre une route pour essayer au hasard d'en croiser une autre hors de la ville. Une torche à la main, sa complice au bras Manel prit un chemin sans savoir où il allait. Lucile, belle comme tout avec sa rose rouge piqué dans ses cheveux obscurs et sa longue robe rouge commençait à s'inquiéter. -" T'es certain ? Je crois qu'on s'éloigne. " Demanda-t-elle angoissé par les bruits étranges qu'offrait la nuit. Manel, un sourire moqueur répondit. -" Nous allons finir par croiser quelqu'un. Tiens, là-bas, tu vois, t'entends ? " La danseuse plissa les yeux, et effectivement entendit au loin de la musique, et des lumières. -" Méfiance tout de même, on ne sait pas de qui il s'agit. Et puis, qu'est-ce qu'il t'as pris de vouloir venir jusqu'ici. On était pas bien à Hautval ? "
La mine pâle, le barde tira par le bras sa partenaire. S'il était venu ici ce fut pour une raison personnel. Malheureusement, cette soirée était fichue. Et le temps ne lui permettait pas de rester. -" Oui nous rentrons. Mais inutile de voyager de nuit. Vois, ils font là fête." Clama-t-il avec un air étrange, un mélange de tristesse et de plaisir. -" Et nos affaires ! Pourquoi ne pas nous rendre au Palais, tu dois y être reçu." -" Nos affaires, nous les récupérerons demain, et je ne puis te répondre, si je reçu ? Peut-être. Mais son Altesse serait fâchée si elle apprenait que j'usais de son nom pour un peu de confort." -" Tu as raison, et puis, nous avons l'habitude de vivre ainsi. Pourtant, nous avons de l'argent." Ils arrivèrent à la hauteur de la petite fête. Lucile, rapidement y trouva sa place. Manel n'y trouvait que chagrin. Il essayait bien de céder à l'ivresse, en vain. L'inconstance de son âme l'agaçait autant qu'il commençait à s'en accommoder. Le barde d'Hautval apparaissait comme une goutte de poison dans une eau clair au milieu de cet endroit joyeux. Les yeux en direction de la lune, Manel pensait à la suite. Il fut alors interpellé par un vieillard assis au sol réclamant une chanson en bégayant.
Comment pouvait-il refuser à un homme dont la vie semblait agoniser une petite chanson pour égayer le fardeau que devait être pour lui le temps ? D'un geste lent il s'empara de son luth. Pinça les cordes pour se tester, il écoutait les musiques déjà en place dans le campement pour ne pas trop s'en éloigner. Hélas, le premier son s'écroula... Tenant l'instrument négligemment le jeune barde la mine mélancolique exprima son dépit de ne pouvoir satisfaire la demande. -" Actuellement mon talent est simplement capable de verser des larmes, j'en suis navré, et vous supplie de m'en excuser." Voyant néanmoins en cette personne une source d'expérience, le jeune barde se présenta. -" Je me nomme Manel, humble ménestrel de la Duchesse du Median, son excellence Blanche d'Ancenis..." Faisant une pause, il osa s'asseoir en face du vieil homme en posant son luth à côté, et ôta sa coiffe en posant avec une certaine impudence. -" Votre coeur a-t-il déjà souffert d'un chagrin d'amour ?" Demanda-t-il comme s'il voyait en son interlocuteur une sorte de sage capable de le renseigner sans vraiment en avoir la certitude. -" J'ai conscience que de ne pas avoir répondu à votre demande ne vous oblige en rien à me répondre, et il me sera impossible de m'en fâcher." Acheva le serviteur de la Dame du Val en laissant ses lèvres dessiner un léger sourire. |
| | | Romey le Bègue
Humain
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| Sujet: Re: Nuit folklorique [Manel] Mar 27 Déc 2016 - 12:04 | |
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« Hrhhhhnun chag-grin d'amour ? » Je répète les mots du barde dans un souffle, remuant à peine les lèvres tant j'ai l'impression de ne même plus avoir d'emprise sur elles - cela au moins ne me change pas beaucoup, cette partie de mon corps ne m'ayant jamais été très fidèle. Je cligne doucement des yeux en reluquant le garçonnet. Vingt ans, peut-être moins. Je réfléchis à sa question, et malgré les embruns de la drogue qui m'anesthésient le cerveau, j'ai l'impression d'avoir l'esprit toujours plus clair, comme si je vivais hors de mon corps ; si bien que je ne suis pas long à la trouver, sa réponse. « Oui », dis-je avec une soudaine assurance, « oui, oui, o-oui ». Et déjà, des souvenirs enfouis ressurgissent des tréfonds d'une mémoire qui malgré mon âge ne me fait point défaut, et me ramènent plusieurs décennies en arrière. Vers Prisca.
« J'avais v... votre âge », lui dis-je, et me remémorer les années de ma fougueuse jeunesse me transporte tant de joie que les vannes déjà ouvertes de mes yeux larmoyants se mettent à couler à flot ininterrompu ; pourtant, les larmes qui coulent le long de mes jours sont douces comme une caresse, si bien que je ne sais si je pleure de nostalgie ou de bonheur. Les deux, sans doute. « Elle était sub-blime. Elle... elle avait l'accent du s-sud, de j... jolis cheveux bou-bouclés, la peau b-brûlée de soleil. »
Détournant un bref instant le regard du barde, je reluque à nouveau la jeune fille dépoitraillée que continue de besogner Odilon ; la joie du souvenir de Prisca est semblable à l'émerveillement que j'ai manifesté en toisant cette gamine, bien qu'elles ne se ressemblent en rien. Celle-ci a la peau blanche, aussi pâle que le barde, et des cheveux blonds qui tombent en cascade jusqu'au niveau de ses seins. Je ne saurais pousser plus loin la comparaison, ma relation avec Prisca n'ayant jamais franchi les barrières de la chasteté ; pourtant, elle reste à mes yeux aujourd'hui la femme la plus désirable qui ait été - ce qui n'est pas peu dire venant d'un homme qui perdit son pucelage à l'âge de trente-sept ans.
« Elle s'app-pelait Prisca. Pour elle, j'ai r-renoncé à une chaire universitaire et s-suis parti v-vivre l'aventure en Estrévent. » Où Prisca s'est plus amusée que moi, pour mon malheur. Repensant au déchirement du jour où elle m'a quitté, se plaignant de ce que je sois sans le sou, mon visage se crispe, et c'est subitement une tristesse froide et terrible qui s'abat sur moi. Ma vieille face ridée s'abîme, et voilà qu'une cascade de mots s'entremêlent entre mes lèvres, pour finalement devenir une longue plainte de regret, mélancolique. « Euuuhooaeeeegh gniii beuuuh euuuuuh crrr... » les larmes qui inondent mon visage se mêlent à la morve qui me coule du pif, jusqu'à en obstruer mes lèvres, et j'en viens à m'étouffer misérablement. « Kof ! kof ! » La respiration coupée, je tente de me débattre, mais mon corps anesthésié ne veut point lutter ; ma tête, la seule consciente du péril dans lequel je suis, se met à réfléchir à toute allure, sans résultat ; mes bras flasques demeurent immobiles, alors que ma bouche close et mon nez bouché me font crever petit à petit. J'en deviens tout bleu, et je m'affaise doucement sur le côté. A deux pas de moi, un étincellant halo lumineux s'élève brusquement au-dessus du feu de camp, avant de s'assombrir tout aussi rapidement. La lueur rougeoyante des flammes s'amenuise tout autour de nous, alors que je me noie dans mes larmes et m'étouffe dans ma toux.
Tout ça pour une question à la con. J'espère qu'il est fier de lui, le barde. C'est ainsi que je disparais. Emporté par les réminiscences d'un vieux désir de jeunesse, pour Prisca, l'une des rares friandises que m'ait accordé une vie de servitude. La sortie n'est pas si incommode qu'on pourrait le croire. Tout grand serviteur que j'aie été, je n'ai jamais aspiré à l'oisiveté ni au repos éternel ; pourtant, n'est-ce pas une récompense équitable pour le dur labeur que j'ai accompli pendant des décennies ? Le repos n'est qu'une maigre rétribution eu égard à ma persévérence et ma force d'âme ; mais j'ai appris à donner beaucoup pour peu recevoir. Combien de trônes ai-je sauvé contre un simple signe de l'infime considération des puissants ? Combien de possessions ai-je laissé à mes enfants pour recevoir si peu d'estime et d'affection en retour ? J'ai bien assez donné, en vérité, et pour le peu de consolation que m'apportera la mort, je suis prêt à lui ouvrir mes bras. Alors je plonge.
Quand j'ouvre finalement les yeux, je suis étendu sur le dos, tout tremblotant, sur le même tapis où j'étais et qui dégage inexplicablement de curieux relents d'urine. Debout autour de moi, ils sont quelques-uns à me regarder. Manel, le jeune ménestrel ; Odilon, le cocher ; la fille dépoitraillée qui s'entend très bien avec Odilon ; et quelques inconnus que je ne connais pas - pardonnez le pléonasme - et pour-lesquels je ne me risquerai pas à inventer des noms, même pour la commodité de cette histoire.
« J... j'aurais préféré une c-chanson. »
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| Sujet: Re: Nuit folklorique [Manel] Mar 3 Jan 2017 - 12:41 | |
| Qu'attendait-il de cet entretien ? Un antidote à son malheur ? Des réponses pour penser ? En face de lui, le vieil homme répétait la question en bégayant. Manel, les bras croisés le dos droit, le menton bas croisa de temps en temps le regard des gens qui s'amusaient. Cette gaieté le déprimait. Son attention distraite se recentra sur la réponse de son interlocuteur. Au fond, sa réponse ne le surpris guère... La surprise vint alors que le vieillard se mit à pleurer. Une image qui donna envie au ménestrel de l'imiter. Ainsi l'âge n'était pas un remède. A moins que les larmes ne soient des larmes de souvenir lointain qu'il prenait plaisir à voir de nouveau. Curieusement, en l'écoutant, le jeune barde se demandait comment était le sage dans sa jeunesse. Son histoire perdait évidemment du charme dans sa façon de la réciter, mais elle n'en était pas moins belle. Un souvenir touchant. Le vieil homme qui d'apparence lui avait paru d'un coeur de pierre, et d'une raison imposante fut affecté. Les paumes de les mains sur l'herbe fraîche, Manel ne savait pas comment réagir. Il pensait trouver de quoi illuminer l'obscurité de son humeur, et il se voyait là, un homme en larme en face de lui. Les mains jouant avec les brindilles d'herbes, le regard fuyant effleurant parfois la beauté des étoiles dans le ciel, ou cherchant Lucile il ne fut pas capable de réagir en écoutant le bruit du dos de son interlocuteur heurter le sol. En le voyant, il se disait que l'esprit même le plus grand n'était pas un gage contre le chagrin. Une étrange sensation gagna le barde. Mordant sa lèvre inférieure, l'oeil observateur, il devait admettre une certaine honte d'avoir créée si grand malaise avec une question. Etait-il en train de rendre l'âme ? Non Non espérait le barde ! Que dirait-il dans ce cas là ? " Il est mort en répondant à la question suivante : Avez vous connu une peine d'amour ? " Hésitant à s'approcher, il se contenta de siffloter de temps en temps. Il remarqua qu'il respirait, ç'a le rassurait bien sûr, et encore plus quand il ouvrit les yeux. Avec moi il y avait d'autres personnes inquiètes. Une odeur curieuse molestait les narines et le gênait mais par politesse, il préférait garder le silence. Hors de question de blesser l'orgueil d'un homme. Il réclama une chanson. Une demande qui fit se figer sur Manel de nombreux regards qui disaient: Tu l'as maltraité ! Alors excuse-toi en chantant ! Certains avec humour d'autres un peu moins. Un sourire forcé; le jeune rossignol ramassa son instrument de musique qu'il fixa longuement. Le ménestrel soupira, et pinça une corde, puis un autre qui s'envolait dans l'air avec mélancolie... " Là, Là, Là... Le temps m'assassine, Là, Là, Là... Devant lui je courbe l'échine, Là, Là, Là... Que je sois noble ou valet, Là, Là, Là... Le temps se rit de moi. Là, Là, Là... Malheur à celui qui croit, Là, Là, Là... Que la couleur de son sang, Là, Là, Là... Que la puissance de son rang, Là, Là, Là... Puisse lui donner la vie éternelle, Là, Là, Là... Car la fin arrive toujours aussi belle, Là, Là, Là... Et viendra venger ma tristesse, " La voix du rossignol était belle. Mais n'envoyait qu'un air de déprime. Le son de son luth sombre semblait aussi verser quelques larmes. Le regard vers le ciel, il avait exaucé le voeux de Romey. Evidemment, il devait s'attendre à des mots un peu plus joviales, mais il ne posséder plus cela dans le coeur. Et puis peut-être il y avait-t-il dans ce chant un léger air taquin et moqueur récitait de manière involontaire. Le luth dans la main, le silence imposé par le triste message lui valut certains commentaires désobligeants pour ceux y voyants une moquerie envers l'intellectuel. Manel s'en défendit par des réponses confuses. -" N'y voyait rien d'offensant, je vous en prie ! Il s'agit simplement d'une ode à la puissance du temps. Et la tristesse qu'on à en comprenant notre impuissance. Monsieur, comment allez-vous ? Mon intention n'était pas de vous causer une telle douleur." S'excusa-t-il en posa un genou au sol pour être à la hauteur du souffrant. |
| | | Romey le Bègue
Humain
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| Sujet: Re: Nuit folklorique [Manel] Mer 18 Jan 2017 - 16:11 | |
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Le garçon se met à chanter, et il chante drôlement bien. Je reste assis, immobile, à prier pour ne pas faire une seconde syncope pendant que le jeune barde entonne le chant, et je hoche la tête en l'accompagnant de temps à autre sur un « là, là, là ». Mes larmes séchées, et quoiqu'encore incommodé par l'odeur de pisse qui reflue de sous mes vêtements souillés, je me fais peu à peu guilleret. C'est la fête ! Captivé par la beauté de la mélodie, je ne prête pas une attention immédiate aux paroles, mais je ne tarde pas à comprendre que le choix de cette chanson-ci n'est pas dû au hasard. Le gamin s'en explique peu après, et me dit que cette chanson évoque la tristesse quand on découvre notre impuissance ; je me demande si l'impuissance dont il parle est bien la même que celle à laquelle je pense. « Oh, r-r-rassurez-vous m... mon garçon, vous n'y êtes p-pour rien. L'imp-puissance, je connais : ça fait d... des années que ça ne répond plus, en bas. Et q-quand je dis en b-bas, je ne parle p-pas de mes jambes : je sais encore à peu p-près bien marcher. »J'essuie mon nez imbibé de morve d'un revers de manche avec un bruyant reniflement, et essuie mes souillures dans ma barbe graisseuse infestée de puces. « Et v... vous avez bien dû connaître q... quelque chag-grin d'amour pour en venir à c-chanter des c-chants si mémélancoliques. Ou agir en b-bourreaux des c-coeurs ! Un b-beau jeune homme comme v-vous. Kof! Kof! Y'a-t-il une f-femme pour q-qui vous donneriez t-tout ? »J'en viens à me demander si ma dernière question est pertinente ; si le garçon ne possède rien, il ne lui est pas difficile de tout donner. Cela dit, ce gaillard-là ne sort pas du trou de balle du monde ; il a affirmé être à la cour de la baronne de Hautval, Blanche d'Ancenis, personnalité sulfureuse en rébellion ouverte contre le trône. Je ne vais pas me lancer dans un débat politique avec un artiste, mais celui-là doit être bien nourri, et ne manque sûrement pas d'amis puissants. Peut-être même est-il un espion ; les bardes qui voyagent de cour en cour font d'excellents informateurs. J'en prends note et, si la bonne fortune me permet de ne pas perdre la mémoire d'ici-là, je tâcherai de m'en souvenir si j'aperçois un jour sa petite tête juvénile au palais de Soltariel. - Spoiler:
Désolé pour l'attente
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| | | Invité Invité
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| Sujet: Re: Nuit folklorique [Manel] Ven 3 Fév 2017 - 18:14 | |
| Voyant qu'il reprenait ses esprits, Manel poussa un soupir de soulagement en passa sa main sur son front comme pour y ôter l'inquiétude et la peur de l'instant. Puis, malgré l'odeur et le reste, le barde se mit à rire lorsque le vieil homme répliqua à sa chanson. -" Votre esprit, cependant est toujours aussi vif et galopin. " Répondit-il en se relevant lentement en arrangeant les manches de sa veste, et en reportant sa viole dans son dos cherchant du regard Lucile, sa partenaire. Où était-elle ? Il vit qu'elle s'amusait plus loin et décida de la laisser. De plus, son regard se reporta sur l'intellectuel qui après le trait d'humour l'interrogea plus sérieusement. Et la mine jovial du barde se changea en un masque mélancolique, et triste.
En effet, cette question agita dans sa cervelle et son coeur la rencontre avec la fleur de Velmone. Et le stigmate douloureux en apprenant sa disparition ne cessait de remuer une profonde peine. Plus encore en y pensant. Attrapant sa coiffe il la vissa sur sa tête comme s'il cherchait à masquer son trouble. Ce vieux avait vraiment une mauvaise diction, se disait-il, mais une précision mortelle dans le contenu de ses palabres. Son interlocuteur avait aussi cette étrange contradiction de parlait de si belles choses avec une allure si mauvaise, là encore, il était en train d'essuyer la morve. Le jeune homme baissa son regard pour le planter dans celui de Romey, autour de lui, rien ne semblait n'avoir d'importance. Il n'entendait plus rien. La question l'avait sonné. -" Cette femme existait... Et dans mes songes elle restera à jamais." Débuta Manel, en attrapant sa gourde pour boire quelques gouttes d'eau et rafraîchir sa bouche. C'était curieux, il ne connaissait pas cet homme, néanmoins, il inspirait confiance. Peut-être que son âge avancé faisait que le barde le voyait comme inoffensif et que faire quelques confession ne lui coûterait rien.
De sa poche, il sortit un parchemin sur lequel le saltimbanque avait croqué jadis, le portrait de sa muse. Une nouvelle fois, il planta un genou au sol et montra le dessin représentant la belle dame d'Anoszia, Azénor. Sans doute, ne la connaissait-il même pas. Bref, montrant le portrait au vieil homme il poursuivit d'une voix mielleuse tinté d'un air chagriné. -" Lorsque je l'ai vu, j'ai su, puis, intimidé par son charme, et son rang qui m'excluait toute approche, je demanda à l'étoile si elle voulait, ma muse devenir. Comme je fus heureux quand elle répondit avec bienveillance l'honneur qu'elle y voyait, et qu'elle consentait à l'être. Je crois que mon coeur se leva, et jamais je ne vis un si doux moment." Une larme perla sur sa joue, brillante et belle...
-" Et depuis peu, j'ai appris sa disparition, causé me dit-on par un empoisonnement...Je crains désormais être incapable d'en aimer une autre." Concluait-il en soupirant de peine. Qui sait, son interlocuteur serait peut-être capable de trouver des mots justes pour le rassurer.
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