Trancher le noeud gordien

Automne - 5e jour de la 4e ennéade de Barkios
9e année du XIe Cycle
Temple de Langehack

Le temple de Langehack avait une acoustique toute particulière. Bien moins parfaite que St Deina, elle n'en avait pas moins sas spécificité propre, ce je ne sait quoi qui rend un lieu unique. Mais pour l'heure Cécilie n'y était qu'à moitié attentive. Assise sur l'un des bancs tournés vers le cœur, elle attendait que la Grande prêtresse qu'on était allé quérir veuille bien faire son apparition... Et cela fut étrangement long.

« Bonjour ma Mère.
- Alors c'est vous... J'ai reçu la lettre du Père Désiré, chapelain de la cour de Missède hier soir. Alors comme ça votre mari vous répudie ? Racontez-moi. »

La voix rêche et austère de la Prêtresse fit frisonner la jeune femme mais le mensonge éhonté qui venait de passer ses lèvres était comme un baume sur ses plaies. Avant de partir la rivegeoise avait discrètement demandé au Père Désiré que soit stipulé que son mari l'avait répudié et non l'inverse. Certes, les rumeurs ne manqueraient pas de courir dans un sens comme dans l'autre. Adultère. Malfaçon. Répudiation... Mais ainsi elles seraient limités à ce à quoi tout noble devait savoir gérer : des mots semés au vent sans preuve ni fondement. Et dans ce cas présent, vu le nombre de raisons qui pouvaient justifier la rupture de ce simulacre de mariage, ce « détail » ajouté par ces soins paraîtrait sûrement plus criant de vérité que la vérité elle même à nombre de messieurs importants.

« Il y a eu plusieurs malfaçon autour des préparatifs de ce mariage. Malfaçons pour lesquelles mon père a été obligé d'abdiquer. Mon mari a fini par en avoir vent et je ne veux pas d'un mariage partant sur de telles bases.
- On m'a aussi dit qu'il y avait une histoire de succession... » demanda la prêtresse a l'accent de plus en plus accusateur.

Cécilie déglutit. Cette femme avait le don de mettre les gens mal à l'aise...

« Mon jeune frère héritera de nos terres si je ne mets pas un terme à cette mascarade. Il a à peine seize ans.
- Je vois... Et pourquoi ce mariage n'a-t-il pas été consommé ?
- Parce que mon époux était en période de deuil. Puis nous avons beaucoup voyagé et quand nous sommes enfin arrivé sur Nelen, j'ai été très vite rappelée sur ma terre natale.
- Et il n'y a pas un soir ou il a tenté de partager votre couche ?
- Il a perdu son frère le jour même de notre mariage...
- Je vois... Donc vous ne l'avez pas non plus incité a faire son devoir.
- Non... Je dois avouer que je n'en avais pas plus envie que lui.
- Je vois... »

Un silence lourd se prolongea dans la salle.

« Suivez-moi. » dit sèchement la voix autoritaire.

Rose se levait déjà pour aider son amie à se déplacer mais un geste l'arrêta.

« Non. Juste vous, ma Dame. »

Le reste de l'entretient fut au moins aussi austère et désagréable que le début, mais puisqu'il fallait en passer par là...

Plus tard, en bas des marche, le temple dans le dos, Cécilie emplie ses poumons d'air.

Le mariage était délié.

Alors c'était ça la liberté...