Arnoul de Stern
Humain
Nombre de messages : 105 Âge : 28 Date d'inscription : 19/02/2016
Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : 84 ans Taille : Niveau Magique :
| Sujet: La vraie mort de Roderik Ven 4 Aoû 2017 - 10:01 | |
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Dans le grand hall de son château, chauffé par les immenses braseros qui parcouraient la salle centrale, et par une grande peau d’ours recouvrant son frêle corps, le seigneur de Stern s’ennuyait ferme. L’hiver avait quelque chose de déprimant. En cette période, tout semblait déjà fonctionner au ralenti dans sa jeunesse, et c’était pire encore maintenant qu’il avait dépassé les quatre-vingt-cinq ans. Il regardait d’un air neutre le spectacle abject se déroulant devant lui. Un aigrefin aux traits patibulaires s’était joué du héraut en prétendant être un artiste faisant du luth. Or, ses talents étaient médiocres, et sa prestation ridicule. Au bout d’un moment, Arnoul en eut marre, et sortit un bras de son imposante peau d’ours, pour aller chercher un os de poulet sur le plat en argent dont il s’était servi pour manger. Il le jeta sur l’escroc d’un geste rageur, l’atteignant à la tempe.
« Allez, hors de ma vue imbécile, avant que je ne te tranche les doigts ! Tout ce que tu sais amuser, c’est les pendus ! »
L’homme au luth voulut répliquer, mais devant les regards peu affables que lui lançaient les chevaliers présents sur les côtés de la salle et sur les longues tables, il se ravisa, fit une courbette peu élégante, et s’en alla sans demander son reste. Arnoul soupira, et s’emmitoufla à nouveau dans sa fourrure bien chaude. Il fit signe à Wilfred Log, qui déclama d’un ton solennel :
« Suivant ! »
Une troupe de véritables artistes débarqua cette fois. Manque de bol, il s’agissait d’une bande de mimes. Par les dieux, ce qu’il pouvait détester les mimes… Arnoul soupira, roulant des yeux, et bougonnant entre ses mâchoires quelques injures dont lui seul avait le secret. Il se renfrogna, et Wilfred Log le vit. Un petit sourire amusé apparut sur son visage. Lui non plus n’aimait pas les mimes.
Mais alors que le spectacle semblait sur le point de commencer, le héraut, qui semblait avoir abandonné son traditionnel bâton pour pouvoir courir plus vite, apparut dans la salle, bouscula les mimes, qui en profitèrent pour faire des pitreries, et arriva ensuite devant le seigneur de Stern, fébrile, une lettre à la main. Arnoul fronça les sourcils en le regardant.
« Bérenger ? »
Le héraut tendit le vélin.
« Une lettre d’Arétria-la-Ville, monseigneur… Le sceau est en cire noire... »
En vérité, la couleur était d’un brun rougeâtre. Mais plus sombre que la cire classique, elle était considérée comme noire. Arnoul savait ce que cela voulait dire. Restait à savoir, cependant, qui avait été emporté par l’hiver…
Il attrapa la lettre, dont il brisa le sceau. Toute la salle était à présent tournée vers le vieil homme, dont les mimes ne pourraient espérer égaler l’audience et l’attention portée à son égard. Un homme, ou une femme, étaient morts. Et à la lecture du vélin les yeux d’Arnoul se durcirent. Un silence pesant régna sur le grand hall, où les pitreries énervantes des artistes de bas étage n’amusaient plus personne. Quelque chose de grave s’était produit. Le visage d’Arnoul n’aurait su mentir. Le vieillard soupira, et jeta le vélin sur le côté. Nombreux furent ceux qui auraient voulu accourir vers le petit morceau de parchemin pour le lire, mais ç’aurait été inconvenant. Arnoul se décida à se relever, laissant la peau d’ours tomber à ses pieds. Il regarda la salle de son regard vieux et désabusé.
« Le Comte est mort. »
Un long murmure parcourut d’abord la salle, tel un serpent voyageant entre les rocailles. Puis ce murmure devint de plus en plus fort, à mesure que tous se mettaient à parler, à s’énerver, ou à exprimer leur colère. En effet, beaucoup pensaient que le défunt Roderik avait bien pu tomber dans une machination des Suderons, perfides à la peau brune et aux mœurs sodomites. Et il fallut qu’Arnoul lève les bras pour que le silence revienne peu à peu. Tous voulaient entendre ce qu’avait à dire le seigneur. Ce dernier baissa les bras, et dit alors ces mots.
« Berholt, rédigez un courrier pour la Comtesse Iselda. Arnoul de Stern lui présente ses plus sincères condoléances. Sir Jorgen Bauer, vous accompagnerez le porteur du message jusqu’en la ville d’Arétria, et en profiterez pour prendre la température sur place. Je veux savoir quelle est l’humeur des nobles, alors que le Comte a disparu. »
Les Comtes de l’Arétan étaient bel et bien maudits. Et dès lors que Karl n'était qu'un nourrisson, et qu'Iselda restait une femme, c’était dans ce genre de situation que les problèmes vassaliques commençaient, et il fallait à tout prix savoir de quoi il en retournait dans la capitale. Il jura intérieurement…
Arnaud se leva.
« Grand-père… Comment va-t-on arranger les noces avec Dame Aliénor ? »
Arnoul soupira. Roderik mort, il faudrait l’accord d’un autre mâle de Wenden. Or, il n’y en avait point. Il fallait s’y prendre autrement.
« Berholt, tu feras rédiger un courrier similaire, mais pour la sœur du défunt Comte. Et ce sera toi, Arnaud, qui ira lui porter. Prends Musardt de Krald avec toi, et Almun de Helver. »
Arnaud, pris de court, ne pipa mot. Puis, il hocha la tête lentement, et se rassit à la table.
Arnoul soupira une nouvelle fois, se rasseyant dans son siège. Il ordonna aux mimes de dégager, et demande à sir Gothor de tirer l’épée s’il le fallait. Une fois les truculents artistes mis hors du grand hall, il se frotta la barbe, pensif. Avec la mort de Roderik en plein hiver, il n’y aurait aucune action militaire de la part de ses vassaux les plus ambitieux. Mais une fois aux portes de l’automne, les rouages du jeu de pouvoir se remettraient en marche. Et il devait savoir dans quel camp il se trouverait lorsque le dégel opérerait...
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