Une fin parmi d'autres

Karfias 9er énnéade, Jour 4

Les sabots martellaient la terre fragilisée par le givre, enveloppée d’une lourde cape doublée de fourrures, les yeux d’un bleu froid embrassaient les paysages qui s’offraient à elle. Un long soupire s’extirpa de ses lèvres sanguines alors qu’elle jetait un œil en direction de la diligence.

“ Votre Altesse, vous paraissez bien pensive. “

Blanche ne répondit pas. Au lieu de cela, elle talonna les flancs de sa monture afin d’accélérer le pas. Agacée ? Enervée ? Fatiguée ? Depuis quelques temps, elle n’était plus l’ombre que d’elle-même. Elle s’était murée dans son château alors que la guerre s’était préparée. Evidemment, elle avait fait le nécessaire quant à l’organisation des frontières afin d’éviter d’être envahie et ce malgré la neige. Elle avait remercié d’ailleurs les Dieux que l’hiver se prolonge ainsi. Etrangement, c’était un mal pour un bien. Elle avait suivi de loin les agissements de celui qu’elle croyait être son ami « Niklaus » et Blanche avait statué qu’il avait simplement tenté de sauver vulgairement son cul. Elle avait observé les agissements de son voisin l’éracien qui ne furent pas sans grandes surprises. Elle aurait aimé revoir Roderik mais celui-ci était devenu aussi muet qu’elle. Bref le constat était alarmant mais elle ne perdait pas espoir. Sa relation avait Cléophas n’avait pas toujours été mauvaise. Ce sont les circonstances qui les avaient là où ils sont maintenant, ni plus, ni moins.
Voyant que Blanche s’était détachée du groupe et s’était même isolée, Odeline vint la rattraper.

“ Par les Cinq, pourrait-on avoir une quelconque interaction ? Cela fait des ennéades que tu parles seulement du nécessaire et je commence réellement à perdre patience…”
“ Il n’y a rien à dire Odeline… Rien…”
“Alors pourquoi tu es comme ça ? Je t’ai connue beaucoup plus vivante… Beaucoup plus, enfin tu sais… C’est depuis qu’il est là”
“Cela n’a rien avoir… Rien… Je ne vis que pour l’avenir de mes enfants, le mien est désormais mort.”
“Blanche…”
“Votre Excellence, Odeline, votre Excellence.”
“Pardonnez moi…”
“Soit poursuivons. J’aperçois les bannières.”

Sous les regards peut-être hostiles, ils arrivèrent à la demeure du Prince de Merval. On leur donna une chambre et Blanche veilla à pouvoir avoir des appartements jouxtant ceux de ses filles qui étaient sous bonne garde. Il ne restait plus qu’à attendre que l’Angleroy daigne les recevoir.

Assise face à une fenêtre, la Dame du Val demeurait pensive. Une infinie tristesse marquait ses trait. Quelques larmes vinrent à perler aux coins de ses yeux, ruisselant bientôt le long de ses joues. Une voix sensuelle la tira bientôt de ses pensées.


“Je vois que la colère domine ce frêle petit corps, petite fleur.”
“ Ce n’est pas le moment.”
“ Ca l’est toujours. N’oublie pas que c’est moi qui dicte les règles.”

Elle ne répondit pas.

“ Bien. Tu sais, les mauvais choix ne mènent toujours pas à un cul de sac et parfois se ranger vers la majorité n’est pas forcément un aveu de faiblesse.”

Les sourcils de Blanche se froncèrent. Pour la première fois, l’hybride paraissait avoir un comportement normal et semblait être agréable. Elle le regarda avec incompréhension tandis qu’il s’approcha. Une main se posa contre son épaule, l’autre, mouchoir à la main, se tendant pour venir éponger ses larmes. Le silence régna, tendue comme un arc, redoutant un quelconque retour de bâton mais rien.

“Je… Vous… Oui…”
“ Par contre est ce que ce pesteux pourrait se magnier l’arrière-train.”
“ Rien ne vous empêche de vaquer à vos occupations.”
“ Malheureusement, j’ai un rôle à tenir avec cette apparence…”
“ Alors faites en sorte d’être immersif… comme vous savez si bien le faire.”
“ Hm tu as raison…”