Au détour d'un sombre voyage | Eno, Artion

Printemps - 5e jour de la première ennéade de Barkios
10e année XIe Cycle

Après plusieurs jours de voyages, Linandil, Gheniël et Enoriel remontèrent la piste crée pour évacuer les gravas d'Eraison vers Enolir pour déboucher sur... une plaine. De la cité il ne restait plus qu'une plaine de terre battue sur laquelle Anaëh reprenait déjà se droits, l'herbe et les bosquets préparant le terrain pour accueillir les futures générations d'arbres. Au plus à l'Ouest de cette crevasse dans la canopée s'élevaient un espace faussement sauvage ou s'élevaient de jeunes chênes  semblant avoir cinq ou six ans d'existence. Linandil eut quelques mots de recommandations à l'intention des hommes, des femmes et des enfants qui dormaient paisiblement entre les racines de ce cimetière vivant.

La terre, imbibée d'eau par les pluies printanières collaient aux semelles et fatiguaient autant que la bruine sciait les nerfs de ceux qui n'en avaient pas l'habitude. L'odeur grasse et humide se mêlait aux fleurs et à la sève. Loin des murs de pierre blanche qui se dressaient là quelques années auparavant, un campement bien établit avait tout de même trouvé sa place dans le décors, bordant l'emplacement du Sancuaire disparu. L'Arbre maître du sanctuaire de l'ancienne cité avait été scié et brulé par les drows mais, comme une métaphore, ils n'avaient pas touché à ses racines et les prêtres de Kÿria s'affairaient depuis lors à le faire renaitre de ses cendres.

Les voyageurs furent accueillir tout la plus grande tente sans même avoir frapper. Vu de l'intérieur la toile tressée qui servait de toit à l'immense espace de vie était portée par deux arbres s'étant pencher l'un vers l'autre dans un curieux phénomène leur permettant de servir de tréteaux. Une bonne flambée brulait au centre de l'endroit, sous un trou discret qui laissait s'échapper une fumée lente. Les travailleurs affairés à finir de rassembler les grava, à s'occuper des sépultures, de la réimplantation de la flore ou à pourvoir aux besoins des habitants du camp déambulaient avec énergie, saluant au passage les voyageurs du jour. Beaucoup portaient des symboles religieux, que leur tenue trahisse le fait qu'ils soient prêtre ou simple croyant émérites.

Un peu à l'écart du feu central, un vieil homme silencieux aux cheveux blancs, au port haltier et au visage sévère gesticulait de la main droite tandis que la gauche était posé sur le crâne d'un jeune homme à peine adulte. Le visage de Linandil s'éclaira instantanément en l'apercevant.

- Bien ! Le reste de notre groupe est déjà là.

Gheniël le regarda pesamment avant de se laisser aller à un soupire désabusé. Le voyage depuis le lac avait été des plus mornes à cause de la simple présence de l'Aigle.

- Bien. Je vais pouvoir rentrer.
- Tu ne viens même pas les saluer ?
- Inutile. Vos décisions folles ne sont pas les miennes. J'ai rempli ma mission.
- Dans ce cas je te souhaite bon vent et bonheur.

Rien ne semblait jamais pouvoir démonter l'air supérieur et assuré de Linandil. Si a certain moment cet orgueil naturel se changeait en quelque chose de tout à fait paternel, la plupart du temps, sa bienveillance restait enfouie derrière son masque ravagé de cicatrices. Au lieu d'être échaudé par le comportement de l'Aigle, il se fendit d'une grandiloquente révérence devant Enoriel pour lui proposer de prendre son bras. Chacun de ses mouvement était ampli de grâce et de précision. Une danse aussi perpétuelle que naturelle.

- Suivez-moi Heri. Je vais vous présenter. " lui sourit-il quelques secondes avant de pouvoir en appeler au mage qui venait de finir son étrange besogne. " Hola! Heru Eorim !
- Linandil ! Nous nous demandions combien de temps vous alliez encore mettre.
- Vous attendez depuis longtemps ?
- Non non. Riëdan et moi sommes arrivés hier soir.
- Je suis encore pardonnable alors. Je vous présente Heri Enoriel. Elle a accepté de nous prêter son savoir-faire le temps de notre mission. Heri, Heru Eorim, expert en mysticisme. Il ne vous égale pas mais il devrait pouvoir nous protéger des intrusions magiques.
- Enchanté Heri.

- Ça va faire plusieurs jours qu’on voyage à grande vitesse. Les montures commencent à s’épuiser, il nous faut penser à prendre une pause plus longue.

Si Emdiril le faisait remarquer, elle qui était connue pour être très avare de mots, c’est que la situation était bien plus critiques que son visage qui resterait paisible tant qu’elle serait aux côtés de son compagnon animal ne le laisserait penser. Voilà plusieurs jours que les félins couraient, plusieurs jours qu’ils avaient d’eux-mêmes réduit leur temps de chasse à un grand minimum, et parfois même chassé avec leurs cavaliers sur le dos, profitant d’avoir aperçu quelque maigre proie dans la direction générale du convoi. Voilà plusieurs jours que personne n’avait que très peu dormi, et tout cela à cause des appréhensions bouillonnant dans les cœurs des trois voyageurs. Qu’arriverait-il s’ils fonçaient dans un piège comme celui de la bataille d’Uraal ? Qu’arriverait-il ensuite si ce n’en était pas un ? Les Drows étaient-ils capables de réellement faire des promesses valables ? Et si vous profitiez des accords, et que vous étiez finalement ceux qui le briseraient… prouveriez-vous que vous ne valiez pas mieux que les basses engeances que sont ces créatures de folie ?












- Eraïson est proche, avec un peu de chance Artiön devrait nous y rejoindre.
- Tu penses que le Mainyth a reçu la missive ?
- Je fais confiance à Aewen pour le retrouver. Au vu du nombre de lettres que son faucon a pu lui faire parvenir, je parierais ma vie que leurs cervelles d’oiseau sont connectées par une quelconque forme de lien spirituel.

Le soir tombait sur Eraïson alors que les pieds du trio en foulaient enfin le sol moite, les Caëngal marchant calmement à leurs côtés, profitant d’un repos inespéré avant que ne sonne l’heure d’une véritable chasse.
Ce sont ainsi les immenses félins qui les accompagnaient plus qu’une arrivée chaleureuse qui firent remarquer l’arrivée des Daranovans dans le campement du Sanctuaire. Ni Maltlin, ni Emdiril, ni Tegilbor, à moitié pour pouvoir rester auprès d’animaux ne pouvant s’y enfoncer bien loin, à moitié par volonté de se concentrer sur l’observation de l’extérieur plus que sur les inévitables inutiles jeux de socialisation qui les attendaient à l’intérieur, ne quittèrent les bordures des tentures. L’attente se ferait sans mots, dans un repos partiel, à se laisser aller à la fatigue tant que la faim ne prenait pas le relai.

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Le son explosif d’un fouet que l’on claque violemment retentit dans l’espace. Quelques visages se tournèrent, surpris, pour ne trouver là qu’un grand elfe de belle carrure, le regard grossi par la surprise, et la joue comme marquée au fer rouge.

- Imbécile ! Parce que tu comptais vraiment traverser la moitié de l’Anaëh seul pour aller discuter avec les Sombres peut-être ? Je te signale que tu as une famille, des amis et une fiancée qui se tuent depuis plusieurs ennéades à te préparer une cérémonie de mariage digne de ce nom, alors la prochaine fois qu’il te prend l’idée d’envoyer ta vie en l’air, tu pourrais au moins prévenir.

La seconde main de l’élémentaliste s’abat sur ta deuxième joue, en conclusion là où la première avait servi d’introduction… qu’est-ce que Maltlin avait pu te manquer.

- Ça fait du bien de te revoir Artiön.

La discussion distinguée fut brisée par le bruit violent d'une tarte allègrement assénée dans les gencives d'un camarade.

- Imbécile ! Parce que tu comptais vraiment traverser la moitié de l’Anaëh seul pour aller discuter avec les Sombres peut-être ?

Linandil fronça les sourcils sans savoir si c'était la phrase qui lui était parvenue ou la mine chiffonnée de son vis à vis qui lui avait fait faire cette grimace. Il avait bien entendu ? Il n'était pas fou. Enfin... Pas dans ce sens là.

Un regard appuyé à Eorim, un autre à Enoriel, et il tournait les talons dans une tempête de cape de voyage. Il ne pouvait laisser passer une telle chance ! Au mieux c'était une chance de grossir leurs rangs, au pire une chance de passé pour un crétin fouineur. Dans les deux cas, il se devait de la saisir. En quelques pas, sous les yeux des curieux, il s'était approché suffisamment des deux énergumènes pour pouvoir les interpelés sans donner l'impression d'une injonction publique.

- Veuillez m'excuser. Je n'ai pu m'empêcher d'entendre votre discrète conversation. Vous ne seriez pas en route vers les berges de l'Oliya pas hasard ? " Puis, devançant l'air suspicieux des deux hommes il ajouta en faisant un geste sans se douter que le visage d'Enoriel était peut-être moins inconnu qu'il ne le pensait. " Moi et mes compagnons nous y rendons justement."

Tu soupires, prend Maltlin dans tes bras malgré l’affront et échange une fraternelle étreinte avec l’élémentaliste. Non, tu ne te mentais pas à toi-même en te disant qu’il t’avait manqué. Il s’était fait un sang d’encre pour toi, voilà tout. À toi qui connaissais le personnage, ces démonstrations exagérées de sa rigidité n’étaient que des preuves d’affection. Douloureuses il est vrai, mais en ce qui te concernait, pas moins valides.

- Et bien c’est gagné pour la discrétion de notre mission.
- Il n’y a bien qu’aux yeux du Trône Blanc qu’elle est secrète.
- Et tu n’as pas peur que l’information leur revienne ?
- Au vu des événements récents, je ferais confiance aux Cités d’Ardamir pour rester discrètes.
- Et bien nous ne devrions pas avoir de prob… ce n’est pas ton amie là-bas Artiön ?

Tes yeux s’ouvrent grand, non seulement à la vue d’Enoriel, mais aussi à celle d’Eorim, approchant dans votre direction. Il ne devrait pas y avoir grande surprise à trouver le père d’Halyalindë en ces lieux, puisque lui se trouvait toujours sur les terres de son Protectorat, mais l’Anaëh était grande, alors te retrouver encore une fois face à Enoriel ? N’était-elle pas sensée suivre une étude sur les berges de l’Uraal ? À moins alors que les avancées aient été plus rapides que prévu et qu’elle ait pu se dégager… ou que quelque souci ait forcé le groupe à éclater.
Tes yeux s’ouvrent grand et tes sourcils se soulèvent de plus belle lorsque celui qui semble avoir pris les commandes de leur groupe vous confie se diriger dans le même sens que vous. Et finalement, ce n’est pas plus de savoir un ancien de l’acabit d’Eorim se diriger vers les Drows que de constater qu’Enoriel semblait faire une véritable cure de prise de risque qui t’aura dérangé dans cette entreprise.

- Artiön ; Maltlin ; Emdiril ; Tegilbor

Présentations et salutations sommaires des soldats de Daranovar, comme il en était coutume dans les camps, lorsque personne n’avait le temps de plus s’étendre en conviveries.

- Maltlin et moi nous dirigions aussi vers Iranion, effectivement. Emdiril et Tegilbor n’étaient chargés que de l’accompagner au point de rendez-vous. car le but était de ne présenter que le minimum d’elfes au potentiel danger que représentait ce rendez-vous Artiön et moi avons l’habitude de travailler ensemble, alors quitte à ce qu’un duo prenne des risques, Daenor a préféré que ce soit un qui a prouvé être capable de se sortir de situations difficiles.

Et ce que Maltlin cherchait à dire en cela, c’était qu’il préférait ne s’encombrer de personne de plus.

- Ecoutez, on ne sait pas ce qu’il pourra bien se passer là-bas. Tout ce qu’on sait, c’est que l’on a de grandes chances d’y rester. Ton regard emprunte la glaciale sévérité de ton expression militaire Et dans ces cas-là il est de notre devoir de faire tout notre possible pour protéger les civils. Et dans notre cas ça veut dire vous dissuader d’envoyer vos vies en l’air avec nous.

Eorim avait pris quelques pas de retard, le temps de faire un signe à quelqu'un qui se trouvait visiblement dans un angle mort. Une femme. Petite. Trapue. Étrangement voluptueuse pour une elfe. Le complexe arrangement de ses cheveux blancs cachaient ses oreilles, tendaient à mettre le doute sur de mortelles ascendances. A son côté, une épée courte, un espadon et à son bras gauche une targe de bon acier. Après tout peut-être était-ce simplement l'épaisseur de son armure de plate et de mailles qui la gonflait ainsi...? Difficile à dire.

Elle avait naturellement pris le bras du vieillard qui ne cherchait pas à cacher le soulagement que lui procurait le soutient d'une épaule secourable. Pourtant, lorsqu'il approcha suffisamment pour présenter celle avec qui il avait fait le voyage, son visage se chiffonna d'un coup. Il pris un pas d'avance et passa la sacrosainte limite de l'espace personnel du militaire qui leur avait donné un rude coup de main lorsque les Lam'Nir avaient fait parlé d'eux.  

-Nous allons remettre immédiatement les choses au clair, jeune homme.

Sans se soucier des regards surpris et des protestations, il attrapa le lobe du grand échalas pour le faire descendra à sa hauteur. Hauteur tout à fait honorable pour un elfe au demeurant.

- Je suis membre du Conseil d'Ardamir et je représenterai deux protectorats devant la vermine que nous allons voir. Ma femme est morte à Ellyrion et ma fille en est passé bien trop près à mon goût à Eraison. Alors traite moi encore comme un civile à protéger et tu oublieras comment mâcher une salade.

Il relâcha l'oreille qu'il avait prit en otage comme on relâche un élastique et se planta les mains sur les hanches, dressé de toute sa hauteur voutée par l'âge qui lui pesait sur les épaules.

-Vous n'avez pas pris en compte qu'en restant à proximité de vous pendant assez longtemps sans protection magique, un mage assez talentueux pourrait extirper de votre mémoire une grande partie des points faibles et des points forts de nos formations armées et de nos procédures de défenses ? Si c'est ça l'armée alors peut-être devriez-vous laisser faire les civiles. renifla encore le vieillard.
-Eorim...

Le grand elfe filiforme leva une main pour intimer le silence à son compagnon pour planter ses yeux d'un bleu glacier dans ceux d'Artion et de nul autre cette fois-ci.

-Ce n'est pas aux jeunes de se sacrifier pour les vieux." sourit-il en faisant nettement référence à l'état de son corps plus qu'à la différence d'âge plus qu'incertaine qui pouvait exister entre lui et son vis à vis. La plus grande différence entre eux, c'était que le daranovan avait sa vie devant, non derrière lui. " Militaire ou non, il est hors de question que je laisse un membre de ma famille mourir dans cette expédition. Alors si j'ai été assez clair, peut-être pourrions nous profité de notre présence mutuelle au lieu de nous inquiéter les uns pour les autres ? "

L’œil clair du vieil homme s'était radoucit de beaucoup mais son air sérieux ne souffrait aucune contradiction. La volonté des vieux mages qui avaient eu à supporter le caractère non moins trempé d'une épouse Noss. Linandil, de son côté, se racla discrètement la gorge.

- Et bien... Heru Eorim Yasairava, mage Mysticiste. La belle dame à ma droite se nomme Riëdan, une garde du corps émérite. Et il semble que vous connaissiez déjà Enoriel...

Il était dur de constater de ses propres yeux ce qu'était devenu le protectorat d'Eraïson. En entendre parler peinait le coeur mais le voir soi-même, marcher au milieu de cette plaine décidément trop grande à mon goût était tout à fait autre chose. Parce que je savais que sous mes pieds se trouvaient des centaines voire même des milliers d'elfes, adultes comme enfants, morts dans une guerre qu'ils n'avaient probablement jamais souhaitée. J'aurais pu marcher sur une épaisse couche de glace laissant apparaître les corps étendus que cela aurait certainement été la même chose : les larmes me montaient aux yeux et les risques de notre folle mission me heurtaient de plein fouet. Pour autant, fantôme silencieux qui glissait sur l'herbe adoucie par la rosée matinale, je ne disais rien. Je continuais, ne pouvant que m'imaginer l'état macabre des corps sans vie se trouvant dans ce cimetière vivant, la tête penchée vers la terre.


Au bout de plusieurs jours de marche nous arrivâmes dans un camp assez étrange composé de militaire et de civils que je n'eus aucunement le temps de détailler du regard. Linandil nous dirigea directement vers un mage ayant grand peine à porter le poids des âges sur ses épaules. Il faisait vieux, était ridé et semblait avoir du mal à pouvoir se déplacer sur de longues distances - pourtant il était bien parvenu jusqu'ici. Le chanteur fit de rapides présentations, aussi m'inclinais-je en guise de salut comme de respect.

"Enchantée, Heru."

J'allais continuer en rectifiant les paroles de Linandil quant au fait qu'Eorim devait être moins doué que moi lorsque le bruit d'une claque magistrale se fit entendre non loin. La voix qui se fit entendre juste derrière me dit quelque chose mais sans grande conviction. Le prêtre d'Arcamenel alla voir sans attendre d'être invité à la dispute, et c'est après un regard gêné envers le vieux mage et un timide haussement d'épaule que je suivais notre chef d'expédition, faisant comme à mon habitude attention à faire partie des derniers arrivés. Et quelle ne fut pas ma surprise de trouver là Artiön ! Ou plutôt, j'étais grandement surprise de le trouver là, partant pour une rencontre avec les Drows et ayant les yeux grands ouverts comme s'il venait de voir un fantôme apparaître devant lui... ou bien comme si la baigne qu'il avait prise l'avait bloqué sur cette drôle d'expression.

Cela ne dura pas, une conversation tendue commençant directement entre les daranovans et les ardamiris. Les premiers comptaient y aller seuls, les autres viendraient quand même. Je n'intervins tout d'abord pas, ne me sentant aucunement à l'aise sur un tel sujet. Artiön et Maltlin étaient des mages de guerre de métier, contrairement à moi... Même s'il était possible que j'ai des atouts que les daranovans ne possédaient pas, je n'étais clairement pas la plus à même de dire quoi que ce soit. Les dernières phrases d'Eorim me donnèrent cependant un peu de baume à l'esprit, et c'est grâce à lui que j'osais prendre la parole suite à Linandil.

"Nous nous connaissons oui... mais merci pour les présentations, Heru Linandil.
J'osais poser mes yeux bruns sur ceux clairs d'Artiön.
- Artiön, Heru Eorim a raison sur le fait qu'il vaut mieux que vous n'y alliez pas seuls. Pas que sacrifier les "vieux" soit la meilleure chose à faire mais... comment dire... déjà nous n'avons pas fait ce chemin pour rien, ensuite un mysticiste sera un atout non négligeable. Et d'un point de vue stratégique, si les Drows ont pu voir comment se comportent les armées d'Anaëh avec le front et Eraïson, il y aura peut-être des chances qu'e cas de situation de crise ils soient dérangés par un mélange de pensées militaire et civile. Enfin... c'est ce que je pense..."

Moi, assurée ? Non, pas spécialement. Même si je pensais ce que je disais. C'était surtout que la stratégie militaire n'était pas du tout mon domaine et que j'avais conscience de complètement pouvoir me tromper. Alors j'affichais un sourire aussi confiant que timide, espérant juste ne pas commencer cette mission en tant que boulet.

Satanés Ardamiris… incapables de se soumettre au moindre règlement qui ne soit pas directement dicté par le Lelyadin en personne. Et c’est qu’en plus, ils transgressaient avec flamboyance, parce qu’incapable de se contenter d’une longue tirade pour se justifier, comme l’auraient fait le commun des immortels, Eorim prit la suite de Maltlin dans ce qui semblait une croisade contre ton visage. Pourquoi s’être ainsi laissé faire ? Parce que pour ce que tu l’auras déjà vu faire, tu respectes profondément le vieil Eorim. Pourquoi ne pas avoir répondu à sa démonstration de force par la tienne et ne rien avoir rétorqué ? Parce que le passé t’a prouvé qu’un elfe décidé est souvent plus efficace encore qu’un elfe entraîné. S’ils y allaient sans hésitation, alors tout se passerait… aussi bien que les choses peuvent se passer.

Quant à Maltlin, son visage se sera adouci au même moment que le tien aura été parcouru par l’émotion. Ton meilleur ami sait les différents que tu as avec ce qu’il te reste de famille de sang, alors être ainsi adopté par ta future belle-famille. Voilà qui devrait te motiver à faire attention à toi et à survivre, si tu ne voulais pas que le mariage, et tout ce qu’il implique, tombe à l’eau. Le visage de Maltlin se sera adouci, mais cela reste avec une certaine appréhension qu’il aura accepté d’entendre l’argumentaire du Mysticiste. Vous étiez des militaires Daranovans, vous étiez entraînés avec plus de rigueur que presque n’importe quel autre corps armé, et vous n’étiez pas qu’entraînés au combat sous ses coutures les plus évidentes. On vous apprenait, en particulier vous les mages, qui étiez plus susceptibles d’un jour vous trouver capables d’en distinguer l’usage, de lutter contre les intrusions mémorielles et les jeux d’esprit. Vous ne seriez pas des cibles si faciles, même pour un mage accompli… mais il faut dire qu’une protection éthérée était toujours d’une bien plus grande sécurité que votre seule volonté.
Eorim avait sa place. La logique voudrait que Linandil, même s’il ne présentait pas plus de talent particulier que de se prouver un efficace décideur au sein du second groupe avait aussi sa place. Riëdan était probablement de tous celle dont la présence le rassurait le plus… mais il y avait Enoriel, et en tant que lui aussi élémentaliste maniant exactement les mêmes essences qu’elle, pour le peu qu’il savait d’elle, il s’en méfiait profondément.

- C’est absolument… débile comme logique la profonde sympathie de Maltlin a encore frappé que les Drows aient pu voir le comportement collectif des elfes en tant que corps armés ne leur permet absolument pas de présager de celui qu’ils auraient en tant qu’individus placés en situation similaire, et même si c’était le cas, le peu de présents de l’armée Daranovane lors du front et d’Ellyrion s’est plié aux tactiques des autres Protectorats, donc non, ils ne savent rien de notre mode de pensée. D’un point de vue stratégique, c’est justement ce genre de raisonnements, entre autres, qui font qu’il est dangereux d’avoir des civils présents lors d’une opération militaire.

Tu fronces les sourcils, pose un regard sévère sur ton compagnon d’armes. Au moins les autres comprendraient pourquoi seuls Cìryon et toi arriviez à le supporter en dehors du contexte déjà exagérément strict de la formation militaire des Hauts-Plateaux.

- Mais par chance, c’est officiellement en tant que civils que nous sommes partis pour Iranion, alors faisons joyeusement fi des protocoles et considérons votre motivation comme suffisante à vous qualifier pour une opération aussi dangereuse que celle-là. De toute façon, entre deux ou six morts, dans le fond, la différence n’est pas bien grande. Les yeux de l’élémentaliste se vrillent à la fois dans ceux d’Eorim et de Linandil, comme s’il fut un véritable caméléon Et je vous interdis de me toucher.

Tu roules des yeux, tandis que Tegilbor est presque au bord des larmes, se retenant d’éclater de rire, et qu’Emdiril reprend la parole.

- Tegilbor et moi pouvons vous laisser une de nos montures. Les Faïra sont très patients, le troisième ne devrait pas faire d’incartade tant qu’il est bien traité et qu’il a Vìrin et Alagos pour l’encadrer. Vous pourriez chevaucher à deux par monture et faire le trajet plus vite… et puis si les choses tournent mal, vous échapper plus facilement. Qu’est-ce que vous en dites, l’un d’entre vous se sent de prendre les rênes ?

- N'ayez crainte. sourit Eorim, tout à fait imperméable aux envolées grincheuses du Daranovan. Il avait assez eu affaire à de vieux mages dans son apprentissage pour supporter se genre de caractère à petite dose. De plus, il préférait s'occuper l'esprit pour ne pas tomber tout de suite dans les vieux souvenirs que lui rappelaient l'apparition discrète d'une certaine mage.

Linandil  interrogea Riëdan du coin de l’œil avant de répondre à Emdiril.

- Nous avons deux...
- Quatre. Rectifia-t-elle.
- Quatre chevaux. Vous pensez que nous seront à la traine si nous soulageons plutôt les Faïra ?

- Ce n’est pas un souci, on peut se permettre de ralentir un peu le pas. Tu interviens du tac au tac Rien ne sert de surcharger les Faïra tant qu’on peut l’éviter.

Tu jettes un œil d’abord à Emdiril et Tegilbor, puis à Maltlin, attendant d’eux qu’ils acquiescent ou pas, avant de confirmer tes propres propos d’un signe de tête.

- Pour l’instant, les félins sont partis chasser, et ils resteront certainement se reposer dans les environs de la Cité. Je ne sais pas quand votre groupe avait prévu de partir, mais il vaudrait mieux attendre demain matin.
- Vous n’y voyez pas d’inconvénient ?

- Aucun pour ma part." rit le vieil homme. "J'ai travaillé avec une jeune Eraisonnienne toute la matinée. Un peu de repos ne serait pas de refus. "

Il se tourna un instant vers Enoriel, semblant hésiter a dire quelque chose avant de se raviser. Il salua la petite assemblée et fit demi tour pour prendre congé. Si elle ne l'avait pas reconnu, il ne valait surement mieux pas qu'il ramène l'ancien temps sur le tapis. Plus tard. Peut-être... S'il en avait le courage.

- Et si nous trouvions de quoi manger un peu ? Je ne sais pas vous mais nous n'avons eu que le strict nécessaire ces derniers jours. Un repas chaud ne serait pas de refus!

Il faudrait se mettre en route de bonne heure le lendemain. Ils n'avaient pas beaucoup de temps pour atteindre leur destination.

HRP: