Lorsqu'un Hot-Dog s'invite à la fête | Libre

<<< Le souvenir commence avec la cicatrice. | Un chevalier n'a de peurs, que de revoir celle qu'il a abandonné.  >>>

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Lorsqu'un Hot-Dog s'invite à la fête

En cette 6ème matinée de la 3ème ennéade
Mois de Bàrkios
An 10 du 11ème cycle

Le soir venu, les hommes étaient encore plus sur le qui-vive qu’à l’habitude. Ce n’était point là un campement ordinaire mais bien le siège d’une cité aussi imposante que pouvait être Chrystabel. Isandre venait de quitter sa compagnie du soir : le Marquis en devenir, Louis de Saint-Aimé. Bien que plus qu’un simple suzerain, il était véritablement devenu un ami à ses yeux. Mais cette rencontre avait éveillé autre chose que de la joie dans le cœur de l’Ambroise. Sujette à son passé, celle-ci ne pouvait nier les sombres souvenirs de celui-ci. Et alors qu’elle avait passé de nombreux moments en compagnie de l’enfant qu’était Louis, à son retour au Castel familial c’était une toute autre retrouvaille à laquelle la jeune adolescente qu’elle était à l'époque avait eu droit. Fin de l’automne de l’an 999 du 10ème cycle, Argon venait de lui annoncer qu’il partait en guerre, malheureusement, il n’en revint pas et malgré les recherches infructueuses pour retrouver son corps, Isandre s’était fait une fatalité ; il n’était plus. L’amour qu’elle ressentait pour lui s’était estompé au fil des années mais son souvenir n’avait point encore cicatrisé.

Pour espérer chasser ses sombres pensées, l’Ambroise décida de tenir compagnie à quelques blessés encore trop souffrant pour regagner leurs propres tentes.

« Vous pouvez allez-vous reposer, Georges, je prends le relais. » Lança-t-elle au jeune prêtre qui sembla piquer du nez.  Aussitôt proposé, aussitôt fait, celui-ci quitta la grande tente et se rendit séants s’offrir à Morphée dans la sienne. L’Ambroise prit alors soin de passer auprès de chaque blessé. Certains dormaient, pour d’autre, le sommeil semblait ne point vouloir les emporter. A ceux-là, la jeune femme leurs proposa de l’eau et s’octroya le loisir de converser avec eux.

La nuitée touchait à sa fin, le soleil éclaircissait doucement l’horizon lorsque des cris retentirent au dehors. N’eut-elle pas le temps de se diriger vers la sortie que les voiles d’entrées de la tente furent balayées par nombre d’hommes. Ceux-ci portèrent sur une civière l’un de leur confrère ; un bucheron en charge de couper suffisamment de bois à la construction d’engins de siège.

« Vite ! Vite ! De l’aide ! » Cria l’un deux.
« Déposez le ici, messieurs. » Répliqua aussitôt la jeune femme qui n’hésita pas une seule seconde à s’approcher du blessé. Celui-ci était recouvert de sang, le sien de surcroît et avait sombré dans l’inconscience.
« Que s’est-il passé ? »
« Où sont les prêtres ?! Que faites-vous là ? »
« Ils vont arriver ! En attendant, racontez-moi ce qui s’est passé ! »
« No… nous coupions du bois, là-haut, lorsque l’on est tombé sur un nid de Ta…tsa… »
« Tatzelwörm, imbécile ! »
« Je vois. Alors il est urgent de lui administrer un antidote. » Répondit-elle, se levant d’emblée pour se diriger vers la malle contenant toute sortes d’herbes servant à de multiples potions ou pommades.
« Par néera ! Nous n’avons plus de Mère Artémise! » S’écria-t-elle soudainement.
« De quoi ?! »
« D'Armoise à pucelles, vous connaissez? Allez en chercher, il doit en avoir dans les bois d’à-côtés ! »
« Pas question ! Nous risquons de nous faire attaquer à nouveau ! »
« Quoi ?! Vous n’avez point achevée la bête ?! »
« Bien évidemment que oui ! Mais il peut y en avoir d’autres ! »
« Quelle taille faisait l’animal ? »
« Au moins la taille de trois bœufs des Wandres M’dame ! »
« Ok, donc il pourrait s’agir d’un mâle. Il doit y avoir un nid pas loin, avec des œufs ou des petits. Vous n’avez qu’à aller en chercher plus loin, sans Mère Artémise, je ne saurais guérir votre ami ! »

Sans doute la peur était-elle trop forte car les bûcherons décidèrent tout bonnement de ne point bouger. En manque totale d’héroïsme, Isandre n’avait finalement plus le choix, elle se devait d’y aller elle-même.

Nul ne pouvait réellement dire ce que faisait son père. Dans le campement berthildois, le connétable passait le plus clair de son temps seul dans une masure réquisitionnée. C'est à lui qu'incombait désormais toutes les tâches ingrates de la tenue d'un camp. Chose dont il se serait bien passé, mais avec le père qu'il avait, une négociation n'aurait même pas été envisageable. Il était étonnant de voir autant d'hommes le craindre au point que plus personne ne s'approchait de l'entre de l'empaleur mise à part les émissaires du Saint-Aimé. Le bruit courrait que des prisonniers disparaissaient les uns après les autres sans que quiconque ne s'en alarme. Était-ce une cécité volontaire de la part des chefs, où tout simplement un oublie ? Les paris allaient bon train jusqu'à soupçonner le connétable de vouloir jouer aux apprentis nécromanciens. Lui s'en amusait avec une certaine lassitude. Si seulement il avait pu avoir un père normal.

La nuit avait été fraîche. Il s'était fait de sa tente de campagne un petit endroit douillet et confortable. Sur le sol au fond à gauche gisait une longue toile remplie de paillasses. De l'autre côté, une petite table où se tenait lettres, vélins et autres documents que son père lui avait refourgué. Puis une malle au milieu où ses armes et armures étaient entreposées. Dans une autre, plus petite, se trouvait quelques victuailles et bonnes gnôles récupérées dans le velterien. Cette guerre avait eu au moins le mérite de découvrir bon nombre de produits locaux. Tout était donc là pour lui assurer un sommeil à chaque fois amplement mérité. Sauf qu'en cette matinée, on ne lui laissa pas le loisir de poursuivre ses rêves. Non, un bougre d'idiot trouva le moyen de l'en faire sortir en gueulant comme un poissonnier sur le marché. Il grogna si fort que d'autres argonnois sortirent leurs têtes des tentes pour tenter de savoir si l'on donnait l'alerte où si un malandrin avait juste choisi son moment pour jouer des cordes vocales. Apparemment, le héraut demandait de l'aide au campement des blessés. Charles s'arma de son ceinturon et enfila ses braies, chausses et brigandines.

-Il va la fermer sa quiche ! Grommela l'un des chevaliers de son père.

Maintenant réveillé, la curiosité le poussa à partir en quête de réponse afin de mettre un terme à la situation. Si un nordien venait de tomber dans une embuscade, autant le savoir de suite. Mais avant d'arriver au campement, il vit une silhouette s'enfoncer dans le bois tandis qu'un groupe d'hommes était amassés en plein centre de l'hôpital de campagne.

-Que se passe-t-il ?

L'un d'eux se retourna et il put jeter un œil sur celui qui était allongé dans un état de semi inconscience.

-Nous sommes tombés sur un Tatzelwörm...

-Un quoi ?

-Un Ta tzel wörm, tenta d'épeler l'un deux. Une dame est partie chercher l'antidote.

-Seule ? S'étonna-t-il.

-C'est trop dangereux m'sire, on y r'fout pas les pieds.

-Bon sang...

A son tour, Charles s’enfonça dans le bois qui commençait tout juste à sortir de l'obscurité. Qu'adviendrait-il de lui s'il se retrouvait en face d'un Tatzelmachin ? Il ignorait tout bonnement à quoi pouvait ressembler un tel animal. Par contre, il saurait reconnaître une dame pour sûr.

C’est une fois bien enfoncée dans les bois qu’Isandre se rendit compte que la luminosité du soleil n’avait encore point réussit à percer le brouillard stagnant autour des troncs d’arbres. La visibilité était quasiment nulle et le moindre petit bruit, aussi insignifiant soit-il devenait soudainement le plus terrible des suspects. Il fallait avancer prudemment, car là où la Dame ne pouvait plus se fier à sa vue, d’autres créatures pouvaient aisément  se targuer de posséder des sens bien plus développés que celle qu’octroyaient nos yeux.

Le Tatzelwörm faisait partie de ces bêtes qui s’insinuaient facilement sans une once de bruit dans le dos de ses proies sans que ceux-ci  ne se doutent  un seul instant que la mort viendrait les faucher plus rapidement que prévu. Au vu du cadavre éventré de l'animal achevé par les bûcherons que l'Ambroise avait croisé à l’orée de la forêt, il était sans conteste désormais d’être de la prudence la plus extrême car ces monstres rampantes à la tête de chat ne voyagent rarement seul ; un mâle accompagne toujours une femelle qui elle-même ne peut que couver des œufs ou protéger des petits déjà en âge de faire de terrible dégâts, surtout si ceux-ci sont à l’aube de leurs maturité.

L’ambiance assez lugubre de ces sous-bois n’était plus qu’une question de temps. L’astre jaunâtre était sur le point de suffisamment s’imposer pour laisser ainsi la possibilité à créatures inférieures d’avoir une chance de survie face à ce qui pourrait être les meilleurs chasseurs forestiers de la péninsule. Avançant toujours doucement, Isandre se sentait comme un lapin prit dans un piège entouré de renards assoiffés de sang.

Mais elle se devait de se rappeler que le Tatzelwörm n’attaquait que s’il se sentait menacé, préférant opter pour la fuite dans un premier recours -si toutefois cette option était envisageable- or, la présence probable d’un potentiel nid ne faisait que renforcer cette menace pesante sur la belle Ambroise.

Néanmoins, la jeune femme se devait de se montrer la plus menaçante possible ; c’est donc armé d’un arc bandé d’une flèche que ses pas la menèrent de buisson en buisson toujours à la recherche de cette plante qui saura guérir tout empoissonnement que pouvait infliger cet animal. Et ce n’est qu’au bout d’une moitié d’heure qu’elle fit enfin la bonne découverte : un plant de Mère Artémise plutôt bien fournit et à bonne maturité pour être cueillie se trouvait là, devant elle. Scrutant tout de même les alentours, qui commencèrent à s’éclaircir, Isandre déposa lentement son arc au sol avant de s’empresser la cueillette qu’elle récolta dans son sac. Mais là où l’Armoise à pucelle servait d’antidote -mais aussi de puisant antidouleurs contre les menstrues des femmes-, il était également de bon goût pour bon nombre d’insectes qui s’envolèrent à la présence des mimines graciles de la femme. Mais bien plus que la menace de piqures, c’était tout autre chose qui rampait, là, à quelques mètres au-dessus de sa tête dans un silence de mort.

Un silence qui ne dura pas car Isandre sentit bien la menace s’approcher. S’armant lentement de sa dague, quiconque se trouvant dans les proches alentours purent bientôt entendre le cri perçant d’une demoiselle en détresse.

L'aube tardait encore à se lever dans les bois. Les feuillages des branches et autres arbres empêchaient les rayons de se mouvoir à leur gré sur le sol boueux. Ses pieds s'enfonçaient dedans avec une facilité déconcertante. Chacune de ses expirations donnaient naissance à une nouvelle buée qui venait obstruer son champ de vision. Il entendait, derrière, les premiers brouhahas s'émanant du campement berthildois. Tandis que l'on se réveillait là-bas, tout dans ce bois, semblait vouloir rester au calme pour continuer à sommeiller. Et pour l'heure, nulle trace de la dame partie chercher de quoi soigner le pauvre ère agonisant. Charles sentait pourtant qu'il était sur la bonne voie. Les empruntes de la soigneuse étaient encore fraîches. Il n'avait qu'à les suivre pour la retrouver.

Alors qu'il marchait à pas lent, un hurlement le fit frémir et précipiter sa course. Plus question de rester sur ses gardes, il couru à toute vitesse en direction du bruit et découvrit avec effroi la dame sur le point de trépasser sous la charge d'une bête immonde. Quand bien même fut-il impressionné par la taille de l'animal, cela ne l'empêcha pas de charger comme l'ours figé sur son poitrail. L'épée en avant, la bête n'en eut aucune peur mais changea si-tôt de proie pour le dévisager.

– Retournez au campement ! cria-t-il à l'adresse de la jeune femme.

La charge de l'animal additionné à la sienne produisit un choc en sa très nette défaveur. Pour résultat, Charles écopa d'un beau vol plané qui le fit percuter un arbre de plein fouet. Sonné mais pas à terre, il reprit son épée pleine main avant de se relever pour repartir à l'assaut. La soigneuse, néeraïte, pensa-t-il, passa à ses côtés pour rebrousser chemin vers le campement. Pendant ce temps-là, la bête revint à la charge. Solidement ancré dans le sol, il ne bougea qu'au dernier moment pour la laisser s'encastrer dans le tronc juste derrière. Dix hommes auraient probablement été nécessaire pour se débarrasser définitivement de ce monstre. Ce pourquoi, un éclair de lucidité jaillit en sa caboche et Charles déguerpit sur les traces de la jeune femme tandis que la bête s'affolait pour se défaire du tronc.

– C'est pas ma journée...

Les quelques fines branches s’opposant à Isandre dans sa course lui laissèrent quelques égratignures dont elle ne se souciait guère pour l’instant. Son objectif était simple ; atteindre l’orée de la forêt et rejoindre le campement au plus vite avec le remède qu’elle venait d’arracher au nid d’une des bêtes les plus vicieuse qu’on pouvait rencontrer en forêt. Mais la route semblait encore jonchée d’obstacles et la jeune femme n’eut d’autre choix que de s’arrêter net. Le brave chevalier, courant dans ses pas fut alors happé dans son élan avant d’être plaqué contre un tronc où l’ambroise chercha à la faire taire en plaçant l’une de ses mains sur ses froides lippes.

Dans un chuchotement affolé, l’homme put non sans difficulté, déceler un « taisez-vous » suivit d’un « il y en a d’autres. »

Effectivement, même si le mâle semblait avoir été terrassé par de simples bûcherons, la femelle quant à elle n’avait pour vocation que de pondre plusieurs fois l’année, d’élever de multiples petits à la chasse et il semblerait que ces deux-là était l’un des entraînements que la mère aimait offrir à ses marmots.

Mais là où d’autres se seraient fait avoir comme des rats, Isandre avait les connaissances requises pour comprendre leur comportement et le jeune chevalier avait quant à lui les compétences pour les abattre. Du moins, c’est ce qu’elle espérait.

Lâchant les lippes de son camarade de survie, la damoiselle s’arma de son arc et brandit une flèche qu’elle pointa vers la canopée avant de la tirer. Un cri aigu se fit entendre et en une fraction de seconde un corps tomba non loin d’eux. « C’est encore un jeune. » Dit-elle immédiatement. « Il doit être né il y a quelques ennéades. » Mais à peine avait-elle terminé sa phrase qu’un autre cri résonna jusqu’à leurs oreilles… C’était celui de la mère, consciente de ce que venait de subir le fruit de ses entrailles, elle était dorénavant plus déchainée que jamais.

« Courez ! »

Sans doute n’avait-elle jamais courue aussi vite de sa vie pour déjà apercevoir les rayons du soleil percer la forêt. L’oreille entendit l’affolement de son canasson, solidement attaché à un tronc. Arrivés à sa hauteur, Isandre s’affaira dans un premier temps à calmer l’affolement de l’équidé lui qui ne cessait de se cabrer. Une fois les rênes défait, il lui fallut que quelques secondes pour grimper sur son dos, invitant par la suite son camarade à prendre place ne sachant pas s’il était venu accompagner de son fidèle destrier.

Au galop, le campement leur ouvrit les bras bien vite et à peine eu-t-elle mit pied à terre que des soldats de la Combe l’accueillir en courant.

« Qu’une équipe de chasse soit mise en place au plus vite. Il y a un nid de Tatzelwörm dans la forêt. Le mâle et l’un des rejetons ont déjà été tués ce qui a un peu irrité la femelle. Nous ne pouvons prendre le risque de voir le campement attaqué. »
« Oui, Dame Isandre. Qui voulez-vous envoyer ? »
« Les meilleurs d’entre vous et ne partez pas sans moi, les spécimens de ces bois démontrent une hardiesse bien plus prononcée que ceux que l'ont croise dans les bois de La Combe. » La conversation enfin terminée, Isandre se tourna vers son camarade d’aventure, pressée. « Je vous remercie pour votre bravoure, quel est votre nom ? »

Ce début de matinée avait versé son lot de surprise. A peine remis de la rencontre forestière, Charles peinait à recouvrir ses esprits et se laissa tout simplement promené par la jeune dame à travers le bois. Lui qui était venu après s'être inquiété pour la demoiselle, voilà qu'elle semblait baignait dans son élément de la manière la plus surprenante qui soit. Pour commencer, elle connaissait l'immonde créature qui les avait attaqué. D'autre part, son assurance et sa prestance affichée lorsqu'elle gagna le campement, dénota fortement avec l'idée qu'il aurait pu se faire une heure avant. Dame Isandre. Il sourit en reconnaissant là l'ainée des Ambrois. La famille venait de Laraus. Elle n'était point la plus riche, ni la plus grande du berthildois. Le patriarche avait une sacrée réputation. On le disait « particulier ». Mais Charles se garda bien de le critiquer. C'eut été comme si un camembert se plaignait de l'odeur d'un roquefort. A cela donc, Isandre le laissa déchoir de la monture sans véritablement se soucier de lui. De manière peu courtoise et vive, elle manda son patronyme. Qu'il fut un Phiraam où autre n'aurait probablement rien changé à la hâte dont elle faisait preuve de débarrasser le plancher pour repartir en forêt.

– Charles de Kelbourg, ma dame.

Il avait été courtois et s'était même paré d'un visage étonnamment calme.

– Ma bravoure n'aura servie à rien si vous y retourner pour mourir une fois pour toute. Ce campement dispose de suffisamment d'hommes pour vous dispenser d'une telle chose.

Il eut comme le sentiment de parler dans le vent. La jeune dame semblait être plus habituée à battre la campagne qu'à coudre des napperons.

– Ne pensez guère que l'on vous affublera de lâcheté si vous ne les accompagnez pas. Vous avez suffisamment pris de risque pour la journée m'est d'avis.

« Owh. Kelbourg? Je vois... Enchantée. » Rétorqua-t-elle accompagné d’un léger sourire, sans conteste le premier de sa journée.

« Je suis touchée que vous vous souciez de ma sécurité. Seul un gentilhomme le ferait à la place de mon paternel. Mais voyez-vous, Messire, ayant grandi à La Combe, les forêts et les montagnes qui nous entourent sont bien loin d’être aussi accueillantes et bienveillantes que les campagnes et bois qui ceinturent les terres de votre père. Il nous faut apprendre à aiguiser nos sens et nos capacités si nous voulons nous balader en dehors de nos murs en toute quiétude. Et puis je dois avouer que je suis fascinée par ces créatures que nous connaissons si peu. Je ne croyais pas croiser des Tatzelwörms aux pelages si différents, je suis intriguée au plus haut point, vous n’imaginez pas ! » Faisant une pause, le temps de desceller son canasson et de le refourguer au premier palefrenier venu, elle se permit un regard en direction de Charles, scrutant ce qu’il était en train de faire en toute discrétion avec un sourire niais accroché à ses lippes.

Un cri vint alors la rappeler à l’ordre, avec tous ceci elle en avait oublié le bucheron ! C’est alors de manière précipitée qu’elle mena ses pas vers l’infirmerie Berthildoise où les congénères du malheureux tentèrent vainement de le maintenir dans son lit.

« Parbleu, il est épris de folie ! »
« Aidez-nous ! Aidez-nous ! Maintenez-le ! »
« C’est l’un des derniers symptômes avant que son cœur ne lâche. Vite ! Georges ! Venez m'assister ! »
« Par Néera, Isandre. Vous avez réussi à trouver de la Mère artémise ? »
« Oui, nous devons nous hâter. Rassemblez-moi ces ingrédients. »

Tandis que la jeune femme écrasa les herbes mélangées à de l’eau, le prêtre Georges s’attela à fouiller les malles pour rassembler ce qui serait nécessaire à la confection de l’antidote. Il leur fallu encore quelques minutes, qui parurent être une éternité pour ceux qui s’attelaient à maintenir le blessé en place, pour terminer la confection du remède.

Isandre s’approcha alors enfin du bucheron, un bol rempli de pâte en main avant de venir étaler le plus proprement possible le mélange sur les blessures encore rougies. Puis, souhaitant lui administrer le restant par voie orale, la jeune femme en oublia d’être prudente et se fit mordre sauvagement par le malheureux. La douleur fut telle que l’Ambroise ne put s’empêcher de crier, de sursauter et de reculer. Le bol en tomba de son autre main, mais par chance -ou par une bénédiction de Néera- celui-ci ne tomba pas à la renverse. C’est Georges qui s’attela ensuite de le ramasser et de forcer le malade à avaler la mixture amère.

Isandre de son côté, tenta de contenir son propre saignement.