[Demeure Al'Serat] Tesso veille sur ses ouailles | Krish

Au soir venu, tandis que se dépeuplait les grandes artères, une certaine angoisse flottait au travers les venelles du Vatna. Alors que se mourraient les quelques menus éclaircissement des soleils, naissait de nouvelles vies nocturnes. Marchands et petit peuple regagnait leurs pénates, tandis que larrons, coupe-jarrets prospéraient librement sous les caresses ténébreuses des torches. Au final, cette peur notoire d’être molesté, d’être apostrophé par de mauvaises gens, ne concernaient que les faibles, ceux qui n’avaient de moyen pour s’en préserver. La nuit aussi, était porteuse de secrets, où les ombres se mouvaient avec grâce et liberté, pour soufflé aux oreilles attentives, quelques tuyaux qui sauraient nuire, ou sauver leurs intérêts.



« Un manoir depuis longtemps négligé, semble renaître de ses cendres. Il y a là-bas, une fourmilière de d’esclaves en tous genres, de même qu’une flopée de servants, s’affairant à préparer le retour de son propriétaire. Aussi bien te dire que ce boucan qu’ils mènent, attire l’attention plus qu’outre mesure. L’Al’Serat, bien qu’on dit plus fortunée qu’aucune autre de sa race, sera tôt ciblée d’un coup franchement salé. Elle pourrait ne pas être enchantée de son retour, si tu vois ce que je veux dire … »
« L’Al’Serat, dites-vous ? La maîtresse des forges de lave? »
« Celle-là même. Enfin, jadis elle l’a été oui … Aujourd’hui ses mains millénaires sont-elles aussi talentueuses qu’avant ? Cela, je ne saurai te le dire. »
« Et en quoi son retour nous concerne-t-il ? N’a-t-elle pas les moyens de se préserver des larrons ? »
« Les intérêts des grandes familles, sont aussi nos intérêts, ma jeune apprentie. C’est pourquoi tu iras sonder les bas quartiers, afin de t’informer sur d’éventuels coups montés à son sujet. »
« Ce sera fait. » Termina-t-elle, en s’abaissant bien bas devant la prêtresse, qu’elle laissa aussitôt les directives comprises. Sa tâche bien que simple en l’état, relevait quelques défis. Premièrement, cibler les principaux suspects prompts à une telle prise. Déceler le moment où ils frapperont, mais surtout, devait-elle gérer d’offrir ces pépites d’information à la principale concernée. On disait d’elle que son humeur changeant, faisait d’elle une femme si peu prévisible, que chaque approche ne pouvait être planifiée d’avance. Pour le coup, elle espérait ne devoir trop improviser et mener à terme son devoir d’initiée pour mieux revenir au rapport.

Ce jour-là, il se trouvait que personne ne sut laisser pendre leur langue, n’ayant à cet effet pas la moindre piste à cet effet. Elle dût en retour approfondir ses recherches, farfouillant à la recherche d’anciens crimes relevés dans les quartiers de l’Al’Serat. Enfin, une paire d’yeux curieux, monnaya une information qui fit germer en elle, une idée ambitieuse. Il ne lui resta plus qu’à s’inviter chez la maîtresse des forges, afin de s’entretenir avec un responsable.

Pour la cause, elle s’était revêtit de la façon la plus naturelle chez elle : en esclave. Ses chevilles étaient rattachées ensembles de deux chaînettes, ses poignets l’étaient tout autant, telle l’esclave qu’elle avait toujours été. À une chose près qu’elle revêtait une robe ample et ténébreuse, recouvrant l’entièreté de son corps. Une capuche, également, cadraient son visage assombri par la noirceur que provoquait sa posture légèrement voûtée vers l’avant. Éreintée, elle se traînait légèrement les pieds, faisant l’étalage de son dévouement le plus profond envers ses « maîtres », à travailler jusqu’à ce qu’elle ne s’écroule d’épuisement. Dans ses deux mains, elle tenait des cruchons bien plein de rouge –des crus importé du pays ensoleillé qu’était Thaar-, ceux-ci destiné à décorer les étagères de la chambre maître. Arrivée presque à destination, elle patienta qu’une âme connue fasse son approche, qu’elle puisse alors se défaire de son déguisement …

Il ne restait plus qu’à espérer que ses études au sujet de ce manoir ait porté ses fruits ; elle en connaissait les plus influents serviteurs et se contenterait d’eux. Mais s’il fallait qu’elle tombe sur quelqu’un d’autre … Qui sait ?

Depuis que la Propriétaire des lieux était arrivée avec son escorte, les choses avaient bien changées au manoir. Les réparations et travaux de force dont Edvard s’acquittait en temps normal étaient a présent réalisés par des équipes de véritables ouvriers ou par les esclaves qui venaient d'arriver. C'était comme si le simple fait d'avoir de nouveaux serviteurs avaient offert du galon à ceux qui barbotaient dans le manoir depuis des années. Pour Jawa, c'était effectif. Elle était officiellement maître queue et avait désormais deux assistantes aussi pâles que le colosse humain mais bien plus misérables et délicates que lui. Pour lui en revanche, c'était bien plus singulier.

L'intendant ne lui hurlait plus dessus, pas plus qu'il ne le toisait d'un regard mauvais. Il ne l'appelait plus "l'animal" ni ne lui donnait quelque tache que ce soit. En vérité, le dernier ordre qu'il avait reçu de la part du vieux Zaïch'Ker, était celui de veiller sur la gamine qu'ils étaient allé cherché un après-midi jusque dans le quartier Doeb. Une enfant calme et attentive quoi qu'un peu sauvage. Il l'aimait bien. Elle pouvait passer des heures entières à le regarder à tisser et nouer de petits liens de laine. S'il n'avait jamais oser lui proposer de lui apprendre, c'est que c'était une Maîtresse elle aussi.

De la bouche de sa Maîtresse, il avait aussi reçu l'ordre de s'occuper d'un petit être palot aux oreilles pointues durant la journée, du départ de la gamine à son retour. Il se devait de veiller sur lui sans faiblir et de donner sa vie pour lui si c'était nécessaire. Personne ne devait savoir lui avait-on dit. Il avait compris pourquoi lorsqu'une étrangère portant le symbole de Natha était venu nourrir à plusieurs reprise le bambin à la place de sa mère de sang. Le bambin était d'une infatigable curiosité et Edvard avait souvent l'impression que ses iris d'un rouge carmin comprenait ce qui l'entourait avec une intelligence et une avidité qui dépassait de loin les enfants de son âge... quelque soit l'âge que pouvait bien avoir un eldéen de cette corpulence et de cette couleur.

Ce soir là, il était allé cherché Driz'na au temple, lui avait fait chauffer un bain, lui avait porter de quoi manger et était resté avec elle un long moment jusqu'à ce que, lasse, elle ne se couche. Puis il était descendu prendre des nouvelle du petit bonhomme qu'il avait laissé quelques heures plus tôt entre les bras de la prêtresse. Il dormait profondément sous l’œil de la jeune femme qui lui donna l'ordre de quittait la pièce tant la vue d'un esclave aussi laid lui faisait horreur. Il avait donc put aller jusqu'à la cuisine pour s'assoir sur le banc de la table... mais le diné des esclaves était déjà servit et terminé. Il sourit cependant lorsque Jawa, encore en train de ranger la cuisine avec ses aides, lui posa devant le museau un plat en terre cuite qu'elle avait tenu au chaud dans le four à pain. Elle lui servit un commentaire à la fois désobligeant et complice avant de lui demander de quitter sa cuisine. Passer l'heure du repas, et sur ordre de Zaïch'Ker, nul ne devait avoir à manger. Il se glissa donc dans la réserve et s'assit sur le gros tonneau de farine de racine dans le coin le plus sombre. Lui, il ne voyait rien de toute façon. A tâtons, il ouvrit le couvercle de son repas et y plongea sa cuillère. Un brouet de champignon au rat des tunnels. Il se régalait. Enfournant le gruau à la pelleté, son geste s'immobilisa cependant en entendant trois coups frappés à une porte non loin de lui. Il tendit l'oreille. Pas de bruit de pas. Pas de grognement. Jawa avait du quitter la cuisine avec ses aides pour aller se laver. Il attendit donc, mais rien.

De nouveau, des coups insistants retentirent. C'était la porte de service, cette fois il en était sûr. Mais personne ne semblait l'entendre et la clochette, pour une étrange raison, ne tintait pas. Posant son assiette sur le tonneau et pointant le nez hors du réduit, l'humain à la grosse barbe blonde tressée et ornée de lacets posa son regard doux sur l'obscurité du couloir. Personne. A sa droite, à deux pas, la porte retenti encore de deux coups. Plus lents, presque désespérés de trouver une réponse. Les billes claires qui servaient d'yeux à ce timide colosse avisèrent la clochette légèrement relevée. La corde qui permettait de l'actionner de l'extérieur était enroulée autour de sa tige. Pas étonnant que l'inconnu ne sonne pas.

Alors, il n'avait plus le choix. Seul dans le commun,  il frotta ses grosses pognes sur son pantalon de toile brun, rajusta la tunique blanche dont les manches cachaient mal ses bras blancs et poilus, et s'avança pour ouvrir le battant.

En haut des deux marches de l'entrée de service, sa grosse tête d'humain aux petits yeux brillants comme un ciel d'hiver se pencha pour découvrir une petite silhouette portant des chaines d'agréments aux poignets et aux chevilles, le corps enroulé dans une étrange tenue noire. Il resta là, prenant la largeur de l'encadrement. Sa barbe fut agité d'un sourire hésitant quoi que chaleureux.

La ligne avait mordue, enfin. L’écho de son appel avait trouvé bon entendeur et cela l’enchantait … Plus ou moins. La doublement asservie s’était rondement préparée à l’occasion, épluchant les informations relatives à cette richissime maison. Et si pendant un instant elle crut ses devoirs menés à bon terme, lorsqu’elle positionna ses iris violacés vers le colosse, elle dut se rendre à l’évidence : une information lui avait échappée … Qui était-il, sinon un vulgaire esclave parmi les autres, un semblable d’elle, au final ? Cette information, vitale pour l’occasion, lui rappela que ses deux pieds avaient les bonnes bottes. Elle n’était qu’initiée dans sa fausse vie et putain dans sa vraie ; ainsi elle pouvait expliquer sa bévue. Qu’à cela ne tienne, le nerf de cette mission restait au final toujours le même : ne pas être reconnue. Qu’importe si l’information n’était pas livré, du moment qu’aucun ne sache la distinguer primait sur tout le reste.

« J’ai dû m’égarer. On m’a nouvellement acheté et dans ce vaste manoir, j’arrive à peine à retrouver la sortie … J’ai ici deux pesants cruchons importés de Thaar. C’est l’un des crus qui plait le plus à notre Maîtresse, m’a-t-on dit. » À démontrer qu’elle tenait ardemment à la sécurité de ces pintes, ses poings refermés contre les ganses tremblotaient sous la pression de ses doigts, comme si les échapper signait automatiquement son arrêt de mort.

« Je sais que … Enfin, je ne devrais pas, mais, crois-tu que je puisse les remettre aux mains d’un responsable, ici ? Je n’ai pas aperçu l’intendant depuis mon premier jour et je risque trop à m’en départir sans savoir s’ils arriveront à bonne destination … » Elle avait décidé de le tutoyer, entre esclaves, n’existait-il pas ce genre de camaraderie, au mieux une bonne entente entre les soumis qu’ils étaient ?

Les yeux clairs de l'humain s'étrécirent. Une pierre venait de tomber dans l'eau lipide de leurs iris. Elle était esclave ici ? Pourtant il ne se souvenait pas l'avoir déjà vu... Et ses cruches, le vin préféré de la Maîtresse ? Pourtant il n'avait rien entendu de tel de la part de Jawa... Elle lui semblait bizare, cette femme vêtue de noir ne portant même pas le collier ordinaire habituellement fermé au cou des nouveaux arrivants... Mais ce n'était pas la seule.

Depuis que l'intendant avait multiplié sa charge de travail, le nombre d'esclaves était devenu bien trop élevé pour qu'il prenne le temps de les marquer et de les vérifier tous. Il avait besoin de main d'oeuvre rapide.

Sous la barbe blonde, les lèvres d'Edvard se pincèrent à en blanchir. Que devait-il faire ? Il risquait gros dans un cas comme dans l'autre, et maintenant qu'il avait ouvert il ne pouvait plus faire comme si de rien était. S'il faisait entrer quelqu'un de dangereux ou s'il refusait de prendre quelque chose commandé par Jawa... ou pire, par la Maîtresse elle-même...

Il passa sa grosse main au creux de sa nuque, souffle longuement. Puis, l'air encore suspicieux, il hocha la tête et se décala, faisant un geste de bras pour l'inviter à entrer. Si il la jugeait dangereuse, Zaïch'Ker pourrait toujours la mettre à mort, non ?

Une fois qu'elle eut passé la porte, il lui fit un nouveau signe pour qu'elle le suive. Passant dans une laverie, il descendre un escalier étroit, passèrent une porte et débouchèrent dans un magnifique salon au plafond haut dont les murs étaient couver de pierre précieuse, de plantes luminescente et de champignons aux formes étranges. Un autre couloir, bien plus long, et une autre porte.

Un jet de vapeur leur sauta au visage. A l'intérieur une six elfe de sang pur et autant de drows plus ou moins bâtards se baignaient dans de longs bassins d'eau claire enchâssés dans la pierre, se coiffaient et se frictionnaient avec des draps blancs et de l'huile parfumée. Leurs corps nus ne réagirent pas plus que ça à l'intrusion. La silhouette d'Edvard semblait dissiper toute curiosité dans leur regard.

Pourtant le colosse frappa deux fois dans ses mains. Presque aussitôt, une femme dont le sang patiné de barbare zurthan flottait sur ses traits, arriva à leur hauteur, enroulée dans un drap que l'humidité collait à un corps à la fois voluptueux et usé par l'exercice.

- Que ce passe-t-il ? " demanda-t-elle d'une voix assurée. Les mains d'Edvard se mirent de suite en mouvement dans un ordre complexe. La femme fronça les sourcils avant de se tourner vers la nouvelle venue. " Qui t'as envoyée acheté ces choses ? Et depuis quand es-tu arrivée ? "

La chef des cuisines avait parlé d'une façon qui trahissait nettement la fonction supérieur qu'elle occupait dans la hiérarchie des esclaves.

Au loin dans cette pénombre artificielle que projetaient les candélabres, une lueur dubitative planait dans les yeux du colosse et la simple avenue que ce dernier n’octroie crédit à son mensonge, lui donnait la chair de poule. Un souffle de bonne fortune, droit venu d’entre les lèvres de son maître Tesso, fit de sa menterie bâclée une bouchée tout de même comestible pour l’ogre d’Evrard. Voir cet air d’incertitude planer sur son visage laissait présager un potentiel échec et à son niveau, des conséquences bien plus lourdes et douloureuses que la simple caresse du fouet. Son identité masquée aux yeux de tous rendait chaque fois ses missions plus périlleuses qu’aucunes autres. Aurait-elle craché sur les bottes de Yindis, qu’elle aurait moins risquée qu’on soulève son identité véritable de sous-merde d’esclave. Alors le culte de Tesso lui aurait sans l’ombre d’un doute arraché la vie, avant de jeter son cadavre aux animaux. Et bien qu’elle dut garder confiance en ses manigances, elle devait envisager le pire. Pouvait-elle seulement rivaliser à cette montagne de muscle, si cette dernière décidait de s’en prendre à elle ? La fuite, oui, était pour l’occasion sa seule issue. Voilà pourquoi, tout le long de sa discrète marche, elle s’était affairée à retenir chaque chemin qu’elle emprunta lâchement pour se rendre juqu’à sa destination. Si elle devait échouer, alors elle prendrait les jambes à son cou et ne devrait pas hésiter, emprunter chaque couloir comme si elle avait toujours vécue ici, comme si elle en connaissait chaque recoins.

Elle se tint au rôle qu’elle avait emprunté et pour une fois, bien que son déguisement fût ponctué de quelques faiblesses, ses agissements étaient fidèles à sa condition. Elle semblait fatiguée du labeur, la tête légèrement penchée vers l’avant, arrondissant légèrement le début de sa colonne. À tous les coups, on devinait qu’elle arborait un collier d’animal depuis fort longtemps, à en voir sa docilité et sa facilité d’approche. Ainsi, elle suivit le grand colosse en s’enfonçant de plus en plus profondément dans le palais de l’Al’Serat, jusqu’à en arriver dans une alcôve humide et chauffée. Elle dut bien se l’avouer, ici se tramait des activités auxquelles elle ne se serait pas même douté un instant … Si on l’avait habituée à ces somptueux palais, riches de surprises et de secrets, c’est en majorité du temps qu’elle les vit peuplé de purs sang, d’Eldéens de souche et de Puysard dans l’âme …

Enfin, du lot, s’en sortie une femme à la pudeur inexistante, dont le seul vêtement démuni d’utilité léchait les courbes de son corps avenant. Hayath redressa la pointe de son délicat petit nez, seulement pour s’assurer de la personne dont elle avait à faire. Son timbre de voix, assurément plus autoritaire, vendait gratuitement la position qu’elle occupait au sein de cet établissement. Si elle n’avait de haute fonction, à tous les coups icelle n’avait ni aux chevilles ni aux poignets, des chaînes qui l’estampillait comme esclave. Au mieux, elle en était la chef et au pire, elle s’occupait du dressage, cravache à la main. Ainsi, lorsque la voix tonna, elle ne pipa mot, laissant l’ogre baragouiner des explications silencieuses. Ce ne fût seulement lorsqu’on s’adressa à elle, qu’elle répondit aussi simplement que possible, tel qu’on apprenait aux esclaves de répliquer.

« Hier, madame. Je suis arrivée depuis hier, avec toutes les nouvelles têtes, madame. Et ces deux contenants sont un présent du temple de Tesso. Un coursier portant au visage un masque immaculé les a remit à l'homme s'occupant de l'arrivage des provisions. Ce dernier m'a à son tour confié la tâche de les rapporter. Le retour de la Maîtresse au Puy a sollicité chez eux une envie d’entretenir une belle entente avec la forgelâme, a-t-il dit. » Hayath déposa les deux cruchons au sol devant elle, dont l’un des deux laissa s’envoler l’écho d’un bruit plus creux, voir même caverneux, comme s’il ne contenait rien. Pourtant, en ses deux pattes délicates, on aurait juré qu’ils avaient la même pesanteur …

« Si je puis me permettre d’ajouter et avec votre autorisation … L’un des deux cruchons m’a tout l’air bien plus attrayant que l’autre. » Dit-elle simplement, tout en prenant deux pas de recul pour ensuite affaisser les épaules ainsi que de son regard brillant vers le sol, en guise de totale soumission.

Jawa fronça les sourcils face aux deux cruches. Ainsi ils étaient offert par les fidèles du Secret. Avec une méfiance tentié d'apréhension qu'elle ne cherchait même pas à dissimuler, Jawa appela avec force un nom étranges aux sonorités sifflantes comme des gasouillis d'oiseaux. Un elfe dont toute moitié du visage était tatoué du mot "esclave" en langue sombre s'avança, l'air craintif.

" Apporte ça à Zaïch'Ker. C'est un présent de Tesso pour la Maîtresse. " expliqua-t-elle succinctement.

Si tôt dit, l'elfe enfila des braies et une tunique tous deux d'un blanc pur et s'empara des deux cruches sans sembler comprendre en quoi elles pouvaient être dangereuse. En quelques pas, il quitta l'étuve pour partir à la recherche du vieil intendant. L'oeil scrutant toujours la nouvelle venue, Jawa lui lança en retroussant le nez.

- Lave-toi. L'intendant veut que nous soyons tous impeccable pour la Maîtresse. " puis elle ajouta encore " Comment tu as dit que tu t'appelais, déjà ? "

Pendant ce temps, l'elfe avait trouvé son supérieur. Le vieil homme faisait ses comptes dans le bureau que la Maîtresse le laissait utilisé même maintenant qu'elle était de retour. En entendant le nom chantant de son visiteur, Zaich'Ker se leva raide comme un piquet et vint ouvrir, l'oeil déjà froid et noir. Lorsqu'on lui conta l'histoire des deux pichets sur lesquels il avait le nez, il recula précipitamment d'un pas et fini par demander à l'esclave de les poser tous deux sur le bureau et de retourner auprès de ses congénères en précisant qu'il avait accomplit sa mission.

Lui-même, plutôt que d'aller chercher la Maîtresse des lieux, tira le verrou derrière lui et observa attentivement les deux cruches. Après quelques instant, il leur tonna des petits coups d'ongles. Celui de droite, celui qui avait sonné creux, semblait en effet d'une masse légèrement différence de son jumeau. Attrapant le plat vide qui avait accueillit son déjeuné quelques heures plus tôt, il vida la carafe suspecte et, après avoir rapidement examiné le contenu, l'observa sous toutes les coutures pour trouver ce qu'elle avait d'étrange, prêt à la briser si nécessaire pour lui faire avouer ses secrets.

Point qu’elle était réellement en danger. Dans les faits, l’esclave était porteuse d’information vitale, qui n’avait de but que le bien être de cet établissement et de son propriétaire. Il fallait croire que Tesso, le roi menteur, n’en croyait pas autant. Ces informations, bien qu’au crédit lui étant porté, ne devait en aucunes occasions être portées par une âme découverte, nue aux yeux de leurs destinataires. Car ces conseils, ces bribes d’informations, ces avertissements soufflés, n’étaient que la résultante d’un passage discret, voire mieux, d’une ombre dansante, au service de leur maître.

Pour le moment, elle s’était rendue, avait délivré son message, mais il restait encore à préserver son anonymat. Une fausse identité qu’elle ne pouvait plus même préserver, vu l’ordre qu’elle venait de recevoir. Cela, devait-elle l’avouer, elle ne l’avait pas vu venir! Et même si elle chercha, pendant de longues secondes, un échappatoire plausible pour sa misérable condition de moins que rien, elle ne trouva rien. Rien qui ne saurait la mettre à nue face à Jawa, qui révélerait non seulement sa vraie condition, mais aussi, qu’elle fut à la fois l’envoyée de Tesso. Peste soit-elle! Ce qui devait être qu’une mission toute simple était au final, parsemé d’embûches et de difficultés auxquelles elle n’avait en rien l’habitude de palier. Initiée seulement, aujourd’hui plus que jamais elle se rendait compte qu’elle n’avait pas l’étoffe d’une vraie ombre. Que probablement, elle garderait ce grade pour le restant de sa vie, si la tangente se maintenait …

Et pour le moment, pour que cela ne se produise, elle se devait survivre.

« Toute suite, madame. Je porte le nom de Y’Vahir, madame. » Affirma-t-elle tout aussi docilement qu’elle s’était présentée devant elle. Alors, elle ondula les hanches avec légèreté, glissant le bout de ses doigts entre deux replis de sa robe, afin d’en faire chuter ce qui a priori, couvrait ses jambes ciselées et son intimité. Enfin, elle fit quelques pas vers Jawa en soulevant le haut de sa robe, comme si elle allait se dévêtir complètement … Avant de la bousculer de l’épaule d’un geste sec, laisser retomber son vêtement là où il était et de prendre ses jambes à son cou pour déguerpir en toute hâte. Ses liens –vraisemblablement des faux- se rompirent à la première foulée, s’esquivant de la salle des bains aussi rapidement qu’un petit animal en fuite.

Grande chance pour elle, sa mémoire était fraîche et chaque recoin lui était connu. Elle n’émit aucuns sons, ni ne s’arrêtait à aucuns moments ; sa vie et son avenir dépendaient de cette fuite. Dans le tumulte de l’emménagement du palais, elle trouva le moyen de bousculer suffisamment de gens, pour qu’un chaos potentiel couvre sa sortie et qu’elle ne s’échappe dans les dédales des profondeurs, là où les ombres l’accueillirent non sans gêne. L’initiée de Tesso l’avait échappé de peu et en ce geste indélicat, faisait rougir son maître menteur.

Dans la carafe vidée de son contenu, y vivait un bout de vélin enroulé d’un menu ruban rosé. À l’intérieur, aussi simplement qu’une notice écrite sur un bout de table, ces quelques mots y étaient lisibles :

« Vous serez cambriolée et vandalisée. Ils attendent, là devant votre manoir, que vous abaissiez les yeux pour frapper. Bientôt, vous verrez. »

"CHOPEZ LA!" cracha Jawa de façon fort peu élégante. Mais la scène était si incongrue, si aberrante, que personne n'arriva à sa saisir d'elle avec rapidité. Le temps que le groupe d'esclaves à demi nu arrive à la porte de service, elle avait totalement disparu... Et Zaïch'Ker sortait de son bureau parfaitement mécontent de tout ce raffut.

Ce soir là, et malgré les explications dociles de Jawa, les coups de cannes tombèrent en rafale sur les épaules des serviteurs. Ils eurent cependant de quoi manger et l'intendant devait même être d'assez bonne humeur puisqu'il leur permis à chacun un coup de gnôle contre la douleur. A y regarder de prêt, il paraissait même plus que satisfait. Après le passage de l'étrangère, il avait envoyé trois cours messages grâce à des chauve-souris puis s'était fendu d'un sourire aussi inhabituel qu'effrayant de légèreté. Dans l'ombre des rues et des échoppes alentours, grâce à cette visite, une vieille toile venait d'être réactivée et elle avait pour centre le manoir Al'Serat.

Le lendemain matin, il fit le déplacement à pied jusqu'au temple de Tesso pour y offrir la seconde cruche, une copie d'une nouvelle écrite de la main de l'ancien Bara qui avait habité le manoir ainsi qu'une information de choix : la mort de l'espion Vaerian. Oui, Zaïch'Ker était heureux car à ses yeux on venait de s'éviter les pires ennuis du monde. La Maîtresse qui passait ses journées dans sa chambre ne su jamais rien des tentatives de vol et l'intendant se jura de prier pour la messagère qui lui avait apporter l'information qui lui avait mis un coup de pied dans le fondement.