La pénitence du cervidé [ Isandre ]

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Louis de Saint-Aimé
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MessageSujet: La pénitence du cervidé [ Isandre ]   La pénitence du cervidé [ Isandre ] I_icon_minitimeMar 13 Fév 2018 - 22:08




8ième jour de la 5ième enneade du mois de Barkios de l'an 10

Quelques heures manquaient encore avant la prochaine anjornée, mais de ronflements il n’y avait dans la guitoune du Régent Berthildois. Trois heures depuis s’étaient écoulées depuis que le cerf s’était avachi en sa couche solitaire, sans être capable de trouver le confort des bras de Morphée. L’avait-elle seulement oublié, où se tenait-elle à distance des démons qui le hantaient ? Compte tenu que cette insomnie cautionnée par ces fantômes récidivait depuis proche l’ennéade, le mot commençait à être faible : ils le tyrannisaient.

Un pas vers l’arrière le raccrocha à son passé, où ses épaules étaient aussi légères de tâches que celles du jeune Bohémond, n’ayant de préoccupation que de chier quotidiennement et de garder bonne mine. Et ces temps heureux d’innocence, se rognèrent sèchement jusqu’à ce beau jour où tout changeât. Un monde venait appesantir ses épaules garnies de bons muscles et pourtant, dénudées d’expérience. Cette facilité de prise de décision à toujours choisir le chemin juste, droit et bon, venait de s’envoler à jamais en des contrées inatteignables. Dès lors il dût devenir l’homme qu’on attendait de lui : la guerre était inévitable et se devait de la mener à bien, sans quoi les reproches auraient fusés jusqu’à son déclin. De là, naquirent nombres de ses tourments.

Le massacre de ces innocents villageois, lorsqu’ils durent marcher sur les pénates de Velteroc. La contre-attaque de Beltrod menant à la très sinistre décoration signée à la mode de Kelbourg : des têtes sur piques, des pinatas de macchabés ici et là, mais surtout, le bûcher de toutes ces victimes devant les yeux bouffis des veuves qu’ils laissèrent derrière eux. La bataille de Valdrant, laissant en son sillage des pâturages rougeâtre francherepus de mort. Le trépas de centaines des siens, gisants sur le sol humide, noyés dans leur propre sang … La simple idée que la chose, fatalement, allait se réitéré avec Christabelle -non pas la belle, la meurtrière-, lui donnait d'ores et déjà le vertige.

À ces sombres pensées, une, plus douce et satinée, s’afficha devant ses yeux. La Baronne, d’un charisme à en faire céder des forteresses d’un sourire, à briser n’importe laquelle des unions, à mettre en sa poche le moindre humain se targuant d’avoir entre les jambes une queue … Elle lui revint à l’esprit, belle et séduisante comme nulle autre, l’observant d’un sourire ponctué de malice. Et lui, de loin, se voyait hypnotisé par ces désirs nouveaux pour la chair, la luxure et le plaisir. À n’en point douter, un battement sourd raisonnait en son poitrail lorsqu’il l’apercevait, mais en perdait au change le sens du devoir. Un devoir qu’on lui avait enseigné toute sa vie durant. Pourtant, un roulement de hanche de l’impétueuse Baronne avait suffi pour lui faire oublier sa rude éducation. À la guerre, sa concentration demandait une franche rigueur et même si la chose lui était connue, la majorité de ses pensées lui étaient réservées …

Un autre souvenir lui revint, tout aussi âpre et seulement un poil moins mortel : la claque au visage qu’il avait assené à sa vassale, Aliénor. Ce jour-là, son cœur déjà éprit des griffes de velues de l’arachnide du nord, s’était d’autant plus rembruni lorsqu’il dût faire mourir dans l’œuf les sentiments de la pauvresse. Aussi cruellement que d’écourter les jours d’un innocent poupon, il avait craché sur les sentiments de la rousse sans aucun remords, quand bien même fussent-ils des plus purs et sincères. Ce saligaud d’enfant d’arcam qu’il avait été ce jour-là ne lui ressemblait en rien. La guerre, accusa-t-il, l’avait changé. L’homme qu’il devenait lui levait le cœur, lui donnait la nausée, était laid.

Ainsi Louis se redressa, s’asseyant au pied de sa couche en encadrant son crâne de ses deux paluches. Ses pensées volaient, le piquaient et maintenant, le brûlaient. Plus même la sérénité que lui apportait les prières pour la bienveillante Dame, suffisaient pour compenser sa lourde conscience. Il inspira à pleins poumons et couvrit sa nudité d’une paire de guêtres avant de filer en dehors de sa chambre de fortune, où il croisa quelques gardes qui faisaient leurs quarts de nuit. Pisser un coup, sans doute, pensa les deux bleusailles en apercevant leur Régent prendre l’air aussi tardivement. Une poignée de minute seulement s’écoula avant qu’il ne revienne bredouille, en leur adressant simplement un hochement du chef en guise de salutation.

De retour sous l’intimité de sa tente, il sortit de ses braies une cravache qu’il avait subtilisé d’une carriole arrêtée et ancrée à l’arrière du campement. Depuis qu’il était Régent, peu s’étaient dressés contre lui, alors qui lui reprocherait ses écarts de comportement, sinon lui-même ? Et quand bien même tentait-il de pardonner ses faux pas, il n’y arriva pas. Alors, sa punition serait douloureuse, laisserait même quelques marques, s’il y mettait du sien … Peut-être alors, s’attirerait-il la miséricorde de la Damedieu et ainsi, trouverait enfin le repos qu’il souhaitait tant ?

Ses muscles se tendirent, appréhendant l’impact du premier coup … Puis d’un claquement sourd, fouetta l’arrière de son dos pour en laisser la douloureuse caresse du cuir. Son cou se tendit sèchement tandis qu’il étouffa un grognement rauque, puis réitéra la claque aussi sèchement. Encore, encore puis encore, jusqu’à ce que ses genoux ne cèdent sous la pression de la douleur, Louis s’écroula sur ses pattes avant de pousser une quinte de toux, tant son souffle s’était emballé. À ses pieds, s’égouttaient quelques perles sanguines, serpentant au bas de son rachis voûté vers l’avant. Sur le tapis où le régent cherchait son respire, venait de s’imprimer le prix de ses récents péchés.

Il ne lui restait plus à souhaiter que cela n’ait de raison de se reproduire.

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Isandre d'Ambrois
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MessageSujet: Re: La pénitence du cervidé [ Isandre ]   La pénitence du cervidé [ Isandre ] I_icon_minitimeMar 20 Fév 2018 - 20:09


La nuit n’avait pas été reposante. Tôt sur sa couche, avant même que le soleil ne daigne disparaître, le sommeil arriva bien vite tant le corps que l’esprit était empreint à une fatigue chronique mais les rêves obscurs incessants ne cessaient de la tourmenter. Au plus les jours passaient, au plus l’idée de rentrer à La Combe devenait irrésistible. La jeune femme s’était même permise d’évoquer l’idée avec son paternel, qui refusa de plus belle, lui rétorquant simplement : « le meilleur de la guerre reste à venir ma fille. Tu te dois d’assister à ces horreurs jusqu’au bout. »

Et ainsi fut fait sa volonté.

Les nuits d’Isandre seraient sans aucun doute plus agréables si elle n’avait pas tant à faire à l’infirmerie ou si son premier amour n’avait pas décidé de refaire surface après onze années d’absence, lui avouant par la même occasion le meurtre de son frère. On peinait désormais à la reconnaître, tant le manque de repos lui avait privé de sa jolie couleur de teint, ou lui avait légué de jolis cernes.

Le sommeil réparateur arriva enfin avec l’aube mais c’était sans compter une éruption gênante dans sa tente. Secoue par ce qui semblait être un molosse pressé par le temps, son regard s’ouvrait doucement.

« Vite Madame, le régent vous fait mander urgemment. »

Cette simple phrase aura eu l’effet d’une tonne de café avalé -si toutefois ce met délicat existait ici-bas- car à la simple énonciation du jeune faon accouplé à l’urgence de ce qui semblait être une convocation réveilla d’emblée la jeune Ambroise.

« Que se passe-t-il ? »
« Il souhaites vous voir. Immédiatement. »
« Mais que se passe-t-il ?! Un problème ? »
« Dépêchez-vous Madame. »

Trop de mystère pour qu’Isandre se sente rassurée ce qui la poussa à se dépêcher, enfilant une tenue pratique, attrapant son sac à herbe, craignant le pire, puis se hâta vers l’immense tente où dormait son ami. Elle entra, sans même en demander l’autorisation, le cœur palpitant d’inquiétude. Son regard s’attarda sur l’immense espace, scrutant la moindre présence d’une autre personne qu’elle.

Ils étaient seuls, ce qui lui permit alors de s’exprimer librement, laissant échapper ses mots qu’elle avait ardemment retenus en pénétrant sous les toiles : « Louis ?! Bon sang, que se passe-t-il ? Pourquoi tant de mystère, tant d’urgence ? As-tu un problème ? »
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Louis de Saint-Aimé
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MessageSujet: Re: La pénitence du cervidé [ Isandre ]   La pénitence du cervidé [ Isandre ] I_icon_minitimeDim 25 Fév 2018 - 20:40




Quelques jours s’étaient écoulés depuis qu’il s’était fait juge et bourreau de sa pesante conscience. Dut-il croire qu’il sentit ses épaules allégées du poids de ses péchés? S’eut été mensonge d’en faire autant car vérité, non seulement il n’avait retrouvé sa paix d’esprit lorsqu’il venait temps du couché, mais en plus son dos le démangeait à outrance. Chaque occasions qui se présentaient pour calquer les agissements d’un chiens dont les poux parasitaient la peau, Louis les attrapa d’une main. Glisser sa patte à l’arrière pour se gratter, se frotter l’échine contre un poteau, rien n’y faisait. Et le pire de cette sordide histoire, c’est qu’il ne pouvait en tenir mot à personne ; pas même à ses proches, pas même à son aimée.

À l’arrivée d’Isandre, Louis était debout, à marcher les quatre-cent pas dans sa tanière, comme s’il s’impatientait. À vironner de la sorte, elle put de suite s’imaginer la gravité du sujet de son invocation.


« Isandre mon amie, tu arrives à point nommé. » Louis s’arrêta sèchement, détournant toute son attention vers elle. Au vu de ses défroques, elle put deviner sans une once de doute qu’il se levait à peine, arborant de simples braies trouées aux genoux et une chemise toute légère, nouée par de petits lacets au col. Ça avait l’avantage d’être plus décent qu’à sa dernière venue nocturne, mais c’était tout autant peu digne de son rang. Il l’invita d’une main à s’approcher pour qu’il puisse la mettre en confidence et ainsi, lui livrer la raison de sa venue.

« Si je te fais mander à pareille heure, tu es certainement consciente de la gravité du sujet. Et, sache que si j’ose te demander tes services, c’est car je place en toi une confiance à toute épreuve, qui viendrait à me coûter cher si tu trahissais. Or, il me faut ta parole » Louis patienta sa réponse puis poursuivit, alors que son visage s’assombrissait dans la honte et dans le regret. Il délassa les quelques cordons à son col pour desserrer son cou et ainsi, pouvoir se dénuder devant elle, toujours en prenant garde à lui faire face.

Elle aurait certainement une pléiade de question à lui poser, mais il espérait qu’elle comprendrait, qu’elle saurait agir sans prendre panique. Or, il lui fit dos en toute lenteur, dévoila sous ses yeux encore légèrement somnolents, une toile de boursouflures et d’ecchymoses souffreteuses. Certaines seulement avaient saignées, mais autour de la majorité d’entres elles, on y devina les prémices d’une infection possible. Des rougeurs auréolaient chacune d’elles, expliquant son envie cuisante de tous les gratter au sang.


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