La fleur au fusil | Zaz

Un simple geste et Zaahrian se dévoila dans toute sa splendeur. Il ne tenta pas de se couvrir. L’assassin n’a jamais été pudique. Il pourrait traverser la place publique complètement à poils sans sourciller. Pourquoi se cacher? La nature l’avait doté d’un corps élancé et musclé avec des épaules puissantes, de longues jambes et un fessier mainte fois complimenté. Il n’avait aucune raison d’avoir honte de son corps. Il en était même particulièrement fier. Il savait aussi que ses attributs lui venaient de son père. Zaahrian n’était pas aussi massif que lui, mais le père et le fils se ressemblaient beaucoup et tout comme Halan, il s’apprêtait à coucher avec Krish. Au point où il en était pas, cette pensée ne lui effleurait pas encore l’esprit, mais ce n’était qu’une question de temps avant que la réalité ne reprenne le dessus, avec elle un sentiment de culpabilité. Pour l’instant, il était à poils et prêt comme il n’aurait jamais espéré l’être avec une femme.

Ayant décidé que la conversation était terminée, Zaahrian embrassa la drow de la même façon qu’il l’avait fait un peu plus tôt. Aucune expérience avec les femmes, mais pas moins expérimentée dans les plaisirs de la chaire. Lorsque Zaahrian ne rencontrait pas ses amants au hasard de ses soirées en taverne, il les trouvait dans les bordels, un en particulier qu’il fréquentait régulièrement. Il voyait toujours le même prostitué, un joli garçon du nom d’Arun. Lorsque la tension devenait trop forte, il passait la nuit avec lui. Parfois, pris d’un délire romanesque, il jurait à Arun de le sortir de là, mais le jeune homme avait le même problème que lui. Zaahrian ne se voyait pas être autre chose qu’un assassin et Arun ne pouvait concevoir une vie où il ne serait pas un prostitué.

Il dévora les lèvres de la drow sans la mordre cette fois. Il s’attaqua plutôt aux sangles, boucles et courroies qui pouvaient retenir les habits de Krish. Ses gestes étaient précis et assurés. Krish n’était pas la première personne qu’il déshabillait. Il n’y avait pas non plus de tendresse dans les mouvements qui s’avérèrent plutôt méthodiques. L’idée c’était de libérer l’accès à la peau ce qu’il parvint à faire sans que les fesses de Krish ne quittent la table plus que quelques secondes le temps de faire tomber le pantalon. C’était à la fois différent et familier. Il n’avait jamais vu une femme nue d’aussi près et Zaahrian était plus intrigué qu’autre chose. Il avait toujours eu à l’esprit que de donner du plaisir au sexe opposé était une chose complexe qui demandait autant de pratique et de préparation. Pour l’instant, il se contentait de la caresser, ses lèvres ayant trouvé le chemin de son cou tant que ses mains calleuses suivaient la chute de ses reins puis ses cuisses avant de remonter sur son ventre et sur sa poitrine pleine. Il l’avait dit lui-même, il fonctionnait à l’instinct. Il se contentait d’être attentif aux signaux de Krish tout en sachant pertinemment que si cette femme voulait quelque chose, elle le ferait savoir et il n’aurait plus qu’à s’exécuter...

La tendresse ? Krish n'en avait ni besoin ni envie. C'est du moins ce qu'elle soutiendrait jusqu'à la mort, même si la vérité était plus complexe. Elle avait toujours refusé de payer pour s'offrir du bon temps, préférant chasser dans les auberges et les tavernes des différents quartiers Thaaris quand elle ne voyait pas un amant en goguette ou quelque esclave qui la connaissait sur le bout des doigts. Étrangement, les marins et les marchands de passage offraient rarement plus de tendresse d'une catin et ses amants n'étaient pas du genre à se rendre sans lutter. Bien que patinée des habitudes vaanies, la conception eldéenne des choses avait la peau dure.

Pour l'heure, ce n'étaient pas les sentiments qui animaient son corps mais un désir lancinant. Zaahrian ne l'intimidait pas plus qu'il ne lui était d'une quelconque inimitié. Aucune haine de son côté et le seul combat qu'ils amorçaient était de circonstance, tout a fait aguicheur. Elle lui rendait baiser sur baiser sans chercher à cacher sa respiration courte ou les frissons qui suivaient le tracé des mains rêches de l'assassin. Elle se courbait lascivement pour lui permettre de retirer chaque pièce de tissus, de cuir et de métal qui couvrait sa peau, l'aidant en de brefs mouvements avides. Elle se laissait autant guider par son envie que par son expérience qui, quoi que rouillée, faisait toujours partie d'elle. La seule pensé qui la retenait de le pousser au sol pour passer instantanément à la suite était l'inexpérience de son partenaire... ou plutôt l'idée qu'il aurait été dommage de le dégoûter des femmes avec un corps et surtout un visage comme le sien. C'est que des hommes bien battis, on en trouvait toujours, mais des hommes bien battis, dangereux et à ce point bel homme, c'était plus rare. Il ne lui manquait que quelques tatouage pour parachevé l'entrelacs des cicatrices qui parsemaient sa peau.

Ses propres doigts, travaillés par le maniement des armes et du marteau de forge, n'avaient plus grand chose de gracile, mais ils ne se privaient pas pour courir sur le derme du jeune homme, profitant de la concentration qu'il mettait à la déshabiller pour découvrir elle aussi son corps. Elle suivait les sillons de ses muscles, sentant sa respiration étirer en cadence ses dorsaux et des abdominaux. Sa propre tunique n'avait pas résister longtemps. Ses lèvres cajolaient le cou et les épaules du demi-elfe avec de plus en plus d'ardeur jusqu'à ce que ses dents s'en mêlent. Dans son travail méthodique pour lui retirer chaque vêtement sans la laisser bouger, Zaahrian se colla une première fois contre elle. Une décharge remonta tout le long de son dos. Elle resserra son étreinte. La sensation de ce torse ferme contre ses seins la fit soupirer. Elle enfouit son visage au creux du cou du jeune homme pour inspirer à plein poumons.

Bordel et dire que ce crétin d'elfe avait failli la privé de ça !

L'idée l'échauffa plus encore.

Repoussant Zaahrian pour réussir à descendre de la table après d'une petite lutte, elle plongea dans ses yeux, un sourire provoquant aux lèvres. Sur la pointe des pieds pour atteindre ses lèvres, les mains caressant fébrilement toute parcelle de peau qu'elle arrivait à atteindre, elle manqua la trajectoire du lit et c'est le mur qui arrêta assez brutalement leur course déséquilibrée dans un nouveau bruit sourd. Un regard joueur et elle laissa descendre ses lèvres le long du buste halé du vaani. Toujours plus bas. Jusqu'à se retrouver un genou en terre et user de tous les charmes de sa langue acerbe. Au moins, ce genre de faveur ne devais pas être inconnu à l'assassin.

Zaahrian ne saurait dire encore si Krish serait l’exception à la règle ou le début d’une plus grande ouverture envers la gent féminine. C’est qu’il n’y avait personne d’autre comme la drow et il croyait se souvenir d’avoir dit à la blague que la seule femme avec qui il coucherait serait elle. Peut-être parce qu’elle brisait toutes les idées qu’il s’était faites de la gent féminine ou peut-être que c’était plus compliqué que cela. En ce moment, son esprit n’était qu’un bourbier où fermentait une profonde colère, des idées de vengeance ainsi qu’un désespoir auxquels il craignait de faire face. Tous les moyens étaient bons pour oublier et peut-être que Krish n’était que ça, une façon de ne plus penser. Il était trop tôt pour le dire.

Elle était étonnamment petite entre ses bras. Il avait la fausse impression qu’il pourrait l’écraser facilement, mais c’était mal connaître la drow. Lorsqu’elle fut nue et qu’il eut accès à sa peau d’ébène, Zaahrian put l’observer à sa convenance avec la curiosité d’un amateur d’art qui découvre une nouvelle œuvre. Contrairement aux hommes qui sont nettement plus carrés, elle était en creux et en courbes voluptueuses que ses mains exploraient avec intérêt. Krish faisait de même avec sa personne. Ses lèvres s’acharnaient contre son cou et ses épaules jusqu’à ce que ses dents se referment sur son épiderme et déclenchent une vague de frissons dans tout son corps.

Il aurait pu la prendre sur la table sans plus de cérémonie, mais Krish le repoussa. Le sourire provocant qui fendait son visage fit sourciller le semi-elfe qui la connaissait assez pour savoir qu’elle avait une idée en tête. Zaahrian se retrouva plaqué au mur avec assez de force pour qu’on s’interroge sur ce qui se passait dans cette chambre. Ses lèvres se firent de plus en plus entreprenantes et lorsque la drow atteignit son but, un grognement s’étrangla dans la gorge de l’assassin. Zaahrian était effectivement un habitué à ce genre d’attention et il aimait regarder. Il trouvait ça excitant de voir l’autre s’activer avec gourmandise. Il finit par fermer les yeux et le silence de la chambre fut brisé par ses soupirs et sa respiration hachurée. Après un moment, Zaahrian glissa une main ferme sur la tête de Krish pour la forcer à se redresser. Lui aussi voulait s’amuser. Lorsqu’elle fut à nouveau sur ses pieds, il la poussa sans ménagement sur le lit. Il s’arrêta un bref instant au pied du lit autant pour l’observer que pour lui laisser le temps de l’admirer également avant de venir la rejoindre sur le lit qui craqua sous son poids. Zaahrian la dominait de toute sa taille, son regard rivé au sien à la fois dur et brulant. Il se pencha lentement sur Krish, ses lèvres contre sa gorge puis ses clavicules qu’il mordilla. Il maintenait son appui d’une main alors que l’autre explorait son corps en suivant son flanc puis la courbe de sa hanche et enfin une cuisse. Il remonta ensuite sur son ventre et glissa ensuite entre ses seins pour retrouver son visage et enfin sa chevelure. Il se rendait compte que le principe n’était pas tellement différent que lorsqu’il se trouvait avec un amant tout en n’étant pas tout à fait la même chose.

Zaahrian s’attaqua à sa poitrine sans hésitation et sans douceur. Il glissa sur son ventre et déposa un baiser directement sur son nombril. Il n’alla pas plus bas. Non, Zaahrian n’était pas à ce niveau encore, pas avec une femme. Il se redressa plutôt pour mieux la regarder. Il pencha la tête de côté alors que sa main libre suivait le chemin jusqu’à l’intérieur de ses cuisses, là où il ne pensait jamais mettre la main volontairement. Cette idée l’aurait fait rire dans d’autres circonstances. Pourtant, il explorait cette partie de l’anatomie avec une douceur presque timide qui tranchait de son regard de prédateur.

Crâneur.

Allongée sur le dos, redressé sur les coudes, Krish défia le jeune homme du regard non sans avoir pris le temps de l'observer dans toute sa gloire de jeune coq. Sous elle, le drap et la couverture étaient lavés de frais. Doux et légèrement parfumés, ils avaient sûrement été changés amoureusement le matin même par la tenancière et ses grands yeux énamourés. Jour après jour, elle avait fait ce lit en rêvait de venir le défaire à la nuit tomber. Sans doute s'imaginait-elle soupirer dans les bras doux et tendres de l'homme qui lui avait rendu sa liberté, telle une princesse péninsulaire. Elle en avait vu des centaines comme ça au cours de sa longue vie. Un peu rêveuse, un peu pathétique et totalement sans intérêt. Manque de bol pour celle là, les bras de Zaahrian n'étaient ni doux, ni tendres et ils seraient sous peu occupés.  

Mais l'idée de se rouler dans les rêves brisés d'une mégère qui l'avait ignorée non pas une mais DEUX fois en l'espace d'un quart d'heure ajoutait une touche de tragique à cette escapade. Ce serait romanesque à défaut d'être romantique.

Le goût de son hôte encore sur les lèvres, elle vint réclamer un baiser. Un seul. Puis il plongea dans son cou, sur sa peau. Elle fourrageait dans la crinière blonde du bâtard qui mordait sa poitrine, se cambrant contre sa bouche. La jambe de la daedhel remonta le long de celle du demi sang, ondulant jusqu'à sa hanche au rythme de ses caresses. Elle faillit rugir lorsqu'elles cessèrent brusquement mais le regard de Zaahrian la dissuada de tenter un retournement de situation dans la seconde. Leurs yeux ferraillèrent. Il pencha la tête. La respiration de la drow trembla, se figea, puis un frisson remonta le long de sa peau. Elle ferma les yeux un court instant. L'air fit vibrer ses lèvres étirées en un fin sourire. Elle expira doucement. Ses cheveux se confondaient avec le blanc du tissus tandis qu'elle se laissait aller à s'allonger totalement contre le matelas. Ses mains s’accrochèrent aux épaules campées au-dessus d'elle. Sa peau d'obsidienne tranchait sur un derme qui semblait doré en comparaison. Une couleur qu'elle n'avait redécouverte qu'une poignée de jour plus tôt avec la terre brulée et le soleil de l'été vaani. Une coloration saturée si loin des Ombres. Brûlante.

Qu'il la regarde encore ainsi. Prêt à la dévorer. Qu'elle lui renvoie cette œillade carnassière et primale. La force féline qui se dégageait du jeune assassin était d'une grâce mortelle. Dangereuse et tentatrice malgré son inexpérience.

Cela faisait si longtemps.

- Monsieur expérimente. " se moqua-t-elle, les iris embuées d'un plaisir qui lui avait tant manqué.

Elle le laissa la découvrir, inhabituellement sensible à la moindre de ses attentions. Elle soupirait sans retenir ses réactions ni les exagérer, distribuant conseils et ordres du même ton saccadé. Comme le disent si bien les thaaris, comment voulez vous apprendre à procurer du plaisir si vous refusez d'en parler ? Il testait, étudiait ou lui refusait à l'envie. Elle ne combattait pas pour la domination de ce marathon. Pas encore... pas à l'instant... sauf s'il la frustrait de trop.

Un gémissement aiguë retenti soudain. Elle  se redressa, la brusque tension de ses bras la collant au jeune homme, son souffle balayant sa joue. " Tu as fini de jouer, oui ? " l'agacement, la frustration et le plaisir mêlé perçaient dans son soupire. Pour faire bonne mesure, elle nicha son visage dans le cou du jeune homme pour y apposer un suçon dentelé de crocs.

Zaahrian plissa des yeux lorsqu’elle se moqua de ses expérimentations plutôt hésitantes. Au moins, il faisait un effort pour tenter de la satisfaire. Avec un homme, les choses se passaient beaucoup plus simplement et comme personne ne laissait son lit sans avoir eu le meilleur moment de sa vie, Zaahrian avait intérêt à apprendre rapidement. Enfin, c’est ce qu’il aimait croire, mais il se débrouillait bien le bougre. Il a été entraîné à porter attention au moindre de détail et il utilisait ses capacités avec ses partenaires. Dans l’acte sexuel, c’est là où une personne est la plus vulnérable et démonstrative. Le plaisir se voit sur le visage sous la forme de tics incontrôlables. Impossible de faire semblant avec Zaahrian qui le remarquerait aussitôt. Par contre, il était parfaitement conscient de son manque d’expérience avec les femmes, il se montra un élève attentif aux instructions de sa partenaire, étudiant soigneusement les réactions de Krish. Il suivait ses conseils à la lettre et enregistra l’information quelque part dans sa tête. Probablement que ça ne lui servira plus jamais, mais Zaahrian n’a jamais rechigné pour apprendre quelque chose, peu importe quoi. Il s’y prenait bien, car sous ses yeux, il voyait Krish se tordre de plaisir. Zaahrian en retira une immense satisfaction comme à chaque fois qu’il était avec quelqu’un, mais d’avoir le dessus sur Krish était particulièrement jouissif pour l’assassin.

Évidemment, l’impatience de Krish grandissait de même que celle de Zaahrian, mais ce fut la drow qui céda la première en ramenant l’assassin brusquement contre elle. Son ton était sans appel. Zaahrian sourit et d’un coup de reins il fut en elle. Peu importe si on les entendait dans toute l’auberge. Zaahrian n’en avait rien à faire qu’il y a des spectateurs ou que l’aubergiste soit en ce moment même de l’autre côté de cette porte, ses illusions ruinées au rythme des craquements du lit. L’assassin n’était rien de plus qu’une bête répondant à ses propres instincts. Les soupirs de Krish faisaient écho aux grognements d’effort du semi-elfe qui la maintenait ferment tout en allant et venant en elle à un rythme soutenu. Au bout d’un moment, Zaahrian se redressa en gardant la drow contre lui. À genoux sur le lit, il maintenait Krish uniquement à la force de ses bras. Tout son corps travaillait à lui donner ce plaisir, peu importe l’inconfort et les raideurs du à son immobilisme depuis l’attaque. Il faisait déjà chaud dans la chambre à leur arriver et Zaahrian était maintenant couvert de sueur. Il venait à peine de faire sa toilette en plus...

- Isten oui... " gronda-t-elle plus fort que prévu. Plus vite. Plus fort. Chacun prit dans son propre instinct, sa propre envie. Les ongles de la drow traçaient des griffures de plus en plus profondes sur le dos du jeune homme, froissaient les draps, saisissait sa crinière pour l'obliger à tourner la tête et l'embrasser à pleine bouche.

Elle le repoussa soudain en arrière, voulant le voir étendu sous elle. Elle voulait voir son visage se tordre et se tendre comme il avait vu le sien. Elle voulait... Mais peut-être aurait-elle du se rappeler que le lit qu'ils occupaient n'étaient pas d'une taille infinie. Les bras de Zaahrian la tenant d'autant plus fermement qu'elle l'avait surpris, ils dégringolèrent tous les deux au sol en emportant trois quart des draps.

Avant de s'en rendre compte, Krish se retrouva à moitié par terre, la jambe gauche immobilisée contre la hanche du jeune homme, entortillée dans le tissus qui était pris entre eux et le sol. Elle ne pouvait pas s'écarter ? Elle n'en avait pas l'intension de toute façon.  A moitié sur le plancher, elle n'avait plus que l'assassin comme seul et unique matelas. Profitant de l'instant de flottement, elle remonta en selle. Elle caressa la plus impressionnante des cicatrices du demi sang avant de venir saisir ses poignets au vol pour les plaquer au sol au-dessus de sa tête. Le surplombant entièrement, elle ondulait sauvagement. Combien de temps parviendrait-elle à le tenir sans pouvoir ne serait-ce que bouger la jambe ? A cette instant elle s'en foutait éperdument, ne cherchant qu'à les rapprocher tous deux de la satisfaction ultime que devait atteindre cet échange improvisé.

Emporté par la frénésie de l’acte, Zaahrian ne se rendait pas compte de ce qu’il faisait. Krish le renversa pour se retrouver au-dessus de lui, mais comme ils avaient atteint l’extrémité du lit, le semi-elfe s’écrasa au sol dans un enchevêtrement de draps et de membres nues. Le choc le ramena brièvement à la réalité. Il cligna des yeux, surprit et sentit presque aussitôt une envie quasi irrésistible d’éclater de rire. La scène devait être drôle à regarder, mais s’il gloussa un peu, seul un sourire illumina brièvement son visage. Krish n’avait pas l’intention de laisser ce bref incident interrompre leur activité du moment. Malheureusement, le sol était inconfortable sous ses fesses et n’ayant pas envie de se retrouver avec ses échardes à un très mauvais endroit, Zaahrian se redressa pour découvrir que la drow avait la jambe empêtrée dans les draps. L’assassin la regarda dans les yeux et plongea sa main sous le matelas. Il fouilla à tâtons avant de sortir une dague à la lame bien aiguisée. Qui d’autre que lui pouvait cacher une arme sous son matelas. En réalité, il y en avait deux : une au niveau de la tête et l’autre au pied du lit. Il n’essaya même pas de la libérer sans abimer le drap. Non, il coupa le tissu en faisant attention pour ne pas la couper. Ses gestes précis, assurés. Il jeta ensuite le couteau sur le lit et souleva Krish dans ses bras. Il allait terminer cela contre le mur malgré les protestations de ses jambes. Il la plaqua contre la cloison où l’assaut fut sans pitié. Éventuellement, Zaahrian atteignit le point de rupture dans un dernier grognement d’effort juste avant que ses jambes ne cèdent et qu’il tombe à moitié à genoux, Krish toujours dans ses bras.

Il ne saurait dire combien de temps cela a duré. Il ne pourrait pas dire non plus si Krish avait eu du plaisir comme lui, mais comme il sentait les brulures laissées par ses ongles dans son dos, il estima que oui. Le flot de ses pensées reprenait peu à peu dans sa tête et la réalité s’imposa comme une gifle. Zaahrian leva la tête pour regarder Krish. Des mèches blondes étaient collées sur son front par la sueur. La lumière du jour éclairait la moitié de son visage et plongeait le reste dans l’ombre. À cet instant, jamais le semi-elfe n’eut l’air aussi triste. Ça ne dura qu’un bref instant durant lequel ses boucliers ne tenaient plus. Quelques secondes où l’homme dangereux, arrogant et fier fit place à un jeune homme étonnamment vulnérable, puis il fronça les sourcils et le charme fut rompu. C’était l’instant où il ne savait pas quoi dire. Souvent, Zaahrian se nettoyait un peu avant de se rhabiller et partir sans dire un mot. Là, il était supposé suivre Krish jusqu’à son père. Il se passa une main sur le visage et il lui dit simplement. « Si jamais t’as envie de faire un comparatif entre Halan et moi, garde ça pour toi. »

A bout de souffle après un ultime baiser, entre les bras du jeune homme et le front posé sur sa tempe empoissée de cheveux blonds, Krish retrouvait pour la première fois depuis bien trop longtemps cet état de grâce dans lequel même le plus furieux des comploteurs n'arrive pas à aligner deux pensées cohérentes. Une inspiration plus profonde que les autres se brisa en une myriade d'expirations tremblotantes tandis que son corps se laissait aller sans retenu contre le torse de Zaharian. De toute façon, le mur derrière elle ne lui permettait pas de s'éloigner de beaucoup. Une main encore nouée sur sa nuque, l'autre caressant pensivement sa joue, elle était bien.

Dans quelques heures, elle s'apercevrait sans doute que ce n'était qu'un bref câlin assez brouillon. Peut-être même qu'elle se demanderait si elle avait été jusqu'au bout ou si le batifolage lui avait suffit pour être satisfaite de cette remise en jambe. Mais pour l'instant, la sensation de la peau humide et brûlante du demi-sang contre la sienne, le rythme de sa respiration, son odeur et sa présence suffisaient. Elle en était presque nostalgique... Elle en était totalement nostalgique vu la façon dont elle restait pelotonnée.

Après un instant trop court, elle le sentit se redresser un peu et s'efforça de relever la tête. Elle avait beau avoir été retapée, elle n'était pas au meilleur de sa forme et elle n'aurait pas été contre une petite sieste, surtout avec un si bon oreiller. Le regard de Zaahrian tua toute velléité de ce genre. Ses iris rouges encore voilées croisèrent un abysse incroyablement profond. Elle pencha légèrement la tête sur le côté, l'observant sans un mot, sans un jugement, sans une once de moquerie, de mensonge, de contrôle ni même une pensée articulée. La garde baissée, elle lui sourit. Quel sorte de sourire c'était exactement, voilà qui était plus difficile à définir. Ce n'était ni de la moquerie, ni de l'amour, ni de la pitié, ni de la fierté, ni de la condescendance. Plutôt une étrange sorte de connivence... de compréhension qui n'impliquait ni explication, ni promesse, ni passé, ni futur.

Ce genre de sensibleries ne peut existé qu'au présent.

Puis il fronça les sourcils et ce fut fini... ou presque. Elle retrouva un visage plus rieur mais posa deux doigts sur ses lèvres pour lui intimer le silence après sa méchante et pragmatique phrase. Un simple baiser s'accrocha doucement sur le front de l'assassin avant qu'elle ne recule tout aussi calmement pour le dévisager à nouveau avec un sourire mutin.

- Je ne parle jamais de mes précédentes aventures à ceux de mes amants qui manient le couteau. " Les bras noirs de la daedhel se nouèrent lâchement autour des épaules du jeune homme mais son nez se tordit. " ... presque jamais. "

Volant un dernier baiser au jeune homme, elle s'obligea à se relever... en deux fois étant donné qu'à sa première tentative sa tremblante jambe droite fit quelque peu la grève. Elle frissonna en se dégageant, parvint à se stabilisée debout, s'étira comme un chat et se laissa retombée sur le matelas à deux pas de là pour récupérer un morceau du drap sacrifié. Laissant à Zaahrian le temps qu'il fallait pour se remettre sur pied malgré la faiblesse de ses jambes, elle se dirigea vers le baque d'eau savonneuse. Elle avait pas spécialement envie d'aller jusqu'à ce fichu temple de toute façon. Elle allait utilisé une vieille connaissance dont elle se souvenait plus du regard que tu visage pour narguer des elfes palots et faire chier son tortionnaire. Bizarrement, elle n'était pas pressée. Elle n'avait pas non plus particulièrement envie de remettre tout cet attirail de cuir. Pourquoi avait-elle choisi cette tenue ?

Le coin des lèvres de Zaahrian se retroussa dans ce qui pourrait passer pour une tentative de sourire. « Je ne suis pas le seul dans cette pièce qui sait manier le couteau. » Fit-il remarquer, reconnaissant du même coup le talent de la drow. Il n’allait jamais sous-estimer cette femme, pas plus qu’il lui tournerait le dos si elle avait une arme dans les mains. Elle avait facilement quelques années d’entraînement de plus que lui ainsi qu’une ou deux techniques qu’elle seule connaissait.

Se lever fut plus difficile qu’il ne l’aurait voulu. Ses jambes protestaient violemment des suites de son manque de jugement. Zaahrian se sentait comme un vieil homme qui peine à marcher dans les rues. Ça finirait par s’arranger s’il se donnait le temps, mais voilà, il n’avait pas l’impression d’en avoir beaucoup à sa disposition. Zaahrian alla rejoindre Krish pour faire sa toilette une deuxième fois. Il resta silencieux, simplement concentrer sur sa tâche. L’abysse en lui grandissait un peu plus. Il ne ressentait plus rien et il trouvait de plus en plus difficile de se soucier des autres ou même de sa propre personne. Tout son esprit se concentrait sur la prochaine tâche à accomplir, l’unique but qui lui donnait la motivation de faire un pas de plus, même si c’était peut-être le dernier. « Après l’hommage, je vais avoir besoin de toute l’aide que tu pourras me fournir. » Il marqua une brève pause puis ajouta. « Il me faut de l’équipement, j’ai un elfe à tuer. » Ces mots, il les prononçait à voix haute pour la première fois. Ils étaient empreints d’une froide détermination, celle d’un homme prêt à regarder la mort dans les yeux pour atteindre son but.

HRP:

Elle laissa retomber le tissus qu'elle utilisait dans le baque et croisa les bras en se tournant vers le jeune homme, scrutant son profile. Il avait la mine basse, l’œil sombre et l'épaule arquée. Il était sérieux... Et touché plus profondément que ce qu'elle aurait cru étant donné qu'il n'avait du voir Halan qu'une ou deux heures dans sa vie. Elle même avait trinqué avec Velkyn le soir ou elle avait apprit la mort de son père... Certes elle n'avait pas ressentit qu'une joie sauvage mais du là a pourchasser ses assassins, il y avait un gouffre. Zaahrian au contraire plongeait lentement dans quelque chose qu'elle connaissait bien et qui la fit frémir de contentement.

- En tant que sombre, je ne peux que te fournir ce dont tu auras besoin. " Elle se détourna pour retrouver ses vêtements épars et se rhabiller. Elle passa son pantalon et sa tunique mais laissa de côté le col, les gants et les bottes. Peignant ses cheveux du bout des doigts, elle s'assit au bout du lit, les pieds sur les restes du drap. " Tu manie toujours la dague ou tu as une autre armée de prédilection ? Si je dois armer une vengeance, je préfère le faire bien. " Surtout pour un elfe de la trempe de celui qu'il allait affronté, et surement face auquel il allait mourir. Même s'il ne parvenait pas à l'achever, l'idée qu'il lui larde la couenne avec une lame faite de la main de la Maîtresse des forges était tentante. Elle n'aurait pas le temps d'en faire une à sa main de bout en bout mais ce serait déjà un début. Ce sale con d'elfe devait savoir ce qu'il en coutait de détruire des outils de forges vieux de milliers d'année et de la priver d'une partie d'elle.

Zaahrian s’en moquait. Que ce soit sa fin annoncée ou pas, la perspective de mourir le laissait indifférent. Tant qu’à choisir, il préférait cette mort à n’importe laquelle autre. Il savait déjà qu’il ne ferait pas de vieux os. « Peu importe… Je vais prendre les armes et pour le reste... » Il s’accroupit au pied du lit et glissa délicatement la lame de son couteau entre les lattes du plancher qu’il souleva. Zaahrian glissa ensuite sa main dans le trou et en sortit une bourse. « Peux-tu me changer ceci? J'ai fait un gros contrat en Péninsule et le commanditaire trouvait plus pratique de me payer en diamant... Plus facile à transporter, mais chiant à faire changer.» Il saisit un petit diamant entre son pouce et son index. « Je vais avoir besoin de l’argent pour un cheval et des vivres. » Il remit le diamant dans la bourse qu’il accrocha à sa ceinture. « Dague, mais une nouvelle épée ne serait pas de trop. Si tu as quelques jouets qui pourraient me donner un avantage… » Le regard de Zaahrian se perdit dans le vide pendant un instant. « Je vais traquer un elfe sur son propre terrain… » Soudainement, la tâche lui semblait ridicule. Lui qui haïssait la forêt, lui qui s’y perdait dès qu’il y posait les pieds... « J’aurais dû… j’aurais pu le tuer… Le laisser se noyer. »

Il explosa.

Zaahrian frappa le montant de la porte à grands coups de poing. Encore et encore même après que la peau de ses jointures se soit ouverte et que le sang coulait. Malgré la douleur, il frappa jusqu’à ce que le bois craque sous la violence de l’assaut. « Je vais le tuer. Je vais être la dernière chose qu’il verra de ce monde et je ramènerai sa tête… » Il se tourna vers Krish. Zaahrian marchait une très fine ligne entre la raison et la folie, il le savait. Pourtant, il avait l’œil étonnamment clair lorsqu’il reprit la parole. « Amène-moi à Halan... »

- On va d'abord faire quelques courses, sinon tu serais capable de partir tête baisser sans même un cheval. " répondit-elle en passant nonchalamment près du jeune homme pour ouvrir la porte convexe. La moitié haute se démis à moitié, croulant sous son propre poids dans un fracas d'enfer... Et à deux pas dans le couloir, il y avait l'aubergiste. Débraillée, les yeux hésitant entre bon nombres de sentiments contradictoires, elle avait l'air un peu perdue... Et carrément effrayée.

Krish passa devant elle en lui offrant un clin d'oeil et posa une main sur son épaule.

- Les histoires de familles... " soupira-t-elle comme une confidence qui aurait du les rapprocher toutes deux plus que n'importe quelle révélation.

Puis elle continua vers l'extérieur, laissant Zaahrian payé et s'expliquer au besoin avec sa logeuse.  Pied nu sur le pavé poussiéreux elle en profita pour s'étirer comme un chat et rouler un peu des hanche pour faire passer une furieuse raideur. Le bazar n'était pas loin, ils trouveraient les vivres, une montures et deux trois breloques importantes comme une corde, un filet, un grapin, des protections en cuir, des mécanismes de pièges basiques et une quantité de couteaux de différents alliages. " Ce trou du cul sait manier les éléments et le métal en fait parti, mais je le soupçonne de devoir prendre le temps de reconnaitre quel type d'alliage il a affaire pour pouvoir le modeler. " avait-elle expliqué en ajoutant un couteau dont la lame était faite d'un improbable alliage rouge sombre. Puis ils trouvèrent un cheval à la convenance du demi-elfe, et elle s'invita chez l'un des meilleurs forgerons d'arme de la Corporation pour lui dénicher toutes les épées et les dagues qu'il désirerait. Pendant qu'il s'entretenait avec l'artisan, elle avait fait un saut à son palais pour récupérer un véritable présent. Elle farfouilla dans ses créations hésita un moment, jusqu'à tomber sur une miséricorde qu'elle avait crée pour l'Obok Senger du IVe Ost plus de trois siècles en arrière. C'était parfait. En quelques minutes, elle était de retour auprès du demi-sang, ils laissèrent leurs emplettes avec le cheval à la garde d'un fidèle laquais et purent enfin prendre la direction du temple de Teiweon dans lequel le corps d'Halan était conservé.

Niché dans les Soiries, à l'intersection d'une rue, le temple était une haute bâtisse de pierre noire dont la façade était grêlée de héros noir-elfes qui ne devaient être oubliés. Une fois passée la porte, toujours ouverte en une bouche béante, la température baissait drastiquement. Des tentures légères dérobaient à la vue des pans entiers de la grande salle de prière et frémissaient sous une brise inexistante. L'endroit était paisible, calme et bien que surprenant, il semblait également confortable avec de nombreux espaces ou se mêlaient tabourets, chaises et même des sorte de lits à moitié inclinés dans lesquels certains méditaient ou reposaient sous un vile de mousseline qui floutaient à peine leurs traits. De nombreuses alcôves étaient aménagées sur les côtés, cachées derrière d'autres rideaux sombres. Des murmures et des gémissement s'en échappaient, étouffés par l'épaisseur des tissus. Les pratiquants savaient que la se cachaient des prières, des tatoueurs aux service du culte, et des cérémonies sacrificielles privées.

Il y avait des temples plus grands, plus riches, plus reconnus, mais Krish affectionnait tout particulièrement celui-ci car il suivait scrupuleusement la tradition eldéenne. Tout en slalomant entre les tentures et poussant des rideaux d'une façon qui semblait étrangement aléatoire a quiconque n'avait pas l'habitude de ce lieu sacré, l'elfe noire se rapprocha du jeune homme pour lui parler à voix basse tout en lui remettant un poignard dont la lame plus longue et plus fine que celle des dagues de combats ordinaires était cachée dans une gaine de cuir et d'acier-noir ouvragé des symboles de Teiweon.

- La Miséricorde de Rakk Zert'Ohan, dernier Obok Senger du IVe Ost. Je l'ai forgée à l'occasion de sa monté au grade suprême du IVe. Après la Chute, elle a été récupérée et utilisée par un assassin de la Doth'ka qui avait pour mission de le retrouver et d'accomplir sa vengeance. Elle m'est revenue il y a deux ans et maintenant elle est à toi.

En tirant l'arme e son fourreau, il pourrait découvrir une garde ornée d'un soleil d'or pur dans lequel était enchâssée une émeraude. La lame était blanche veinée d'or et assez lourde mais elle n'avait jamais  besoin d'être aiguisée et son fil était d'un tranchant exceptionnel. Sur le manche, sous la couche de cuir qui rendait la tenue plus agréable, cinq mots en langue sombre avaient été creusés directement dans la masse de métal bien après la création de l'arme. Une fois traduit, cela perdait beaucoup de sa beauté mais c'était quelque chose du genre " Par la Grâce du Père, la Vengeance sera accomplie", et elle trouvait cette formulation tout à fait à propos.

Un rideau de plus et ils se trouvaient dans un couloir dont les murs ornés de fresques racontaient la création du monde et l'affrontement primordiale qui créa tous les dieux issus d'Uriz. Au bout d'un moment, près de l'une des portes qui perçaient occasionnellement le boyau, ils croisèrent un jeune garçon. L'enfant devant avoir cinq ou six ans. Ses traits étaient harmonieux, assez fins, son corps long et souple. Sa peau était d'un blanc presque aussi pur que celui de ses cheveux, mais ses yeux luisaient du même rouge sang que ceux de Krish. Quelque chose dans le visage du petit rappelait la daedhel, d'ailleurs.

- Tu as mis plus de temps que prévu. " constata-t-il avec un air sérieux, un peu ennuyé, qui rappelait plus celui d'un adolescent grincheux que d'un enfant de son âge.
- Nous avions des affaires à régler. Elghinn, je te présente Zaahrian. Zaahrian, mon fils, Elghinn.

Le gamin se décolla du mur et s'approcha sans crainte de l'assassin et s'arrêta net à une distance de bras. Il vrilla ses yeux dans les siens et tendit fermement la main comme si effectuer une salutation dans les formes était incroyablement important... et aussi naturel pour lui que le vol migratoire pour un hippopotame.

- Enchanté de faire ta connaissance, Zaahrian. Ma mère m'a un peu parlé de toi lorsqu'elle m'a expliqué qui était Halandarin. " Il sembla sur le point d'ajouter quelque chose mais se mordit la joue pour s'en empêcher.

« Un cheval ? Je n’ai pas besoin d’un cheval! » Puis il fit un pas en avant et ses jambes lui rappelèrent sa condition de mortel. « D’accord… » Zaahrian ramassa ses choses, jetant ses effets personnels en désordre dans un grand sac de toile qu’il balança sur son épaule. Avant de partir, il fourra dans les mains de la pauvre aubergiste quelques pièces d’or, bien plus qu’il ne lui devait, pour réparer les dommages matériels et l’encourager à passer à autre chose. « Ça n’aurait jamais fonctionné, de toute façon. Profitez de votre liberté… et désolé pour la porte, ça devrait payer les réparations ! » Il emboîta le pas à la drow sans attendre une réponse de sa part.

Dehors, la lumière était presque trop violente. Le marché bourdonnait d’activité malgré la destruction que connut la ville. Les gens sont comme ça, ils sont pressés de retrouver leur routine. Pendant qu’une partie de sa population soignait encore ses blessés ou enterrait ses morts, les autres retournaient à leurs activités. « Rien que ça ? Si tu lui connais une quelconque faiblesse, tu me rendrais un énorme service en la partageant, car la liste des trucs qu’il peut faire s’allonge sans cesse, mais pas le reste. » Il parlait d’un ton détaché, mais l’inquiétude devant l’ampleur de la tâche qu’il venait de s’imposer était bien réelle.

En un rien de temps, l’assassin compléta son petit arsenal ainsi que tout l’équipement nécessaire s’il voulait avoir une chance de s’en sortir. Le tout fut confié à un laquais le temps de passer au temple. Le corps reposait dans un temple eldéen. Zaahrian se garda de tout commentaire. Halan avait, comme tout le monde, une part d’ombre en lui. Il avait décidé de l’embrasser au point de faire un enfant à Krish. Maintenant, il n’était plus. Qu’était-il arrivé, quel chemin avait-il emprunté pour se retrouver là ? Tant de secret qu’il ne connaîtra jamais. Toute sa vie, Zaahrian a nourri une haine pour ce père absent. Le temps d’une rencontre, l’histoire fut réécrite avec la promesse d’un avenir un peu plus lumineux. Malheureusement, il ne se concrétisera jamais. Maintenant, il reposait entre les murs froids du temple à travers les plaintes et les gémissements. Zaahrian savait ce qui se passait dans le secret des alcôves, mais il resta indifférent. Il suivit simplement la drow à travers ce labyrinthe de tissus qui ne faisait aucun sens jusqu’à ce qu’elle se retourne vers lui en lui tendant une dague.

Jamais il n’avait tenu dans sa vie un tel chef-d’œuvre de forgerie. Sublime et meurtrière, elle était la mort matérialisée qui attendait une main habile pour la manier. Zaahrian la fit tourner dans sa main. Plus lourde que ses armes habituelles, elle était cependant parfaitement équilibrée et son poids n’en fut pas gênant. « Je vais te la ramener trempée par le sang de cet elfe. » Il rangea l’arme à sa ceinture dans un geste presque cérémonieux. Après tout, ils étaient dans un temple et cette dague avait une histoire aussi sanglante que la sienne.

Un autre couloir, cette fois son regard fut attiré par un jeune garçon qui les attendait. Sa peau d’albâtre lui donnait un air fantomatique. Son visage à la fois jeune et vieux exprimait son ennui qu’il n’hésita pas à verbaliser. Krish le présenta comme étant son fils ce qui surprit Zaahrian tout en attisant sa curiosité. Nullement impressionné, le gamin se planta devant lui, ses iris deux rubis incandescents fixés sur les siens, avant de lui tendre la main dans un geste franchement bizarre venant d’un enfant de son âge. L’assassin tendit la main à son tour pour se rendre compte, trop tard, que c’était celle salement amochée après qu’il eut détruit la porte à coup de poing. « Enchanté… » Zaahrian s’agenouilla pour se mettre à sa hauteur. Il cherchant dans les traits du garçon une ressemblance avec lui, mais il était trop jeune encore. Même si ses yeux trahissaient son sang drow, ça ne signifiait pas pour autant qu’il ne fût pas son demi-frère. Non, il fallait attendre qu’il vieillisse, que les rondeurs de l’enfance disparaissent et que ses os se placent. Là, ils auront peut-être une réponse. « Ah ? Je demande bien ce qu’elle a pu dire sur moi… Tu peux me le dire, je serai aussi muet qu’une tombe. » Il lui fit un clin d’œil amusé.

Le sérieux et le respect avec lequel Zaahrian avait reçu la dague qu'elle lui avait trouvé arracha un sourire satisfait à la forgeronne.

- Tu auras du naître drow. " lui offrit-elle laconiquement pour toute réponse.

Plus tard, Elghinn ne dévisagea même pas la main amoché qu'on lui tendit. On ne lui avait jamais expliquer que tendre une main sale ou blessée pouvait être mal vu et par conséquent, il s'en moquait comme d'une guigne, la serrant avec application de sa petite menotte sans prendre en compte qu'il appuyait à plusieurs endroits sur les écorchures du demi-elfe et qu'il se tacherait surement de rouge en le faisant.

Le fait que l'assassin se mette à genou devant lui, par contre, lui fit hausser un sourcil. D'un côté, les seules personnes qui s'étaient comportées de la sorte avaient fini par lui parler comme à un gamin débile. De l'autre, c'était rudement agréable de ne pas avoir à se faire un torticolis pour regarder les gens. Ce qu'il avait hâte de grandir encore ! M'enfin, pour l'instant ce blondinet ne lui était pas trop antipathique. Il le dévisageait avec attention, ce qui permettait au petit de l'observer sans détour. pour une fois qu'il lisait de la curiosité et pas de la frayeur ou du dégoût dans l’œil de quelqu'un qui était visiblement au courant de deux trois trucs à son propos...

- Je fais pas dans les secrets de polichinelle, l'ami. " ricana-t-il avec un rictus effroyablement semblable à celui de sa mère... Et beaucoup trop mature pour un si petit bout d'homme. " Tu n'as pas besoin de me brosser dans le sens du poil. Soit franc, je trouve ça beaucoup plus reposant. Mais merci de t'esquinter les genoux pour ne pas me regarder de haut. J'apprécie. " Krish retint un gloussement pour ne pas interrompre son blasé de fils. Le gamin avait une capacité proche de celle des chats pour regarder les autres de haut tout en étant haut comme trois pommes. " Si tu veux tout savoir elle m'a dit que tu étais un assassin plutôt doué. Et elle a du aussi ajouter que tu n'étais pas le type le plus intelligent du monde, que tu étais trop sensible, mais que tu étais loyal d'une façon aussi inattendue qu'appréciable. Elle m'a souhaité d'avoir un corps aussi beau que le tien quand je serai adulte. Ah. Et je la cite : Il a le cul borné de nouille dans tous les sens du terme. " Quoi que ça veuille dire. Il avait un léger doute sur ce point. Il tordit la bouche, son ton cynique s'évanouissant soudain tout comme son expression provoquante. " Tu es le fils d'Halandarin, n'est-ce pas ? "

« Après, on pourrait se demander si les drows naissent ainsi ou s’ils sont faits... » Zaahrian ne poussa pas l’interrogation plus loin. Il n’était pas assez saoul pour philosopher sur le sens de la vie, de sa vie. Les choses étaient déjà assez compliquées ainsi.

Elghinn n’était pas un gamin comme les autres. Déjà, son apparence faisait sourciller de même que son non verbal. Lorsqu’il ouvrit la bouche... Un adulte dans le corps d’un enfant, c’était probablement la description la plus juste que Zaahrian pouvait en faire. Narquois et mal élevé comme sa mère, ce gamin prenait les gens de haut malgré sa taille réduite. L’assassin fut si surpris qu’il éclata de rire, une première depuis des jours. « Pas de doute, c’est ton gamin! » Lança-t-il à Krish, hilare.

Normalement, avec les gamins il ne révélait pas sa vraie nature. Il se contentait de leur raconter des histoires et de faire des démonstrations de maniement de couteaux. Ça les impressionnait toujours et Zaahrian devenait aussitôt leur héros. S’il faisait ça avec Elghinn, il lui rirait au nez et Krish ne lui avait, apparemment, rien caché. « Je ne plis pas genoux devant n’importe qui. » Pour quiconque qui connaissait un peu Zaahrian, cette phrase pouvait être interprétée de bien des façons.

Sensible, oh ça il l’était. Un vrai cœur en chocolat battait dans sa poitrine. Il aidait même si cela lui causait souvent des emmerdes par la suite. Zaahrian s’en plaignait, mais ça ne l’empêchait pas de recommencer. Quant à sa loyauté, il ne l’accordait qu’à ceux qui la méritait et pouvait la leur retirer au moindre faux-pas. « Maintenant je sais pourquoi ta mère était aussi distraite pendant nos leçons. Pour ça, faudra commencer bientôt à travailler ton corps, car j’avais ta taille lorsqu’on a débuté ma formation d’assassin. Ma première leçon fut de rester debout pendant 12 heures sur clôture de bois instable pour travailler mon équilibre. Tu serais prêt à commencer quand? » Zaahrian se doutait qu’Elghinn ne serait pas tellement impressionné. En fait, il y avait-il quelque chose qui allumerait une lueur d’intérêt dans ce regard vermillon?

« En effet, mais c’est une nouvelle encore récente. Je n’ai pas tellement eu l’occasion de le connaître. » Zaahrian se mordit la lèvre avant d’ajouter avec la franchise que demandait le garçon. « Et il y a une possibilité que tu sois mon demi-frère. Qu’est-ce que tu en penses? J’ai beaucoup de choses qui me viennent en tête, mais comme tu ne sembles pas être du genre à avoir ta langue dans ta poche, j’aimerais entendre ton opinion sur la question avant d’aller plus loin. »

En effet, le gamin avait de qui tenir. Et qui que soit le père biologique, il était au moins aussi taré que sa mère alors ce n'était pas vraiment ça qui aurait pu le sauver. Krish acquiesça avec fierté, retenant au dernier moment un geste tendre envers sa progéniture. C'est qu'elle essayait de l'habituer à se détacher d'elle un minimum, aussi difficile que ce soit pour l'un comme pour l'autre.

De son côté, Elghinn semblait de plus en plus absorbé par les paroles du demi-elfe. Il ne niait pas. Il riait. Il acceptait l'étrangeté de son interlocuteur et il se montrait franc. Lorsqu'il parla de commencer à lui forger un corps, un sourire souligna la lueur d'intérêt qui s'alluma dans l’œil du garçon. Certes, l'idée de passer douze heures sur une palissade de l'impressionnait pas particulièrement - quoi qu'à y réfléchir l'exercice devait être rudement emmerdant - mais c'était la première fois que quelqu'un lui proposait autre chose que 'd'attendre pour voir quand il serait plus grand'. Depuis la manipulation magique qu'il avait subit chez les elfes, même Krish hésitait à forcer sur ce nouveau corps. Elle le retenait même parfois de trop en faire.

Mais il préféra finir la tirade pour laquelle il s'était lancée que de sauter sur l'occasion. Montrer qu'on désirait vraiment quelque chose c'était prendre le risque de ne pas l'obtenir, non ? Il était presque certain que sa mère lui avait expliquer quelque chose de ce style.

Et encore une fois le demi-elfe marqua des points. L'enfant prit le temps de réfléchir sérieusement. S'il était très mature sur bien des points, en matière sociale et familiale, il n'avait eu que sa mère pour modèle pendant des décennies... peut-être des siècles pour autant qu'il le savait. Cacher ses véritables intentions ou taire le fil de ses pensées n'avait été que partiellement intégré. Sa mère l'avait habitué de son mieux au concept de mensonge, mais les relations complexes qui existaient en ce monde allaient bien au-delà de ça. Il reprit donc tout depuis le début avec une sincérité désarmante.

- Mère m'a dit qu'elle n'avait aucune certitude mais même si c'était le cas, je ne sais pas à quoi sert vraiment un père. T'Challa et elle sont la seule famille que j'ai et je n'ai toujours pu compter que sur elles. Je les connais, je les comprends et je leur fait confiance. C'était nous contre le monde et le monde essaye de nous tuer depuis aussi loin que je me souvienne. Il n'y a rien de tout ça entre moi et un éventuel pères. Ce sont que des noms. Il y a encore quelque jours, je t'aurais dit que je m'en fichais, mais tout à l'heure je suis entré. " expliqua-t-il en faisant un vague geste vers la porte près de laquelle il campait en évitant soigneusement le regard de sa mère. Il lui avait promis de ne pas entrer sans elle. " Voir son visage... c'était... étrange. Tout ça est encore nouveau pour moi. " Il se gratta la tempe, faisant ressortir de sa crinière de cheveux blancs une oreille effilée et parut un peu embêté. En plus de le travaillé du côté de la famille, il commençait également à se poser des questions sur la mort. Dans ce monde, il restait une carcasse vide une fois que la personne ne bougeait plus... mais elle avait encore une sorte d'importance diffuse. Peut-être ? Il continua en vrillant de nouveau ses yeux dans ceux du demi-sang. " J'ai bien vu depuis notre arrivée ici que je suis différent. " Il avait parfaitement conscience qu'il semblait étrange pour ce blondinet, et c'était tout à fait réciproque. Les personnes de ce monde étaient des énigmes. Elghinn les observaient et les étudiaient, mais bien peu lui adressaient la parole avec une si simple sympathie... C'était même la première fois depuis Macabre et il avait du mal à tendre la main tout en restant sur ses gardes. " Je sais pas ce que c'est sensé signifié pour les gens comme toi d'avoir un lien de sang. D'être... frère ou demi-frère. Mais tu as l'air réglo. Tu n'as pas l'air de mentir, tu ne me traite pas comme quelqu'un d'incapable d'avoir une opinion sensée. Pour tout dire, tu es l'une des seules personnes à me regarder dans les yeux sans avoir l'air dégoûté ou effrayé. " Dérangeant étant un mot faible pour la plupart des gens qui avaient croisé le regard de cet enfant qui avait passé sa vie à survivre dans une dimension différente de la leur. " Je t'aime bien, t'es intéressant et t'expliques les choses clairement... Et puis je connais pas grand monde dans cette ville. Alors si tu veux bien m'apprendre des choses en plus, comme comment avoir un corps qui tient le coup, ça doit être cool d'être de ta famille. "

Krish sourit discrètement, faisant son possible pour ne pas sembler trop attendri par le bonhomme campé sur ses deux jambes.

Zaahrian acquiesça d’un signe de tête. « Ouais, ta mère m’a vaguement expliqué comment ça se passe du côté des drows et tout ça. Je comprends aussi à quel point ça peut être bizarre. Vois-tu, avant de rencontrer Halan, j’étais certain qu’il avait violé ma mère et je le haïssais pour ça. Ma mère ne m’a jamais rien dit à propos de mon père, mais comme elle gardait le secret, je pensais dans ma tête de gamin que c’était ça qui était arrivé, que c’était un truc honteux qu’elle ne voulait pas dire à personne. Si on ne m’avait pas assommé et attaché le jour où nos routes se sont croisées, je l’aurais tué sans le moindre regret. Le truc c’est que la vérité est toujours plus complexe qu’il n’y paraît et il me manquait son côté de l’histoire. S’il n’était pas là, s’il nous avait abandonnés, c’est parce qu’il pensait que nous étions morts lors d’une attaque. On ne peut pas en vouloir à quelqu’un de ne pas courir après des fantômes, non? » Une part de sa personne lui en voulait encore de ne pas avoir essayé quand même. Pourtant, Halan n’avait rien à se reproché et c’est en voyant le visage de ce géant baigné de larmes lorsqu’il comprit son erreur que l’assassin comprit que cette révélation était la pire des punitions qu’il n’aurait jamais pu lui infliger. On ne peut pas revenir sur ce qui a été fait. On se tourne vers l’avenir en essayant de faire mieux, mais avec Halan, la vie avait décidé qu’il n’y aurait pas de deuxième chance.

Pour la première fois depuis le début de cet échange, le gamin semblait franchement embêté par tout ça et, selon ses dires, Zaahrian était le seul à ne pas se laisser impressionner par son apparence particulière. « Pour ça, tu es différent, mais on ne peut pas dire que je sois comme les autres non plus. Je suis un assassin. Je n’étais qu’un petit garçon quand quelqu’un a décidé pour moi ce que je ferais plus tard. Toute ma vie a été articulée autour de ça et aujourd’hui, je ne peux pas regarder quelqu’un sans savoir exactement comment le tuer. Ça ne se voit pas, mais l’impact est bien réel. » Il soupira, la position commençait à être inconfortable pour ses jambes abîmées. Pourtant, au lieu de se relever, il enchaîna. « Tu m’as demandé d’être franc, alors je le suis. Puis ce n’est pas parce que tu n’as pas ta taille d’adulte que tu n’es pas capable de réfléchir. » Il sourit, ses épaules secouées par un léger rire. « Très bien, dans ce cas... » Il sortit de sa botte un petit couteau à lancer. « Voici ce que j’en pense. Il est possible que tu sois vraiment mon frère comme il est possible que tu ne le sois pas. Je dis que ça n’a pas d’importance. Ce n’est pas seulement une question de sang, c’est d’abord et avant tout d’avoir quelque chose qui nous unit l’un à l’autre. Un vrai frère est là dans les bons et dans les mauvais moments. On peut toujours compter sur lui. Un frère, c’est aussi quelqu’un qui n’hésitera pas à te botter de cul si jamais tu fais des conneries. J’avais un frère, Guilin. Nous n’étions pas liés par le sang, mais nous avons grandi ensemble pour être des assassins. Il a toujours été là et il m’a souvent botté les fesses, crois-moi. Je t’offre ce couteau en cadeau. Il n’est pas digne de ce que ta mère peut forger, mais il a toujours bien fait son boulot. On peut le lancer. » Il lui fit une rapide démonstration. « Entraîne-toi bien, tu me feras une démonstration la prochaine fois qu’on se croisera. J’aurai d’autres petites choses à te montrer comme comment escalader un mur, entrer chez quelqu’un sans se faire remarquer ou encore comment semer ses poursuivants si jamais on se fait surprendre. Ta mère va m’adorer. » Il se redressa enfin non sans grimacer. « Je suppose que l’on peut y aller maintenant. »

Un frère... La description que venait d'en faire le demi-elfe était sacrément tentante et Elghinn ne pouvait s'empêcher d'en avoir l’œil luisant. Jamais il n'avait été mené en bateau et c'est donc avec une certaine innocence qu'il abordait la proposition de Zaahrian. Un frère... Un frère pour être là dans les coups durs et s'embrouiller. C'était exactement ce genre de relation indestructible qu'il avait avec sa mère et T'Challa quelque part. Il accueillit le cadeau en le prenant à deux main, testant immédiatement le tranchant de son petit pouce. En effet, ça n'avait rien à voir avec le couteau qu'ils avaient du abandonner en Anaëh, mais il était bien équilibré. Tandis que Zaahrian lui conseillant d'apprendre à le lancer, il fit quelques mouvement avec, le passa d'une main à l'autre puis le lança en hauteur pour le rattraper de manière à ce que la lame se retrouve vers le bas. Un sourire appréciateur redonna à son visage un air qui pouvait presque convenir à son âge, il passa le couteau à sa ceinture... Et s'avança avant que le demi-elfe ait pu se relever, pour l'étreindre.

- J'ai déjà hâte. " souffla-t-il simplement à l'oreille de Zaahrian avant de lui faire un bisou sur la joue et de le libérer dans le plus pur style 'enfant de six ans'. Bon le concept de d'espace personnel et de contact physique, c'était encore à améliorer, mais le garçon était véritablement touché... Même si son air désabusé et sa façon d'observer les choses comme s'il absorbait la moindre donnée directement par la rétine revinrent au galop.  

Krish, les bras croisés, avait regarder la scène sans piper mot... Et elle finit par détourner la tête pour s'occuper d'une trace pâle sur sa tunique de cuir noir. Par Uriz, son fils l'attendrissait beaucoup trop... Et ce couillon de demi-elfe était encore plus fraternel qu'un moinillon. La perspective de voir Elghinn se faire un ami pour la première fois - aussi étranges soient les circonstance - était d'autant plus plaisante qu'elle n'avait pas de doute sur les intensions ou les arrières pensées du dit ami. Zaahrian était assez bête pour être sincère... Et elle se fustigeait mentalement de lui en être reconnaissante. Elle se serait bien excuser auprès d'Uriz, mais elle avait parfaitement conscience que ce tout puissant être se moquait de sa conscience de ménagère comme de son premier massacre.

Lorsque le jeune homme se redressa en grimaçant, elle épousseta sa tunique et acquiesça en se raclant la gorge, invitant d'un geste les deux hommes à passer la porte. Elghinn s'y engagea sans hésitation. Krish, elle, ne savait toujours pas trop comment prendre ce décès soudain. Les souvenirs qu'elle conservait d'Halan étaient si lointains... Mais elle entra finalement.

Juste en face de la porte, de l'autre coté de la petite pièce, une énorme forme noire aux yeux d'obsidienne guettait leur entrée. Une panthère, assez grande pour servir de monture, dont la queue battait sans un son le sol de pierre.

- Nous somme là T'Challa. " chuchota Elghinn en langue sombre tout en se portant jusqu'à la créature pour partager le soutien réconfortant de son contact glacial. Il resta près d'elle, à bonne distance, mais observait l'objet de leur visite avec un respect qui lui brouillait étrangement les entrailles.

Au milieu d'une salle circulaire, la dépouille d'Halan était allongé sur un autel, vêtu uniquement d'une longue toge en soie noire. Il paraissait d'autant plus grand et imposant qu'il était habillé légèrement. Ses énormes bras reposaient sur son buste et son visage à la peau blanche était parfaitement conservé. La blessure était refermée, ses cheveux soigneusement coiffés de manière à dégager son front et laissés libre sur ses épaules. Même sa peau restait à peine plus pâle que de son vivant. Il semblait dormir, ses paupières lourdement posés sur le souvenir de ces yeux gris acier d'une intensité sans égale. Rien n'indiquait qu'il soit réellement mort... Mis à part que ses lèvres étaient soigneusement cousues d'un fil sombre et que son front était marqué d'un cercle d'un noir si profond qu'il semblait absorbé la lumière. La Marque de la Dame aux Ombres.

Lorsque Krish fut assez proche pour voir ses traits en détails, elle comprit pourquoi elle n'avait vraiment pas hâte de venir. Les souvenirs n'avaient pas été éteints par le temps, ils avaient seulement été dissimulés sous une couche de poussière. A plus de mille ans, sa mémoire était toujours aussi infaillible... Hélas. Bien sûr, ses sentiments avaient changés, mais ce visage... Elle eut un petit rire en apercevant la pointe bifide de son oreille droite. Un souvenir qu'elle lui avait laissé lors de leur première rencontre. Elle ne s'était jamais recollée. Et puis la mèche qui était significativement plus courte que les autres... Elle était la dernière personne a lui avoir coupé les cheveux, cette nuit là dans l'Annon, à quelques lieues de Yutar et de Velkyn qui encensait leurs retrouvailles. Elle ne pouvait détacher les yeux de son profil à la fois fin et massif, et porta sans s'en rendre compte une main à sa propre gorge. Son autre bras était serré autour de sa taille, comme si elle contenait fermement quelque chose qui devait resté dans ses tripes.

Elle s'approcha de lui et, par égare pour son fils, posa un baiser sur sa joue froide plutôt que sur ses lèvres. " Je me suis dit que tu aimerais les avoir auprès de toi, espèce d'abruti de génie. " souffla-t-elle en eldéen. " Je ferai en sorte que personne ne t'oublie. " ajouta-t-elle en elfique cette fois, en hommage à l'homme qu'il avait été avant de la connaitre. Son reflet dans un miroir... Un forgeron ayant poussé son art si loin qu'il ne trouvait plus personne à sa mesure et commençait à dépérir... Leur seul existence avait redonné sens à leur vie mutuelles. Ils étaient du même alliage, de la même trempe... Elle se redressa, repassant à l'oliyan sans pour autant monter le ton. " Maintenant, tu sais que si j'étais restée auprès de toi, je me serais perdu aux yeux d'Uriz... et tu dois bien rire en sachant que, parfois, je préférerai que ce soit le cas. " Oui... Là était la puissance de ce qu'ils avaient partagé. Et maintenant qu'elle prenait conscience qu'il n'était plus là, elle avait la certitude qu'elle venait de franchir la dernière étape de son voyage. Après sa dévotion envers Uriz il n'y aurait plus rien. Velkyn était mort. Vaerian était mort. Halan était mort. Son Oeuvre, sa Faiblesse et son Reflet. Elle ne retrouverai jamais d'aussi grands rivaux. D'aussi parfaits amants. Mais même parmi ceux-là, Halandarin avait une place à part. Elle était tombée devant lui. Et il l'avait relevée.

Au fur et à mesure que les souvenirs revenaient, la vengeance qu'elle pensait ne pas être sienne lui colla un goût de sang dans la bouche. elle serra les dents, le visage de plus en plus dur. Elle déglutit difficilement, ravalant les larmes qui lui montaient aux yeux en silence.

- Zaahrian. " articula-t-elle calmement " Promet moi de faire souffrir le bâtard qui lui a fait ça autant que tu le pourras. "

Elle n'avait pas tourner la tête. Elle ne détournerait pas les yeux de ce qu'il était advenu de son Exilé.

Lorsqu’Elghinn passa ses bras autour de son cou, Zaahrian, sentit quelque chose d’inattendu se produire en lui. Comme un baume appliqué sur une blessure qu’il ne voyait pas, l’assassin se sentit étrangement apaisé. « J’ai hâte aussi. » Pendant un bref instant, il remit même en doute l’utilité de traquer l’elfe responsable de la mort de son père, possiblement leur père à tous les deux. Parce qu’il savait l’entreprise risquée, il ne voulait pas rompre cette promesse qu’il venait de faire à ce gamin atypique, celle d’être son frère et de veiller sur lui. Du coup, il se sentait mal devant l’idée que cette rencontre puisse être un adieu, comme elle le fut avec Halan. Il ne tenait pas particulièrement à ce que l’histoire se répète, mais il ne pouvait pas non ne rien faire.

Confus, l’assassin pénétra dans la chambre où reposait le corps d’Halan. Toute son attention se concentra alors sur le défunt. S’il avait été affreusement blessé, rien n’y paraissait maintenant. Il s’approcha un peu plus de lui, en silence, comme s’il craignait de le tirer de son sommeil. La première pensée qui lui vint à l’esprit fut qu’il ne se ressemblait pas. La mort déforme inévitablement les visages. Les muscles perdent rapidement leur tonus, la peau devient flasque et les traits s’étirent. Le masque de la mort, voilà comment Zaahrian appelait ça. Sans être nécessairement laid, il rappelait que le corps n’était qu’une coquille vide et que tout ce qu’avait été Halandarin n’était plus. Sur son front, quelqu’un avait tracé une marque noire, un rite drow qui échappait totalement à Zaahrian. Son père aurait-il approuvé? La question lui effleura l’esprit, mais il ne se sentait pas en droit de protester.

De voir son père ainsi lui rappela nécessairement sa mère. Zaahrian l’avait enterré des années plus tôt, alors qu’il n’était qu’un adolescent. Pendant près d’une heure, il avait creusé la tombe aussi profondément que possible avant d’y déposer la dépouille. Il prononça une brève prière de son cru puis combla la fosse. Daeron, qui était toujours l’époux de sa mère, n’avait même pas assisté à la mise en terre. Ce jour-là, Zaahrian s’était affreusement senti seul au monde. Aujourd’hui, la mort de son père faisait de lui officiellement un orphelin. À bien des égards, Zaahrian aurait encore besoin d’un parent pour le guider dans ce monde ou simplement pour lui dire qu’il n’était pas aussi mauvais qu’il le croyait. Son regard glissa sur Elghinn. Il comprenait que le gamin puisse trouver cela bizarre, car la mort en elle-même est une chose étrange. Le cœur qui cesse de battre, le souffle figé dans la poitrine, ce sont des choses qui se voient, elles sont tangibles. Cela dit, il est difficile de comprendre qu’on ne verra plus jamais une personne, qu’elle n’existe plus. Si, en plus, cette personne est peut-être ton père…

Zaahrian ne comprit rien des propos de Krish en eldéen et en elfique, mais elle était la plus affectée de tous dans cette pièce. Il y avait sans doute plus d’émotion qu’elle ne l’aurait souhaité dans sa voix. Elle luttait farouchement pour ne pas céder, trop orgueilleuse pour admettre la faiblesse de son cœur. Krish a aimé Halan et sans doute que le sentiment fut réciproque. À une époque, il a aussi aimé sa mère Ïasmina, mais si Zaahrian pouvait difficilement en vouloir à Halan d’être passé à autre chose, il y avait quand même une putain de différence entre les deux femmes. Krish brûlait autant d’amour que du feu de la vengeance. C’est avec une voix contenue qu’elle s’exprima une dernière fois, demandant à l’assassin une mort lente pour celui qui a fait cela. Zaahrian acquiesça d’un signe de la tête. « Je le ferai. »

Des trois visiteurs présents, elle était celle qui avait connu Halan le plus longtemps, quoi de plus normal qu'elle soit la plus affectée par sa mort ? C'était une vengeance, quoi de plus normal qu'elle se sente concernée ?

- C'est une promesse. " répondit-elle simplement lorsque Zaahrian l'assura qu'il prendrait son temps pour en finir avec Loethwil. Mais cette fois, elle se tourna vers le jeune homme pour ajouté une bénédiction d'une voix inhabituellement grave. " Ilharn kyorl dos. "

Sans connaitre la langue drow, le demi-sang avait compris la court phrase. Elle raisonnait dans ses tripes autant que dans ses oreilles. Le sens en était évident : " Puisse le Père t'observer. ". L'espace d'un instant, avant qu'elle ne se retourne vers le défunt, les yeux de Krish accrochèrent ceux de l'assassin. C'était rapide, à peine plus d'un battement de cil. Il y avait de quoi se demander s'il avait avait imaginé ce qu'il venait de voir. Le rouge sang qui baignait habituellement les iris de la daedhel avait envahi la totalité de l’œil, ne laissant qu'un minuscule point noir en son centre, entouré de flamme dansantes allant du doré au rouge sombre.

Et tout naturellement, comme si rien ne s'était passé, elle se redressa en soupirant.

- Maintenant que j'y pense, frère de sang ou non, il y a peut-être quelque chose qu'il vous a légué à tous les deux. " Elle s'éloigna de la dépouille, embrassant d'un regard Zaahrian et Elghinn. " Aussi étrange que ça puisse paraitre, même si Elghinn est le seul a avoir survécu, c'est Halandarin qui a choisi son nom et de sa sœur Nos'ta. "

Oh, merde…

Zaahrian prenait soudainement conscience que cette promesse n’était pas seulement faite à lui-même, mais à Krish, Elghinn et même son putain de père. Les paroles de Krish, il n’avait pas besoin de comprendre la langue pour en saisir le sens. Et ses yeux, s’il n’y avait pas de la magie ou une quelconque bénédiction divine derrière tout ça, Zaahrian était le roi de la Péninsule. En gros, cette promesse était scellée et il devait la tenir, pour l’honneur et peut-être même le salut de son âme, s’il lui en restait une. Le problème c’est que si l’assassin pouvait vivre avec le poids de ses échecs et de ses propres peines, il ne tenait pas particulièrement à perdre la face devant Krish et son frère. Il devait donc aller jusqu’au bout, même si ça l’amenait à sa mort. Puis Krish redevint elle-même et Zaahrian se demanda s’il n’avait pas rêvé. Non, tout cela était bien réel.

« Pour ma part, je ne suis pas certain qu’Halan ait choisi mon nom. En tout cas, ma mère ne m’en jamais parlé. Détail amusant, j’ai longtemps cru qu’il l’avait violé… » Il haussa les épaules. « Il y avait donc une fille? » Une fille… Zaahrian aurait été bien embêté si Krish lui avait présenté une gamine. Un garçon, c’est facile. Il est lui-même un garçon, donc il sait comment ça se passe dans sa tête. Une fille, la progéniture de Krish, en plus. Bon sang, il ne voulait même pas y penser. Elle l’aurait sans doute mené en bateau. En même temps, si Zaahrian devait être père d’une fille, il serait le genre à mettre un couteau à la gorge de chaque prétendant qui tenterait de l’approcher. Le papa-poule par excellente qui veille farouchement au bien-être de sa progéniture tout en leur apprenant le maniement du couteau…

- Amusant." répéta Krish en levant un sourcil. Meh. Inutile de se demandait pourquoi elle s'entendait bien avec ce gaillard. " Et... Oui, en quelque sorte. Mais elle n'a pas survécu à sa venue au monde. Elghinn avait prit toute sa force. C'est souvent comme ça chez les drows. " expliqua-t-elle succinctement avec un sourire de fierté à l'attention de son fils.

Peut-être qu'un jour, elle se laisserait aller à en dire plus sur l'anomalie magique durant sa grossesse, la monstruosité dont elle avait accouchée et la survie miraculeuse d'Elghinn, mais ce n'était certainement pas pour aujourd'hui. Elle avait toujours été plus encline aux confidences sur l'oreiller, mais avant, le jeune assassin avait un sacré travail à accomplir. Elle tourna donc les talons, sifflant doucement une stridulation mélodieuse qui fit pointer en avant les oreilles de l'impressionnante bête noire qui les avait accueilli.

- Je te laisse un peu avec ton paternel. Si tu te perds, n'hésite pas à demander son chemins. Ici, personne ne mord sans demander avant. " T'Challa et Elghinn sortirent en premier, non sans que le gamin ait jeter un ultime regard à son frère, comme pour exiger de lui qu'il revienne en un seul morceau. Krish, elle, s'attarda une dernière fois pour venir saluer l'assassin d'un baiser fougueux sans que la dépouille d'Halan ne la dérange sur ce point. " Si tu me cherches, tu me trouveras au Lys d'or. Mon palais à pris un trop gros coup pour que je puisse y rester ces jours-ci. "

Et comme à son habitude, elle quitta la pièce sans attendre d'éventuelle réponse.

Les drows, même dans le ventre de leur mère, trouvaient le moyen de s’entre-tuer. Inutile de penser à cette fille qui n’a jamais été, mais plus Zaahrian en apprenait sur les sombres, plus il s’interrogeait sur les raisons qui le poussaient à rester près de Krish. Il devrait courir le plus loin possible de cette femme. Pourtant, il restait là, comme un idiot. Pire encore, il l’aimait bien. Pourquoi? Parce qu’elle était dangereuse et complètement tarée. Elle serait capable de regarder la mort dans les yeux et de lui dire : dégage, j’ai d’autres choses à faire. Zaahrian la considérait comme une adversaire à sa taille, la seule personne probablement capable de l’éventrer tout en gardant le sourire.

« Bien, je vais probablement passer avant le départ, ne serait-ce que pour boire un coup. Ils ne m'ont pas laissé boire une goûte dans ce putain de temple. »Il aurait mieux fait de se taire. Krish s'en alla non sans venir l'embrasser une dernière fois. Zaahrian se braqua, mais elle fut parti avant qu'il ait eu le temps de réagir. Du coup, il se demanda s'il allait vraiment passer une dernière fois avant son départ.

Laissé à lui-même avec le corps, pour l’une des rares fois de sa vie, Zaahrian fut à court de mots. Que dire à quelqu’un que l’on connaît à peine, surtout avec l’écho des tortures perpétrées dans ce temple en bruit de fond? « Je suppose que c’est toi et moi, maintenant. Ne compte pas sur moi pour t’embrasser... » Il pencha la tête de côté. « On était sensé de se revoir, c’était ça l’entente, il me semble. J’aurais dû spécifier : se revoir vivant. Ça laisse trop de place à l’interprétation, sinon. Techniquement, tu es là, mais tu es mort, donc ça ne compte pas. Je n’aime pas les gens qui ne tiennent pas parole et je n’aime pas non plus l’idée de me parler tout seul. Tu n’es pas là, ce n’est qu’une enveloppe vide et flasque… Pourtant, je parle quand même comme si tu pouvais m’entendre. En tout cas, j’espère que tu n’es vraiment pas là une heure plus tôt, car ça voudrait dire que tu as aussi vu ce qui s’est passé entre moi et Krish. Je tiens à dire que c’était un accident et que ça ne se reproduira plus. Tu pourras me botter le cul le moment venu, mais elle a quand même dit que j’avais un beau cul. Tu dois être d’accord avec moi, elle a clairement un truc pour les grands blonds musclés. » Zaahrian s’approcha un peu plus du corps et fixa le visage d’Halan. « J’aurais voulu te connaître avant. J’aurais voulu que tu sois là. Je ne sais pas à quel point j’aurais été différent, mais les choses n’auraient pas été pareilles. Qui sait, tu aurais peut-être pu m’apprendre un truc ou deux? S'attarder sur ce qui aurait pu être est une perte de temps, mais je ne peux pas m’empêcher de regretter quand même. C’est là que Krish dirait sans doute que je suis trop sensible. Putain, elle a raison. Ça m’écœure de l'avouer, mais … Il grimaça.«Je suppose que ça fait de moi quelqu’un de… bien? Ça, ou je suis un idiot, j'te laisse décider. » Il posa une main sur l’épaule d’Halan. « On se reverra peut-être de l’autre côté, mais pour l’instant, c’est un adieu. » Il salua son père d’un signe de tête avant de tourner les talons. Naturellement, il n’avait pas fait 10 mètres qu’il perdit son chemin.

Une heure plus tard, il se présentait à la chambre de Krish avec une bouteille d’eau de vie dans une main et un alcool drow dans l’autre. « On m’a dit que pour les sombres, l’alcool des humains est comparable à de la pisse. J’ai donc fait un effort pour trouver de quoi satisfaire ton palais de barbare. » Il agita la bouteille en question. « Aucune idée si c’est un truc potable ou pas, mais ça m’a coûté cher. Ainsi, tu as dit que j’ai un beau cul? »