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 Papy ? | Louis & Éléonore.

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Charles d'Hardancour
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MessageSujet: Papy ? | Louis & Éléonore.   Papy ? | Louis & Éléonore. I_icon_minitimeJeu 16 Aoû 2018 - 17:48


Première énnéade de Karfias, premiers jours, XIème année, Cantharel.


Qu'est-ce qui rend une guerre supportable aux yeux du peuple ?
C'est une question que Charles se posait sincèrement, alors que son escorte remontait les rues de la capitale du marquisat. Les murs sales et les pavés mal alignés étaient battus par le cuir usé des bottines des citadins et des marchands, fourmillant en grand nombre depuis l'annonce du mariage à venir entre le marquis et la baronne d'Alonna, Alanya de Broissieux. Ces terres avaient payés leur tribut à la couronne : les hommes avaient servis, leurs mains avaient brandis l'acier, le sang avait coulé. Les récoltes de l'été, correctes en perspective, avaient surtout nourris les ladres en campagne, et à présent que l'hiver venait, l'éternelle question soulevée en premier lieu par l'ivrogne de la taverne : cela en valait-il vraiment la peine ? Tenir l'armée en campagne pendant autant de temps avait coûté beaucoup d'argent, et l'on s'apprêtait à demander à ceux qui avaient combattus de se serrer à présent la ceinture, à la veille de festivités auxquelles ils ne participeraient pas.

Mais cela en valait la peine. Charles aurait-il dû financer la guerre lui-même, il aurait accepté si cela signifiait s'en aller châtier les vilains du Médian, punir la félonie de Velteroc et Hautval, et surtout, prouver à tous que la seule dynastie régnante légitime en Sainte Berthilde était les Saint-Aimé. Ce nom. Murmuré, gémi, apprécié et acclamé, tantôt calomnié et moqué : Saint-Aimé. Le père, puis le fils, tous deux avaient lutté pour que leur fessier n'ait pas à bailler en craignant qu'une épée n'y soit insérée par surprise, d'abord Godfroy, et à présent Louis. Mais tous deux avaient portés, et portaient désormais le titre de marquis, et rien ne pourrait le défaire. C'était une grande source de satisfaction pour le vieil Hardancour, qui se consolait de n'avoir pu porter la guerre au Médian.

Plus l'on montait dans la ville, plus les bicoques devenaient de petits hôtels, et Charles se surprenait à reconnaître certains visages, ou à deviner qui était désormais le propriétaire de telle ou telle bâtisse aux belles couleurs éclatantes, accrochées aux balcons. La bannière d'Hardancour, elle, était portée fièrement par l'escorte du vieil homme, que ni les plus âgés ni les plus jeunes ne s'étaient risqués à oublier. Si le dernier souvenir de Charles était l'épisode d'Etherna, tous savaient que sa vie ne se limitait pas à cela. Tous savaient qu'il avait vécu toute sa vie en noble seigneur et chevalier. Et qu'il mourrait probablement ainsi. Mais là encore, la question se posait : Etherna en valait-elle la peine ? Les hommes choisissent ce dont ils se souviennent. Et à présent, l'esprit du vieil Hardancour se demandait si Louis déciderait de ne se souvenir que d'Etherna, et non des services et de la présence de son grand-père à son côté dans les heures sombres du marquisat.

S'en souviendrait-on, alors qu'il s'apprêtait à entrer dans la salle du trône ? On ne l'avait pas annoncé. Il n'était pas attendu. Mais il savait que le marquis siégerait sur le marbre blanc pour lequel il avait mené une armée de plusieurs milliers d'hommes à travers la Péninsule. Il savait également qu'il ne serait probablement pas seul dans la salle du trône. Il y aurait les nouveaux confidents du marquis, et ceux que Charles appelait les mignons du trône : ceux qui s'agrippaient aux miettes du pouvoir et de l'influence que seule l'amitié de Louis pouvait leur conférer. Il y aurait les seigneurs berthildois déjà présents pour les festivités, et l'avant-garde de ceux qui n'étaient pas encore arrivés. Tant mieux. Charles voulait montrer à tous qu'une année chez lui n'avait pas suffit à l'enterrer.

« MESSIRE CHARLES D'HARDANCOUR, SEIGNEUR D'HARDANCOUR ! » beugla le héraut, tandis que la silhouette du vieil homme se dessinait dans le hall.

Il ne portait pas son épée raffinée et travaillée, celle qu'il avait portée durant toute sa vie : il l'avait laissée sur ce même hall, sur ces mêmes pierres qu'à présent ces bottes foulaient après une année de presque exil. Pour tout apparat, il n'avait que son armure de cérémonie, qui relevait plus de l'aspect cérémoniel que du résultat d'une recherche d'efficacité au combat. Parvenu au pied du trône, il tourna légèrement son pied droit, et s'inclina bien bas.

« Monsieur le marquis, Votre Excellence, mes hommages et mes félicitations pour votre grande victoire face au Médian. Puisse l'efficacité de nos troupes et le brio de nos généraux dissuader toute velléité de sédition, et ainsi apporter la paix et la prospérité à Sainte Berthilde, et au royaume. »


Il ne se releva qu'une fois sa tirade terminée, plaçant son bras gauche au bas de son dos, et son poing droit fermé sur son cœur, en position digne devant son suzerain.


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Louis de Saint-Aimé
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MessageSujet: Re: Papy ? | Louis & Éléonore.   Papy ? | Louis & Éléonore. I_icon_minitimeMer 5 Sep 2018 - 22:28






Ce jour fatidique, où quitta sur un pas cadencé les osts du Berthildois en direction du Médian, signa pour leur mère Patrie, le jour premier d’une interminable période de dormance. En effet, l’armée, dans son sillage, laissa nombres de familles rongées par l’inquiétude. Cette incertitude, de revoir un jour pour certains leurs amants, pour d’autres leurs maris, causa hélas bien du tort à tout le pays. Et si la guerre se prolongeait ? Si elle s’étendait par-delà la première neige ? Ces ménages, privés de leurs hommes, auraient-ils suffisamment à se mettre sous la dent ? Suffisamment pour affronter le dur hiver Berthildois ? C’est sous ces angoissants questionnements, que la majorité du peuple restant – autant petits commerçant que femmes esseulés – adoptèrent un mode de vie plus sobre encore. Dans les ennéades suivant le départ des troupes, aussi bien dire que les affaires agonisaient à petit feu, que seuls ceux qui marchandaient de la nourriture à bon prix, réussissaient à maintenir potelées leurs besaces de piécettes.

Mais maintenant que l’armée était revenue au bercail, que tous ces ménages avaient récupérés leurs bonhommes et qu’ils avaient de surcroît, un nouveau Marquis à leur tête, plus rien n’encouragerait ce bon peuple à ronfler plus longuement! Non, tranquillement, mais sûrement, on voyait sur la grande place naître quelques boutiques de fortune, quelques charrettes de passage, reprenant leur brocantage avec toujours un peu plus d’entrain et de fougue.


« V’nez v’nez! On avions là les plus gros z’eu d’poule du marché! Assez massif pour nourrir une poignée de gueule au petit déjeuner! »

« Du pain, d’la miche et d’la baguette! Si frais et moelleux, qu’vous pourriez vous pioncer dessus plus confortablement que sur votre paillasse! » Beugla les uns sur les autres les multiples démarcheurs, à tenter de s’arracher une clientèle toujours plus massive et abondante.

Par tans, l’effervescence du passé que l’on connaissait si bien de l’illustre Cantharel, reprenait de plus belle. Et cette ambiance, ravivée comme elle le fut jadis, s’en vit requinquée de plus belle à l’annonce des festivités. Une ennéade de liesse et de relâchement, où seule la détente et le plaisir étaient encouragés et suggérés à l’horaire! Et tandis que dans la basse, comme dans la haute, les résidents de Cantharel se préparaient à cette bombance prolongée, le castel quant à lui, ne s’y soustrayait guère!

Pour la cause, des boniches supplémentaires furent engagées pour la durée de cette prometteuse ennéade, de même que des servants et autres domestiques, le tout, dans l’espoir de satisfaire l’entièreté de la demande. C’est que, l’immaculé château attendait moult invités! Du gratin à ne plus en redemander, tant les nobles s’étaient fait promesse de se déplacer pour l’occasion. Aussi bien vous épargner les détails, de tout le bordel que cela occasionnait entre les murs. Là, des gouvernantes à houspiller les nouvelles têtes, là, des pointeurs qui accompagnaient au possible le sang bleu jusqu’à leurs appartements et là, un Louis qui patinait au mieux pour offrir le meilleur de lui-même à ceux qui venaient à sa rencontre. La Damedieu soit louée, sa boussole ne l’avait guère quitté du matin, elle était restée à ses côtés, de sorte à ce que le marquis n’en perde le Nord, tant les invités participaient à tout ce bousin. Éléonore sa sœur, avait cette aisance aux présentations, au protocole, à la reconnaissance des visages et des bannières, s’affairant à souffler au travers quelques souvenirs avenants, le nom d’un tel ou d’une telle. Tant que vous le voulez, il pouvait réciter par cœur le nom des braves qui se tinrent à ses côtés durant la bataille, mais celui de leurs rombières, ou des croulants qui n’avaient plus la force de battre la campagne, eux …

Puis, plus rien. La voix portante d’un annonceur publique se montra si tranchante, qu’elle mit sèchement un terme au tumulte de la grand’salle du trône. À l’unisson, tous se retournèrent et portèrent leur attention non pas vers le bonhomme à la voix de ténor, mais à celui qu’il avait annoncé, un homme dont les pieds n’avait ces derniers mois, que trop peu foulés ce sol. À voir les bouilles que tirèrent les gros bonnets, au travers leurs yeux écarquillés et arrondis comme des billes, on put deviner aisément l’étonnement que suscita l’arrivée du maître d’Hardancours. D’eux tous, quelques-uns pourtant surent préserver de leur sérieux et Louis, était faisait partit du lot.

Ainsi, à mesure que Charles s’adressa à lui un fois le genou ployé, le marquis de Sainte-Berthilde conquis la courte distance qui le séparait du piédestal accueillant son trône afin de mieux pouvoir le jauger. Si le vieillard n’avait guère changé, à l’exception faite de la naissance de quelques ridules supplémentaires, le jeune cerf quant à lui, n’avait plus rien du gamin qu’il était avant de prendre les armes. Une poussée de croissance –finale, espérait-on-, avait allongée ses membres de plusieurs centimètres, se montrant par la bande aussi généreuse à son coffre qu’à ses épaules. À l’instar de Jean, son frère aîné, qui lui avait tout de la physionomie de son père, Louis pouvait désormais se montrer comme le fier hérité de ce généreux bagage génétique. Tandis que la piétaille redoutait le rationnement des stocks de nourriture en temps de guerre, d’aucuns ne pourraient affirmer que le marquis avait manqué à manger : il pouvait désormais se targuer de figurer parmi les plus imposants combattants.

C’est donc les bras croisés l’un dans l’autre, qu’il attendit que son grand-père achève ses hommages. Il le vit se redresser, puis affronter son regard sans défaillir, affrontant dignement le silence qu’instaura Louis suite à ces salutations protocolaires. À l’instar d’un cimetière, pas le moindre son ne se manifesta, ni même le moindre chuchotis. Seul le pas lent et appesantit par la nouvelle charpente de Louis, brisa le motus jusqu’à ce qu’il arrive à son niveau, lui tende une main, puis lui serre l’avant-bras en homme, avant de l’étreindre comme le paternel qui lui restait.


« Bienvenue à Cantharel, Charles. » Affirma Louis franchement, ajoutant à ce chaleureux accueil, au travers sa barbe garnie, l’un de ses plus chaleureux sourires. « Les mots m’apparaissent faibles pour vous témoigner comme il m'est bon de vous revoir. La Damedieu est miséricordieuse, de m’accorder la chance de vous voir en de si bonnes conditions. » Et il s’éloigna de lui d’un pas, comme s’il venait d’autoriser par sa bonhomie que reprenne le tohu-bohu. Il se retourna, ensuite, comme si rien ne s’était jamais passé avec Charles, invitant d’un geste chaleureux à ce que sa sœur les rejoigne. Elle avait elle aussi mérité qu’on la salue avec tout le respect qui lui revenait.


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Eléonore de Saint-Aimé
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MessageSujet: Re: Papy ? | Louis & Éléonore.   Papy ? | Louis & Éléonore. I_icon_minitimeJeu 6 Sep 2018 - 14:13

Le retour à Cantharel avait quelque peu miné Eléonore. Non pas qu’elle ne veuille plus être chez elle, entourée de ses proches, mais Diantra avait laissée sur elle une impression des plus fortes. Ce n’était pas la première fois qu’elle y allait mais c’était bien la première fois qu’elle y était assez libre pour y faire des rencontres à son gré. Avant cela toujours accompagnée de Judith, elle n’avait pu prendre aucune initiative. L’aurait-elle ne serait-ce voulu qu’elle n’aurait pu l’exprimer. Mais s’ils étaient revenus ici, c’était sans aucun doute pour la meilleure des raisons. Ils allaient célébrer le mariage entre son frère et sa bien-aimée. Elle essayait de ne pas penser à ce qui suivrait, à combien elle serait éloignée de lui lorsqu’il aurait pris épouse, en se rassurant avec le fait qu’elle appréciait la dame de Broissieux.

On allait et venait beaucoup dans les couloirs du château et Eléonore appréciait ce fourmillement. Il effaçait les mauvais souvenir de l’hiver passée bien seule ici, à se soucier en permanence de l’état de Louis et de la réussite de son entreprise. La jeune femme adorait particulièrement les festivités, parce qu’elles étaient synonyme de rencontres et de divertissements. Elle se trouvait comme à son habitude aux côté de Louis, dans la salle du trône et put donc avoir la surprise de l’annonce de l’arrivée de leur grand-père en même temps que tous les autres. Quant elle n’avait pas entendu ce nom depuis une bonne année résonner entre ces murs, elle se réjouissait de le voir débarquer aujourd’hui. Sans doute se joignait-il à eux pour les festivités, bien qu’elle n’en ait pas été informée. Un sourire qu’elle ne pouvait retenir illumina son visage. Il se tenait devant eux, aussi en forme qu’il pouvait l’être pour son âge. Elle attendit que Louis l’accueil, ne sachant pas si lui était heureux de le revoir. Il avait fait planer le silence avant que tout ne reprenne vie. Et qu’elle puisse donc s’avancer pour rencontrer son grand-père.

- Je suis absolument ravie de vous revoir. Je n’osais espérer votre présence. Avez-vous fait bon voyage ?

Elle ne savait pas ce qu’elle pouvait bien ajouter. Lorsqu’elle le voyait, petite, c’était pour voir Judith. Pour la conseiller peut-être, pour s’enquérir de sa santé, elle ne savait pas bien et n’était pas certaine de vouloir le savoir. Après tout, il l’avait mariée à Godfroy et tout ce qu’elle savait c’était que Louis ne lui imposerait jamais une telle chose. Il lui tardait donc de connaître les réelles motivations de son grand-père, au-delà des simples festivités.
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MessageSujet: Re: Papy ? | Louis & Éléonore.   Papy ? | Louis & Éléonore. I_icon_minitimeJeu 6 Sep 2018 - 16:09

La certaine surprise, sinon émotion, suscitée par l'apparition soudaine du vieil Hardancour s'était vite estompée. Le hall avait retenu son souffle afin d'être témoin de la réaction du marquis, celui qu'on appelait il n'y avait pas si longtemps le faon de Sainte Berthilde. Sans être le vieux cerf qu'était son père, le faon n'en était décidément plus un, pensa Charles. Ses épaules étaient charpentées, son visage plus usé, sa barbe grossièrement taillée, tout cela témoignaient que si Louis était encore jeune, son esprit avait grandement vieilli.

« La guerre change un homme. » pensa Charles à voix mi-haute, suffisamment haute pour être entendu de Louis et de sa sœur, qui les avaient rejoint. Comme un vieil homme qui redécouvre la progéniture de sa progéniture, les mains du vieux chevalier passèrent sur les épaules du marquis comme pour en vérifier la consistance. Une bonne charpente du nord, voilà ce que pensa le grand-père ! Même dans l'étreinte bourrue et suintante de virilité qu'ils échangèrent, le vieillard sentit qu'il avait définitivement perdu l'ascendant physique sur son petit-fils. Il se rappela les jours, pas si lointain à ses yeux, où le petit homme peinait à tenir une épée qui le dépassait en taille, au grand dam de son père qui, à l'époque, n'avait d'yeux que pour son aîné...

Les yeux fatigués du vieux Charles se posèrent alors sur sa petite-fille, la belle et mignonne Éléonore. Fidèle à son poste de femme, elle était radieuse aux côtés de son frère le marquis. Si radieuse qu'on n'avait malheureusement toujours pas trouvé un noble bras pour l'épouser. C'est bien malheureux, pensa Charles. Ce dernier espérait secrètement qu'Éléonore n'était pas habitée de ce progressisme de mauvais goût que Judith avait récupéré de quelque influence suderonne, seule Néera le savait. Son goût pour les lettres et les arts avait permit à la marquise-mère de figurer sur les répertoires des friands et des amateurs de la Péninsule. Pour Charles, tout cela était de mauvais goût. Une femme se devait de tenir son rôle, et il n'avait qu'un embarras trop grand lorsqu'on lui faisait part de ces vilaines velléités féministes de sa fille...Enfin ! Éléonore n'était pas sa mère. Néera merci.

« Si bonnes conditions ? Si bonnes conditions ! Le temps n'est plus mon ami, mon marquis, et ce depuis bien longtemps. Néera vous préserve de la vieillesse, et qu'elle vous préserve de la guerre, même si la dernière vous a mené sur le chemin de la gloire et de la force. Vous n'auriez pas siégé sur ce fauteuil de marbre blanc que je ne vous aurais pas reconnu. » répondit Charles, omettant volontairement de faire signaler que Louis ressemblait grandement à son père. « Quant à vous, ma chère fille, vous êtes radieuse. Le voyage fut somme toute correct. » La certaine familiarité de Charles envers sa petite-fille, après avoir été outrageusement respectueux envers le marquis n'avait plus de quoi surprendre. Dans un monde d'homme régit par des hommes, Charles était celui que les conservateurs considéraient comme le plus conservateur. Il n'en était pas moins qu'il ressentait un véritable amour pour ses petits-enfants, même s'il n'était pas coutumier de ses démonstrations d'affection, encore moins en public. « Je ressens une grande joie de pouvoir vous accompagner dans les festivités à venir. J'ai été absent bien trop longtemps. Je m'en viens remplir mes devoirs comme vous êtes tous deux de retour. Celui de vassal. Et celui de grand-père. Si, bien sûr, vous me le permettez, monsieur le marquis. » Charles sourit, lèvres fermées, en prononçant ces mots. Il regarda Éléonore, puis Louis, posant une main sur l'épaule de chacun.

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MessageSujet: Re: Papy ? | Louis & Éléonore.   Papy ? | Louis & Éléonore. I_icon_minitimeMar 11 Sep 2018 - 21:21






La question se posait : le père de sa propre mère avait-il purgé sa sentence suffisamment longtemps ? Son bannissement ne semblait guère l’avoir miné. Alors qu’il crut que ce dernier se serait morfondu d’être contraint dans cloisonnement de ses pénates, privé des champs carmin où le Nord sévit les parjurés du médian, il le voyait là, planté devant lui, tout sourire au visage. Une tronche illuminée d’enthousiasme et de joie, ivre de bonheur même! Mais ce fût précisément cet air guilleret qui corrigeât le marquis ; son grand-père ne se montrait en temps normaux, jamais aussi joyeux, ah non! Charles était l’un de ces seigneurs opiniâtres, dont l’étroitesse d’esprit suffisait à agacer à outrance les visionnaires de ce monde. Là pour certain, était-ce l’un de ses pires défauts, alors que d’autres, au contraire, affirmaient que la chose lui servait bien. Au final il fallait l’avouer, quand bien même fût-il le plus entêté des conservateurs, ses valeurs, de même que ses convictions, suivaient généralement celles de son petit-fils, de même que celles du Pays en général. Sainte-Berthilde était malgré elle, constituée de moult conservateurs peu enclin au changement, et ce fait établi, ne choquait désormais plus personne. Alors, pourquoi tant d’enthousiasme?

« Oui, très certainement. À commencer par Grand-Père, puisque c’est la seule fonction à laquelle je désire vous voir d’ici la prochaine ennéade. Il fera ici bon vivre pendant les jours à venir et je n’entends pas vous voir crouler sous la pression de nouvelles fonctions. Pour la suite, nous y verrons. D’ici là… » Louis éleva le ton, qu’assez de personnes puissent l’entendre mander que l’on acclame le retour de Charles au sein de la cours.  « Mes amis, que l’on souligne le retour à ma cour, de Charles d’Hardancour! » Et l’on entendit vibrer jusqu’à la cime des tours du castel, les applaudissements exigées du cerf. Ah, ce ton de liesse, auquel suggèrent usuellement de telles acclamations, ne pouvait certes pas coller à tous les visages! Il y avait bien quelques bouilles mécontentes, qui boudaient sans s’en cacher. Sans doutances celles-ci avaient toujours en travers la gorge l’histoire d’Étherna, autrement, à quoi pouvaient-elles lui en vouloir, lui qui voua toute sa vie à la prospérité de sa mère patrie ?

Les discussions reprenant leur cours, Louis retourna à Charles en récupérant de ses airs bons et avenants, de ceux qu’on lui connaissait bien.
« Il me faudra de surcroît vous présenter à ma fiancée. Quelques jours nous séparent avant notre union et, il m’apparaît comme indispensable qu’icelle prenne connaissance de tous les membres de la famille dont elle s’apprête à porter le patronyme. » Il chercha les réactions de son vieil aïeul, s’attendant à ce que ce dernier soit au fait de l’identité de cette dernière et qu’il y tienne un avis divergeant au sien. La chose faite, il se retourna vers Éléonore. « Crois-tu possible de t’entretenir avec ta gouvernante, ma sœur ? À savoir si la chambre de Charles est toujours disponible pour qu’il y reprenne le confort de ses appartements? »


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MessageSujet: Re: Papy ? | Louis & Éléonore.   Papy ? | Louis & Éléonore. I_icon_minitimeDim 14 Oct 2018 - 18:45

Le vieil Hardancour fit ce qu'on attendait de lui : il demeura silencieux pendant les prises de parole de Louis, remerciant de signes de tête et de la main la cour qui applaudissait l'annonce de son retour. Plus de la moitié de ces seigneurs et bourgeois devaient serrer les dents, irrités de voir revenir une figure familiale importante au sein du marquisat. Parmi eux, certains reprochaient encore à Charles l'affaire d'Etherna. D'autres avaient commencé à lui reprocher au début de son exil après l'avoir soutenu. Sainte-Berthilde, à l'instar de toutes les cours du royaume, ne dérogeait pas à la règle, cette fameuse loi qui obligeait chaque cour à disposer d'un quota de petits corniauds.

Enfin, Louis aborda sans attendre un sujet qui n'avait pas manqué de faire vibrer les oreilles du vieil Hardancour lorsqu'il en avait entendu la nouvelle. C'était donc vrai ! Le doyen de la noblesse berthildoise avait apprit à se méfier des messagers envoyés en temps de guerre ; il était commun de faire voyager une fausse information, parfois de décès ou de noces, afin de sonder les réactions et de prendre les mesures nécessaires. S'il avait tenu jusque-là, Charles se débarrassa de son sourire, et hocha à plusieurs reprises la tête, son air sévère et austère ayant reprit son droit sur son faciès.

« Nous aurons sûrement l'occasion de nous entretenir à ce sujet, monsieur le marquis. Ce n'est point le lieu. » répondit Charles dans un premier temps.  « J'aurais grand plaisir à rencontrer la future marquise de Sainte-Berthilde, Votre Excellence. »

Le ton de sa voix était redevenu austère, grave, soupçonné de n'avoir guère d'empathie pour peu de choses. Son sourire, lui, s'était volatilisé, alors que les membres de la cour retournaient à leurs activités.

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MessageSujet: Re: Papy ? | Louis & Éléonore.   Papy ? | Louis & Éléonore. I_icon_minitimeMar 23 Oct 2018 - 16:52






Ainsi fût la très courte vie du jovial Charles, prompt à de fastes retrouvailles et enclin à la bonne humeur. Acteur du dimanche, c’est après un effort soutenu de quelques minutes, que son papy troqua sa guillerette dégaine pour son opiniâtre air sévère. Trois barres venant décorer son front plissé d’un agacement certain, le regard austère et se tenant d’une droiture aussi robuste que l’acier, le bonhomme rayonnait d’une aura suffisamment puissante pour qu’elle en éloigne tous les indésirables, de ceux qui par exemple, se tâtaient à l’idée de lui faire comprendre leur ressenti en son égard. Quand à Louis, il n’avait cure de ce regard à en faire frétiller de peur les plus sauvages bestiaux ; il l’avait toujours connu ainsi. Depuis son tout jeune âge à le côtoyer sur une base régulière, il s’était acclimaté à la froideur de sa présence. Son jugement, souventefois exprimé d’une main de maître –quoi que non moins désagréable par moments-, fût le juste complément de sages enseignements de ses parents. Au final, Charles bien que loin d’être le plus commode des aînés, faisait partit du chaînon fort de son éducation et, peut-être, de son succès quant à son ascension sur le trône de Sainte-Berthilde.

« L’heur m’emporte de vous voir si favorable à sa rencontre, vraiment. » Louis gratifiât son aïeul d’un sourire entendu, après avoir beurré d’un peu d’ironie sa répartie. « Et maintenant que la chose est dite et bien dite, il me faut, grand-père, achever quelques-unes des affaires dont je traitais avant votre arrivée. Je vous offre donc congé de moi et vous retrouverai ce soir, lorsque vous ferez honneur de votre présence à ma table. » Louis rehaussa derechef ses joues, dans l’idée d’afficher l’un de ses fidèles sourires avenants. En son sens, Louis ne pouvait être certain de rien, à l’exception faite que Charles devait avoir gros au cœur à lui livrer et que le gras d’une bonne pitance le rendrait plus aisé à l’alléger. C’est à l’heure du mangé au soir, que son grand-père aurait la chance de remettre les pendules à l’heure avec son petit-fils.


Plus tard dans la salle à dîner.


Le fumet enivrant de la bidoche mijotée dans sa graisse tint fermement sa prise sur la salle à dîner où Louis y était attablé solitairement depuis près d’une dizaine de minutes. En Roi des lieux, il tenait place forte au bout de l’interminable tablée, confortablement callé à siroter le fond d’un godet de pinard. Pour ce soir, il avait congédié ceux qui prirent habitude à lui tenir quotidiennement compagnie : sa mère, sa sœur ainsi que sa fiancée. Quant aux autres places capables d’accueillir le séant d’une flopée d’autres invités, elles n’avaient guère servies depuis longtemps et ce n’était guère ce soir que le tout allait changer. Une poignée de minutes additionnelles s’égrainèrent avant qu’on annonce la venue de son aïeul, qu’il puisse prendre place et pour la becquetance, et pour s’entretenir avec le marquis.


« Là! Il me plait de vous revoir en si délicieuses conditions. Avez-vous sut reprendre les choses là où elles furent laissées avant votre départ ? » Il avait savamment choisi ce terme plutôt qu’exil ou bannissement. Entretenait-il seulement une raison valable pour gâcher d’ores et déjà ce souper prometteur? Quelques secondes à peine ne s’écoulèrent pour qu’une boniche apporte à nos deux veinards un brouet de légumes de saisons. On servit également le seul invité à table qui n’avait rien à disposition pour noyer sa soif en lui donnant choix entre de la flotte, du lait ou évidemment, le jus fermenté de la jacqueline dans laquelle on avait servi le bon marquis. Et Louis, en bon hôte, patienta que son grand-père eut terminé de s’exprimer avant d’entamer la soupe. La faim le tenaillait, mais moins que de savoir si ce dernier sut retrouver au sein du castel ses anciennes pantoufles.


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MessageSujet: Re: Papy ? | Louis & Éléonore.   Papy ? | Louis & Éléonore. I_icon_minitimeMar 23 Oct 2018 - 18:08

Avant toute chose, Charles se feint d'une révérence sobre, bien que suffisante, au seigneur des lieux. La salle du dîner n'était éclairée que par quelques torches dont les suppôts, déjà vieux, tenaient difficilement les candelâtres. Toutefois, on s'était rapidement rendu compte que la salle du dîner ne se tenait ni à l'ouest, ni à l'est. Ne bénéficiant donc ni de la lumière de l'aube ni de celle du crépuscule, on aménagea rapidement une cheminée conséquente, sans cesse entretenue par quelques bûches afin de maintenir un minima de chaleur décente.

Le vieil Hardancour tira, après s'être incliné, une lourde chaise de bois massif, de celle qui forge le dos et prévient tout mal d'échine, et s'y installa en silence. Le ragoût qu'on lui servit lui rappela, à cet instant, comment la vie à la cour pouvait être si différente de celle en province, alors que finalement, Hardancour et Sainte Berthilde n'étaient guère éloignées l'une de l'autre. Il y avait là, flottant dans un potage épais, tous les légumes de saison, dont une généreuse fumée s'échappait, trahissant la chaleur du met. Sur sa commande, ce fut du pinard que l'on servit au vieillard, qui fusilla du regard le page qui osa ne servir que la moitié du verre, probablement par prudence au vu de l'âge du noble qu'il servait. Charles s'empara de sa cuillère, mais ne manqua pas de répondre en premier lieu, respectant les us qu'imposait le protocole.

« Ma foi, vous me trouverez heureux d'avoir retrouvé les quartiers que vous m'aviez accordé. Les rideaux y sont toujours hideux, mais je ne suis guère loin de votre petit salon privé où vous tenez vos conseils, ni très loin des latrines non plus. N'y voyez aucun lien. »


Le silence s'installa quelque peu, laps durant lequel le vieil Hardancour et son petiot s'emparèrent de leurs cuillères après s'être regardé, trempant leur couvert dans le potage, le goûtant prudemment. Chaque lampée du doyen de la noblesse berthildoise était ponctuée par un slurp aisément audible, toujours suivi d'un léger Mh ! de contentement. Le potage lui plaisait, mais plus que cela, l'âge n'avait pas épargné les gencives du vieux bonhomme, qui peinait de plus en plus à déguster silencieusement.

« Sachez que j'ai prié tous les jours pour votre retour sain et sauf, mon petit. Les prieurs de Saint-Aimé ont reçu ma visite plus d'une fois. Tous les jours, je me faisais faire la lecture près de la lucarne au sud du castel d'Hardancour ; c'est de là que venaient les messagers porteurs des nouvelles de la guerre. Vous avez bien guerroyé, mon brave petit. Votre père aurait été fier de vous. »


L'aurait-il été ? Assurément. Si Godfroy avait connu plusieurs guerres, il n'en avait dirigé aucune, et ses expériences n'étaient guère reluisantes, pour la principale raison que toutes, sans exception, avaient été des conflits civils opposant Sainte Berthilde à elle-même ou à ses vassaux. La folie d'Aegar, l'ère d'Arsinoé...Au final, les péninsulaires pouvant se vanter d'avoir affronté autre chose que des humains étaient une dangereuse minorité.

« Le royaume n'a pas connu de stabilité comme celle que vous et votre armée avez instauré depuis la mort de Sa Majesté le roi Trystan. Vous êtes trop jeune pour vous en rappeler, mais il y a eu un temps où le royaume était uni sous une seule bannière. Il y avait des rixes et des différents, certes, mais on ne brandissait pas les bannières de l'indépendance et de l'égalité à tout va. C'était un temps où chacun savait où était sa place. Les comtés étaient des comtés, et les marquisats des marquisats. Beaucoup de choses ont changé, mais au moins, la chose est stable à présent. Mais tout ceci, mon petit, n'est arrivé qu'à cause d'une seule chose : les femmes au pouvoir. »


Nouveau slurp. Nouveau Mh !.

« Au moins Monsieur le Régent aura-t-il eu le mérite de tenir ses engagements. Vous voilà marquis, au début d'un règne qui s'annonce radieux. Et puis bientôt, vous serez marié. Je gage que celle-ci vous donnera des héritiers, n'est-ce pas ? Vous n'êtes plus un enfant, mon petit, vous savez comment on fait ces choses, je gage que votre père vous l'aura enseigné avec tout son...tact légendaire. »



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MessageSujet: Re: Papy ? | Louis & Éléonore.   Papy ? | Louis & Éléonore. I_icon_minitimeMer 24 Oct 2018 - 20:52






D’ores et déjà aux portes du Berthildois, une brise à en faire hérisser les poils de ses habitants se manifesta en ce début d’automne. Évidemment, la saison était encore jeune, c’est-à-dire que les moissons n’étaient qu’à peine entamées et que les rameaux des arbres étaient encore chaudement vêtus de leurs feuillages. Il n’en resta pas moins qu’au soir, une fois le soleil paresseusement avachi derrière les montagnes, que l’air frais dominait tout le domaine. Assez au moins pour apprécier le confort d’une plus pesante pelisse ou justement, d’un repas convivial et chaleureux.

« Vous m’en voyez fort aise. » Ajouta simplement Louis, une fois qu’il lui fit remarquer comme il se plaisait de ses nouveaux appartements. L’alcôve qu’on lui avait attribuée n’avait certes rien en commun avec le vaste espace qu’on lui avait réservé à l’époque, mais toujours est-il qu’il y serait fort confortablement installé et qu’il y serait servi au même titre que la haute-noblesse qui séjournait usuellement au castel. C’est-à-dire les services habituels tels que la venue d’une lavandière, de la disposition de barquettes afin de casser la croûte entre les heures du manger, ainsi que l’aménagement d’une bassine afin de se curer les doigts de pieds.

Puis, après qu’il lui ait livré l’étendu de sa piété, de sa ferveur envers la juste cause à laquelle Louis guerroya toute l’été durant, il dût le gratifier d’un sourire bienveillant. S’il lui mentait, à ce moment, peu lui importait. La simple idée qu’il y eut au pays quelques âmes pieuses qui souhaitèrent leur succès à en réserver leurs prières, c’était en son sens suffisant pour illuminer sa bouille. Et puis il y avait son père, qui selon lui aurait été assurément fier de lui. Là aussi il y avait matière à rendre le petiot bien jouasse. Quoi de plus normal pour un fils que d’apprécier la reconnaissance de ses parents envers leur descendance ? Lui et Godfroy s’étaient frittés sur moult sujets, notamment sur la droiture, l’honneur et le devoir d’un homme face à ses obligations. Pour autant, même après leurs différents, même après avoir subi la vague que causa les manigances que son père orchestra de son vivant, il l’aimait comme un fils à un père.

Enfin, la conversation se corsa. Il vit au fils du repas ressortir le caractère si monochrome de son grand-père. Charles étant ce qu’il est, c’était sans doutances aucunes qu’il aurait à commenter son union avec l’ex-Baronne d’Alonna et ce, même s’il ne l’avait jamais rencontré. Les qu’en-dira-t-on de l’araignée Alonnaise n’étaient certes pas reluisants et, Louis s’imaginât bien que son grand-père en baserait le plus clair de son jugement. Aussi décida-t-il d’éluder le sujet en détournant sa pique vers ceux qui furent boutés à terre lors du procès.


« Je ne sais si vous dites bien vrai, mais je constate en effet que cela n’a guère servit à ces sudistes. À en voir où en est le Soltar à l’heure actuelle, on ne peut que jeter le blâme sur Tibéria, qui garda entre ses frêles et petites mitaines les rênes du pays. Heureusement, nous n’en sommes pas encore à l’époque où le nord aura à sa tête des femmes qui prendront les armes. » Sans être misogyne, Louis n’avait aucun griefs à entretenir à celles qui désiraient faire autre que la poule pondeuse. Pour preuve, il admirait bien sa mère, qui elle faisait montre d’un esprit fort bien moins conservateur que celui de ces femmes de maison. Tout de même, Louis n’imaginait pas le jour où une donzelle prendrait les commandes d’un fief quelconque ou même s’une seigneurie.

« Des héritiers ? J’en demanderai à la Damedieu le soir de nos noces, oui! » Affirma le jeune Louis, après avoir achevé son bol, puis en s’essuyant le gosier à l’aide d’une guenille. Jadis, le bruit courait que Louis ne s’était jamais départi de sa pureté et que, ce ne serait qu’au mariage qu’il s’en débarrasserait. Son Grand-Prère était-il de ceux qui participa à la pérennité de ce racontar ou n’en avait cure?  « Quant aux sages conseils de feu mon père … » Louis marqua une pause, non sans un sourire un brin amusé. « Il ne m’a réservé à cette besogne qu’un vague survol de la matière, pour ne pas médire sa mémoire. » Autant son père fût du genre à le houspiller des heures et des heures quant à la manière de tenir un glaive, autant il s’était bien gardé de lui expliquer comment tenir sa queue en main. Ces choses d’hommes, c’est naturel, dut-il croire lorsqu’il vint le temps de lui expliquer les choses de l’amour …

On débarrassa la tablée de leurs bols et on fit apporter le plat de résistance : un jambon mariné dans son propre gras, accompagné d’une flopée de légumes rôtis et de moult pétacles. La table était maintenant bien mise et la conversation également.


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MessageSujet: Re: Papy ? | Louis & Éléonore.   Papy ? | Louis & Éléonore. I_icon_minitimeMer 24 Oct 2018 - 21:29

Le vieil Hardancour prit son temps pour finir son potage, probablement au grand dam des pages qui s'attendaient que le vieillard termine sa dernière cuillerée pour finir le premier plat. A peine le fer travaillé de la cuillère heurta le bois, que leurs gamelles vides étaient remplacées par des platées garnies en viande et autres légumes. Le vieillard, autant campé sur sa cathèdre que sur ses positions, ne manqua pas de lâcher un bruit sourd de conviction, faisant frémir sa moustache blanche.

« Je gage que si, par malheur, votre père ne vous aura guère initié à la chose, votre épouse saura vous guider dans la matière. »


Le claquement du tissu de la serviette vint ponctuer cette nouvelle pique. L'accrochant sommairement à son col, comme on lui avait apprit étant enfant, Charles s'empara des nouveaux couverts, et ne manqua pas de goûter la viande avant de reprendre. Louis avait put le deviner lorsqu'ils en étaient à la soupe, mais le vieillard avait désormais perdu nombre de ses facultés buccales, pour ne pas dire qu'il peinait à mâcher silencieusement. Parfois, il en venait à froncer ses sourcils fournis lorsque ses oreilles lui faisaient défaut, et il lui arrivait, plus qu'il ne le désirait, de deviner le sens d'une phrase non pas par des mots qu'il avait mal comprit, mais par les dernières palabres d'un long monologue.

« Ah, ce fameux procès. Les messagers demeuraient forts évasifs quant à cet événement ou même aux raisons qui l'ont amené. Je me doute bien que l'on ne jugeait guère cette Tibéria la vilaine pour être femme, Néera merci, ni pour être fort peu gâtée en intellect - autrement vous vous doutez bien, mon petit, du nombre de procès que nous aurions -. Pourquoi ce procès, et contez-moi donc son déroulement, je vous prie. »


Charles reposa un couvert, et leva un doigt, à la hauteur de ses lèvres. Il profitait du petit interlude que cela amenait pour terminer de mâcher un morceau de viande, puis, après avoir déglutit de la plus élégante des manières qu'il put, il reprit la parole d'un ton grave. Les yeux du vieil homme se posèrent sur son petiot, sa descendance, le bon et brave marquis dont la barbe fournie rappelait, à qui avait besoin d'un soufflet, que le jeune Faon était à présent un jeune Cerf.

« Mais avant cela, mon petit, il y a une question qui appelle tout votre sérieux et sur laquelle je me suis promis, en l'absence de feu monsieur votre père, d'y apporter réponse. Avez-vous tué, Louis ? Et si oui, je veux que vous me contiez tout dans le moindre détail, de l'acte jusqu'à votre ressenti. »


Le ton de l'Hardancour ne semblait guère laisser de place à un éventuel refus.
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Louis de Saint-Aimé
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MessageSujet: Re: Papy ? | Louis & Éléonore.   Papy ? | Louis & Éléonore. I_icon_minitimeJeu 25 Oct 2018 - 6:01






Touché, tel que Louis l’avait prédit. Son aïeul s’était fié au clabaudage murmuré à l’encontre de sa promise pour se permettre de piquer son petit-fils assez subtilement pour que cela n’en soit d’une vulgarité quelconque, mais suffisamment sèchement pour qu’il le remarque. Cette infamie, si elle en était réellement une, aurait été fort suffisante pour justifier le châtiment de son colporteur. Là, le lien du sang jouait en faveur du vieillard, et peut-être que la délectable bectance y était également pour quelque chose.

« Elle a une fille, en effet. Elle doit donc savoir comment s’y prendre. » Répondit le cerf sans démontrer une once d’agacement, préférant plutôt se prêter au jeu.

Si pour certains cœurs volages la vue d’une coureuse de remparts au petit soir suffisait à leur faire perdre raison, celle de la bonne pitance déroutait le marquis. À endurer ses journées des matines aux vêpres, harassé par les affaires autant politiques que militaires, sans en oublier ses quotidiennes séances à bréviaire et celles passées avec son mestre d’arme, l’heure du dernier manger était celle qu’il préférait d’entre toutes. C’est donc sans surprise que notre colosse aurait séance tenante planté ses quenottes dans le gras, n’eut été de la demande de Charles. Car ce souvenir qu’il manda à son suzerain n’en était pas la moitié d’un. Il n’est pas improbable que le sage Hardancour eut espéré qu’il le lui raconte tel que le ferait un troubadour des grands chemins, à grand coup de poésie chevaleresque! La vérité, c’est qu’il arrivait encore au cerf de ressasser cet âpre souvenir en cauchemar et que notre bon marquis, n’avait pour cette scénette que du dédain. La guerre est une nécessité qui le faisait jadis vomir et, aujourd’hui, la simple idée de réitéré ce genre de rixe à grande échelle lui procurait de l’aérophagie.

« Nous quittions Beltrod, forcés d’emprunter un chemin qui nous était défavorable pour le mouvement des troupes. Il nous exposait à de grands risques, auxquels les forces Velteriennes n’ont pas hésités un instant à se saisir. Nous nous approchâmes à peine d’une bourgade nommée Valdrant, que nous fument percutés par le dernier espoir du manchot : les loups blancs. Les égides qui m’accompagnèrent payèrent cher l’arrivée soudaine de leurs destriers. Après, pendant tout le chaos que provoquèrent nos chevaliers mêlés aux leurs, la seule chose dont je me souvins avec certitude, c’est que l’un d’eux talonna son palefroi dans l’espoir de m’atteindre. Cet homme avait à tous coups peint une cible à mon chef et ne s’en irait guère avant de l’avoir atteinte. Faisant fi de son entourage, à foncer tête baissée comme le plus fol des damnés, il sauta et entreprit le corps à corps avec moi. » Louis prit une pause sans avoir pris une seule bouchée, ni même sans avoir abordé son assiette d’une quelconque manière, ni même ses couverts. « J’en remercie chaque jour au matin les baffes que m’administra mon père afin de me forcer à tenir l’épée quotidiennement. Point de ceci, nous n’en serions guère attablé à lorgner avidement sur nos assiettes. Ce jour-là, je tua cinq cavaliers, mais il fût le seul à m’amocher au point de ne plus en voir clair. » Il avait évidemment glissé sur les détails afin de ne pas gâcher l’histoire. Chose certaine, les velteriens amochèrent salement les bois de notre faon, car certains s’en étaient même inquiétés quant à ses chances d’y passer.

Enfin, Louis se permit d’entamer la bidoche en se servant un généreux gigot dont la peau pratiquement calcinée par la cuisson, fût la première des mises en bouches de Louis. Il mâchouilla quelques bouchées, incapable de s’en retenir, plutôt que de poursuivre. Une fois fait, ce fût le tour du procès.


« Quant au procès, je ne sais pas même par où commencer, tant ces chacals ont fautés ... Sans m’éterniser dans les détails comme nous le fumes pendant le procès, le couple ducal de Soltariel fut accusé par ses vassaux  et Sainte-Berthilde pour nombres de méfaits. D’abord, ils ont pris congés de protection sur leur terre vassale d’Ydril, alors qu’une invasion par le roi de Naelis sévissait. Ils ont fait preuve d’une incompétence totale envers le contrôle de leur flotte navale. » Louis mâcha derechef un morceau de viande, s’en suivant de quelques pétacles tout en balayant l’air d’un air désintéressé. « D’autres chefs d’accusations, plus nombreux encore, couronnèrent  le couple ducal et démontrèrent la félonie de Franco envers la couronne. Aussi dois-je vous faire savoir que cette algarade à Valdrant, nous la leur devons intégralement. À Beltrod, alors que Sainte-Berthilde n’avait mis que son premier pied dans l’enceinte, les ponts qui nous auraient permis de franchir le Mélian furent lâchement sabotés. Plus tard, après que nos limiers aient dénichés les fautifs, nous sommes remontés à la source et nous avons découvert que Franco était le principal débiteur de cet odieux acte de trahison. » Là, c’était comme si Louis avait mâché un nerf ou un os, sa bouille se déforma désagréablement, comme si l’énonciation de ce fait l’écœurait. « Au final, Franco a été déclaré ennemi du royaume et fut dépossédé de tous ses titres ainsi que de toutes ses terres. Tibéria quant à elle, n’est plus Duchesse et sa famille fut déchue et interdite à sa prétention sur le trône du Soltar. »

Louis s’épongea les lèvres de son haillon, puis termina sur ces quelques mots : « Et pour le moment, disons que le Sud n’a plus de tête. »


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MessageSujet: Re: Papy ? | Louis & Éléonore.   Papy ? | Louis & Éléonore. I_icon_minitimeJeu 25 Oct 2018 - 15:27

Le baptême de l'acier, parfois dit du sang, n'était guère une chose anodine qui se complaisait à être prise à la légère. C'était un étrange paradoxe de l'époque. La mort était omniprésente : on mourrait en donnant la vie, parfois le morpion ne survivait pas à sa propre naissance, on décédait de quelque virus vilain, de vieillesse plutôt jeune, d'accident...Chaque jour de la vie était marqué par la mort. Pourtant la foi amenait cette aura de valorisation de la vie qui faisait que, finalement, aussi merdique, courte et dangereuse soit-elle, la vie demeurait si chère que prendre celle d'un autre était un acte qui méritait considération. Les mains de l'Hardancour s'étaient rejointes, ses doigts entremêlés, posés sur le rebord du chêne de la table, les yeux parcourant parfois la nappe tissée ou les yeux du marquis.

« Tu dois comprendre que ce que tu as fais, ce jour-là, était autant nécessaire que sauvage. Tuer un homme ne se fait guère aisément, Louis. Il n'y a que les déséquilibrés et les bardes qui te clameront l'inverse. Mon seul regret, dans ce que tu as fais, est que tu aies dû te résoudre à le faire bien jeune. »


L'Hardancour s'était avancé sur sa cathèdre, avançant son plat afin de ne point y tremper ses coudes, et s'était généreusement appuyé sur le bois, une main libre, l'autre tenant sa chopine.

« Il y a bien longtemps, avant même que tu ne sois né, une écrasante majorité des chevaliers comme moi, comme tes oncles ou même ton père, étions formés au combat en sachant pertinemment - du moins en l'espérant - que nous ne tirerions jamais l'acier hors de notre fourreau. Jusqu'au règne de Trystan...la Péninsule était en paix, mon petit. Il n'y avait pas de guerre civile, le banditisme était combattu par les milices et non par les chevaliers, et les menaces Noirelfiques ne concernaient, au final, qu'une génération sur deux dans le pire des cas. Cette inactivité a débordé sur l'une des pires choses qui ait pu nous arriver : nous sommes devenus arrogants. »


Le bois de la chaise grinça alors que le vieux conteur se renfrognait dedans, vivifiant ses babines d'une lampée de pinard, avant de reprendre son récit.

« Ton père haïssait ces chevaliers, et sous des bien des aspects, je le comprends même si je ne me rallierai jamais à sa pensée. Tu voyais se pavaner des jeunes coqs dans leurs armures rutilantes, des épées serties et taillées dans le meilleur acier. Peut-être savaient-ils s'en servir, mais elles n'ont pas plus été utilisées à bon escient que la verge d'un eunuque ! »


A lèvres serrées et moustache retroussée, le vieil Hardancour s'autorisa un ricanement. La véracité de ses propos se vérifiait dans les étoiles qui brillaient dans ses mirettes, dans le creux de ses joues qui rappelaient à l'observateur le moins aguerri que Charles n'était guère né lors de la dernière pluie.

« Ma génération, et celle de ton père, n'a pas eu à dégainer l'acier avant l'an 997 et la bataille d'Alonna contre les Noirauds. J'ai dû attendre ma quarante-neuvième année pour combattre un ennemi dont je savais pertinemment qu'au moment où ma lame heurterait la sienne, ce serait pour initier une rixe dont seul l'un des deux sortirait vivant. Il en allait de même pour ton père et tes oncles. Et crois-moi, ce jour-là, tous ces petits chevaliers en armure scintillante...ils se sont tous chiés dessus. »




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MessageSujet: Re: Papy ? | Louis & Éléonore.   Papy ? | Louis & Éléonore. I_icon_minitimeDim 4 Nov 2018 - 7:29






Comme l’indique si bien le dicton, l’appétit vient en mangeant. Car manger ne lui sembla plus guère aussi pressant depuis qu’il s’était remémoré le goût sanguin de son premier meurtre. Tout de même, sa cuillère trouva endroit à se nicher à quelques reprises afin de repaître son possesseur et réitéra sans cesse jusqu’à ce que l’ancêtre en termine de déblatérer à propos du passé. Comme elle était reluisante et trépidante, cette époque où le mot querelle et jeux de pouvoirs n’avaient guère de sens en péninsule! En vrai, Louis jalousait cette époque où tout lui sembla plus … doux. Peut-être que dans cette réalité, jamais le cerf n’aurait eu à connaître l’âpreté du sang.

« Vous êtes bien aimable, mais vous n’êtes pas premier homme à tenter d’excuser mes gestes. Louables ou pas, au service d’une cause juste ou pas, je n’en ai pas moins ce jourd’hui les mains souillées par mes pêchés. Quand père m’a obligé à tenir quotidiennement le fer entre mes dix doigts, j’eus cru jamais devoir m’en servir pour occire et seulement croiser l’acier par franche camaraderie. J’ai été bien naif de croire qu’un jour j’allais pouvoir régler tous les litiges de ce monde sans en payer le prix cher. » Louis n’observa pas un seul instant son aïeul, tant il haïssait badiner à propos de cette guerre passée. Il balança dans un bol un os qu’il rongea entre deux phrases, puis se débarbouilla les lèvres du linceul posé contre son genou.

« Quand je pense que les petites gens festoient et lèvent le coude à ces histoires de guerre … J’en ai pratiquement les boyaux à l’envers. » Louis soupira subtilement, démontrant peut-être pour une prime fois devant son grand-père son dédain pour le monde paysan. Depuis qu’il était haut comme trois pommes Louis s’était naturellement évertué à côtoyer les bouseux, à leur prêter main forte gratis, à apprécier leur labeur et considérer le pécore comme étant une partie intégrale du succès Berthildois. Aujourd’hui, les voyant graisser la patte des bardes afin qu’ils remuent leur claque merdaille en chantant haut et fort l’épique épopée du Berthildois, Louis dû se rendre à l’évidence, les pégus sont ce qu’ils sont car ils le méritent. Naturellement doté de la stupidité humaine et même, faisant de ce don inné leur champ de prédilection, on comprenait assez tôt pourquoi ils peinaient tant à s’élever au-dessus de la médiocrité.

La fin du monologue de son grand-père au moins, lui étira les babines en un sourire au trois-quarts retenu. Sur le coup, plutôt que d’entendre et d’apprécier l’expérience du sage Hardancours, si Louis se souvint d’une chose, c’est qu’il était absolument certain de ne pas avoir conchier ses braies lorsqu’il se confronta aux Loups Blancs.


« Tout cela est désormais du passé et je prie aux vêpres pour que cela n’ait à se reproduire de mon vivant. » Louis acheva finalement son assiette qu’il repoussa du bout des doigts pour mieux se caller dans sa cathèdre, le godet de pinard retenu par sa main entière. « Et je vous recommande d’en faire autant, Charles. »

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MessageSujet: Re: Papy ? | Louis & Éléonore.   Papy ? | Louis & Éléonore. I_icon_minitimeLun 5 Nov 2018 - 13:17

Charles garda ses petits yeux sur Louis, le détaillant calmement. Avec un petit ronchonnement, il finit la gamelle de viande, n'y laissant que la sauce dont il s'était finalement lassé après y avoir abondamment trempé son pain. Une rasade de rouge eut tôt fait de déblayer la gorge du vieil Hardancour, qui lâcha un petit râle de contentement. Mais son ton se fit soudainement plus dur.

« Je n'excuse aucun de tes actes. Tu as tué des pères, des frères, des fils, des cousins. Tu fais bien de t'en rappeler, car il n'est pas ici question d'excuser tes faits, mais de les justifier, de leur trouver une raison. Le bien commun et l'avenir du royaume prévalent sur ta conscience. Tu as accepté ce fardeau le jour où tu as décidé que ton marquisat, qui te revenait de droit, valait une guerre. »

Une guerre nécessaire. Une guerre juste. Mais une guerre tout de même. Louis le savait, Charles le savait, tous les nobles du Berthildois et du Nord le savaient : tôt ou tard, le Médian aurait payé. Seuls les fous et les aveugles se berçaient d'illusions, persuadés que la Péninsule se contenterait d'un équilibre dont les fondations reposaient sur le sang de centaines de nordiens, et sur le parjure d'un ogre. Le visage du vieil homme s'assombrit encore plus.

« Tu n'as guère besoin de me le demander. Seul un fou souhaiterait la guerre. Quant au peuple, mon bon Louis, ils sont à notre image : ils festoient et célèbrent ce dont ils n'ont pas la moindre idée. Comme il est aisé, pour qui n'a pas connu l'horreur de la guerre, de s'en repaître et de s'en délecter. Mais n'oublie pas que ces gens ont connu la dureté d'un siège, enduré la souffrance d'une guerre fratricide, et souffert de la disette. L'aurais-tu oublié ? »

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MessageSujet: Re: Papy ? | Louis & Éléonore.   Papy ? | Louis & Éléonore. I_icon_minitimeMar 6 Nov 2018 - 20:59






Louis déposa ses couverts dans la gamelle garnie d’os et de surplus de gras, démontrant qu’il en avait terminé avec son repas, mais aussi avec la discussion. Il peinait bien assez à se regarder devant la glace, à affronter tous les démons qui le tourmentaient quotidiennement pour qu’on en vienne à le sermonner sur le malheur des petites genses. Avait-il seulement oublié toute la considération que le marquis tenait pour le petit peuple ? Enfin … Il est vrai, peut-être, dans une certaine mesure, que la guerre récente au médian lui avait confiée des œillères, l’empêchant de se souvenir de leurs malheurs du passé.


« Je n’ai pas oublié, Grand-Père. » Dit-il vis-à-vis son aïeul, après qu’il se soit mieux callé dans sa cathèdre, la panse enflée par son copieux repas. Puis, pour relancer la discussion vers une autre avenue, Louis poursuivit à son tour en questionnant le vieillard.

« Et mon union ? Mhm ? Vous avez très certainement de quoi à y redire. »
Cette fois le cerf joua de ses bois, préférant plutôt menacer de ses défenses avant d’être heurté par l’un de ses cinglants propos bien placé. Après tout, il était fort à parier que l’ancêtre d’Hardancours se mourrait de lui dire le fond de sa pensée … Même si le retour de ce dernier ne datait qu’à peine …


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Charles d'Hardancour
Humain
Charles d'Hardancour


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MessageSujet: Re: Papy ? | Louis & Éléonore.   Papy ? | Louis & Éléonore. I_icon_minitimeSam 10 Nov 2018 - 20:11

Hardancour regarda son jeune petiot, hochant légèrement la tête.

« Si un jour tu oublies, je serai là pour te le rappeler. Tel est mon devoir. »

Puis le vieil homme sourit en entendant le cerf le questionner, attendant une réponse de la part du doyen de la noblesse berthildoise. Les coudes du vieil homme se collèrent au bois brut de la table. La moustache du vieil Hardancour frémit légèrement, et ses mirettes se posèrent sur Louis. Charles se mit à rire légèrement, puis regarda son petiot.

« Je pense que tu as bien conscience de mon avis, mon petiot. Tu me connais bien. Mais si tu veux me l'entendre dire, je le dirai, au risque de provoquer ton ire et mon second renvoi de ce lieu que je chéris tant. »
« En effet, c'était une question idiote. »

Après mûre réflexion et après l'avoir considéré un instant de ses yeux, Louis hocha la tête pour lui-même. Il savait bien l'avis de son grand-père. Peut-être même au mot près. Et ce dernier le savait, c'était la raison pour laquelle il avait légèrement rit. Son mariage allait-il être l'un de ces sujets qui ne seraient jamais mentionnés, mais qui demeuraient les nouveaux terreaux inavoués des complexes relations familiales ? Le vieil homme inclina le visage, ne répondant rien sur le moment. Puis il releva le faciès.

« Cela ne change rien, bien sûr, à ma loyauté envers toi. Ou envers cette terre. Tu m'as demandé si j'avais un avis sur ton union. J'en ai un. Tu le connais sûrement. Si tu m'ordonnes de te le dire, et de te donner mes raisons, je m'exécuterai. »


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