Ainsi la Dame Blanche se présenta au Roi de Naelis [Glenn]

Spoiler:

C’était un voyage plusieurs fois repoussé car soumis aux aléas et aux refus de certains – dont la Dame Blanche elle-même – de se risquer sur les mers en temps troubles, certaines affaires ne sont pas suffisamment pressantes en tout cas, pour le prendre. Mais elle s’était à nouveau mise en mouvement en ce sens, mû par la nécessité, au-delà des affaires présentes, de préparer et préserver l’avenir.

Naelis, ce petit royaume enclavé, avait un potentiel mais il fallait s’assurer de sa direction et entretenir les germes plantés dans son port autant que dans les commerces et les ateliers. Ce potentiel s’était bonifié avec l’abdication de Feriwyr et l’essor du Conseil de Thaar, mais les récents événements laissaient planer une ombre que la Dame Blanche estimait devoir chasser… Ce Glenn Hereon, jusqu’à lors assez stable et compétent pour valoriser son domaine avait démontré qu’il pouvait faire preuve d’un manque de discernement dans ses choix en soutenant un fragile prétendant dans le comté d’Ydril quitte à s’aliéner Diantra évidemment, mais sans considération pour ce qu’une Olienne en guerre pouvait avoir sur les affaires de la Principauté. Ainsi, outre les affaires, devrait se poser la question de l’éducation du roitelet aux choses de l’entretien des relations de voisinage.

Quand la Princesse-Marchande débarqua à Naelis, ce ne fut pas seule… Outre son escorte, dont l’hybride Ryltar demeurait l’imposant fer de lance, Eärnil l’accompagnait, sa dräke bleutée, Itarillë, ainsi que deux plus petits, l’une cuivrée et l’autre vert, fruit de son union avec le dräke Monarth, sur les épaules, ne lâchant pas leur mère, eux, mais également un petit contingent de marchands de diverses corporations, faisant parti du réseau et de la clientèle de la Princesse-Marchande et intéressés par investir ou nouer quelques affaires avec des marchands locaux.

Le petit groupe qui quitta le navire se dispersa au gré des intentions de chacun, laissant à la Princesse-Marchande le soin de traiter avec le Roi de Naelis… Mais l’important était d’être vu, car elle ne doutait pas qu’il ait des yeux sur les quais, d’autant qu’un de ses représentants avait prévenu de l’imminence de sa venue.
Il devait comprendre, avant qu’elle n’ait à le dire, qu’avec elle venait d’autres marchands, d’autres opportunités, car telle était la nature de son domaine, elle qui était une pure marchande à l’origine, non la propriétaire d’un domaine terrestre. Son domaine était le tissage d’un vaste réseau de marchands et d’artisans qui lui étaient redevable, dans lesquels elle avait investi ou qui souhaitait bénéficier des avantages, tous se sachant bénéficiaire à profiter de la protection, de l’écoute mais surtout de la voix de la Dame Blanche au Conseil de Thaar, tous sachant également ce qu’il advenait de ceux qui la trahissait, qu’elle savait aussi bien faire que défaire, et que ce dont on bénéficie peut soudainement profiter à un concurrent.

C’est ce qu’elle appelait la clientèle de la Princesse-Marchande, indépendamment de ses propres activités dans l’art et sa promotion ainsi que le divertissement. Tout reposait sur le donnant-donnant et le bénéfice mutuel des partis, pour peu que chacun respecte sa part… Le nombre et la diversité, autant que leur rentabilité – avec son ancienneté et sa réputation - lui conférait son influence autant qu’une bonne part de ses revenus, dans la Principauté mais aussi au-delà, en Olienne, au moins parmi les marchands.
Mais c’est seule, donc, qu’elle irait à la rencontre du Roi, une litière l’y amenant confortablement, sous bonne escorte – composé d’épée-louées ainsi que de quelques artistes et musiciens qu’elle entendait proposer en représentation pour divertir la cour. Un messager était déjà venu au château, plus tôt dans la matinée pour avertir de l’imminence de son arrivée et c’était à présent un serviteur qui avait pris les devants, alors qu’elle débarquait. La Dame Blanche donnait une chance au Roi de Naelis de montrer comment il entendait recevoir sa personne si elle lui laissait le temps de s’y préparer.

Ainsi approchait la Dame Blanche de Thaar.

Glenn patientait tranquillement aux côtés de Ulrbald de Montigues, marchand réputé qui était entré récemment au service de Naelis en qualité de conseiller royal économique. Les deux hommes arboraient une tenue colorée, le premier étant une sur une dominante de bleu et le deuxième plutôt tourné sur du vert. Ils discutaient de tout et de rien, en prenant soin de pas commencer à boire avant l’arrivée de leur invitée. En effet, l’Oëstkjord allait recevoir la visite d’une nouvelle princesse marchande thaarie. Pour Glenn Hereon, ce n’était pas un hasard si les visites diplomatiques se multipliaient depuis son expédition en Ydril. Naelis est entré dans la cour des grands. Et on ne pouvait pas rêver une entrée plus fracassante ! La dame blanche, figure emblématique du conseil de thaar, allait être reçue dans les tout nouveaux jardins du château de Glenn. S’inspirant tout droit du sud de la péninsule, ils s’appelaient sobrement les « jardins d’Ydril ». Oliviers et lavandes entouraient une fontaine à tête d’hydre. Souvenir d’une aventure mais aussi d’un lien particulièrement fort unissant les deux peuples.

- Dites moi Urbald, comment se porte la jeune Aléandra ?
- Oh… Et bien vous ne m’avez pas menti sur son caractère votre majesté… Elle apprend vite mais je doute que l’économie la passionne. Du moins elle y met moins d’entrain que les leçons d’escrime de Raymond.
- Votre majesté, la princesse Milynéa de Thaar est arrivée ! »

Une fois passé les portes de l’Oëstkjord, la dame blanche fut invité à prendre les escaliers, passant devant la gigantesque peinture de la bataille de ruven, avant de prendre à droite pour arriver sur une terrasse ombragé qui surplombait les jardins. Assis à une petite table sur de confortables fauteuils, l’attendaient le Roi de Naelis, son conseiller économique mais également Angelina de Draycan, revenant tout droit de son domaine et qui précéda de peu l’arrivée de la princesse marchande. Les présentations faites, Glenn se leva pour saluer son invitée :

- Salutations votre Altesse ! Bienvenue à l’Oëstkjord, demeure des Rois de Naelis. Je vous en prie, prenez part à notre table. »

Des serviteurs s’avancèrent pour proposer diverses boissons mais aussi quelques mets à déguster. Glenn en profita pour dévisager discrètement Milynéa. Ses cheveux d’argent n’étaient pas des plus commun pour une elfe mais ce furent les yeux vairons qui attirèrent son attention. Un physique quelconque, mais quel prestance ! En un sens, c’est un peu l’opposée de Krish.

- Vous avez fait bon voyage ? Comment trouvez-vous Naelis depuis votre dernière visite ? Pour ma part je n’ai pas encore eu l’occasion de me rendre dans votre cité mais l’envie ne me manque pas. »

Glenn présumait que Milynéa avait déjà du se rendre à Naelis mais avant son règne, soit du temps de Feriwyr ou encore des Messaliera. Ce Naelis là n’avait plus rien à voir avec le royaume d’aujourd’hui. Plutôt que de rentrer directement dans les raisons de sa venue, Glenn posa des questions plus banales, tout en faisant un petit sourire à Angelina. En effet, il avait appris quelques notions aux côtés de sa conseillère, qui l’aideraient à moins passer pour un rustre.

Avant de rejoindre le roi, qui l'avait fait mander par missive la veille, Angelina fit une halte dans sa résidence de la ville haute afin de corriger tenue et coiffure. Se montrer en tenue de voyage et cheveux échevelés ne l'aurait pas déranger outre mesure, mais en tant que représente de la diplomatie Naelissienne et portant depuis peu le titre de conseillère royale, elle se devait de faire bonne impression, d'autant plus au vu du motif de sa présence au palais. C'est donc parfaitement apprêtée qu'elle parue devant le roi et l'un de ses conseillers. Si de dos les vêtements choisis donnés l'illusion qu'elle portait une robe, de face il en était tout autre. La longue cape rouge, joliment fermée par des boutons d'or sur un chaste décolleté et dont les manches étaient fendues pour laisser toute liberté de mouvement a ses bras, s’arrêtait a hauteur du nombril dévoilant un pantalon noir. Celui ci ne se trouvait que partiellement visible, du ventre aux genoux, le reste étant caché par de longues bottes de la meme couleur. Les cheveux de la Soltariel avaient étés rassembler en une natte, reposant actuellement sur le coté droit de sa nuque.

Nul artifices ne venaient gâtés son teint, quand au peu de bijoux qu'elle portait ils se composaient d'un ras de cou, noir, auquel pendait un petit soleil d'or blanc, et un bracelet discret incrusté de pierres rouges. Le tout était simple mais élégant, témoignant du peu d’intérêt qu'Angelina portait aux futilités vestimentaires mais également du fait qu'elle savait néanmoins s’apprêter de façon approprié au besoin. Quand elle fut annoncée devant le roi et son interlocuteur, elle fit une courte révérence, comme l’exiger la bien séance puis s’enquit de banalités: " Votre majesté, je vous suis gré de m'avoir convier a me joindre a vous a ce jour. Comment vous portez vous, et les petites altesses et la reine ? " Son regard était fixe et a aucun moment il ne chancela, restant accroché a celui du monarque. Cela étant mieux ainsi, vu que depuis l'incident toute gêne n'aurait fait que créer un malaise plus grand et au vu des relations qui les uniraient désormais, c'est la quelque chose qu'elle voulait a tout prix éviter. Voila pourquoi elle évitait de se remémorer leur première rencontre et ce qui avait failli en advenir ...

Une fois les politesses d'usage échangées, elle prit place a la demande de Glenn. Ils n'eurent guère d'avantage le temps de converser, puisque fit rapidement son entrée la très attendue princesse marchande de Thaar. La dame de Draycan ne l'avait encore jamais rencontrée, néanmoins elle avait entendue parler d'elle .. Notamment par la défunte duchesse de Langehack, Méliane de Lancrais. Le regard de la Soltariel ne s'attarda guère plus que nécessaire sur l'apparence de la sang mêlée. Elle n'était pas la première qu'elle côtoyait, ses voyages lui ayant permit de rencontrer des représentants de tout les peuples. Un sourire, une inclinaison de la tete et quelque paroles aimables voila comment elle accueillie l'invitée du roi. " Princesse, c'est un honneur que de vous rencontrer, je ne mentirais pas en vous disant que votre réputation précède votre présence. "

Elle s'en tint a ses quelques mots avant de gagner un silence observateur, laissant ainsi le loisir au roi d'ouvrir toute discutions qui lui semblerait opportune. Elle fut agréablement surprise de le voir s'adonner a quelques sujets courtois plutôt que d'en venir aux faits qui l’intéressaient réellement et ce sans préambules .. Visiblement ses conseils en la matière avaient portés leurs fruits et elle lui était gré de les avoir suivit. Le roi n'état pas un mauvais bougre, loin de la, mais il pouvait se montrer fort impétueux .. Veillant a ne point laisser quelques souvenirs inappropriés s'emparaient de son esprit, elle laissa la conversation accaparée toute son attention, sans pour autant se refuser de répondre a la jovialité du roi. Elle lui rendit donc son sourire avant de tremper ses lèvres dans la coupe que l'on venait de lui servir. A ses cotés, l'autre conseiller de sa majesté restait lui aussi discret, attendant probablement que vienne pour lui le moment de s'illustrer comme il sied a la position qu'il occupait.

A mesure que la Princesse-Marchande progressa dans le palais, sa petite troupe se réduisit jusqu'à ne se composer que de l'essentiel, une partie des hommes furent invités à se reposer, d'autres à accompagner les musiciens et artistes pour le divertissement qu'elle avait décidé d'offrir pour sa venue.
Elle s'arrêta, malgré l'empressement évident du serviteur qui la guidait, devant l'immense représentation de la bataille de Ruven, s'y attardant, sans accorder grand intérêt à la scène elle-même – les triomphes militaires et la glorification de ces succès n'étaient pour elle que des opportunités de mettre en avant l'un de ses maîtres -, elle s'intéressa quelques instants à la composition et à la technique, avant de décider d'inviter le serviteur à poursuivre.

Ça n'était qu'une demi-surprise qui attendit la Dame Blanche en découvrant la conseillère de Draycan... Et bien que du temps se soit écoulé depuis l'apparition de l'ancienne – à supposer que la considéré ainsi soit juste – Soltariel à la cour du Roi de Naelis, Milynéa ne savait dire si une telle idée était bonne ou mauvaise... Les circonstances entourant le départ de la dame était particulièrement floues vu d'Ithri'Vaan, mais elle doutait qu'une possible prétendante au trône ducal chez un étranger qui avait cru pouvoir s'emparer d'un domaine soit particulièrement apprécié. Mais elle n'avait pas l'intention de s'y attarder, l'avenir dirait si ce pari était pertinent, ou non.

Non, sur l'instant, c'est davantage la motivation qui se trouvait dernière le choix de lui donner ce nom qui traversa l'esprit de la Dame Blanche... Quel message voulait-on envoyé en usurpant ainsi cette ancienne lignée en l'offrant à une péninsulaire pure souche ? Mais là encore, ce que ce Roi souhaitait faire de l'héritage de son domaine le regardait, elle n'allait pas s'en mêler.

Elle s'installa, Eärnil et les dräkes, mais surtout l'imposant Ryltar derrière elle.

« Le voyage s'est fait sans encombre, ce qui est heureux ces derniers temps. » Ça n'était pas nécessairement un message subtil, mais c'était une douce entrée pour la suite. « Quant à Naelis... Ma foi, il m'en est souvent parvenu des échos, depuis la chute de Feriwyr, et il faut reconnaître que les choses s'améliorent. Il y avait matière à être sceptique quand vous en avez prit les rênes. Un mercenaire nordien, dont les habitants ne sont pas réputés pour leur tolérance vis à vis des étrangers, à la tête de Naelis, succédant à un fanatique... On aurait pu espérer mieux, et c'est d'autant plus à votre honneur d'être parvenu à les détromper. » Il fallait lui reconnaître cela, et les déboires récents n'effaçaient pas l'heureuse surprise qu'avait constitué la découverte de sa tolérance, et d'une certaine compétence, dans une certaine mesure. Raisons de plus de lui donner une chance, de s'expliquer tout d'abord, de s'améliorer ensuite.

Mais contrairement à lui, la Princesse-Marchande n'avait pas l'intention de s'éterniser en politesse et faux-semblants. Et c'est en rebondissant sur son souhait de visiter un jour Thaar qu'elle décida d'introduire plus sérieusement le motif principal de sa visite.

« Vous serez bien évidemment le bienvenu à Thaar, même si il me faut admettre que vos dernières initiatives aient quelque peu entaché votre image, à ses yeux. » Au regard des marchands tout du moins, de ceux qui avaient souffert du ralentissement du commerce et des troubles ayant gagné l'Olienne autant que de ceux qui aspirent à bâtirent une image de l'Estrévent, comme l'appel les gens de la Péninsule, auquel fut immédiatement associé l'envahisseur étranger. « Comprenez que ça n'est pas que la Marchande accompagnée d'un certain nombre de ses pairs pour initier de nouvelles affaires ou conclure quelques accords qui est devant vous, je pourrais m'en contenter, mais nous serions, l'un et l'autre, déçus de cette rencontre. »

« Aussi me dois-je de représenter d'autres intérêts que les miens... Des intérêts auxquels vous avez porté préjudice, involontairement, j'en suis convaincue, lors de votre petite escapade en Ydril et propagé la guerre jusque sur l'Olienne... Des intérêts que vous menacez lorsque vous attisez l'hostilité et la méfiance envers l'Ithri'Vaan aux yeux des habitants de la Péninsule en lui faisant endosser le costume de l'envahisseur. »

Elle demeurait dans un registre très calme et posé, elle ne l'accusait pas avec virulence mais mettait simplement en avant des faits, postulat d'un problème à résoudre. Il fallait reconnaître la réalité telle qu'elle était du point de vue des marchands de Thaar dont les affaires avaient été impactées.

« Pour cela, vous pourriez ne pas m'apprécier, Glenn, car je ne vous couvrirais pas de cadeaux, je ne vous ferais pas des propositions alléchantes pour acheter la meilleure des images et les faveurs qui l'accompagne, en m'épargnant de vous confronter aux problèmes, comme d'autres ont du le faire. » Sans viser qui que ce soit de précis, elle savait fort bien comment se comportait la plupart des marchands, de plus ou moins grandes importances. Elle n'était pas l'un d'eux, et savait devoir se donner ce « mauvais rôle », mais elle était l'une des plus anciennes Princesse-Marchande du Conseil, avec la Maîtresse des Forges, aussi avait-elle depuis longtemps développé une vision plus large que ses propres intérêts. « Pour autant, je ne souhaite pas vous condamner, tout comme je ne souhaite pas le conflit, même si je suis prête à m'y résoudre si nécessaire. Mes intérêts accompagnent la prospérité de la Principauté, et celle-ci dépend d'un commerce qui ne s'épanouit pleinement qu'en temps de paix. »

« Ce que je souhaite, c'est tirer les leçons des derniers égarements et poser les bases d'un accord qui nous soit mutuellement profitable, même si il doit apparaître contraignant sur certains sujets. Ouvrir une discussion sur les relations que doivent entretenir Thaar et Naelis à l'avenir, car les derniers événements ont mis en lumière leurs absences et leurs conséquences. »

On avait trop longtemps négligé ce petit royaume et sous-estimé les crises qu'il pouvait déclencher, du point de vue de la Dame Blanche. Elle ne défendrait pas une vision d'un accord totalement satisfaisant pour le roi,, mais à ses yeux, c'était faire des concessions ou disparaître...

« A vous de décider, Glenn... Nous pouvons nous engager dans cette conversation ou bien nous contenter de jouer à la Marchande et au Roi négociant quelques menus accords commerciaux, avec les conséquences que cela aura sur le rôle que je jouerai... Mais si vous avez fait venir votre conseillère en diplomatie aussi bien que votre conseiller économique, c'est bien parce que vous attendiez ces sujets, n'est-ce pas ? »

Il devait avoir souhaité ou pressenti que la diplomatie aurait une importance... Qu'elle ne se déplaçait pas juste pour conclure une affaire. La Dame Blanche délègue beaucoup à ses représentants et se déplacent peu d'elle-même... C'était donc qu'il y avait un véritable sujet.

« Alors dites-moi, que faisons-nous ? »