Tariho de la Première ennéade de Fävrius
Onzième année du Onzième Cycle
La vision de la Cité d’Ardamir t’était encore presque familière. Les arbres façonnés à perte de vue, la musique omniprésente, la chaleur écrasante, même en début d’automne, et surtout, cette permanente sensation d’être plus léger que tu ne l’es réellement –
le Chant du Palais de Chêne paraît-il, et tu veux bien le croire – malgré ce qu’ils portent actuellement comme dérangeants souvenirs, ils te sont étrangement réconfortants.
Après tout, juste avant d’être la tombe d’Eorim, Ardamir avait été la Cité de tes fiançailles, et avant d’être la Cité de tes fiançailles, elle avait été la Cité de ta rencontre avec celle que tu aimes. Ton histoire d’amour, ce n’est presque qu’à Ardamir après tout que tu l’avais vécue, les quelques courts voyages que Kaëlistravae aviez fait ne vous ayant jamais conduit bien plus loin qu’Alëandir. Pas étonnant finalement qu’elle ait trouvé naturel que la Cité soit aussi celle de votre mariage… Votre mariage… il faudrait vraiment qu’il finisse par avoir lieu votre mariage.
Et cette fois, aucun Puysard ne se mettrait en travers de ton chemin.
Mais votre mariage, tu y penserais plus tard. L’heure n’était pas encore à ce genre de réjouissances. Avant de sourire à nouveau il fallait laisser se faire le deuil, et tu as bien peur qu’en l’occurrence, à cause des conditions de ton départ, ta fiancée ait eu bien plus à digérer que le
simple décès de son oncle.
Vìrin avait depuis longtemps disparu au milieu de bois qu’elle ne connaissait maintenant que trop bien, te laissant seul avec ton bagage et son harnachement. Et bien que ce ne soit pas ton genre de te plaindre d’avoir à transporter de lourdes masses, au moment où tu posais le pied sur la première marche du Palais de Chêne, tu ne rêvais déjà que de te débarrasser de l’enchevêtrement de cordes et de chaînes qui s’emmêlait autour des bandoulières de ton sac et du sceptre dans ton dos.
Heureusement – à cause de la prétendue assurance de ta démarche ou parce qu’ils avaient reconnu ton visage ? – les aides du Palais de Chêne furent relativement rapides à te seconder, quoique dans ton cas, leur assistance ne fut que l’indication de là où tu pourrais trouver celle que tu cherches. Et ce n’était d’ailleurs pas celle qu’ils s’attendaient à ce que tu cherches. Si l’idée de retrouver Kaëlistravaë te rongeait les nerfs au point d’en oublier le sens du mot patience, c’est bel et bien Halyalindë qui t’avait fait parvenir ton invitation. Non seulement le respect, mais en plus l’esprit pratique, voudrait que tu ailles au moins lui signaler ton arrivée avant de te jeter dans les bras de ta dulcinée.
Tu arranges une mèche rebelle devant ton front, et démêle machinalement quelques boucles ; tu roules des épaules pour étirer un peu des cuirs devenus légèrement trop ajustés, avant de sceller le destin de quelques coups sur le bois d’une porte.
Par un événement tristement trivial rendu exceptionnel par ses circonstances, un nouveau chapitre de ta vie commence.