[Libre | Palais de Chêne] Sur les traces d'Anadris

Kÿrianos de la huitième ennéade de Karfïas
Onzième année du Onzième Cycle
Palais de Chêne d’Ardamir

Sellya va me tuer, et maman va cuisiner mes restes pour les servir aux elfes du Baar’Ane. On avait convenu que je pourrais passer le temps que je veux à guetter l’arrivée d’Halyalindë tant que je revenais régulièrement au campement… mais là… comment est-ce que je pourrais suivre mes enseignements alors que toutes mes affaires sont enfermées dans une malle, et qu’à cause de l’intervention d’une débile de guérisseuse, Halya a décidé qu’elle ne me les rendrait pas avant le début de la prochaine ennéade ? D’ailleurs, si j’étais censé faire une ennéade de repos sans magie, c’est au prochain Arcamenel qu’elle devrait pas les rendre ! Pas après ! Tsh. Les adultes et leurs excès de zèle je vous jure.
Et moi maintenant ? Qu’est-ce que je fais en attendant qu’on me les rende mes affaires ? Je vais pas non plus passer mon temps au lit à contempler les vêtements moches qu’ils m’ont passé. Et puis qu’est-ce que je vais dire à Sellya quand je serai rentré ? Oh désolé Sellya, j’ai fait une intoxication du coup j’ai dû passer une ennéade à rien faire, mais c’est pas bien grave, au moins ça m’a fait des vacances !. Ça passerait définitivement pas. Surtout que c’est en Ardamir que je suis. Pas dans une Cité de Pierre. Il doit bien avoir quelque chose qui me soit utile à apprendre des locaux.

Après le fiasco de la dernière fois, je doute fort être le bienvenu auprès des cuisiniers. C’est pas que ça ne m’intéresse pas du tout, mais les cours de dessin et de musique avec les artiste d’Ardamir… très peu pour moi. Je suis Mirtil’Di, pas Lin’Serindë. Peut-être qu’aller faire un tour dans les dispensaires pourrait être intéressant. On sait jamais. Peut-être qu’ils connaissent quelques recettes d’onguent auxquelles on n’aurait pas pensé chez nous. J’en doute, mais ça vaut le coup d’essayer. Et puis, il devra bien y avoir quelques mages de vie à observer. Ce sera toujours mieux que rien.
Eh… n’empêche, maintenant qu’il n’y a personne pour l’entendre, je dois bien reconnaître qu’elle avait pas tort la guérisseuse. C’est pas mon habitude de me fatiguer si vite. J’en ai bien besoin du repos qu’elle m’a prescrit. Heureusement que le Palais de Chêne est là. Je sais pas ce que je ferais sans toi mon pote. Remarque, si je pouvais pas m’appuyer sur toi de temps en temps je me serais certainement assis le temps de souffler. Mais c’est que ton Chant m’aurait manqué par contre.

Bon… je crois que j’ai monté assez de marches pour l’instant. Donnez-moi une pause. S’il vous plaît.

Alors…sache-le, je n’aime définitivement pas l’attitude de tes habitants. Bon, ils vivent dans un arbre, ils sont exposés à la Symphonie, c’est une démarche louable, mais il faudrait que tu penses à leur Chanter un peu d’enseignements sur la discrétion. Ça en fait plusieurs que je croise là, et pour la manière dont ils me regardent à chaque fois, j’ai l’impression qu’ils n’ont jamais vu quelqu’un de fatigué s’adosser à l’écorce d’un couloir. Je te jure ! Et oui je sais, je suis mal placé pour parler de discrétion mais quand même ! Bon, d’accord, peut-être que si je ne les fixais pas comme ça ils ne me regarderaient pas bizarrement en retour. Mais… oh mais tu pourrais être un peu plus encourageant avec un pauvre petit Ornedhel quand même ! À croire qu’Anadris a passé trop de temps à te forger à l’image des Taledhels !
J’aurais eu deux mots à lui toucher Anadris si je l’avais connu d’ailleurs. Parce que c’est quand même terrible ce que lui et ses mages ont réussi à faire aux arbres d’Ardamir. Et sans les blesser en plus ! ‘Fin, je me débrouille bien avec les champignons, mais en réalité les champignons c’est plus simple. C’est juste que ça n’intéresse pas assez la majorité des végétalistes pour qu’ils s’en rendent compte. En attendant j’aimerais bien commencer à toucher un peu de la matière plus sérieuse si on peut dire ça comme ça. Genre des tiges ! Du bois ! De l’écorce ! Enfin, de vraies plantes quoi ! D’ailleurs, je pense que je reviendrai te voir quand je m’y mettrai sérieusement. Je suis sûr qu’à force d’avoir été touché par le cercle d’Anadris tu dois connaître tout un tas de choses sur leurs techniques !

Enfin bon… la pause a assez duré. On avait dit le dispensaire c’est ça ? Bon bah… tu m’accompagnes mon vieux ?

Tu sais, c’est pas contre toi mon vieux, mais c’est que t’es vachement grand dis-donc. Pas que ça me plaise pas de me balader avec la main sur l’écorce, mais plus ça va, plus je me dis que ça doit pas toujours être bien pratique. Bon, c’est vrai, Ardamir est en grande partie perchée dans les hauteurs, mais j’ai l’impression de grimper depuis des heures, et toujours pas l’ombre d’un dispensaire. C’est qu’ils doivent galérer quand même les gens qui se blessent en contrebas. À moins qu’il y ait aussi des regroupements de guérisseurs en contrebas, et que toute cette histoire de monter vers la canopée ne soit qu’une vaste mascarade. Mais tu ne m’aurais pas menti quand même ? Pas toi ! Il ne manquerait plus que ça, ne plus pouvoir faire confiance au Grand Chêne.
Et puis tu sais, je dis ça, mais en réalité, ça me dérangerait pas non plus de pas le trouver ce dispensaire. Partager un moment avec toi c’est pas plus mal. Faut dire que même si on t’entend jusqu’à l’Envinen, t’écouter de près comme ça c’est pas du tout la même chose. Je me demande comment tu fais d’ailleurs pour toujours rester aussi fort. Bon, on a déjà ressenti de petits moments de faiblesse –et avec les Lam’Nir à côté, on les a surtout senti passer d’ailleurs- mais finalement, jamais rien de si terrible. Pourtant ça doit être dur d’être l’Arbre-Maître d’un territoire. Déjà que c’est pas simple d’être Shaman, mais toi, au final t’es comme le Shaman de tout le Protectorat. C’est toi qu’est chargé d’en tenir pas mal des liaisons en Ardamir. Après, peut-être que c’est plus simple comme tâche pour un Arbre que pour un elfe. Après tout, t’es né pour ça, et tu vis par et pour ça… c’est pas comme si t’avais le Choix. Je me demande comment ça fait… d’être un arbre.

Bon. Tu dois vraiment te moquer de moi là, parce que je suis sûr d’avoir vu passer une femme avec des calmants. Je connais l’odeur des calmants, et ses fioles l’empestaient. T’es en train de me perdre là hein ? Mens pas. C’est pour te venger des champignons c’est ça ? Ils sont inoffensifs je te jure ! Tout au plus ils te piqueront un peu d’eau mais à ton échelle ça représente quoi ? Rien ! Et puis au point où on en est, Halya me laissera pas reprendre mes affaires avant ma cérémonie de passage à l’âge adulte ! Comment tu veux que je t’en débarrasse dans ces conditions-là ? Je vais pas non plus les détruire gratuitement ces pauvres fonges. Faut que j’accompagne leur dégénérescence pour pas leur faire de mal. Je suis sûr que t’es bien content que les mages d’Anadris prennent le temps de méticuleusement vous sculpter plutôt que de vous creuser à coups de hache, toi et les autres arbres-maison de la Cité ; alors pourquoi est-ce que je ne devrais pas faire preuve du même respect pour mes champignons hein ? Ce sont… aussi… des êtres… vivants… tu sais… Whew, c’est que ça devient compliqué de se déplacer ici. Comment est-ce qu’ils font les usagers habitu… els ?

Voilà ! Voilà ! regarde ce que tu m’as fait faire ! Dans toute cette histoire de discussion, du moins le prend pas mal, c’était sympa comme discussion, même si tu réponds pas vraiment, mais dans toute cette histoire de discussion, regarde où je me retrouve ! Est-ce que tu penses vraiment que c’est jusque dans les « petites » branches de canopée que je vais trouver quelqu’un ! Tu t’es bien fichu de mo…

- Je peux t’aider Winyam… attention !

Attention ! Attention ! C’est vite dit attention ! C’est qu’après m’avoir fichu une frousse pareille il avait intérêt à me rattraper le gusse ! Et puis qu’est-ce qu’il faisait ici d’ailleurs ?

- J’espère que rattraper les gens que vous avez manqué de tuer n’est pas ta technique pour te faire excuser d’avoir coupé une conversation de la plus haute importance avec le grand Chêne !

C’est ça, sourit toujours. Sourira bien qui sourira le dernier. Donne-moi juste le temps de trouver exactement de quoi me plaindre, et je te jure que tu vas regretter d’avoir interrompu mon…

- Oh ! Tu t’occupes des branches du Grand-Chêne à cette hauteur ? C’est vraiment nécessaire ?

Tradoc:

- Et tu vois, c’est pour ça que même au plus fort de l’été, il y a si peu de personnes souffrant de commotions cérébrales à Ardamir.

J’aurais aimé qu’il ne me reste ne serait-ce qu’un peu plus de traces de la Vision dans le sang, parce que ce la démonstration de Gîlorn était tout simplement fascinante. La manière dont il abordait l’interaction avec le grand Chêne… et par extension les autres plantes j’imagine à travers la magie était passionnante, et j’étais incapable de la suivre aussi proprement que si j’avais eu plein accès à la Source. Et c’était frustrant. Incroyablement frustrant. Vous ne pourriez pas imaginer à quel point. Heureusement même sans le champignon j’étais loin d’être totalement insensible… et puis au pire il y avait la Symphonie pour me conter ce qui se passait avec plus de détails… mais la Source et la Symphonie… ce n’était pas la même chose. Pas du tout la même chose.

- Mais par Liltalaima ! Tu ne t’occupes quand même pas de ça tout seul ? Ça doit faire énormément de travail cette histoire !
- Heureusement non, et tu devrais le savoir d’ailleurs, j’espère pour lui que c’est un clin d’œil complice, pas condescendant je ne suis pas seul. Mais tu sais, une fois que tu as pris le coup de main, guider les branches n’est pas si ardu. Tiens, regarde.

Non, Gîlorn n’est pas le premier végétaliste que je croise, mais il est probablement l’un des plus puissants. Ou s’il n’est pas l’un des plus puissants, son style en donne tout à fait l’air. Il faudrait que je propose à Sellya de se lancer dans un tour de force un de ces jours. Vu la vitesse à laquelle elle arrive à faire mûrir des fruits et fleurir des boutons, c’est bien possible qu’elle soit capable de faire pareil au final. Qui sait. La connaissant, elle aurait bien été capable de ne jamais me le montrer juste pour ne pas avoir à supporter mes envies de faire pareil. C’est que ça doit être éreintant de répéter –tu n’es pas encore prêt- à son apprenti.
Il faut dire qu’en regardant les Maîtres, tout à l’air tellement facile. Il suffit que Gîlorn pose le bout des doigts sur une branche, et c’est comme si toutes les autres devenaient ses propres membres. Des membres vachement lourds et vachement lents, mais tout de même ! Ce n’est pas donné à tout le monde de déplacer des tonnes d’écorce, de redessiner les vaisseaux porteurs de sève au point de pouvoir changer les endroits où poussent les fruits sur les branches juste en les touchant.

- Dans ce cas-là j’imagine que c’est prendre le coup de main qui doit être difficile.

Cet homme est vraiment trop bienheureux. Normalement, c’est le moment où tout adulte qui se respecte est censé briser les rêves de l’adolescent trop ambitieux en une phrase toute faite du genre - avec le temps vient la force des Sylvains jeune homme. Ton heure arrivera plus tôt que tu ne le penses – Ou alors, se contente de rendre une expression sévère à mon sourcil levé pour me faire comprendre que je ne suis pas prêt. Mais vous savez ce qu’il a fait lui ? Lui il a pris ma main comme si je lui en avais donné l’autorisation, et il m’a dit la dernière chose que je m’attendais à entendre. Vous savez ce qu’il m’a dit ? Il m’a dit :

- On s’y fait plutôt vite en réalité. Viens, tu peux essayer si tu veux.
- Mais je n’ai pas mon focaliseur ! et j’ai pas ma dose

Imparable ! Du moins c’est ce que je pensais. Parce que j’avais quand même très envie d’essayer, et que je pense que ça se voyait que j’avais très envie d’essayer. Alors parce que Gîlorn est un adulte totalement responsable, je pense qu’on s’en est tous rendu compte au moment où il a failli me faire tomber du haut du Palais de Chêne, il s’est contenté de me refiler son collier. Comme si d’un seul coup j’allais communier avec ou quoi…

- Donne-moi la main, et laisse l’ambre du Grand Chêne t’accompagner à travers les veines de son premier détenteur. Relaxe-toi, pense à ce que tu veux faire, et fais-moi confiance. D’accord ?
- Bon et bien… après tout t'aurais bien pu me laisser tomber du haut du Grand Chêne alors… qui ne tente rien n’a rien.

Saleté de sorcier de pacotille avec son placebo à la noix. C’est qu’il a réussi à m’attirer dans son piège le bougre. Il est doué. Ou alors c’est moi qui suis plus naïf que je ne le pensais. Et si je n’y arrivais pas ? Et si je finissais avec des séquelles à vie ? J’ai pas envie de finir comme les mages combattants qui nous reviennent en période de guerre, avec le corps à moitié bouffé par la Source. Je tiens à ma vie moi… mais… bon… allez… juste un tout petit essai… ça ne fait pas de mal.

- Rùmaö !et si je vous dis que c'était désespéré comme cri...

Et ça avait été épuisant pour pas grand-chose, mais ça avait marché. Juste une petite boucle d’écorce inutile et pas jolie, pas plus large que mon poing. Mais c’était quelque chose. Quand Halya apprendrait ça !

Quand Halya apprendrait ça… je finirais sûrement enfermé pour le reste de l’ennéade.