Le traquenard de la vache à lait | Grim

Hiver début Karfias an 12 du XIe Cycle

Sous le soleil bienveillant et grisâtre de la douce saison des pluies, une Thaar verdoyante paressait sur les rives de l'Oliya. Les terres détrempées se gorgeaient de limon, les rues mal entretenues ouvraient des dédale de trous noyés de boue et les canaux agricoles débordaient paisiblement. Les gouttes d'une pluie tiédasse crachotaient sur les toits plats et les coupoles des palais des Soiries.

Plusieurs jours auparavant, un humain chenu au nez aussi gros que ses épaules étaient étroites, avait commencé à chercher une fameuse artisane naine. Une naine sur laquelle Salfaryl n'avait pas posé ses gros doigts. Une naine qui pourrait peut-être éviter de faire du chauvinisme primaire et qui d'après ce que l'humain avait déniché avait quelques chances de répondre honnêtement à la question de son employeuse.

Le petit bonhomme s'était présenté chez les amis de celle qu'il tentait de contacter. Après beaucoup trop de coups sur une porte beaucoup trop épaisse, l'homme se retrouva face à une face tout aussi épaisse. Les yeux rougis par l'alcool et l'herbe à fumée tombèrent sur la silhouette d'un nain.

- On a besoin de rien. " grogna la voix rocailleuse sous la douce barbe de la belle dame.

Avec la plus grande politesse, Salik ôta le tout petit chapeau qui trônait en haut de son crâne frappée d'une calvitie précoce et se courba tout entier, bloquant la fermeture de la porte d'une avancée du pied.

- Bonsoir mon brave dawi ! Je ne suis en rien là pour vous faire perdre du temps, encore moins de l'argent. En réalité, je voudrais vous transmettre une invitation de la part de mon employeur, le forgeron Facilier des forges Grenouilles sur la rive sud. Nous avons entendu parler de l'artisane ambulante qui arpente ces derniers jours notre noble cité. Son voisin a eu la chance d'être en possession d'une oeuvre fort pratique de votre amie et nous aimerions lui passer commande dans un cadre strictement légal et privé, comme de bien entendu. C'est pourquoi je vous demande avec la plus grande humilité de bien vouloir lui transmettre ce message.

Tout en parlant, il avait dévoilé sa parfaite dentition blanche à en faire jaunir la neige, qui tranchait tant avec ses vêtements rapiécés et ses globes oculaires injectés de sang. Son gros nez projetait une ombre qui déformait légèrement son visage et son tout petit chapeau tenait presque à l'horizontal sur le sommet de son crâne comme par une opération magique.

En se redressant, il n'interrompit pas plus sa logorrhée verbeuse et vibra au rythme du verbiage des voix de son commanditaire :

- Mon bon sire Facilier sera à l'auberge de la Vache à lait demain soir dès la fin d'après midi. L'endroit se trouve dans le quartier marchand à la limite des Soiries. Non loin du Marché Libre, La première a gauche après l'étale des marqueurs, mais suffisamment pour ne pas avoir a subir le bruit des travaux, rassurez-vous.

Et la Vache à lait était en effet un établissement de classe moyenne. Bon vin, bonne bière, sol propre, vitre légèrement poussiéreuses, tables cirées et odeur persistante de tabac mêlé à la fameuse quiche aux œufs, au lait et à l'ibak royal que faisait l'excellent Cuisinier, un demi... on ne savait trop quoi au ventre proéminent.  

En fin d'après-midi, derrière la devanture blanche aux fenêtres et à la porte cerclés de noir, des tables basses entourées de coussins et de divans accueillaient... Une silhouette. Une silhouette qui n'avait rien à voir avec le forgeron Facilier, si ce n'était qu'il avait prêté la main à tout ce stratagème. Une drow alanguie sur un amoncellement de coussins. Son oreille dressée semblait écouter vaguement la pluie au dehors. Quelques discrètes cicatrices ornaient un visage percé de deux yeux d'un rouge sang piqueté d'or, posés sur un épais grimoire rempli de pattes de mouches.

Pieds nus, ses longs cheveux blancs glissaient librement dans son dos mais sa silhouette athlétique aux rondeurs toutes eldéennes et aux épaules large la désignaient comme une femme d'action. Sa simple tunique blanche et son sarouel rouge ne donnaient pas plus d'indication sur son identité, mais elle portait de fines et courtes griffes d'or à la main droite. Sa main d'ailleurs, était enroulée sur l'embout d'une pipe à eau qui trônait sur la table et d'où s'élevait par moment une fumée bleutée au parfum fleuri, presque sucré. Dans un mouvement répétitif, elle l'amenait à sa bouche sans briser le rythme de sa lecture.

Il n'y avait plus qu'à espérer que la naine de toutes les promesses ne se montrerait pas trop tard.

Que pensa le nain qui avait ouvert la porte à pareille énergumène ? Grimeldha ne saurait dire, si ce n'est qu'il vint la voir séant et eut besoin de plusieurs choppes de bière avant de parvenir à se délier la langue et l'esprit, tranquillement installé dans la pièce servant de grange improviser pour accueillir Rurk, le bélier du Zagazorn de la dawi. Cette dernière continua donc de curer les sabots du coquin qui protestait, alors que son hôte parvenait enfin à lui délivrer de manière concise la proposition... Avant de s'épancher dans une logorrhée débordant de perplexité et de confusion quant au sens de l'existence quand les umgi prennent pareille apparence. Grimeldha nota que son cadet avait particulièrement été marqué par le "petit touuut petit" chapeau et les deux mèches se battant en duel pour la domination du sommet crânien dégarni. Puis Rurk la fit tomber à la renverse d'impatience, et ce fut au tour de l'ancêtre de se répandre verbalement, en juron et monologue, à l'encontre de l'animal. Cela, non, son sale caractère ne lui avait pas manqué, en aucune façon ! Ingrat, va ! Et le fourbe d'accepter un grattage du crâne une fois le curetage achevé !

Tout cela pour dire que l'artisane itinérante se présenta néanmoins à la Vache à lait. D'une part, ses projets ne dédaignaient aucune nouvelle commande pour la substanter pécuniairement, d'autre part sa curiosité n'avait pu qu'être piquée par pareil messager. Qui donc avait pu souffler son nom à ce "Facilier des forges Grenouilles sur la rive sud" ? Un nom des atypiques. Qui ne lui était jusqu'à présent jamais tombé dans l'oreille... Avant qu'un autre cousin ne la rassure sur la question. Le gars lui semblait correct, de même que l'auberge en question. Simple invitée, l'antique dawi ne put qu’acquiescer, parfaitement consciente de sa méconnaissance de la cité et de sa population. Qu'à cela ne tienne, ce ne serait pas le dernier umgi en mal d'artisanat nain auquel elle ferait bénéficier de ses services !

De sous son capuchon qu'alourdissait la pluie, la naine trouva la devanture telle que décrite, et s'aventura sous le lourd battant de bois. Elle y fut accueillit par la chaleur de l'établissement, les doux bruits de cuisine... Et un silence ô combien anormal en pareil lieu. De sa capuche, une goutte chuta  et dévala l'arrête de son long nez, tandis que sa main courtaude en soulevait le bord humide. Par les Ancêtres, qu'est-ce donc... ? Soudain, ses mirettes se posèrent sur l'unique occupante des lieux. L'antique cœur fit un raté, son souffle s'étrangla et son autre main se crispa sur son bâton runique. UNE NOIRELFE !

Son réflexe fut de faire un pas en arrière, de s'en retourner aussitôt par là où elle était venue... Un tonitruant claquement fit taire le bruit de la pluie et sursauter la dawi. Faisant aussitôt volt-face, elle avisa la présence d'un énième drow. La pipe à la bouche, l'air sûr de lui, une lueur de fourberie dans le regard... Le sang de Grimeldha parla, et le noirelfe hurla. L'ennemi reconnu, le bâton en avait aussitôt frappé un tibia, dont l'os fut instantanément réduit, par l'embrasement de la magie runique, en un nombre trop important de morceaux pour sa bonne reconstruction.

L'artisane recula avant de se camper sur ses pieds et balaya la pièce d'un regard furibond, prête à vendre chèrement sa peau.

"Vous l'aimez sanglant, votre artisanat nain, M'sieur Facilier... ?" railla la vieille dawi, dos à la porte close.

- AH LA SALOPE !!!! " rugit Eshk'Oroth en tombant au sol le long de son mur. Sa jambe était arquée dans un drôle de sens et ses bras serraient son genoux comme s'il voulait être sûr qu'aucun maléfice n'y remonterait. Krish fut debout en une seconde, laissant son grimoire tomber à moitié au sol et son narguilé tangué dangereusement sur la petite table.

- Eshk' !
- Elle ma exploser le tibia !

Elle lança un regard atterré à la naine, se sentant tirailler entre la colère, l'envie d'une vengeance expéditive et un rire tonitruant. Et elle se foutait de sa gueule en plus. Elle opta à l'instinct pour un franc.

- On se calme. J'ai encore besoin de cette vieille chose.
- C'est toi qui parle... Bordel...

Il serra les mâchoires en étouffant un éclat de rire. Sa tête émit un bruit sourd en se tendant en arrière contre le mur de pierre. Sa respiration sifflait entre ses dents et un filet de sueur apparaissait sur son front. L’œil orangé d'Eshk'Oroth cherchait celui de sa sœur d'arme, ou de son ex-patronne, ou de la Maîtresse de son Ordre. Il ne savait plus trop. Tout n'avait duré qu'une ou deux respirations haletantes. C'était pas bon. Krish ne craignait pas pour elle mais il était encore trop proche de la naine pour s'approcher sans précaution.

- Écoute. J'ai des questions à te poser sur un symbole que j'ai trouvé. Je crois que c'est du nain et j'ai de quoi payer. Alors tu ranges ton bâton et tu me laisses examiner mon ami.

Ce n'était pas à proprement parler une question, mais elle attendit d'être certaine que la Naine n'allait pas finir le travail à coup de masse avant de faire le moindre mouvement vers le pauvre épéiste.

Tandis que les deux vermines déblatéraient, le regard étréci de la naine quadrillait les lieux, guettant la moindre ombre suspecte derrière un pilier, sous une table, parmi l'amoncellement de coussins où se vautrait précédemment la drow. Grimeldha ne sut pas ce qui l'agaça le plus : être incapable de voir d'autres ennemis que ces deux là ou la possibilité qu'il n'y ait qu'eux. Pourquoi donc pareille entourloupe ?

Les propos de la noireaude répondirent - un peu - à la question... Jetant un coup d'oeil à sa victime, Grimeldha lut dans ses yeux la douleur, ainsi que des sentiments peu tendres à son égard, qu'elle accueillit avec un reniflement de mépris.

"Toi, tu bouges, j'te casse l'autre. avertit-elle seulement, sans bouger de sa place, avant de se tourner, juste un peu, vers l'autre. Et pour quelle qu'raisons j'vous aiderais, M'sieur Facilier ? J'suis v'nu pour d'l'artisanat moi, M'sieur Facilier. Vot' symbole, vous pouvez vous l'mettre où j'pense, M'sieur Facilier. Chaque itération du nom se faisait plus rageuse et railleuse, avant qu'elle ne rajoute dans un grognement. J'traite pas 'vec les fourbes d'noirelfes moi, foi d'Long-Nez."

Elle n'avait qu'une envie, c'eut été de leur exploser le crâne à tous deux ou de tout simplement ouvrir la maudite porte dans son dos, que l'autre éclopé avait barré, pour se sortir de ce guêpier. Malheureusement, la première option n'était pas à sa portée - littéralement - et la seconde requerrait une vulnérabilité trop propice à ce qu'une lame sombre se loge entre ses omoplates. La région concernée la picota, comme pour approuver.

Une once de réflexion parvint à l'atteindre, malgré la tension. C'est qu'elle était à Thaar, ville cosmopolite par excellence. Tous les noirelfes ne venaient pas du Puy. Puis elle en avait bien rencontré une qui... Bast de ces nuances ! Tout bon sombre est un sombre mort !... Sauf T'sisra. La pauv' fille. La dawi jura à voix basse contre la complexité du monde. Concentre-toi ma fille !

"S'tu tiens tant à ton... Ami... finit-elle par gronder. Disons... T'vas t'enfermer dans la cuisine... Pis j'ouvre cette porte, j'm'en vais, et tout l'monde est content."

Son regard glissa un bref instant vers le nouvellement éclopé. Sauf lui.

"Alors... ?"

Tout en se tenant prête, elle pesta intérieurement contre celui de ses hôtes qui s'était contenté de lui décrire les lieux au lieu de l'y accompagner. Cela lui aurait fait les pieds de venir !

Eshk'Oroth bouillait intérieurement, elle le sentait de là ou elle était comme une paille de fer le long de sa colonne vertébrale. Heureusement, elle le connaissait assez bien pour savoir qu'il ne tenterait rien de désespérer. Son flegme était l'une des principales raison de sa survie à la chute du IVe Ost. Bien plus que sa chance sur un champ de bataille... D'ailleurs a y réfléchir, c'est vrai qu'il était assez poissard... Mais ce n'était pas le moment.

Tant que le bâton serait à distance de ses os il... Et mais...

Un demi sourire s'étendit sur le visage de Krish malgré ses épaules tendues. L'état d'Eshk'Oroth était ignoble, mais elle avait tirer le gros lot. Elle ne pouvait pas rater cette chance.

- Je peux pas. Déjà parce qu'il est hors de question que je m'éloigne de cet idiot qui a le goût du théâtre. Et en suite parce qu'on ne rencontre pas tous les jours une runiste indépendante, même dans cette ville. "

Avec des gestes volontairement lents et extrêmement visibles, elle ramassa son grimoire. La couverture était fait d'un épais cuir brun et la reliure paraissait ancienne.

- Je m'appelle Krish Al'Serat, Princesse Marchande de Thaar et forgeronne de métier. " pour l'instant, mieux valait garder le silence sur le côté triumvirat, maître d'un ordre de chevalier dévoués à Uriz et forge de lave. " Je ne veux pas que les choses dégénèrent, mais j'ai besoin de savoir. Le symbole que j'ai trouvé ne fait pas partie du khazalid traditionnel et je ne connais pas assez le khuzdûl pour faire une crois sur cette possibilité. C'est un présage qu'il faut que je perce.
- C'est vraiment le moment...?
- Crois moi Eshk'. C'est vraiment le moment. " répondit-elle très sérieusement sans lâcher les iris de la dawi.

La naine pesta intérieurement. C'est qu'elle cogite c'te vilaine ! Encore et toujours, ce désir de faire disparaître l'insupportable sourire de leur visage obscur, d'autant plus à l'idée de s'être révélée et que l'ennemi en soit ravi. Par les Ancêtres, je respect'rai le Thinthrynaz et elle ne saura RIEN. Si les yeux de la dawi ne manquèrent pas d'accrocher le livre que la femelle sombre lui présenta, tel un objet doré que l'on agite sous le nez d'une jeune barbe avide, elle n'en demeura pas moins en posture défensive, accueillant le nom comme le titre d'une reniflement de mépris. La naine Long-Nez ne s'attendait pas au moindre honneur de la part de son vis-à-vis qui mérita qu'elle y réponde.

"Vieille Chose qui t'Pisse à la Raie, que j'me nomme. Par cont' j'sais pas c'qu'est la plus vieille chose ici : celle qu'fait son âge ou celle qu'est dure d'l'oreille comme une pierre. gronda Grimeldha. JE. NE. FAIS. PAS. AFFAIRE. AVEC. LES DROWS. Tu peux d'mander 'vec toutes les langues, 'vec toutes les fourb'ries qu't'as en réserve. C'est NON."

L'esprit certain, Grimeldha attendit le prochain mouvement de son adversaire. Sa taille lui permettait de tenter de soulever la barre de la porte de l'épaule, mais cela la placerait dans une mauvaise situation pour répliquer face à la moindre attaque. Peut-être chercher une autre sortie...

Avisant les fenêtres de part et d'autres de la part, la naine entreprit de reculer lentement vers la plus proche, s'éloignant du blessé. Ainsi, la drow pourrait s'occuper de son "ami" hors de la portée de la dawi, mais cette dernière escomptait bien saisir la moindre occasion pour prendre la poudre d'escampette. Pareille embuscade ne saurait se poursuivre dehors... Du moins, la vieille naine espérait trouver quelqu'un, les semer sous la pluie ou s'embusquer pour casser d'autres guiboles. Les chances n'étaient pas de son côté, mais l'antique runiste était du genre têtue.

Et une tentative qui s'effondrait. L'humeur de la naine ne l'aidait en rien à se contenir. Ses dents se serrèrent, contenant le crépitement du feu qui repartait dans sa poitrine. Il fallait qu'elle sache. Elle ouvrit le grimoire, faisant des allé-retours pour garder la dawi à l'oeil tout en tournant les pages du grimoire jusqu'au symbole qu'elle essayait de percer. En passant, la vieille naine put distinguer toutes sortes d'écritures différentes. Des runes, des caractère péninsulaires, elfes, nisetiens... Le symbole était là. Elle l'avait reproduit sur toute une page, à la sanguine pour approcher la teinte originale, respectant les exactes proportions qu'elle avait vu dans cette vision. Il lui avait fallut de nombreux essais, mais elle était certaine de l'avoir parfaitement retranscrit. L'étrange rune représentait une sorte de |\| dont chaque branche avait une longueur inégal mais un tracé sûr et précis. Malheureusement, ce que la drow ne pouvait pas savoir c'est que s'il avait la forme d'une rune naine antique, ce ne serait que pur coïncidence.

- Dit moi si tu as déjà vu ce symbole. " tança-t-elle, en tendant le livre ouvert. " Et ne me ment pas. Je sais que ça a un rapport avec Mogar ou Othar. "

Et la dawi n'en eut que faire, bondit sur un tabouret puis traversa la fenêtre dans un fracas de verre brisé. Long-Nez digne de ce nom, elle préférait braver la pluie et une course poursuite qu'elle n'avait guère de chance de gagner plutôt que de répondre à une sombre.

Du moins, c'est ce que Grimeldha avait prévu de faire. Malheureusement, ses yeux accrochèrent le symbole que lui montrait avec une énergie désespérée la drow; et une vision beaucoup trop fraiche pour être aussitôt repousser au profit de la fuite. Toute colère s'évanouit du visage plusieurs fois centenaire, le sang sembla même le fuir au profit d'un teint blanchâtre, ses articulations blanchirent sur son bâton runique. De menaçante, la stature de la dawi sembla se recroquevilla sur elle-même. Ses yeux firent des allez-retour entre le symbole et le visage de la drow.

La marque que la Déesse des morts humaines portait sur la poitrine quand elle était apparu à la dawi et ses camarades d'infortunes, aux Piliers de Nisétis, où s'accumulaient alors d'innombrables Souffles humains pris au piège par son rejet. La même Déesse qui avait voulu la faire reculer en usant de la vision de sa petite-fille qu'elle avait assassiné dans la folie du Voile. Tyra.

Le souffle coupé, la dawi au besoin de longues secondes pour parvenir à murmurer quelques mots.

"Pou... pourquoi t'veux savoir ? Elle passa une langue nerveuse sur des lèvres soudain desséchées. Quel est c'livre ?"

Elle savait !

Peu importe ce qu'elle savait elle avait la solution. Après plusieurs mois de recherche officieuses de l'Elda à l'Aduram, elle avait trouvé quelqu'un qui savait vraiment quelque chose ! Elle pouvait le lire dans ses yeux, dans son hésitation, dans sa voix tremblante. Sa colère retomba soudainement, laissant rouler une vague d'exaltation bien plus grande.

- Tu l'as déjà vu ! Tu sais ce qu'il signifie ! Ha ! Je savais que c'était khuzdûl. " Une corde trop tendue venait de lâcher. Un pic d'adrénaline. Elle fit un petit bond sur place. Il lui semblait qu'elle n'avait pas été aussi contente de découvrir quelque chose depuis... des siècles au bas mot. " Ce livre regroupe toutes mes recherches sur la question. J'ai trouvé de nombreux symbole approchant mais rien de vraiment identique. "

Les yeux de la drow pétillaient d'excitations comme la première fois qu'elle avait vu une lame prendre forme sous les coups du Maître des Forges de Lave. Son expression n'avait plus de retenue, seulement la passion pleine et entière des enfants face à un trésor. Emportée dans son élan, elle avança droit sur la naine pour l'attraper par le bras et lui fourrer le livre dans les mains, lui pointant les pages où elle avait fait des comparaisons des symboles les plus prometteurs... Ou du moins elle essaierai d'atteindre la naine.

Quand la Princesse Marchande drow embusquée se transforma en petite fille voulant lui montrer son carnet à dessin, le cerveau de Grimeldha considéra qu'elle n'était pas prête.

La drow parvint à lui mettre son livre dans les mains et à le lui faire découvrir sans que la dawi n'oppose la moindre résistance, figée comme une ancêtre desséchée, touché mortellement par une ennemi à son sang. Après plusieurs secondes de ce supplice, en contact avec être qu'elle honnissait en cet instant de tout son être. Cesse, cesse, CESSE ! Grimeldha parvint, sans trop savoir comment, à faire un pas en arrière, se libérant de ces symboles liés par les recherches de la drow à un souvenir trop douloureux et récent... Se trouvant ainsi littéralement dos au mur. Ses mires écarquillées se rivèrent dans le regard de la drow, découvrant sa couleur rouge et ses étonnantes nuances dorées.

"POURQUOI, ELGI ?! Glapit Grimeldha, le coeur emballé, reprenant le contrôle de son corps. Pourquoi tu recherches ce signe !?"

Le cœur toujours aussi léger, Krish remarqua néanmoins que la naine avait l'air bouleversée, et pas seulement à cause de la proximité de la drow. D'humeur joueuse et heureuse comme à ses 100ans, elle décida de dire la vérité. La seule chose que les gens refusaient de croire la plupart du temps.

- Uriz m'a choisie pour être son avatar sur cette terre et lorsque que je l'ai pleinement accepté, il m'a mise en garde contre un ennemis extrêmement dangereux. La seule chose qu'il m'a dévoilé sur lui est ce symbole. " Elle souriait, amusée, la présence d'Eshk'Oroth dans son dos totalement oubliée. La naine s'était dégagée mais elle était encore à une distance suffisamment réduite pour s'emparer d'elle, même si elle devait se faire éclater un ou deux os pour ça. " Après les évènements de Kirgan et d'Almis ça ne pouvait être lié qu'à ton peuple... ou à Néo, mais c'était inutile de me mettre en garde contre lui puisque je le connais. Alors ? Où as-tu vu ce symbole ? Qu'est-ce qu'il signifie ? "

La déclaration de la drow laissa la dawi pantoise, tremblant non plus d'émotion mais de choc. Choc que d'entendre ainsi une immortelle se déclarer avatar de son dieu de destruction; choc que d'apprendre qu'elle savait pour la demeure ancestrale des nains; choc que d'apprendre qu'Uriz lui-même avait donc mis son avatar en garde contre... Tyra.

Tudieu, un dieu drow qui s'méfie d'une déesse humaine... Attends... Quoi ?

Grimeldha alterna rapidement et à plusieurs reprises entre une expression de profonde surprise puis d'extrême perplexité, ses sourcils glabres s'abaissant, puis se levant, puis s'abaissant, encore et encore, tant la profondeur de sa confusion menaçait son esprit. Difficile que de reprendre contenance quand pareille déclaration tombe dans l'oreille d'une fidèle à la recherche de réponses sur le divin. D'abord les umgi, maintenant les noirelfes... Mogar, Mogar, quel chemin qu'j'prends pour t'trouver ? Ses oreilles s'échauffèrent à l'idée qu'elle s’apprêtait peut-être à faire quelque chose pour lequel ses Ancêtres cracheraient sur son nom. Son coeur se serra à cette simple idée. Qu'y m'pardonne... Nos prop' prêtres savaient pas quoi dire... Et j'arrive à en causer 'vec des sombres. Non sans déglutir, Grimeldha leva vers la drow enthousiasmée un regard où naissait une lueur de détermination.

"D'accord. J'vais causer, mais pas sans qu'tu m'expliques qu'que chose d'abord. Pis qu'j'm'assois aussi." lâcha avec difficulté la dawi.

Esquivant la drow, elle alla prendre place à une table, offrant ainsi son dos à toute lame vengeresse. A vrai dire, elle eut préféré que son calvaire théologique prenne ainsi prestement fin, plutôt que de risquer le déshonneur. Cependant, c'était là un prix qu'elle acceptait de payer. Si un avatar pouvait lui répondre... Et si elle ment, ma fille !?... Verra bien si elle tente d'te baratiner. Les mains tremblantes, l'ancienne se hissa sur une chaise, le visage tordu de contrariété à l'idée que, jusqu'à maintenant, les mots de la sombre lui avaient désagréablement sonné vrai. Le cœur de l'ancienne rata un battement alors qu'une idée lui venait. Sa main couverte de cales trouva naturellement le chemin de la sacoche. Peut-être...

L'esprit torturé de questions, elle observa la drow de longues minutes, avant de se décider à parler à nouveau.

"Parle moi d'Uriz. Pis... D'c'que tu sais sur Kirgan." dit-elle alors qu'un nuage obscurcissait ses mires.

Une part de la vieille dawi l'injuriait à l'idée qu'elle ose prononcer ce mot sacré en présence d'une sombre, et pire : qu'elle souffre que la sombre le prononce. Des réponses. Des réponses sur l'Voile p'tètre. La dawi ne se rappelait pas avoir jamais ressenti pareil malaise, comme en attestait le mouvement nerveux de va et viens de son pouce sur son bâton.

- Pis qu'elle me rafistole cette putain de jambe. " grogna la voix douloureuse d'Eshk'Oroth maintenant que la situation avait été apaisée. Ah oui... Elle l'avait un peu oublié d'ailleurs.

- Assied-toi. " acquiesça Krish en lui envoyant le livre relié de cuir sans regarder si elle le rattrapait ou non. Elle tourna plutôt les talons pour retourner près de la porte tout en levant le ton. " Cuisinier ! "

Eshk'Oroth ne gémissait pas et s'efforçait de maintenir sa respiration aussi stable que possible, mais son visage était couvert de sueur et accomplissait l'exploit d'être à la fois tendu comme un arc et recroquevillé sur sa blessure. Elle tomba à genoux près de lui, gardant la naine dans son champ de vision, et donna un coup dans la grosse pipe en bois sur laquelle son tibia venait de cogner.

- Je préfère autant pas casser ma pipe... " gronda le vétéran avec un sourire acerbe malgré ses dents serrer et sa respiration inégale. " Fait gaffe avec cette tarée. Faut appeler les autres.
- Pas la peine. "

Elle posa les mains sur la botte de cuir... Et sentit la mollesse gonflée de la jambe changée en sac de chair rempli d'éclats d'os. Répugnant.

- Et merde.
- A ce point ?
- C'est mieux que tu sentes pas grand chose, crois moi. Tu penses pouvoir rentrer seul ?
- Il en faut plus pour m'avoir.
- J'espère bien... Bon qu'est-ce qu'il fiche... CUISINIER !
- O-Oui ?
- Vient là. Aide le a marcher jusqu'à l'étal du contre-maître sur le Marché libre.
- Euh...
- Pose pas de question.

Quelques secondes plus tard, le Cuisinier et le Repenti quittaient l'auberge. Krish refermait la porte dans leur dos, prenant soit de vérifier que l'enseigne de fermeture était bien mise. Puis elle retourna vers son premier perchoir, récupérant éventuellement son grimoire au passage.

- Bien. " soupira-t-elle en s'asseyant en tailleur sur les trop nombreux coussins. " Nous sommes totalement seules à présent. On va pouvoir passer aux choses sérieuses. "

Le silence s'étira en longueur. La naine l'observait avec attention. Son oeil antique était inébranlable au point que la myriadénaire n'arrivait pas à savoir ce qui se tramait dans sa caboche. Mais elle patienta. L’excitation de la découverte était encore là, mais la réalité de la jambe d'Eshk'Oroth l'avait fait redescendre de son nuage. Lorsque l’acariâtre vieille dawi lui posa ses questions d'un ton tout nanesque, elle répondit avec un calme relatif. Elle avait assez côtoyé de nain pour savoir que la légèreté n'était pas leur point fort et contrairement à son rapport conflictuel avec Salfaryl, elle ne devait pas taquiner celle là.

- J'ai essayé d'atteindre Kirgan il y a six siècle pour échanger des techniques de forges avec les nains, mais je me suis faite chasser à coup de hache. Et depuis quelques temps j'ai des... souvenirs des royaumes sous-terrain de ton peuple pendant le Long-Combat du début du Cycle. Pour Uriz, par contre, il va falloir être plus précise. Je pourrai te réciter l'Eda Vengeur mais je ne pense pas que ce soit ce que tu souhaite. " et elle ajouta comme une part de leur jeu de question réponse. " Pourquoi ce que je sais t'intéresse ? Tu es suffisamment âgée pour avoir bien connu votre capitale. "

La dawi ne ressentit aucune compassion pour le sombre tandis qu'il était emmené : seule sa recherche de réponse l'empêchait de refuser tout contact avec eux. Que l'une soit l'avatar de l'un de ses dieux l'annonçait comme "digne" eldéenne... Loin de tout rapprochement sympathique avec la "dissidente" T'sisra donc.

Si la mention de "l'accueil" des siens ne fit même pas frémir d'amusement Grimeldha, par contre elle balaya la remarque de Krish d'un revers de la main, agacée par le manque de réponse. Ses larges sourcils se fronçaient encore, creusant de profondes rides sur son front.

"Qu't'a dit ton dieu exactement ? Pas la cité, mais les évènements dont tu causes ? Du Voile ? La voix de la dawi se fit plus sombre et son regard, plus pénétrant. Qu'est-ce tu sais de c'qui s'est passé ? Elle écarta les mains, son bâton dans une paume. De quels souvenirs qu'tu causes ? Pourquoi t'en aurais d'nos cités ? Des souv'nirs de quoi ?"

C'était comme parler avec une enclume. On pouvait y aller à coup de masse ou à coup de plume, elle ne bougeait pas. Elle devait être encore plus vieille et encore plus buttée que Salfaryl et ses meurtres de sang froid en pleine chambre du Conseil. Malheureusement, ni l'une ni l’autre n'était prête à renoncer à ses questions. Restait à savoir jusqu'où tout cela irait avant qu'elles ne se décoincent. Il fallait la jouer serrer.

- Non seulement tu me crois, mais en plus tu me demande ce que le Père m'a dit comme si c'était un patron de chair et de sang. " constata-t-elle, scrutant la dawi en retour, réprimant le plus possible un sourire d'intérêt. Ceux qui ne la croyaient pas s'en foutaient. Ceux qui la croyaient la révéraient, mais elle n'avait pas encore été confrontée à une telle désinvolture. " Tu fais parti de ces gens qui croient que tous les dieux existent, même ceux auxquels ils n'accordent pas leur foi. " C'était pas banal pour un nain... Et ce qui n'était pas banal avait toujours piqué sa curiosité, peu importe la période de sa vie.

Pour l'instant, la dawi semblait trépigner au sujet des évènements du Voile et des volontés d'Uriz autant qu'elle même attendait de tout savoir sur son satané symbole. Qui était-elle exactement et pourquoi un tel empressement ? Etait-ce par simple traumatisme du Voile ou y avait-il plus ? Et pour sa désinvolture, était-ce sa façon d'être ? Avait-elle déjà côtoyé un avatar ? Si elle était troublée par le symbole était-ce parce qu'elle savait qu'il appartenait à un avatar de Mogar dont elle connaissait le nom ?

En son sein, elle ne sentait pas la moindre émotion crépiter dans le foyer qu'elle portait. Il laissait place net à son instinct et à son esprit. Il s'amusait sûrement de la voir courir après des bribes d'informations, et elle lui montrerait encore avec joie qu'elle était digne de Lui.

- Mes souvenirs remontent en effet au Voile. Je pense qu'ils me viennent de mon prédécesseur. Je connait l'origine de la lave et du feu qui ont déferlés sur le Nord. Je veux bien te raconter tout ça en détail, autant de fois que tu veux, mais le problème c'est que si je te dis quelque chose que tu n'aimes pas, tu refuseras de m'en dire plus sur mon symbole. Si je te répond, tu auras toutes les raisons d'essayer de partir sans m'en dire plus sur mon symbole. Et si je ne répond pas, tu partiras sans m'en dire plus sur mon symbole. Alors comment on fait ? "

Elle avait déjà une ou deux idées de la manière de précéder, mais en terme de contrat, il valait souvent mieux laisser le peuple dawi poser ses conditions, toute suggestion pouvant les braquer dans une direction qui ne serait bonne à personne par simple esprit de contradiction.

Les larges narines s'ouvrirent encore plus grande alors que la naine retenait son souffle. Si elle dit vrai !? Si elle ment !? Mais si elle t'cause vrai !? C'est une SOMBRE ! Le doux contact du bois ne suffisait plus et ses doigts s'étaient crispés sur le bâton runique. Les mires vertes se rivèrent dans celles, rouges et dorées, de son interlocutrice.

"J'crois bien que c'que j'ai à dire t'intéresse et que c'que t'as à dire m'intéresse... Un serment." Lâcha la vieille naine.

Son coeur lui pesait en l'instant, alors que ce qu'elle s’apprêtait à faire prenait consistance. C'était un déshonneur à son nom, une injure à ses Ancêtres... Mais le temps des vieilles méthodes n'était-il pas révolu, avec la chute de la cité mère naine ? L'idée que ses enfants poursuivent leur vie dans l'obscurité de l'égarement, sans savoir quel dieu prier, lui était aussi insupportable. Alors, si quelqu'un pouvait lui apporter des réponses...

Le bâton changea de main, et dans la main ainsi libérée fut révélée une pierre, à la douceur naturelle, née d'années de sommeil dans le cœur liquide d'un ruisseau. Dans cette surface lisse et blanche s’entremêlaient des creux réguliers, fins et précis. Pour qui savait les reconnaître, il s'agissait de runes naines.

"Ta main. demanda Grimeldha. J'saurais si tu m'mens."

Concentrée, la naine l'était. concentrée sur son souffle, pour ne pas le laisser s'emballer. Prêter serment auprès d'une eldéenne, accepter le sien, mentir sur sa rune pour tenter de se protéger de tout mensonge... C'était odieux. Mais nécessaire.

L'elfe noire tendit nonchalamment la main, son sourire n'arrivant plus à rester invisible. Elle laissa la naine la manipuler à l'envie et placer sa rune au contact de la peau noire de la drow. Une pensée pour Tesso lui traversa l'esprit, mais elle était trop contente de toucher ainsi au but.

- Moi, Grimeldha Long-Nez, fille de Hrímbur Blanc-Marteau et de Wulga Long-Nez, jure sur le nom de mes Ancêtres de dire à Krish Al'Serat, Princesse Marchande et forgeronne, tout ce que je sais sur le symbole contenu dans son grimoire, en échange de toutes ses connaissances ce qu'il advint à Kirgan durant la Malenuit, ainsi que sur ce que lui dit Uriz sur l'ennemi contre qui il la mis en garde.
- Tout pareil... " Les yeux de la naine lui rappelèrent qu'elle n'avait pas intérêt à pousser le bouchon trop loin. " Moi, Krish Al'Serat, fille d'odieux connards, jure sur l'Eda Vengeur de dire à Grimeldha Long-Nez, tout ce que je sais sur Kirgan durant la Malenuit, ainsi que sur ce que je sais sur l'ennemi qu'Uriz m'a désigné contre tout ce qu'elle sait au sujet du symbole que j'ai dessiné dans mon grimoire. "

Et bien que les mots soient un peu bancals - peu habituée qu'elle était à prêté des serments construits - elle semblait tout à fait sincère. Son cœur battait la chamade sous l'effet de l'impatience, mais il y avait aussi cette pointe d'idée un peu romanesque qui lui effleurait l'occiput. Elle parla donc avec le plus grand sérieux, sachant que ce qu'elle s'apprêtait à dire ne serait pas facile à entendre ou à accepter de la part de la dawi.

- Je sais que les souvenirs que j'ai de Kirgan et du Voile me viennent de mon prédécesseur mais ils ne sont pas parfait. Le précédent Feu était un guerrier accompli et il ne faisait vraiment qu'un avec la volonté de notre Créateur à Tous. Il est allé jusqu'aux confins du Zagazorn où se trouvait la prison d'Uriz au début des temps. " Elle appuyait ses explications de grands gestes de sa main libre et s'autorisa une digression pour mieux faire comprendre les enjeux de son récit à la vieille dawi. " Nous, eldéens, avons un grand respect pour les montagnes du Septentrion car c'est là que Kerhel, la traitresse mère des elfes d'Anaëh, a enfermé notre Père. Ses glaces éternelles se sont solidifiées à la création du monde et elles forment la seule chose qui empêche les dieux de manipuler comme ils le souhaitent les esprits des mortels. Le blanc de nos cheveux résulte de cette force, un présent de Teiweon, déesse de la mort, de l'ombre et de l'eau. C'est aussi dans ces montagnes qu'il demanda à Natha la Féconde, de créer les dawis en les façonnant dans le roc des montagnes les plus dures et la fourrure des ours les plus féroces. Il leur donna une Braise pour qu'ils soient d'ardents guerriers, libres de s'opposer à Kerhel. Et pendant que lui créait les nains et tous les autres dieux de notre panthéon, Kerhel créait les humains et tous les dieux que les autres peuples connaissaient. " Elle présentait ce qui était un fait pour elle, tout en sachant qu'elle ne convaincrait pas la naine, elle n'était pas là pour ça... quoi que... " Garde à l'esprit que je ne cherche pas à t'insulter mais tu m'as demander la vérité et je te dis la suite telle qu'elle m'apparait aujourd'hui : C'est  parce que les dawis possèdent aussi la Braise Vie d'Uriz que son Feu, son avatar, s'aventura loin dans les terres du Zagazorn sans toucher à ton peuple. Mais il regarda. Et il vit des nains adorants des demi-dieux et des êtres créés de toutes pièces par les alliés de Kerhel. Le nom d'Uriz, surement traduit en khuzdûl, s'était perdu au profit de celui de Mogar et avait été dénaturé jusqu'à être remplacé par une caricature de sa véritable nature, un dieux créé par Kerhel pour berné les nains mais n'ayant pas assez de puissance pour contrer la véritable force de notre Père à Tous. Alors le Feu laissa la fureur d'Uriz se déchainer pour Venger cette perfidie et prouver son existence. La terre trembla, la lave ravagea les cités naines. La Colère d'Uriz fit flamber le cœur de ses enfants qui avaient été trompés sans même en avoir conscience. Ceux qui donnèrent leur vie à Kerhel se transformèrent en bête fauve. Les autres résistèrent et gardèrent leur Braise, accueillant le doute quant à la nature de leur dieu, comme l'avaient fait les Exilés, et se préparant par la même occasion à une nouvelle Révélation... Voilà ce que je sais sur le Voile. " Elle s'arrêta, attendant la réaction, les questions, les insultes ou la baffe qui ne tarderaient pas à venir.

Les serments avaient été prononcés et, Grimeldha joua à son jeu de dupe sans se sentir convaincante, capable de percevoir l'état du corps de la sombre grâce à la magie de la rune sans pouvoir en tirer une information sûre pour déterminer si elle mentait ou pas en lui livrant ses informations. C'est dans cet inconfort que la dawi écouta. Et qu'elle sombra.

Elle avait tenté de se protéger des hérésies dont devaient être convaincus les noirelfes. Dans un laps de temps court, et seule, mais elle avait essayé. Deux siècles de foi en Mogar. Deux siècles de vie en louant son nom, en apprenant à ses enfants puis petits-enfants à le louer, Lui et Ses Enfants. Être ouverte à ce qu'elle lui donnerait, sans le prendre pour argent comptant. Mais elle n'y parvint pas, car elle n'avait pas prévu que certaines de ces croyances s'engouffreraient droit dans les failles qu'elle avait tenté de combler par sa seule foi : le silence des prêtres de Mogar; l'existence des engeances, ces nains dénaturés; la destruction de leur cité alors que les enfants du Destructeur ne l'avait contrarié en rien.

Leur Père n'était qu'un Dieu de paille, et leur vrai Père, aussi celui des sombres, les avaient massacré pour les libérer du joue du pantin de la déesse elfe.

"NOOOOOOOOOOOOOON !" hurla Grimeldha.

Elle hurla en bondissant sur sa chaise. Elle hurla en se tenant le visage que défigurait une expression de rage désespérée. Elle hurla en luttant contre ce récit qui plaçait des cycles de dévotions et de traditions sous le sceau de l'erreur et de la solitude d'enfants suivant aveuglément une marionnette.

Aussi brusquement qu'elle avait bougé, son cri se mourrut. Les bras retombèrent, ballants, et le reste du corps suivit presque aussitôt, chutant au sol dans un silence de vieux os brisés.

HRP:

Elle s'était attendu à recevoir un rire, un reniflement ou une baffe. Elle obtint un refus. Elle l'avait écoutée jusqu'au bout, jusqu'au dernier mot, sans bouger. Puis elle avait explosé. Un hurlement. Profond de vérité. La noire-elfe déplia ses jambes, se tendant au-dessus de la table pour tenter de saisir les bras de la vieille naine qui venait de lâcher son dangereux bâton.

La dawi paniquait et son vieux corps ne tiendrait peut-être pas le coup. A moitié agenouillée sur la table basse, Krish n'eut pas le temps de la serrer pour forcer ses nerfs à se calmer, elle attrapa tout juste le corps qui s'effondra, accusant le coup malgré sa petite taille. Et ce fut a elle de refuser l'évidence.

- Non... " Elle passa tout a fait par dessus la table, allongeant la vieille naine au sol en relevant ses pieds. " Réveille toi ! " Mais rien. Livide, la naine restait inerte. Elle lui donna une gifle. " Non non non non. " Son énorme nez se gonfla d'air. Faiblement. Mais sûrement. Uriz soit loué ! Elle n'était pas morte. L'elfe noire la secoua un peu plus franchement. " Allez !" Elle l'attrapa par le col, la soulevant légèrement, laissant sa tête glisser en arrière. " RÉVEILLE TOI SALE VIEILLE BIQUE MOMIFIÉE !! TU DOIS ME DIRE CE QUE TU SAIS ! " Rien n'y fit.

- Ust'Kor ! " gronda-t-elle en lâchant la pauvre naine sur le parquet de bois. A genoux près de la vieille femme, Krish inspira plusieurs fois pour se calmer. Cette vieille salope venait d'emporter ses explications avec elle. Elle ne les emporterait certainement pas dans l'autre monde !

Elle courut jusque dans la cuisine pour attraper un sac, fourra le bâton taillé de rune dedans, fouilla la naine pour en tirer toutes les runes et tous les éventuels cailloux qu'elle portait sur elle et les fourraient avec. Puis elle souleva le sac sur une épaule, la naine sur l'autre et décampa. Avec un peu de chance, elle arriverait au palais avant son boiteux de second.

Le jour tombait, une fois de plus. Elle n'était sensée être de passage qu'un jour ou deux pour discuter avec le Conseil et elle se retrouvait à faire les cent pas dans les profondeurs du Palais. Ses deux guérisseurs personnels et le prêtre qui avait traités ses jambes après sa mésaventure avec Loethwil avaient été ramenés là par la peau du cou et mis au chevet de la naine. Krish ne quittait pas la pièce, faisant venir à elle tout ce dont elle avait besoin pour s'occuper, telle une araignée au milieu de sa toile.

Pour le moment, c'étaient surtout des feuille, de l'encre, de la sanguine, du fusain et de la terre glaise. Après avoir examiné et reproduis chaque rune et chaque détails des objets que portaient la naine, la drow avait fait des moulages et avait envoyer le tout dans sa forge pour y être entreposé sous clef... Et le temps avait poursuivit son cours. Alors elle avait écrit en oliyan ce qu'elle avait raconté à la naine en expliquant le plus posément chaque passage. Elle donna quelques détails supplémentaires sur l'alliance entre les nains de Dun'Eyr et les drows à Almis, leur alliance et la façon dont elle avait éclaté à cause de la perfidie. Puis elle le compléta avec ce qu'elle pensait lui dire par la suite : Comment Uriz lui avait promis un combat à sa hauteur en ne lui montrant que ce symbole ensanglanté, comme une plaie dans la chair. Un artisan vint jusque dans la chambre pour relier le livre dans une couverture de cuir. La pièce puait autant la colle que les herbes médicinales et la magie de Kiran.

Au final, il fallut quatre jours pour que la vieille bique rouvre les yeux. Quatre jours durant lesquels Krish dormit à peine et ne quitta son chevet que pour se laver. Elle parlait avec le guérisseur d'Eshk'Oroth pour essayer de savoir à quel point la vieille naine risquait sa peau en le recroisant, lorsqu'un mouvement et un grognement attirèrent son attention du côté de la comateuse. Les trois mages au garde à vous bondirent vers la dawi qui reprenaient doucement conscience. Krish accouru à leur niveau, complétant les quatre pairs d'yeux qui observaient la vieille ensevelie sous ses couvertures.

- Elle risque de clamser ?
- A priori non... Mais soyez pas trop brusque.

Cela ne pouvait être nié : la dawi eut droit à un traitement presque royal en matière de magie de Vie. Ainsi, malgré les quatre jours passés dans une inconscience aux profondeurs insondables, son antique corps ne montrait pas de grand signe d'affaiblissement, peut-être seulement l'apparition de nouvelles rides aux coins des yeux et sur le front, marque de la grande détresse qui l'avait plongée dans pareil état. Ainsi, dans le cocon de couvertures, les narines de la naine aspiraient et expiraient un air vital avec un rythme et une profondeur presque solennel, serein à tout le moins. Les guérisseurs virent juste : après des jours d’immobilité, une certaine agitation se manifesta derrière ses paupières closes jusqu'à ce que, enfin, elle ouvre les yeux. Sur un profond vide.

Le rythme de sa respiration ne varia pas d'un iota... Et brusquement, ses yeux se braquèrent sur le visage le plus proche, celui d'un guérisseur. Celui-ci, riche de son expérience, réalisa rapidement que quelque chose clochait, mais pas avant que la naine ne se soit relevée avec une vitesse qui fit craquer tous ses vieux os. L'antique dawi n'en eut que fait, alors qu'elle jetait ses mains à l'assaut du soigneur en question tout en bondissant sur lui, les yeux exorbités et la figure défigurée par un rictus de rage destructrice.

"FILS DE GOBELIN ! brailla la naine en lui enfonçant les doigts dans les yeux,  sesveines saillant sur sa tempe. BOUFFE TES YEUX ! BOUUUUFFE TES YEUX ! LE DESTRUCTEUR T'BRÛL'RA L'CEUR !"

De surprise, il bascula en arrière, avec elle cramponnée à lui comme une bête affreuse, riant aux éclats dans d'une voix hystérique. La naine fit un roulé-boulé, se releva pour abattre ses deux poings avec une violence inouïe sur l'homme à terre avant de bondir sur sa cible suivante avec des grognements bestiaux, visant les jambes. C'était une dawi de plus de deux siècles, mais la folie qui avait pris dans son coeur n'avait jamais complètement disparu. Il s'agissait de cette folie qui vous consume par les deux bouts, telle une chandelle préférant brûlant la tour qu'en éclairer humblement l'entrée. Chaque coup qu'elle parvenait à porter était accompagnée d'injures de joie brutale. Sa faim de violence n'avait ni but ni fin : elle ne faisait que la dévorer, et ses victimes avec elle.

Le guérisseur tomba à la renverse et la première chose que pensa le prêtre de Krian fut qu'il était content de ne pas être à sa place. Voilà le genre de choses qui arrivaient à vouloir trop bien faire son travail. Avec la panache et la froideur qui caractérisaient la plupart des suivants de la méprisante Kiran, il haussa négligemment les sourcils à l'attention de Krish qui tentait déjà de se porter au secours du malheureux guérisseur... ou de la naine en chemise qui manqua de se faire proprement assommée quand sa victime commença a se débattre par réflexe. Il ne savait pas trop.

La dawi était déchainée. Vieille et desséchée et désarmée, mais déchainée. Ses poings martelaient le pauvre homme au visage, le laissant étourdit sur le carreau tandis qu'elle pliait le second d'un coup de poings dans les rotules. Elle s'acharnait sur le second homme qui ne savait trop ou frappé, lorsqu'une main s'empara brusquement de son bras pour le tordre férocement en une clef des plus décidés. Krish la ceintura également, tombant assise sous les ruades sans pour autant lâcher prise.

Plus que pour les guérisseurs, elle avait peur que la naine finisse par se faire mal ou pire, par s'enfuir ou crever d'une quelconque crise.

- Calme toi ! ... Ouft ! " Un coude se logea dans son flanc, manquant son foie de peu. " Tu as encore une parole à honorer ! Hein ? Tu vas pas me dire que tu déshonorerait ton clan  ? "

A mille ans passés, on apprenait à être au moins aussi obstiné qu'une naine. Elle tiendrait le temps que la dawi se calme. Il fallait qu'elle tienne.

Les mots prononcés n'eurent d'autres effets que de la faire rire, rire ! Elle se débattit de plus belle, donnant coup sur coup, se tortillant, se tordant brusquement pour tenter de se dégager. Qu'importe son âge, qu'importe sa petite stature, l'ancienne dawi s'agitait comme une fauve acculé, crachant, injuriant, les lèvres retroussées en une expression plus bestiale que nanesque. Qu'une accalmie semble survenir, et soudain ! La dawi ruait à nouveau. Le stratagème ne marcha guère, car elle ne s'affaissait que trop peu de temps.

"FILLE DE RIEN ! claquaient ses dents. QUE J'T'ARRACHE LA PEAU ! OSE M'LÂCHER ! OSE ! OSE, CHIENNE !"

Telle une source infinie, le flot ne semblait vouloir se tarir, ni sa haine ne vouloir s'apaiser. Crachant sur son propre sang, celui des drows, sur la vermine qui leur servait d'enfant et tous ceux dont elle trouerait la panse bientôt, pour festoyer au milieu de leurs viscères répandues... Tant d'énergie dans un corps si usé, tant qu'elle manqua se casser le bras dans une énième tentative, parvenant tout juste à se retourner au point que son assaillante put voir ses yeux exorbités... Sans que cela ne soit assez. La liberté de nuire lui échappa et la déchainée se retrouva de nouveau plaquer au sol, qu'elle gratta furieusement de ses ongles ensanglantés, son regard cherchant furieusement une prise, une arme, une victime.

Mais la drow tint bon. La chemise de la naine craqua en plusieurs endroits, le sol fut souillé de traces sanglantes, la naine parvint même à lui griffer la main... Sans parvenir à libérer son bras de la poigne de la sombre. A force de patience, cette dernière put observer que la verve des injures baissaient peu à peu en intensité et le corps se détendre lentement... Bientôt, la voix rauque ne fut plus qu'un murmure, et pour qui eut tendu l'oreille, purent se faire finalement entendre des mots qui n'étaient pas crachés, en une langue rocailleuse et ardue : le khazalid.

"...Ainsi le Père-Créateur s'en fut-il...
...Ayant annonçé son retour... Au dernier des Temps...
...Ses premiers fils.. Alors... Vinrent soutenir... Ses autres enfants...
... Grâce au Puissant... Il vainquirent... Et apprirent... L'honneur... Et le respect..."
...murmurait l'antique dawi d'une voix brisée, le visage plaqué sur le sol glacée.

Qui eut encore plus tendu l'oreille eut pu entendre alors un sanglot réprimé... Avant que, de son point libre et sanglant, elle frappe le sol et tente de se redresser, hurlant, d'une voix à la rage désespérée, telle une plaie lancinante.

"Qu'il parle ! tonna-t-elle. Qu'il parle, c'fantôme ! Qu'il parle, par des mots ! Qu'il parle, plutôt qu'réduire en cendre nos vies et nous pourrissent l'coeur ! QU'IL PARLE LE MAUDIT !"

Krish pourrait désormais attester. La rumeur était fondée. Tout n'était que pure vérité. Rien ni personne ne connaissait autant d'insulte qu'une vieille naine. Mais ce qu'elle garderait pour elle en revanche, c'était l'image bien trop familière que lui renvoyait la dawi qui se cabrait contre ses démons, ses doutes, ses espoirs et contre les dieux eux-mêmes. Toute moquerie et toute désinvolture avait quitté le cœur de la drow. Elle était passé par là et elle ne se souvenait que trop bien des blasphèmes et des hérésies. Elle avait voulu se libérer des jeux incompréhensibles des dieux sans comprendre qu'ils faisaient partie de chaque être vivant. Elle comprenait désormais à quel point elle s'était fourvoyée et passait chaque jour à prouver à Uriz qu'il n'aurait pas à regretter son choix. Mais elle devinait aussi assez bien dans quelles extrémités la vieille dawi pouvait sombrer.

Elle garda le silence et le bras raide. Jursqu'à la sentir se détendre, les mains empoissées de sang à force de gratter la pierre et de se briser les ongles. Le dos de la main d'obsidienne qui tenait la naine était aussi profondément écorchée, mais rien qu'elle ne pouvait supporter. Profitant de l’accalmie et du baragouinage rocailleux, elle jeta un regard vers le prêtre de Kiran et le guérisseur encore debout et pointa du menton leur compère estourbi.

- Ramasser le et sortez. Je m'en occupe.

Aucun des deux ne trouva une objection et ils passaient la porte au moment ou la naine recommençaient à se débattre mollement.

- Il ne parle jamais quand on en a besoin. " murmura Krish, plus douce qu'aucune daedhel n'aurait du l'être envers une hérétique dawi.

Une fois qu'elle se fut assurer que les guérisseurs soient suffisamment loin dans le couloir de ce dernier sous-sol, Krish lâcha progressivement la pression sur le dos de la naine, prête à la saisir à bras le corps si elle la sentait repartir de façon aussi violente qu'au début de sa crise. Silencieuse et suspicieuse, elle l'observait.

La dawi ne réagit pas à cette libération, alors que la tension sur son bras douloureux s'évanouissait peu à peu. D'énergie, elle n'en avait plus. De silence, elle en avait assez. Un goût de bile lui était remonté à la gorge alors, qu'enfin, la masse noire qu'était devenue son coeur s’apaisait, la laissant libre de réaliser l'étendue de son désespoir. Ca m'a r'prit... Avait-elle constaté. Où était-elle ? Impossible à dire, si ce n'est que la sombre semblait être la maîtresse des lieux. Détenue par une sombre, préservée - combien de temps avait-elle dormi ?! - par une sombre, maintenue à terre... Par une sombre. Le temps que sa rage se consume d'elle même, faute de carburant dans un corps trop vieux, à l'esprit trop épuisé. Et ses affaires, qu'elle n'avait plus. Elle se sentait dépossédée de tout, de ses biens comme d'elle-même. Comme de sa foi. Comment en était-elle arrivée là ?

Lentement, Grimeldha fit mine de bouger. Doucement, son corps lui obéit à nouveau, tout en lui signalant toutes les nouvelles douleurs qui y avait fleuri. Avec moult précautions, elle se mit sur son séant, ses jambes en contact avec le sol froid, frémissant quand elle manqua s'appuyer sur ses plaies fraîches. Presque distraitement, elle constata l'état de sa main. Avec un claquement de langue peu appréciateur, la dawi grommela, comme quoi ce n'était pas fameux tout cela. Cas d'le dire. Du côté de ses vieux genoux, ce n'était pas mieux, d'avoir cogné et frotter vainement.

"C'p'us d'mon âge, ces choses-là... soupira la runiste. S'abimer l'outil d'travail, c'pas sérieux. ironisa-t-elle, en faisant tourner sa vieille main, bien trop rouge à son goût. Après un long silence, les mires vertes se levèrent, observant la sombre entre les mèches grises de sa coiffe défaite. Où qu't'as donc mis mes runes ? T'pas pu t'empêcher d'les r'garder, pas vrai ? railla-t-elle doucement. J'paris même qu'si j'suis là d'puis assez longtemps, t'en aura gardé trace, hé ? S'tu comptes pas t'les garder tout court, d'ailleurs..."

Voilà. C'était ce qu'il lui restait : sa langue, qu'elle n'avait jamais eu dans sa poche d'ailleurs. La braise à peine chaude, la dawi ne se sentait plus la vaillance que de grincer des dents. Tant qu'elles aussi elle ne les perdait pas...