[Temple de Kiran] Quand le coeur fait Boum !

Boum. Boum. La voute fut brisée, puis soignée. Boum. Boum. Dans cette caverne, le cœur du Gobelin bat encore. Boum. Boum. Le géant git, couché, tel qu'il fut déposé, sans avoir bougé depuis. Le grand tissu dont il est couvert semble bien mortuaire... Si ce n'est qu'il se soulève, et s'abaisse, au rythme d'une respiration encore difficile. Du moins, n'y entend-t-on plus le roulis du sang qui se déversa dans ses poumons. Les suivants de Kiran se relayèrent, jusqu'à ce que, finalement, son corps puisse, encore, vivre un peu plus longtemps. Dans un état de semi conscience, il sembla à Urgoll'Ven percevoir la présence du Mlezziir, d'ordinaire si acerbe, pour une fois coi. Au fil des marées obscures, le sombre perdue cette figure familière de vue. Le va et vient de sa conscience, qui le maintient dans des profondeurs, sans jamais se risquer à l'éveil. Poison, combat, décision... Le sombre se repose. Sous la voute de ses côtes, sa Braise, toujours, rougeoie. Boum. Boum.

Au bruit de la porte et de la voix, il ne réagit pas. Dans la pièce austère, c'est comme s'il n'y avait qu'un corps, nu sous un draps, qui respire, l'esprit bien trop loin en dedans. Que reste-il du Gobelin ? Une forme de chair, de sang et d'os. Une trame, sur sa peau. Coupures, griffures, morsures, lacérations, combustion, trou... Il en porte, des traces, son épiderme. La plus grande de toute, celle qui lui couvre tout le dos, la nuque, le haut du fessier... Brûlée, fondue, une marque qui ne s'efface pas, celle de la magie. Une grande toile abstraite, d'entrelacs de forme et de contre-formes d'une peau cicatricielle plusieurs fois centenaires. La morsure de la magie, il la sent encore. Mais à bien y réfléchir, il vaut mieux qu'il respire.

Seule la voix sifflante, répond à la question. Le silence attend, lui, tapis dans les recoins. Le sombre se repose.

De pression, ils devinrent caresses. Ces contacts, que le Gobelin perçoit, des profondeurs de son inconscience. Délicats, légers, rapides... Tel un jeu, un petit animal qui titille un plus gros, pour voir s'il sera assez rapide pour le mordre.

Mordre, caresser, étreindre... Son souffle sur ma peau... Le mien sur la sienne... Sa présence, sa chaleur, lacérer, jouir, grogner, l'entendre rire... Femelle au sang chaud, à l'étreinte sauvage...

Légers et curieux, les doigts se déplacent, inspectent, tâtent.

Elle m'échappe... Poursuivre, enrager, rattraper, saisir, blessure, le goût du sang, le sien, le mien. Elle me renverse, je l'étreins, elle me griffe, je la mord, la chevauchée, la lutte, la rage, la jouissance... La magie. Elle s'amuse et incante. Sort et ébat... Je gronde et l'étreint. Nulles arcanes. Seulement nos corps... Et le feu.

Le grand corps frémit sur la table froide, les yeux roulent sous les paupières closes. Soudain, il n'y a plus que le drap en contact avec la peau marquée.

Le repos, la fatigue... Son souffle, le mien, le silence après les cris, sa peau moîte, sa chevelure qui nous enlace... Le froid. Alors je me rapproche. Regard. Elle sourit. Embrasse. Doux. Qu'est-ce que ce goût, de miel et de sang ? Elle murmure... Elle murmure...

De nouveaux, un contact... Cette fois les yeux s'ouvrent et les mires sanguines se fixent sur celle qui se tient face au Géant couché, des bandages dans ses mains à elle, son battoir à lui fermé sur son poignet. Instant figé, simple mouvement... Pourtant, aussitôt, un éclair de souffrance, qui fait mourir les restes du souvenir. Un raté dans sa respiration... Seule indication de sa faiblesse. Encore... Une once d'agacement, alors qu'il dévisage la sombre. Pas une de celle qu'il eut l'occasion de croiser lors de ses innombrables visites au Temple des Jumelles.

"Ton nom. exige-t-il d'une voix basse et grondante. Quel jour sommes-nous ?"

Après un temps, il la relâche et se redresse... Tente, du moins. Tandis que le dras glisse lentement le long de son flanc, les muscles encore meurtris protestent, de même que ses os. Ses lipes se crispent et se relèvent, dévoilant le blanc des crocs. Le Gobelin a le regard dans le vague, pensif, se rappelant que la situation n'est pas aussi familière qu'il a d'abord cru. Triumvirat... Plus tard. Relevant la tête vers la sombre, il indique des doigts son torse.

"Quels maux ont nécessité tes soins, prêtresse ?" questionne-t-il.

HRP:

Militaire. Attentif, Urgoll'Ven a écouté la drow s'exprimer avec efficacité, tout en inspirant profondément, humant son odeur, organique, riche d'effluves d'autrui, avec des relents de vieux sang. Une prêtresse de retour du front, peut-être... Depuis quand ? Sans s'attarder sur ce détail, il l'observe avec curiosité face à son... Soucis du détail. C'est une certitude, il n'a encore jamais eu affaire à cette daedhel. A moitié redressé, malgré les recommandations de la prêtresse, le sombre sourit.

"C'est bien. Salue-t-il simplement. Je me charge des exercices, toi, occupes-toi d'envoyer une chauve-souris au Temple de Zhak'Bar. Que Tebzar, Phyrra et Vorress se présentent à moi, afin de me faire leur rapport sur les jours écoulés."

Ainsi, aucun des noirelfes ne pourrait raconter ce qu'il était advenu à son avantage. Avec la même raideur formelle, Na'ri s'exécute... Avant de demander, sur le pas de la porte, s'il lui sera possible de se joindre à l'une des chasses du Gobelin. Quelque peu surpris par la demande, l'intéressé ne répond pas tout de suite.

"Nous verrons." lâche-t-il finalement.

Alors, elle quitte la pièce, les mires sanguines la fixant se perdant un instant dans les ombres du couloir. Urgoll'Ven reste seul avec le silence de sa chambre, les échos du Temple... Et les douleurs de son corps, à l'agonie quelques jours plus tôt. Le froid qu'il ressent dans l'antre des Jumelles lui est familier, de même que les exercices qu'il doit réaliser afin de mettre à l'épreuve progressivement son corps. Résolue, il déploie progressivement ses membres, les étire, les contracte lentement... Serrant les dents sous l'assaut des frissons, des piques et des lames de douleur qui l'agressent. Résolu, il ne s'interrompt pas, jusqu'à l'arrivée des servants du Prime Dragon.