[Temple de Kiran] mieux vaut chercher éveillé qu'endormi | Na'ri

> Trame concernée par ce RP <

1er jour de la 1ere ennéade de Verimios 15 : XI
Départ de l'armée pour Sol'Dorn : J-10
Matin

Llieth se glissa dans l'entrée du magnifique temple, la tête basse. Ses petits chaussons de satin glissaient sur la pierre avec hésitation. Elle n'osait lever les yeux de peur de croiser le regard de quelqu'un de trop important tout en dévoilant l'abominable horreur de son visage blême et l'étrangeté de ses yeux lactés. Qu'on ne lui demande pas pourquoi, mais elle était née avec les pupilles décolorée et l'iris si pâle qu'on son regard en était rendu laiteux. Inexpressif dirait certains. Pourtant, elle y voyait sans mal. Une rareté que l'on ne voyait qu'une poignée de fois par cycle lui avait un jour dit un prêtre de Leetha qu'elle avait su particulièrement satisfaire. A force de regarder le sol, elle en venait à avoir peur de heurter quelqu'un et longeait les murs sans savoir à qui s'adresser.

Cela ne faisait que deux ans qu'elle avait le droit de parler pour elle. Elle avait vu retombé tant et tant de ses frères et sœurs affranchis dans la fange de l'esclavage... ou même pire. Elle ne savait même pas comment elle avait fait pour être encore vivante et elle remerciait chaque jour les dieux de lui avoir donner une telle protectrice. Nerveuse, elle tirait les pans de sa robe verte autour de sa jeune silhouette pleinement épanouie. La pauvre n'avait même pas conscience que le vêtement ainsi que sa démarche chaloupée et l'ensemble de son attitude criaient "JE SUIS UNE SERVANTE ET UNE PUTAIN".

Mais bon... Elle n'était pas là pour rien...

Elle pris une longue inspiration. Et se lanç... Non. Elle fit deux pas en arrière pour éviter le prêtre qu'elle visait, rougit comme une pivoine en baissant soigneusement la tête... Et se redressa soudain en faisant un pas vers une silhouette juste à côté d'elle et qui portait l'habit des prêtres de Kiran. Les paupières serrées, la tête humblement baissée, elle débita d'un coup :

- Bonjourexcusezmoi. Jecherchemon... mon frère. Ilestpartiilyatroisjourspourunemission etilestpas revenualorsjelaicherchéautemplepresdecheznous maisilyetaitpas etvousauriezpeutetredesregistres oudesinformations ouquelquunlavu."

Elle ouvrit les yeux mais ne parvint pas à se résoudre à lever la tête, tremblant presque, les bras serrant toujours les pans de sa robe autour d'elle.

D'un pas mécanique la prétresse rentrait de chez le Grand Architecte comme à son habitude. Le matin était consacré à l'entrainement des esclaves avant leur journée sur les chantiers. Depuis le temps, ils savaient ce qu'ils avaient à faire, mais Na'ri appréciait les voir. Elle pouvait ainsi noter les progrès ou non de chacun.
Myr'Hennis lui avait reproché son écriture et pourtant elle continuait à noircir des pages pour sélectionner les meilleurs candidats pour leurs recherches. En effet, à défaut de pouvoir vraiment travailler sur l'habileté des esclaves(1), la drow venait de commencer les premières reproductions. Elle avait demandé des conseils auprès du temple de Leetha qui lui avait donc préconisé d'enfermer les couples dans un espace restreint mais pas trop. Cela avait fonctionné pour cinq couples mais deux semblaient peu enclin à la bagatelle. Ha ces humains…
La sombre avait encore un peu de temps avant ses rendez-vous avec le temple de Natha pour le suivi des gestations. Temps que la prêtresse avait envie de mettre à profit pour étudier devant une tasse et ses petits accompagnements. Surtout les petits accompagnements.

Elle en était là quand elle manqua de percuter une drow qui lui débita sa requête. La tête penchée sur le côté, la bouche entrouverte, Na'ri tenta de détricoter le discourt de son vis-à-vis. Mis à part une histoire de frère, elle n'avait pas saisi grand chose. Mais le langage corporel de la drow hurlait sa détresse.

- Euh… Bonjour à vous également. La prêtresse parla lentement et doucement. Elle espérait ainsi diminuer l'anxiété et par effet de mimétisme encourager la drow à parler plus distinctement. Suivez-moi, on sera plus à l'aise à l'intérieur pour discuter.

La pretresse réfréna son envie de se placer dans le champ de vision de la grande visiteuse, laquelle regardait toujours ses pieds. Ce n'était pas le moment de jouer… Alors elle se dirigea vers une alcôve située non loin de l'entrée en se retournant régulièrement pour s'assurer d'être suivi.

- Je vous en prie, asseyez-vous. Dit elle en indiquant la couche. Racontez moi tout, qu'arrive t'il à votre frère ? A-t-il des raisons d'être blessé ?

La sombre s'était à son tour assise, mais respecta ses distances pour ne pas effaroucher la souris.

(1) Malgré les différents expériences, il était difficile de trouver un élément corporel à l'habileté. Myr'Hennis avait suggéré la taille des mains, mais sans grande surprise, les résultats n'avaient pas été significatifs.

La voix de celle à qui elle s'était adressée tendit encore davantage les épaules de la jeune femme... Mais le point positif était qu'elle ne semblait pas avoir commit d'impair !

Llieth glissa un regard timide à la femme qui lui faisait face mais n'eut le temps de distinguer qu'un visage serein avant de lui emboiter le pas avec un retard scrupuleux d'au moins un pas pour ne pas outrepasser son rang... rang qu'elle n'avait plus. Il fallait qu'elle se le rendre dans le crâne ! Tête toujours baissée, elle repoussait ses mèches folles derrière ses longues oreilles pour ne pas être totalement aveuglée et se glissa dans dans l'alcôve comme si même les rideaux risquaient de la gifler si elle les passait avec trop de nonchalance. De la même façon, elle s'assit sur la couche à la seconde ou la proposition lui en fut faite.

Gardant son visage baisser pour cacher autant sa gêne que la honte des tâches de peau blanche qui la couvrait, elle déglutit doucement.

- Vous êtes trop bonne M... Madame. " se reprit-elle. Il fallait qu'elle soit clair. Aussi clair que possible. Elle vrilla les yeux sur une tâche presque imperceptible sur le sol pour se garder concentré et commença en rassemblant ses idées éparses. " Mon frère, Belkos, est parti il y a quatre jours avec son groupe de guerriers. Il n'a jamais voulu me dire pour qui il travaillait, ni où, mais il m'a dit qu'il reviendrait le lendemain... Et qu'il allait faire quelque chose d'important... Depuis, je n'ai eu aucune nouvelle... Ils étaient un peu plus de dix, mais je ne sais pas ou les trouver non plus... S'il m'a pas donné signe de vie et que personne m'a rien dit, c'est forcément qu'il ont eu un problème... Et je sais plus ou chercher... " Sa voix était blanche et elle buttait parfois un peu sur ses mots, mais elle avait tenté d'articuler au mieux.

Na'ri écouta, et regarda la visiteuse.
Oui, elle aimait les drows. Ils étaient fascinants tant ils étaient tous différents. Cette sombre l'était énormément. Différente et fascinante. Une souris dans le corps d'une hôtesse d'Isten. Non, ce n'était pas une souris, le rongeur était trop fuyant et la sombre était trop obéissante. Mais tout de même sur la défensive.

La prêtresse se pencha en avant pour tenter de voir le défaut qui intriguait tant sa comparse. Mais les dalles, lissées par le temps, les pas et les frottements des toiles, ne dévoilèrent aucunes irrégularités, aucunes imperfections, ni même d'amusants dessins  tracés par les veines de la pierre. Juste rien.
Petit à petit, une petite voix persifleuse qu'elle connaissait bien se fit entendre dans la tête de la daedhelle. Et si la demande était une leçon apprise par cœur ? Cependant si elle était mal récitée, elle était par contre très bien jouée. Non… c'était impossible. La peur de la perte d'un être cher était criante, comme vissée à aux boyaux. Une peur trop bien connue pour les médecins. Na'ri fit alors taire ses doutes et les remplaça par de la curiosité. Qu'est-ce que frère et sœur avaient vécu pour continuer à être aussi proche après plus d'une centaine d'année ? A moins que cela ne soit pas un frère mais un amant…

Le silence s'était installé le temps du débat intérieur.

"Je vais consulter le registre des entrées des quatre derniers jours. Il s'appelle juste Belkos ? " Après avoir obtenu une réponse, la sombre se leva et quitta l'alcôve.
Dans un premier temps, elle héla un novice pour lui commander une collation pour la jeune personne. Puis elle se dirigea vers le lourd registre.
En soit, il n'avait rien d'imposant : c'était juste un grand livre, assez épais. Il avait une véritable raison d'être : celui de pouvoir réclamer des dons à la hauteur des services réalisés. Ainsi on pouvait y retrouver le nom mais aussi la maison, ainsi que les soins apportés et le don apporté. Il y avait aussi une colonne pour les décès, bien que cela fasse doublon avec celui de Teiweon.
La pretresse n'aimait pas tellement ce livre de compte et elle était heureuse d'en être épargnée. En effet, les plus grands, comme le Grand Architecte, disposaient de service personnalisés et à domicile et faisaient donc des dons réguliers au temple. Et c'était le Haut Prêtre qui réglait ce genre de détail.

La recherche prit en peu de temps, car la priorité était à l'inscription des nouvelles entrées. De plus, le prêtre ayant la charge de noircir les colonnes manifestait un amour sans borne pour les pleins et les déliés. Et une haine pour les tâches d'encre si on avait l'audace de ne pas laisser le temps à l'encre de sécher.

Quand Na'ri revint à l'alcôve, la collation avait été apportée. La pretresse alla directement s'assoir par terre au pied de la jeune drow.

Regardez moi, commença t'elle. En effet elle avait besoin de parler à un être vivant, pas à un mur ni à un plancher. Les résultats de la recherche n'étaient pas ceux escomptés. Son visage était grave mais sa voix était douce. Bien. Je n'ai pas retrouvé la trace de Belkos durant ses quatre derniers jours. Par contre, il y a une ennéade, un Belkos Zarg'parshandcthoctho a été soigné ici.

La tête légèrement penchée sur le côté, la prêtresse observait une pause pour permettre à la sombre d'assimiler les informations.

Avez-vous déjà été au temple de Teiweon ? Reprit t'elle, le visage compatissant.

Llieth acquiesça simplement, soulagée par le départ de la prêtresse. Restée seule, elle inspira et souffla bruyamment. Plus de dix personne... Surement de nombreux blessés. Peut-être des morts... Elle n'était pas certaine d'avoir bien agit. Elle n'était pas non plus certaine de bien se conduire. Mais elle faisait au mieux, et cela lui coûtait.

Lorsqu'on vient déposer une collation, ses jambes battaient dans le vide sur une mesure qu'elle était la seule à entendre. Elle se figea en entendant les gens entrer, les laissa poser le plateau comme s'ils allaient lui sauter à la gorge si elle avait l'outrecuidance de les regarder... Et ne toucha pas à la moindre miette malgré une sonore protestation de son estomac.

La nourriture était toujours intacte lorsque la prêtresse reparue, tendant instantanément la jeune femme... Jeune femme qui fut à deux doigts de paniquer lorsqu'elle vit son aînée s'asseoir sur le sol devant elle. Ses yeux s'écarquillèrent. Elle aurait aimé pouvoir se jeter à genoux pour être plus bas qu'elle, mais elle n'avait pas la place. Coincée, acculée, elle détourna la tête, se cramponnant aux pans de sa robe verte sans savoir quoi faire.

La voix ferme de la prêtresse la tétanisa intérieurement, mais elle obéit. Son corps était trop habitué à cela pour s'en dispenser en de telles circonstances. Ses yeux laiteux se posèrent craintivement dans ceux de l'adoratrice de Kiran... Pour baisser de nouveau les yeux, d'abattement cette fois-ci. Alors ils ne savaient rien. Elle ferma les paupières un instant. Il fallait qu'elle insiste. Mais pour dire quoi ? Et comment ? Elle allait décevoir sa bienfaitrice...

Elle rouvrit les yeux au doux son de cette voix étrangement bienveillante et une véritable peine se lisait sur son visage. Elle ne pouvait pas... Elle avait trop peur... Et cette prêtresse la traitait avec tant de considération...

Elle secoua négativement la tête, déçue d'elle même et de sa lâcheté. Déglutir était difficile, mais elle se força à sourire faiblement pour souffler :

- Merci, Madame... Je vous promet que je ferai une offrande dès que j'aurai de quoi. "

Quoi faire de plus ? Elle avait échouée...

- Je peux partir ? "

Assise au sol, la pretresse attendait. Elle profitait également de la petite pause et de la présence rassurante du sol. Qu'il soit fait de boue, de cailloux, d'herbe ou de dalle, le sol avait toujours eu un effet rassurant pour la drow. Le sol. Il n'était quasiment presque jamais traitre. Il n'était jamais blessé. Il était toujours présent, même quand on tombait, seul moment où il pouvait être violent.
Na'ri avait envie d'être un sol pour les drows et de leur dire "Tomber, n'ayez crainte, vous serez relevés." Toutefois, sans préciser comment la personne se relèverait.

Faute de pouvoir le dire autrement qu'en revêtant sa tenue de pretresse de Kiran, l'eldéenne écoutait… et compatit. L'elfe à la peau mosaïque lui sembla sous le choc.

- Vous êtes libre. Vous pouvez partir mais, prenez le temps. Buvez un peu, s'il vous plait.

La pretresse ne pouvait pas laisser la visiteuse partir comme ça. Elle ne voulait pas qu'une fois le temple quitté que la daedhelle ne tourne de l'œil.
Malgré ou à cause de sa carrière, Na'ri n'avait pas les mots pour consoler ni pour rassurer. La vie était ainsi. Elle avait un début et une fin. En tant que soignant, elle tenait à ce que la fin soit moins immédiate. Cependant, la vie des Puysards était entre les mains des dieux. Mais même en sachant cela, la peine restait réelle.

- Si vous le souhaitez, je peux surveiller le registre pour vous. Comment puis-je vous contacter ?

Le problème des drows était qu'ils aimaient beaucoup, beaucoup trop les lames. Comment faire la différence entre un "simple" (comme s'il existait  quelque chose de simple dans la culture eldaenne…) jeu d'un véritable affrontement ? Le nombre… Ils étaient nombreux. Na'ri se demanda si elle pouvait demander aux prêtres présents cette nuit là pour, à défaut d'avoir des nouvelles de Belkos, avoir celui de ses compagnons. Et puis… il y eu comme un déclic.
Le visage de la sombre s'éclaira. D'étonnement ses sourcils s'arquèrent. Comment n'y avait elle pas pensé avant ? Elle aussi avait soigné des gens cette nuit là. Mais chez le Grand Architecte. Peut être que le frère faisait parti des soldats de Myr Hennis… Peut être. Recomposant son visage, elle demanda alors.

- Dites moi, votre frère, était il un homme d'arme ? S'entrainait il souvent ? Était il un soldat expérimenté ou un mercenaire ?

Même si elle n'obtenait pas de réponses, au moins les questions avaient le mérite de distraire de la douleur.

Docile, elle attrapa la tasse posée près d'elle avec la collation et la porta a ses lèvres sous le regard de la prêtresse. Elle était était toujours affreusement mal à l'aise. Mal à l'aise à l'idée de mentir. Mal à l'aise de la voir par terre. Mal à l'aise à l'idée de revenir les mains vides... Et honteuse aussi. Mais elle but doucement, essayant de se calmer comme le lui ordonnait la prêtresse à ses pieds.

- Oh euh... Je suis novice au temple d'Isten de l'Esplanade des Neuf depuis quelques mois... Mais je pense pas que ça dure. " Un petit sourire triste étira ses lèvres. " Sinon je retournerai à la Lanterne Noire. " Quand sa courte vie d'affranchie prendrait fin.

La prêtresse avait demandé et elle avait répondu... Sans penser un instant au fait qu'elle n'était pas vraiment là pour un dénommé Belkos. Comme elle avait échoué, c'était fini. Elle n'y pensait plus à tout ça que de façon diffuse en essayant de se convaincre qu'elle avait fait ce qu'elle pouvait. Aussi ouvrit-elle de grands yeux étonnés quand la prêtresse posa à nouveau des questions comme si elle venait de se souvenir de quelque chose. Un frisson lui secoua les épaule tandis que la tension d'un fugace espoir lui tendait le dos.

- Il a beaucoup combattu. Il s'entraine tout le temps et il est très fort... " elle hésita un moment, cherchant dans sa mémoire pour être vraiment absolument certaine de ne pas se tromper. " Mais il n'a pas été dans l'armée. Il est embauché pour des missions. Il ne me dit pas quoi, mais il revient avec beaucoup d'argent. " Un groupe. Plus de dix. Forts. Elle n'avait rien dit de mal... Elle ne s'était pas trompé normalement...

Attentive, la pretresse écoutait la novice. Au fur et à mesure, elle pencha la tête, pensive. Elle savait que le Grand Architecte était très exigeant concernant le recrutement de ses gens. Et il payait bien, très bien. Donc oui, c'était de plus en plus probable. Ainsi elle prit la décision d'aller voir Vaervy pour savoir si parmi ses hommes, il y avait un certain Belkos.

- Je dois voir le temple de Natha, puis aller voir mes patients hors du temple. Mais je passerai vous retrouver après le repas de la mi-journée. J'aurai des nouvelles. Je ne peux vous promettre qu'elles seront bonnes par contre. Mais s'il n'est pas l'un d'eux, je ne pourrais pas vous aider plus.

La pretresse se leva enfin. Elle massa rapidement ses mollets qui s'étaient quelque peu ankylosés. Puis elle s'inclina.
Elle n'était pas certaine de savoir si elle pouvait vraiment apporter de l'aide à la petite, mais elle essayerai autant que possible.

- Je vous dis à tout à l'heure novice… Elle laissa un blanc se rendant compte que la sombre n'avait pas donné son nom. Ni elle d'ailleurs.
- Na'ri Yisfri. annonça t'elle en posant la main sur sa poitrine.

Après avoir attendu une réponse, la pretresse sourit en coin à la drow en s'éclipsant. Elle alla informer des esclaves du départ prochain de la sombre étoilée pour qu'ils puissent débarrasser le plateau et permettre l'accueil d'un nouvel entrant.

Encore distraite par son entrevue, elle quitta le temple pour ses occupations du jour et se reconcentra sur son projet.