[Guerre de Merval ~ An XIV] L'appel aux armes de la Couronne - (Renaud)

Le pouvoir n'était pas de tout repos, et Renaud faisait les frais de son titre de Duc, le plus haut après le Roy. Il avait gagné ses lettres de noblesse suite à ses succès, autant martial lors de la campagne du médian, que politique avec le sauvetage de son père, otage du félon de Velteroc, ou encore avec la récupération de la suzeraineté sur ses trois terres de jurés, alors perdu par son aïeul et ses frères. Auréolé de tout cela, il s'était alors cru invincible, si ce n'était son épouse qui l'avait mise au pied du mur pour contracter le mariage promis, et allier Erac à Serramire, et par conséquent le frère de celle-ci, Aymeric de Brochant. Tout aurait pu aller pour le mieux s'il n'y avait pas eu quelques bâtons se mettant dans les roues du jeune Seigneur d'Erac. D'abord erroné par sa relation avec Maralina d'Estrevent, il y eut des dragons, rien que cela, ajouté à un rêve commun et mystérieux alloué à la Damedieu ayant apporté une maladie, et cela, pour ne nommer que les plus importantes parmi une multitude.

Et ce n'était pas tout, la couronne avait décidé de punir Merval, et de ramener cette terre, ayant pris son indépendance lors de la faiblesse royale, dans son giron. Renaud n'aimait pas la guerre, il n'y voyait que des inconvénients, outre le fait d'occuper ses vassaux querelleurs. Malgré ses réticences, il ne pouvait ignorer cette campagne, car, même s'il avait très mal perçu les sanctions que la couronne lui avait infligé, il désirait ardemment se rapprocher de celle-ci, et retisser des liens privilégier entre son Duché et la Capitale. Il ordonna donc la levée de l'ost, mais juste une poignée, histoire de dire qu'Erac avait appuyé Diantra, et son Roy, il fallait être présent sur tous les fronts ordonnées, même s'il n'avait pas été appelé. Lors de la date fatidique, laissant femme et enfants, puisqu'il était désormais le père de deux enfants, trois en content celui qu'il avait eu avec Maralina, il prit la tête de l'ost, entouré de l'ordre du Merle, et se dirigea vers Edelys, le lieu de rendez-vous.

Arrivé la veille à la tête de trois cents éraçons, il les laissa dresser leur campement tandis que lui, fort de son titre de Duc, investissait la ville pour dormir dans de meilleures conditions. Le lendemain, il se rendit à la réunion organisée par Lohie de Brandevin, écoutant religieusement ce qu'il se disait. Son intérêt fut piqué lorsque l'on en vint à parler de Missède et de son escapade solitaire. En effet, bien que n'ayant absolument rien contre le Régent de la Baronnie, il ne savait pas trop quoi en penser. C'est que l'homme avait contracté des accords avec Erac qu'il avait balayé d'un revers de la main lors du mariage avec Neyrelles. Depuis l'abdication confirmée de Linaëlle, les prétentions au titre de Gaël s'étaient amoindries, et Renaud était un partisan de Griffon de Langehack, son cousin, pour ramener sa famille là ou elle devait être. C'était donc une nouvelle intéressante, même si Renaud était plus dans un esprit d'entente que de querelle, avec qui que ce soit. Il n'était pourtant pas dupe, et savait qu'il ne pouvait pas avoir que des amis, loin de là. Le plan énoncé par Lohie semblait mûri et réfléchi. Il ne prit pas la parole de suite, attendant de voir la suite.

HRP:

Préposé à la direction d'un détachement soltaar, Lorenzo di Tertia avait fait le voyage jusqu'en Edelys pour y retrouver le jeune Brandevin et une ribambelle de godelureaux en quête de gloire. Le soltaari n'y était pas allé de gaieté de cœur, mais avait cédé sous la puissante embâcle de son maître et duc. Sans avoir été nommé pour autant son sénéchal, ni même son connétable, Lorenzo jouait autant les informateurs que les vétérans aguerris. Les deux n'étaient pas sans lui déplaire, ni lui procurer des avantages non négligeables. L'avenir de son nom était assuré et sa famille resterait à l'abri du besoin pour les cent prochaines années. Très pragmatique, il n'avait pas cherché à grappiller plus que la bienséance ne le voulait.

Pour l'heure, il avait laissé derrière lui sa compagnie prête à faire marche sur le pays mervalois et n'avait pris avec lui que quelques fidèles compagnons pour faire la route jusqu'au Brandevin. L'homme avait de bonnes manières et se traînait une réputation de parfait gentilhomme. Cela avait été suffisant pour lui accorder une place parmi les proches du roi, en le faisant son bras armé. Toute l'attention lui était dédiée et Lorenzo, comme tout bon soltaari qu'il était, n'hésita point à s'accorder une ou deux rasades de bon vin pour rendre l'échange plus agréable. Son regard se porta alors sur toute l'assemblée et l'ancien condottiere s'amusa à reconnaître les héraldiques présentes. Il y reconnut quelques freluquets de Valblanc et de Caïssa. Et bien sûr, l'eracon qu'il avait déjà pu rencontrer lors de la guerre d'Ydril. Pour le reste, sa mémoire n'était plus assez bonne.

Le plus croustillant arriva pour la suite. Ce fut un met on ne peut plus savoureux, puisqu'on apprit que le missédois s'en était allé ferrailler seul dans les marais pharétans. Lorenzo ne cacha pas, là non plus, son sentiment partagé entre l'agacement et l'amusement. Pour sûr, il ne partagea pas la même volonté que le capitaine royal quant au destin du jeune trop téméraire. C'est que nombre de capitaines, auraient sans doute souhaités qu'icelui ait trouvé la mort sur le champ de bataille pour apprendre de ses erreurs.

–Signore, lança-t-il une fois que le capitaine eut terminé ses propos. Le duc de Soltariel, signore Félipé Cortès di Alcacio, vous transmet ses salutations et vous informe également que la flotte soltaar se tiendra prête à manœuvrer dans l'Olienne pour bloquer les côtes mervaloises et la cité même. Il vous prie, par ailleurs, de bien vouloir accepter sa modeste contribution en envoyant une compagnie de gens d'armes sous mon commandement pour y servir sous vos directives.

Il était probable que de nombreux chevaliers présents dans la pièce se mettraient à ricaner en entendant la nouvelle. C'est que la réputation guerrière des gens du sud n'était plus à faire. Peut-être, alors, qu'en entendant son nom, certains se remémoreraient ses contrats remplis durant ses jeunes années.

–Je suis le capitaine Lorenzo di Tertia, pour vous servir, signore Brandevin.