Épreuves de l’âge adulte | Les Hadjaoui & les Noblegriffon

Digne ne dit rien… Oui, elle avait commis une erreur et il n’aurait rien pu dire ou faire qui la convaincrait du contraire. Même s’il était plus indulgent qu’elle sur ce point, il savait à quel point elle pouvait se montrer exigeante envers elle-même. Ils auraient l’occasion d’en reparler dans quelques temps.

Aislinn se redressa et se libéra de son étreinte pour s’agenouiller devant lui. Il l’écouta, d’abord sans rien dire puis, entendant qu’elle avait pour projet de se laisser empoisonner encore une fois, il fronça les sourcils et ne put s’empêcher de protester. Elle l’interrompit d’un geste, lui demandant silencieusement de la laisser aller jusqu’au bout de son propos. Il serra les poings sur ses genoux, baissa la tête et ferma les yeux, contenant sa colère. Assurément, il ne voulait pas qu’elle s’affronte, pas aujourd’hui et encore moins au prix d’une nouvelle prise de drogue. Cependant, elle acceptait qu’il soit auprès d’elle. Il pourrait ainsi s’assurer qu’il ne la manipulerait pas encore une fois pour la convaincre de son innocence ou qu’il avait fait ça pour son bien ou celui de son commerce. Finalement, après un moment, il lâcha un soupir et releva le regard vers Aislinn. Il ne lui en voulait pas à elle mais il détestait son idée et le salopard qu’elle devrait affronter.

-D’accord. Finit-il à dire. Mais je me réserve le droit de le mettre dehors si ça se passe mal. Et je ne te garantie pas de ne pas m’emporter à un moment donné.

Il ne le tuerait certes pas, ce n’était pas son genre, mais il pourrait néanmoins s’en prendre physiquement à lui pour déverser enfin cette colère dont il était à l’origine. Il s’en était pris à sa compagne et l’avait fait souffrir comme jamais, il méritait au moins ça.
Digne se pencha et l’étreignit une nouvelle fois dans ses bras, un peu plus fort qu’il ne l’aurait voulu mais sans lui faire mal pour autant.

-Je t’aime, Aislinn.

La voix de Digne autorisa leur visiteur à pénétrer dans le salon où le couple se trouvait depuis un moment déjà. Evidemment, Salem ne manqua pas l’occasion et entra sans plus attendre, ouvrant la porte préalablement déverrouillée par l’Hadjaoui. Le spectacle qui attendait le marchand n’était guère reluisant. Prise d’une nouvelle migraine, Aislinn se trouvait allongée sur le canapé où son compagnon l’avait portée depuis l’endroit où ils étaient restés l’un contre l’autre durant plus d’une heure. Le jeune homme était assis sur le bord de l’assise, lui tenant la main tandis que la seconde la couvrait d’attentions, se posant sur son front pour le rafraîchir, lui caressant la joue et attendant simplement posée dans son cou.
Digne toisa le visiteur d’un regard grave alors que la Noblegriffon était visiblement mal en point. La carafe qu’il avait apporté avec eux était vide et seuls persistait encore l’eau contenue dans le verre posé sur la table basse. Pourtant, Aislinn n’avait pratiquement rien bu. La supercherie avait simplement été mise en place en vidant le récipient dans le pot des différentes plantes présentes dans la pièce.

Le jeune homme reporta son attention sur sa compagne et lui parla doucement.

-Je vais chercher de l’eau. Je reviens vite. Une dernière caresse et il se leva, prenant la carafe au passage. Je peux vous la confier une minute ? Demanda-t-il sincèrement à Salem.

Comme s’il pouvait refuser… Il se jeta sur l’occasion, bien sûr, tout en s’efforçant de contenir sa réaction. Il fallait reconnaître qu’il jouait à merveille. Si Digne n’avait pas été absent si longtemps, il se serait peut-être laissé prendre au piège lui aussi, du moins les premiers temps. Mais les symptômes d’Aislinn étaient trop reconnaissables pour qu’il ne finisse par comprendre le subterfuge. Sans doute n’aurait-il même pas essayé s’il n’était pas parti si longtemps… Le jeune homme parvenait à dissimuler sa colère en la transposant sur un sentiment d’impuissance et de culpabilité plutôt que de la témoigner au responsable de l’état de celle qu’il aimait.

Comme la jeune femme l’avait imaginé, Digne avait détesté l’idée de devoir la laisser seule avec lui mais c’était le seul moyen. Elle souffrait depuis des heures en sa présence. Qu’elle se calme après seulement quelques minutes passées en compagnie de Salem et avoir ingéré le contenu du verre qu’il lui tendait et il ne pourrait nier sa culpabilité. Il fit donc le trajet jusqu’à la cuisine en tâchant de ne pas trop se presser. Il devait lui donner le temps de l’empoisonner… et ne pas trop traîner non plus pour que son absence ne paraisse pas suspecte.

Comme convenu, Digne avait retardé assez son retour pour offrir à Salem l'occasion d'administrer une dose de sa drogue à Aislinn mais pas trop non plus. Après quelques minutes, il était de retour avec une carafe pleine d'eau et entrait sans frapper dans la pièce où les deux marchands discutaient. Il déposa le récipient sur la table basse et invita la jeune femme à le regarder d'une main sur l'épaule. A ses traits, il comprit aussitôt qu'elle ne souffrait plus. Il avait mordu à l'hameçon...

Le thaari entreprit presque aussitôt de lui faire de la lèche, ce qui écœura l'Hadjaoui au plus haut point. Il évita de se tourner vers lui maintenant ou le regard qu'il lui adresserait serait bien trop agressif et risquerait de faire s'écrouler toutes leurs chances de le voir avouer. Il préféra se concentrer dans un premier temps sur sa bien aimée qui n'avait plus de migraines mais ne se sentait visiblement pas bien malgré tout. Il se garda bien de lui dire qu'il l'avait prévenue... Cela ne servirait à rien, d'autant qu'elle le reconnut d'elle-même dans un échange silencieux. A présent, c'était à lui de reprendre les rennes de leur projet. Même si la partie "aveux" n'était pas sa préférée. Il fallait dire qu'il lui tardait de foutre ce salopard mielleux dehors.

-Elle ira mieux très bientôt. Dit-il en serrant doucement les doigts d'Aislinn.

Puis, sa main libre se dirigea vers le verre posé devant elle. Du revers de ses phalanges, il le poussa jusqu'à ce qu'il bascule sur le bois, laissant ce qu'il restait du poison s'étaler sur la table. Il releva ensuite le regard vers Salem. Un regard froid et accusateur alors qu'il laissait la preuve de son acte se répandre devant lui.

-Cette eau a une texture bizarre, vous ne trouvez pas ?

Le liquide s'étalant sur une surface sombre, le dépôt qu'il contenait se fit de plus en plus visible. Devait-il vraiment préciser que l'eau qu'il avait laissée sur la table avant de partir avait un aspect tout à fait normal ou allait-il tenter de le prendre pour le dernier des abrutis ?

Étendu sur le flanc, reprenant son souffle, Digne observait lui aussi la scène avec surprise. Il savait qu'Aislinn avait déjà brandit le tisonnier contre un autre auparavant mais il ne l'avait jamais vu de ses yeux. Il était étonné non seulement par cette vision mais aussi par le fait de la voir agir contre celui qui la tenait dans le creux de sa main quelques heures plus tôt. Mais il était également fier car son précepteur en escrime, c'était lui. Plus encore que l'orgueil, l'Hadjaoui se sentait rassuré... Lui qui avait tant craint que l'emprise de Salem sur elle soit trop grande, voilà qu'elle agissait contre lui pour le protéger. Quelque part, cela lui prouvait la force des sentiments de la jeune femme à son égard. Et s'il avait un jour redouté que leur histoire prenne fin, il pouvait désormais être conforté dans l'idée que tout n'était pas fini entre eux.

Mais alors que le marchand s'avançait vers Aislinn, Digne s'anima prestement. D'un mouvement, il fut debout -et ce malgré la légère entaille que le premier assaut du thaari avait fait sur son bras- et rattrapa Salem bien avant qu'il ne touche à sa compagne. S'engagea alors un nouveau duel qui les mena tous deux au sol. Le couteau fut de nouveau saisi avant de disparaître entre les deux silhouettes qui se débattaient. Quand soudain, tout s'arrêta... Les duellistes s'immobilisèrent quelques secondes qui semblèrent une éternité... avant que l'Hadjaoui n'écarte finalement le corps inerte de Salem, la lame plantée dans son thorax. Entre son entraînement, son expérience et sa force, le marchand n'avait aucune chance face à lui, et ce malgré son jeune âge. C'était à se demander pourquoi il avait tenté sa change...
Digne le regarda un instant, constatant qu'il était véritablement mort, avant de se mettre à nouveau debout et de se diriger vers sa bien aimée avec la volonté de la prendre dans ses bras.

-C'est terminé. Lui assura-t-il.

Certes, il aurait préféré que cela ne se finisse pas de cette manière et c'était son seul regret de la journée. Il rêvait de lui coller un pain en plein visage mais pas de le tuer.
Si Aislinn voulait bien de lui, il la serrerait pour l'apaiser après toute cette agitation et le choc que représentait tant cet affrontement que la mort de celui en qui elle avait toute confiance jusqu'alors. Il restait encore beaucoup à faire avant que cette journée ne s'achève et qu'ils puissent se concentrer sur le rétablissement de la jeune femme mais il n'hésiterait pas à prendre les choses en main. Il était là désormais, et il n'avait pas l'intention de repartir de si tôt. Il le lui avait dis et ses paroles étaient sincères.

Bien sûr que Sauveur savait. Il connaissait suffisamment Sanaa pour comprendre ce qu'elle éprouvait à l'égard de sa sœur au vu des derniers évènements. Elle avait eu contre son aînée une colère qu'elle avait nourri durant des mois, pestant envers Aislinn qui l'avait peu à peu éloignée d'elle. Les quelques fois où elles avaient passé du temps ensemble, elle n'avait rien vu et rien deviné de son état. Digne était arrivé et avait compris ce qu'il se tramait en quelques heures à peine. Désormais, il était évident que la jeune mère de famille s'en voulait de ne pas avoir été plus présente auprès de son aînée, quitte à s'imposer à ses côtés malgré sa volonté de la mettre à l'écart. Quant au combat qu'elle menait chaque jour avec les comptoirs, le mercenaire les imaginait plus qu'il ne pouvait en avoir vraiment connaissance. Sanaa avait été très vague mais cela lui avait suffit. Ça et l'état dans lequel elle rentrait chaque soir...

En attendant qu'elle accepte enfin de lui parler -se tenant prêt à la bousculer un peu si nécessaire-, il prenait part à ce petit réseau d'entraide qui c'était mis en place entre les Hadjaoui. Digne avait géré ça comme un chef. Il avait rappelé quelques uns des serviteurs d'Aislinn pour le décharger de l'entretien de la maison et des repas. Il avait demandé à Sanaa de bien vouloir reprendre les affaires familiales afin d'apaiser les états d'âme de son aînée. Et, enfin, il était allé voir Aimé afin de lui demander de bien vouloir garder leurs nièces pour décharger la jeune maman et permettre à Sauveur de continuer à travailler. La chance avait voulu que Patience débarque justement chez Courtois quelques heures plus tôt et celle-ci s'était aussitôt proposée pour l'assister dans cette tâche. A deux pour garder trois enfants, ce serait plus facile.
Ainsi les choses s'étaient-elles organisées afin de permettre à Aislinn de prendre le temps qu'il lui fallait pour se sevrer avec le soutien de son compagnon.

De son côté, Sauveur prenait son mal en patience. Il n'avait pas la volonté de cacher sa relation avec Aerianna à Sanaa mais ce n'était pas le bon moment pour lui en parler. Connaissant la personnalité de sa compagne et malgré leur entente sur la relation libre qu'ils entretenaient, il préférait attendre qu'elle soit en de bonnes dispositions pour lui en parler et faire en sorte que les choses se passent au mieux. Parce qu'il était hors de question pour lui d'avoir à choisir ou de mettre l'une de ses amours dans une situation qui serait mal vécue. Ils les aimaient, l'une comme l'autre, et voulait qu'elles puissent vivre en bonne intelligence. Si la Princesse était disposée à essayer, il n'en savait encore rien pour Sanaa. S'il avait couché avec d'autres en même temps qu'elle lorsqu'il était esclave, il n'avait jamais fréquenté d'autres femmes par affection depuis le début de leur relation. Et jamais une femme aussi puissante qu'Aerianna... Il espérait que la cadette des Noblegriffon ne se sentirait pas menacée par elle.
Quelques jours plus tôt, Sauveur comprit que la situation de sa compagne commençait enfin à s'améliorer. Elle était rentrée tard, les filles étaient couchées. Elle avait réclamé un bain et la présence du mercenaire. Durant ces quelques heures, il l'avait retrouvée. C'était si bon... Dans tous les sens du terme. Et elle lui avait parlé, enfin, lui avouant ce qu'il savait déjà. Il se montra cependant plus qu'heureux de voir qu'elle s'ouvrait de nouveau à lui et avait accueilli ses confidences avec douceur, se posant comme un soutien sûr pour l'aider à traverser cette épreuve plus sereinement et la réconforter lorsqu'elle en aurait besoin.

Les filles accueillirent l'étreinte de leur mère, l'une en riant de joie et l'autre en posant sa tête sur elle durant un long moment.

-Sagesse a appris à faire les câlins avec Sincère. Liberté n'apprécie pas autant. Ajouta-t-il, riant à moitié.

Aimé, Sauveur et Patience avait fait en sorte de résumer les évènements de chaque journée à la jeune mère pour qu'elle ne perde pas le fil de l'évolution de ses filles. Certes, elle aurait sans doute le regret de ne pas avoir pu assister à quelques petites premières fois mais au moins elle ne découvrirait pas tout soudainement lorsqu'elle pourrait de nouveau passer son temps avec ses enfants. L'Hadjaoui passa une main caressante dans le dos de sa compagne alors qu'elle serrait tendrement leur progéniture.

-Je trouve que tu as été formidable, mon amour. Dit-il le plus sincèrement du monde. Elles ont de quoi être fières de leur maman.

Sanaa s'en voulait toujours, c'était évident. Sa culpabilité ne partirait pas aussi facilement, il ne savait bien. Aislinn allait certes mieux mais la jeune mère n'avait pas encore eu le temps de se retrouver seule avec elle et d'avoir une discussion sérieuse à propos de ce qu'il s'était passé. Quelque chose lui disait que la compagne de son frère devait avoir tout autant de regrets que la sienne...
Tout à la tendresse de ses filles, la vaanie n'en oublia pas pour autant Patience à qui elle devait d'avoir pris soin des jumelles avec Aimé en son absence. Sauveur étira un sourire sans joie, touché par l'attention qu'elle portait à sa sœur aînée. Cependant, sa réflexion sur le sort qu'elle avait subi le plongea dans une humeur un peu plus sombre. C'était l'un des rares sujets qui pouvait encore le faire basculer dans la colère en une fraction de seconde. Cependant, en discuter ainsi avec Sanaa ne le ferait certainement pas aller jusqu'à une telle extrémité.

-Je crois que nous avons tous eu de la chance comparé à elle. Déclara-t-il d'un air grave avant d'ajouter. Mais c'est aussi la plus forte d'entre nous. Être parmi nous et à la lumière du jour lui fait un bien fou et je suis sûr qu'elle s'en est déjà remise.

Il acheva ses paroles avec un sourire un peu plus sincère. S'il n'en avait pas parlé avec sa compagne, il savait pertinemment ce par quoi sa sœur était passé. Cela faisait désormais partie de leurs secrets de famille. Un de ceux que l'on ne partage pas, même avec son conjoint, pour le bien de la personne intéressée. Patience n'avait pas besoin que tout le monde sache et que tout le monde la voit comme une victime. Ses frères la voyaient telle qu'elle avait toujours été : un personnalité prononcée, quelqu'un capable de faire face à tous les obstacles et d'en ressortir grandie. C'était ce qu'elle avait fait... Malgré toutes les horreurs et les souffrances qu'elle avait enduré, elle avait trouvé l'amour dans une relation qui avait été bénie des dieux par un enfant qu'elle chérissait plus que tout. Et, preuve de son affection pour cet homme, elle n'avait pas caché son identité à son fils et continuait de lui parler en drow afin qu'il parle la même langue que son père. Peut-être les rejoindrait-il un jour... Peut-être ne le pourrait-il jamais. Peu lui importait, tant que cet infime lien persistait.

Sauveur posa un baiser sur la tempe de Sanaa.

-Je te laisse les coucher pour la sieste. Lui proposa-t-il afin de lui laisser le bonheur de les mettre au lit elle-même pour la première fois depuis bien des jours. Je vais finir de préparer le déjeuner.

Le mercenaire se redressa et descendit d'un étage. Sachant que la vaanie rentrerait pour l'après-midi, il avait prévu un petit repas en amoureux. Rien de bien extraordinaire, c'était surtout l'occasion d'offrir à la Noblegriffon le plaisir de n'avoir plus qu'à glisser ses pieds sous la table. Enfin... A ceci près qu'ils ne déjeuneraient pas à table. Une assiette dans chaque main, Sauveur se dirigea dans le salon et entama une succession d'allers-retours afin de les installer pour un moment confortable dans le canapé. Les assiettes étaient garnies de pain beurré avec un peu de jambon sec ou de la tapenade. Il ramena ensuite un bol de crudités et un petit pot de fromage frais aux herbes et une vinaigrette pour les y tremper selon les goûts de chacun. Enfin, laissant les mignardises sucrées dans la cuisine pour le moment, il apporta une bouteille de bon vin ainsi que deux verres. Lorsque Sanaa arriva, tout était prêt et il lui adressa un sourire radieux tout en lui servant à boire.

-Assieds-toi, mon amour. Et détends-toi. Tu l'as mérité. Acheva-t-il en lui tendant son verre.

Les corps des deux amants s’affaissèrent soudainement sur le sol. Si tout ceci avait commencé sur le canapé, ils avaient fini par chuter sur le tapis, Sauveur s’assurant de se retrouver en-dessous pour recevoir le choc à la place de Sanaa. Mais cela n’avait en rien arrêté leur élan. Encore essoufflé, L’Hadjaoui étreignit sa compagne dans ses bras, l’embrassant avec encore un semblant de passion alors que la sensation de plaisir qui l’avait envahi s’évanouissait à peine. Il s’interrompit juste un instant, le temps de lui susurrer quelques mots.

-Je vois que tu avais faim… Plaisanta-t-il, avant de reprendre son baiser.

Son impulsivité et son insatiabilité lui avaient manqué… Avant son départ pour Geresh, il était rare qu’il s’écoule une journée sans que le désir ne les sumberge. La présence des filles les avait obligé à attendre qu’elles dorment pour assouvir leurs envies mais aussi à se garder quelques heures de sommeil en réserve pour pouvoir tenir le coup sur le long terme. Mais, dans le fond, ils continuaient à faire l’amour dès que l’occasion se présentait. Avec toute cette histoire autour d’Aislinn, Sanaa n’avait plus eu ni le temps ni l’énergie de laisser cette chaleur monter en elle. Et, quand bien même elle les aurait eu, ses préoccupations de la journée prenaient une place trop importante dans son esprit pour qu’elle parvienne à se laisser aller.
Deux fois en quatre jours… C’était un lent retour à la normale. Et Sauveur n’était pas mécontent de retrouver sa bien aimée telle qu’il l’avait toujours connue.

Finalement, il libéra ses lèvres de son emprise dans un soupir d’aise, son désir cédant la place au bien-être. Il acheva de dévêtir la belle -l’envie ne leur ayant pas donné la patience d’attendre plus longtemps- avant de l’installer sur le canapé. Il se mit également à nu avant de venir s’allonger contre elle. Ils restèrent étendus là, blottis dans les bras l’un de l’autre, prenant le temps de profiter encore un peu de ce moment rien que tous les deux. Les mains de Sauveur continuaient de parcourir le corps de son amante dans un geste sensuel qui n’avait pourtant pour objectif de réveiller une nouvelle fois l’envie de sa partenaire. Il voulait simplement conserver la sensation de sa peau nue sous ses doigts dans un contact que seul l’après-amour pouvait lui offrir.

-Tu m’as manquée… Déclara-t-il après un long moment. Son expression était sereine, ses gestes doux et son regard tendre.

Sauveur adressa un regard faussement contrarié à la réponse de Sanaa puis ses lèvres s'étirèrent en un sourire tendre et amusé et il la serra d'autant plus contre lui. Cependant, l'étreinte ne dura guère très longtemps. Sa compagne se retourna pour venir plonger son regard dans le sien et le questionner avec le plus grand sérieux. Lui qui cherchait comment aborder de nouveau ce sujet avec elle, voilà qu'elle lui apportait la solution sur un plateau. Il la regarda quelques secondes, conscient que c'était enfin l'occasion qu'il attendait de lui parler d'Aerianna et lui. Il ne pouvait s'empêcher de redouter qu'elle le vive mal mais il ne voulait pas lui mentir. C'aurait été leur mentir à toutes les deux et il n'était pas un menteur.

-Elle ne se défilera pas. Lui assura-t-il en préambule.

Le mercenaire avait retourné la question dans tous les sens et il avait fini par se décider sur une approche particulière pour lui apprendre la chose. Sanaa était quelqu'un de méfiant, surtout en ce qui concernait les personnes puissantes. Elle avait raison d'être ainsi mais elle aurait forcément des doutes sur la sincérité d'Aerianna. Il devait donc lui raconter comment les choses s'étaient déroulées afin qu'elle ne se convint pas que tout ceci n'était qu'un jeu pour l'héritière. Et puis, ce serait aussi une façon d'amener la nouvelle en douceur.

-Tu te souviens ce que je t'ai écris avant de partir pour nos terres avec elle ? Lors de notre première rencontre, nous avons discuté plus d'une heure sans trouver quelque chose qui rende cette affaire intéressante pour elle. Pourtant, le lendemain matin, elle a accepté de nous aider sans condition ni sans contre-partie et je ne comprenais pas pourquoi. Elle me l'a expliqué quelques jours plus tard... Il marqua une pause avant de reprendre. Je ne sais pas ce qu'il lui est arrivé exactement mais elle avait peur des hommes, de leur proximité plus exactement. Et Ulk pensait que je pouvais être celui qui lui permettrait de dépasser cette peur. Elle a donc accepté de m'aider pour vérifier s'il avait raison ou non. La nuit avant que l'on parte, elle est venue dans ma chambre, juste pour discuter, et elle s'en endormie là. En voyant que je ne l'avais pas touchée, elle s'est dit qu'Ulk avait peut-être raison. Nous avons passé un peu de temps ensemble pendant le voyage et elle a développé une certaine confiance en moi mais aussi de l'affection tandis que j'ai commencé à la trouver de plus en plus touchante... Finalement, on s'est tous les deux fait attraper par son propre jeu.

Sauveur laissa quelques instants pour laisser le soin à Sanaa de comprendre la portée de ses mots et de les intégrer. Ils avaient toujours convenu que leur relation était libre mais avaient vécus en monogames jusque là -à ceci près qu'il devait coucher avec d'autres lorsqu'il était gladiateur-. C'était la première fois que l'un d'eux s'attachaient à une autre personne et il espérait qu'elle parviendrait à accepter la nouvelle sans trop de difficultés, même si les premiers temps ne seraient pas forcément faciles.

-Elle est au courant pour toi et les filles. Elle a même déjà demandé à pouvoir vous rencontrer quand vous serez prêtes. Je voulais t'en parler en rentrant mais, avec tout ce qu'il s'est passé en mon absence et tout ce que tu portais déjà, j'ai pensé que tu avais déjà bien assez sans avoir à te rajouter celle-ci.