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 Y a pas d'âge pour s'amuser. [Aegden]

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T'sisra Do'ath
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MessageSujet: Y a pas d'âge pour s'amuser. [Aegden]   Y a pas d'âge pour s'amuser. [Aegden] I_icon_minitimeDim 30 Juin 2019 - 3:31

Été, Tahiro, deuxième ennéade de Karfias, an dix-sept, onzième cycle.


Comme chaque matin, Ludivine s’était levée sans un bruit, de peur de réveiller un fils au sommeil difficile, s’apprêtant à quitter la maison avant même que l'aurore ne prenne possession des cieux vaanis. Mais depuis ces derniers jours, elle croisait sans cesse une invitée qui logeait dans son salon. Invitée que Ludivine trouvait toujours debout et bien réveillée malgré les heures très matinales.
La cousine de Dagobert, qu'il décrivait comme un véritable rayon de soleil, semblait ne plus ressembler à ce si cher souvenir. Si T’sisra ne doutait pas qu’un jour elle fut ce que son comparse lui avait dépeint avant son départ de Lante, aujourd’hui on ne pouvait que constater que les années et la dure vie de poissonnière ne l’avaient pas épargnée. Sans compter qu’elle se retrouvait souvent seule à devoir s’occuper de son bambin, puisque son mari, marin de profession, n’avait d’autres choix que de s’absenter, parfois même durant de longues ennéades.
Et pourtant, mis à part les âneries et sottises commises par son petit garnement, rien n’entamait jamais sa bonne humeur. Pas même la rage de dent qui la tiraillait depuis deux bonnes ennéades. Car Valdémar, la prunelle de ses yeux, méritait tous les sacrifices. Et de toute façon, il lui semblait que ces douleurs dentaires s’étaient amenuisée dernièrement, alors elle ne pouvait être que de bonne humeur.

La deadhelle et la propriétaire des lieux se saluèrent sans émettre un son, un simple hochement de tête courtois et entendu. Ce qui allait très bien à Ludivine, puisque si la noiraude n’aurait pas été porteuse d’une longue lettre de son cousin, jamais elle n’aurait franchi le pas de sa porte. Quand bien même, ici à Thaar, l’on était habitués à côtoyer les doebens, on préférait tout de même éviter de les avoir chez soi. C’est en tout cas ce que son hôte avait pris soin de lui répéter plusieurs fois, appuyant ainsi l’extrême souplesse dont elle faisait preuve. Et T’sisra n’osait imaginer ce à quoi l’accueil aurait ressemblé si les nouvelles de Dagobert eurent été mauvaises.
Il fallait aussi souligner le fait que si Ludivine l’avait acceptée sous son toit, c’est parce que son mari était absent. Dans le cas contraire, il aurait refusé tout net et ne se serait pas privé d’exprimer son mécontentement et toute la désapprobation dont il pouvait témoigner concernant le cousin de sa femme. Et il aurait été très compliqué de lui donner tort, compte tenu des arnaques et des embrouilles dans lesquelles ledit cousin s’était fourré par le passé.

Avant de refermer la porte, Ludivine revint rapidement à l’intérieur et approcha la noirelfe.

- Y a encore du pain d'la semaine dernière, et des œufs d'la veille. Faut qu’on y mange aujourd’hui, c’est que vu les chaleurs d’la saison, ça risque de tourner. Et vite. Et que je vais rentrer bien tard ce soir, aujourd’hui on va d’voir préparer le grand marché qui s’présente.

Ludivine avait chuchoté la proposition, cependant si sèchement qu’elle apparaissait comme un impératif. T’sisra supposa qu’elle ne devait pas apprécier du tout gaspillage, et se contenta d’acquiescer avec le sourire. Sans plus de cérémonie, la poissonnière fila sans faire de bruit.

Quelques heures plus tard, Valdémar débarquait comme un cheveu sur la soupe pendant que la daedhelle commettait un véritable et honteux massacre. Il y avait autant de miettes de pains rassis sur le plan de travail que sur le sol, même dans sa chevelure de jais. Il semblait aussi que noiraude avait renversé le sel durant sa désastreuse tentative culinaire.

- M’man va être très pas contente…

T’sisra prit l’avertissement comme un véritable coup de poignard. En effet, tout le monde ne pouvait pas se payer le luxe de saler sa nourriture. Et si Ludivine en possédait, c’est parce qu’elle en ramenait de petites quantité de son travail, et à l’insu de son patron.

- On ira en chercher tout à l’heure, hein ? Et même… Du poivre.

- Et… Et du chocolat ? Demanda le p’tiot dans la foulée.

Quatre ans et déjà preneur d’otage. La noirelfe ne tenta pas de négocier et se contenta d’un hochement de tête et d’un sourire forcé.
Valdémar, dont l’estomac grondait, s’en était allé grimper sur sa chaise pour s’installer à table. T’sisra vida le contenu de sa poêle dans deux bols et vint le rejoindre avec, sans omettre les fourchettes.
Le fils de Ludivine observait son déjeuner avec incertitude. On devait au moins lui reconnaître que cela n’avait rien avoir avec ses déjeuners habituels. La noirelfe avait jeté des croûtons de pains dans une poêle chaude pour casser les œufs par-dessus, avant de bien mélanger le tout et saler un peu. Ça n’avait pas l’air particulièrement appétissant, mais au moins ce pain aussi dur que les murs avait ramolli durant la cuisson et apportait un peu de consistance.

- M’man elle fait jamais des œufs comme ça.

- Mh… C’est… Parce que c’est une recette… Personnelle. Ce sont des… Des œufs. Des Œufs à la T’si’. Affirma l’étrangère en goûtant son propre plat, surprise par le fait que ce n’était pas mauvais. Goûte, tu verras si c'est bon.

Valdémar, contre toute attente, tomba d'accord avec sa cuisinière : Ce n’était pas du tout, mais alors « vraiment pas du tout du tout » ce que sa mère faisait habituellement, mais ça n’était pas non plus « beurk ».
Aussi, le déjeuner se termina autour de l’élaboration du plan de leur journée. En premier lieu, il fallait se procurer du sel et du poivre. Ensuite, un bout de chocolat pour acheter le silence du garnement. Et enfin, pour s’assurer qu’il ne fasse certainement pas étalage des talents de cuisine de la drow, elle avait décidé de l’emmener à une petite « fête » de rue se déroulant dans l’un des beaux quartier de Thaar. Une journée mémorable devrait à coup sûr lui faire oublier tout le reste. Et pour ne pas inquiéter Ludivine, si elle rentrait avant eux, T’sisra avait laissé un mot sur la table.


◈ ◈ ◈


Ainsi, tandis que la journée touchait à sa fin et que le ciel rougissant laissait place aux lunes, la noirelfe arpentait les Soieries avec un Valdémar, suçant du chocolat comme un goret, dans les bras. Et lorsqu’enfin ils déboulèrent dans la rue où s’organisaient les festivités, le petit humain s’extasia et s’agita malgré lui en poussant des petites exclamations d’émerveillement. Ce devait être autre chose que ce à quoi il avait l’habitude d’assister. Et c'était peu de le dire, quand ses divertissements quotidiens oscillaient entre le cache-cache, les batailles de noyaux de fruits, ou le domptage d'insectes, découvrir de véritables jongleurs déguisés et maquillés, de talentueux prestidigitateurs et même des acrobates capables de marcher sur les mains, était un véritable émerveillement. Mais le plus attrayant, parce que Valdémar ne perdait pas le nord, furent évidemment les jeux d’adresse où l’on pouvait tenter de gagner un jouet, la plupart étant tout de même de jolies pièces.

- Je veux ça ! S’exclama-t-il en désignant quelque chose que lui seul voyait réellement parmi tous les prix proposés. J'peux l'avoir ?

- Tu as du chocolat tout autour de la bouche.

- J'peux avoir ça ?!

La daedhelle venait de percuter. Ce qui le rendait complètement dingue, c’était la toupie que faisait tourner le vieil homme s’occupant du jeu de Fer à Cheval.

- Encore faut-il gagner… Soupira la noiraude en tentant d'ignorer le sourire du vieux bougre qui s'étirait en voyant bien qu’elle avait déjà cédé.

- Gagne « sitoplaît » !

T’sisra s’approcha du vieux bougre qui lui annonçait déjà le prix d’une seule partie. Un prix qui lui décrocha la mâchoire cependant elle mit la main à la bourse, tant bien que mal puisque Valdémar avait « trop mal aux pieds » pour marcher par lui-même.

- C’est pas l'vôtre, dites-moi. Vous êtes pas du coin non plus, si ? Demanda le forain en refermant la main sur les pièces qu’on lui tendait.

- J’imagine que ça se voit. Répondit-elle du tac au tac en s’emparant du fer à cheval. Et non, je ne n’habite pas ici.

Il était vrai qu’ils formaient un étrange duo au milieu des enfants bien habillés et des familles aisées profitant de la foire. Valdémar, lui, était vêtu de guenilles sales et trouées, et T’sisra ressemblait à une mercenaire plus qu’à quoi que ce soit d'autre chose.

- Si vous en mettez trois sur le piquet, vous avez gagné. C’est tout bon ?

- Je l’espère.

Le piquet se trouvait à environ six coudées. Sans surprise, le premier fer passa à côté tout comme le second, le troisième et le quatrième tapèrent le piquet avec la pince mais dans le mauvais sens. Autrement dit, ce fut une foirade totale. Et Valdémar s’en trouva bien déçu, alors le vieil homme fit tourner à nouveau sa toupie avec un sourire malicieux.

- Essaie encore… « Sitoplaît ».

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