Au son des violons, nous buvons ! | Courtois

Milieu de 2e ennéade de Karfias de l'an 17
Dans une taverne

P'tètes qu'y croit qu'il a du talent... P'tète... Mais j'sais pas où il l'a laissé, là y m'donne juste envie d'me trouer l'crâne 'vec une pelle... Comment qu'j'pourrais m'y prendre... La demi-drow gloussa en réalisant l'absurdité de ce projet, puis fit disparaître la douleur à ses oreilles par une bonne lampée d'une piquette vaguement buvable, qui lui brûla le gosier sans y laisser une odeur de merdasse. Cela dit, sitôt que la déglutition fut achevée, le geignement du violon atteignit de nouveaux ses oreilles, et elle grimaça. Plaquer sa tignasse noire sur ses oreilles pointues n'y changea rien.

Plus tôt, venu d'elle ne savait trop où, un 'musicien' avait décidé de faire profiter les tablées d'un humble - et à peine crasseux - établissement de son art, grattant sa boîte à crincrin avec emphase. La demi-drow avait apprécié, car alors le rythme était plutôt enjoué, la laissant libre de bavasser plaisamment avec de bons gars du coin, parlant elfes, chienne de vie et vide des poches. Mais le temps avait filé, de même que le liquide dans sa gorge. Quand elle avait repris connaissance, c'était sous le regard narquois du tenancier. Ses camarades étaient partis - L'est si tôt qu'ça ? -, elle n'avait pas été dépouillée, seulement repoussée dans un coin... Et le musicien jouait à présent d'irritantes lamentations.

Encore guère vaillante, la Grise s'enfouit un temps la tête dans ses bras, tout en commandant une nouvelle choppe par la grâce des rares pièces se trouvant dans ses poches. Le supplice ne cessa pourtant point. Alors, elle se résolut à se redresser sur son siège pour foudroyer du regard le musicien - ou alors, le mur derrière lui, c'est selon ce qu'en dit son sens de l'équilibre présentement douteux, alors même qu'elle était assise -.

"D-dit voir, tu VOUDRAIS pas changer d'REFRAIN, machin ? beugla-t-elle à moitié, luttant un peu pour se défaire des restes d'un sommeil pesant.
- C'est la balade d'la Belle d'la Mer, qu'le gars a dit. chuchota un gus d'une table voisine.
- Belle d'mon cul oui..." marmonna la Grise, tout en fouillant le sol.

C'est qu'elle comptait s'emparer de l'une de ses bottes, mais quelqu'un avait eu la bonté d'oublier son sabot, et la demi-drow se fit un plaisir de l'envoyer valser à travers la salle. Avec un gros 'POC', le projectile frappa le bois, interrompant  dans un sursaut la complainte du ménestrel. ais j'lui visais son machin d'bois moi... Cela en fit rire plus d'un. Soudain, une choppe claqua près de la demi-sang, qui tourna un regard brumeux vers le tenancier.

"Tu le refais pas. J'ai pas de musicien tous les soirs ici moi." fit l'homme, l'air peu aimable.

Avec un sourire, la Grise lui offrit de nouvelles piécette, et replongea le nez dans le liquide, non sans un "Yep m'sire, j'le r'frais pu' !..." un peu mou à l'égard de son sauveur. En tout cas, si elle n'avait pas atteint sa cible, son coup avait eu l'effet : la musique reprit, mais bien plus joyeuse, tant que les buveurs et buveuses présents se mirent à frapper des mains. Une p'tite lampée d'plus et j'm'y mets... ! Songea la Grise, buvant le sourire aux lèvres.

-Eh ! Courtois !

Une masse de muscles s'arrêta au beau milieu de la rue et se tourna lentement vers la voix qui l'avait arrêtée. Il toisa de ses prunelles noires l'homme qui lui faisait signe de le rejoindre. Il n'avait pas l'air très avenant mais Angus et ses compères ne s'en offusquèrent point, ils commençaient à connaître le personnage. Finalement, l'Hadjaoui se détourna de sa route pour aller à la rencontre de ses copains de beuverie. A force de traîner dans les tavernes depuis sa "libération", il avait fini par se trouver un groupe ou deux avec lesquels traîner quand il avait surtout envie de se prendre une murge et de s'amuser à sa façon. Chose qu'ils évitaient de faire avec ses frères, même s'il ne leur cachait pas ses passes-temps.

-Qu'est-ce tu fous avec tout ton attirail ? Me dis pas qu'tu sors seul'ment du boulot ?
-Si. Déjeuner mondain...
-Oh p'tain... T'as dû les r'garder faire la fête sans pouvoir te prendre un verre ou t'as l'droit boire quand même ?
-Si j'avais eu le droit de boire, j'aurais pas pu faire mon taf correctement.
-Je vois. Bah viens, on va s'prendre un godet à la taverne du coin pour te r'mettre !
-Ouais, d'accord. Laisse-moi juste le temps d'aller déposer mes armes chez moi. C'pas pratique et encombrant ces machins.

Du pouce, il montra les deux épées en forme de demi-cercle qui trônaient dans son dos. Les poignées dépassaient au-dessus de ses épaules et les pointes au niveau de ses flancs. Deux membres du groupe ricanèrent en imaginant Courtois essayer de s'asseoir avec ça dans le dos. Effectivement, ça paraissait compliqué...

-D'accord. Bah vas-y, on se retrouve là ? Dit Angus en montrant une taverne du doigt.

L'Hadjaoui opina du chef et tourna les talons pour reprendre sa route. Une demie-heure plus tard, il poussait la porte de ladite taverne. Il avait déposé ses armes et troqué sa tenue de combat contre quelque chose d'un peu plus confortable. Un pantalon, des bottes et une sorte de tunique qui laissait ses bras entièrement nus et dont il avait retiré la ficelle qui devaient lui permettre de fermer le col. Cette dernière était totalement inutile vu la largeur de son cou...
Planté devant la porte, il n'eut pas le temps de parcourir la salle du regard.

-Ah bah l'voilà. On est là !

Angus et ses copains étaient assis à une table sur sa droite, au fond de la salle. Le colosse se dirigea vers eux et remarqua au passage que le groupe comptait une personne de plus. Une femme à la peau grise et aux cheveux noirs. Un siège lui avait été réservé pratiquement en face d'elle. Alors qu'il était presque arrivé, on les présenta vite fait.

-Courtois, v'la Mleshka. On s'murge ensemble des fois mais j'crois qu'vous vous êtes pas croisés encore.
-Nop. Bonjour Mleshka. Dit-il sans chaleur particulière avant de se tourner vers le comptoir. Eh, une pinte de plus par ici s'vous plaît ! Et l'grand format. Puis, prenant place, il acheva sa phrase comme pour lui-même. Sinon ça f'ra pas effet.

Le gars à sa gauche le bouscula gentiment devant sa plaisanterie et il parvint à peine à faire vaciller le géant. Ce dernier le toisa d'un regard neutre avant de se tourner vers la demi-drow, la détaillant un peu plus. Il ne manqua pas de remarquer son verre presque vide quand celui des autres étaient encore bien plein et il le désigna du menton.

-Bah j'vois que tu nous as pas attendu.

Y a toujours des... Des copains ! dans une taverne ! Souriait la Grise, s'étant trouvée une nouvelle compagnie de sa connaissance. Encore des gueules, encore des pintes... Et ils avaient trinqué, celle de la demi-drow se vidant prestement, avant qu'un grand gaillard ne rapplique. Riant à une anecdote, la Grise eut l'impression de se prendre une p'tite douche fraîche face au calme du type. Ouuuh, c't'un marrant lui ! Nullement dérangée, elle leva son trophée vite à l'attention du dénommé Courtois. Qu'est-ce que c'est qu'ce nom ? Bah, qu'est-ce qu'j'ai à dire d'ssus ?

"Tout juste Auguste, j'ai dû attendre ! Et une bière, ça c'laisse pas r'froidir comme ça ! Mais si ça t'chagrine donc... Elle fit signe au tavernier qui, non content de ramener un joli volume, lui amena aussi de quoi boire. J'vais faire ma polie. V'la donc. Au grand format !" glapit-elle en levant sa choppe.

Non sans se marrer, des gaillards d'Angus y joignirent la leur, tandis que le violoniste, toujours motivé, entamait un nouveau mouvement, plus tranquille. Les discussions reprirent de plus belle alentours, les choppes cessant leur joyeux boucan. S'envoyant une bonne rasade, la Grise fit claquer son affaire sur la table, avant de s'essuyer la lèvre de la manche. C'est doux là où ça passe... Et l'autre qu'en avait pris une quantité... C'est qu'il a la place pour s'en mettre. S'amusa-t-elle. Le débit d'Angus et ses amis, elle le connaissait, mais le nouveau n'était pas franchement logé à la même enseigne.

"Eh donc, messieurs, qu'essst-ce qu'vous raconter donc ? fit-elle avec un sourire en coin, penchée vers ses interlocuteurs. Et d'où qu'tu viens, cher Courtois, pour qu't'ais pas vu la gueule par ici ? Tu t'étais caché ?
- Courtois, s'cacher ? Qu'est-ce tu dis là ! s'marra l'un.
- La vérité c'est que tu dois l'avoir manqué. Tu en as toujours beaucoup d'avance dans l'nez, le reste de ta caboche doit pas suivre. s'amusa un autre.
- J'te permets pas ! fit la Grise, faussement outrée, avant d'éclater de rire. Enfin quoi, j'connais pas tout Thaar non plus ! Qu'est-ce qu'il fabrique donc d'sa vie pour qu'vous le connaissiez et pas moi, alors, hmmm ?"

Disant cela, elle se pencha avec un regard inquisiteur, les pans de son éternelle chemise s'entrouvrant sans pudeur sur une étendue peu garnie. La crinière noire en bataille, l’œil obscure et rieur, la Grise cogna sa choppe face au type qui regarda là où il n'avait pas à regarder. Il y en avait toujours pour s'y risquer, toujours ! Et elle était d'humeur joueuse.

"Fais voir ton bras, crevette !" s'exclama la demi-drow, repoussant sa choppe.

Certains manquèrent s'étouffer dans leur mousse, tandis que d'autres s'esclaffaient franchement, alors que le concerné regardait non sans surprise le bras qui s'était cogné le coude sur le bois, attendant la réponse. Certes, la Grise était une demoiselle, mais son sang mêlé la rendait plus grande et musculeuse qu'une simple humaine. A croire que ce qu'elle n'avait pas sur le buste, elle l'avait plutôt dans les bras ou les jambes.

Le fait que la demie-drow ait déjà plus qu'entamé sa bière ne le dérangeait pas mais il ne tente pas de la contredire, trop content d'avoir quelqu'un avec qui trinquer pour le coup. Il but alors plusieurs gorgées de liquide doré avant de s'arrêter, laissant sa large pinte déjà vidée d'un quart de son contenu. Tandis qu'il reposait sa chope sur la table, Mleshka -la vache, faut le prononcer c'lui-là !- l'interpella, s'interrogeant sur le fait de ne pas l'avoir vu auparavant. Il n'eut pas le temps de répondre que quelqu'un s'empressa de le faire pour lui. Courtois dévisagea à moitié le gars : il était assez grand pour prendre la parole.

-Je pourrais pas m'cacher même si j'le voulais. Finit-il par sortir avant de poursuivre, provoquant quelques rires autour de la tablée. C'est qu'avec le boulot, je peux pas toujours venir prendre une pinte quand j'le voudrais. Si l'avait tenu que de moi, je me s'rais pris un truc plus tranquille.
-C'sûr que bosser pour une Princesse Marchande, ça aide pas !
-Tu l'as dit bouffi. Rétorqua le colosse en levant sa pinte vers Angus.

A peine avait-il fini sa phrase qu'un bruit fit sursauter quelques personnes autour de la table. Courtois, quant à lui, se contenta de hausser un sourcil interrogateur en direction de la demi-drow. Qu'est-ce qu'il lui prenait ? Devant le déroulement des évènements et les réactions de chacun, l'Hadajoui comprit bien vite et observa d'un œil amusé le duel de force que le pauvre type ne risquait pas de gagner, le dos calé sur le dossier de sa chaise, les bras croisés sur son torse et sa bière à la main. L'homme fournit de gros efforts malgré tout mais cela ne fut pas suffisant... Et il perdit dans un cri de douleur et de rage mêlés. Le mercenaire ricana et but quelques gorgées de plus. Il sentit une main venir lui tapoter le bras pour attirer son attention.

-Ça t'tente pas ?
-Te fous pas d'moi.
-Bah quoi ?...
-D'une, mes bras font plus de deux fois les siens en épaisseur. De deux, le dernier que j'ai affronté, il a plus pu utiliser son bras pendant des ennéades et c'tait pas un gringalet.

Le poivrot le regarda d'un ait médusé avant de se remettre face à son verre sans plus piper mot. Il voulait certes voir la demie perdre mais pas à ce point-là. Courtois secoua la tête de gauche à droite, pinçant un coin de ses lèvres d'un air désapprobateur. Puis il se tourna à nouveau vers Melshka.

-Et toi alors ? Tu viens d'où ? Tu fais quoi ?

Avec un grand sourire, la Grise fit jouer son poignet, lorgnant sur l'enquiquineur défait avec satisfaction. Si le gars en question fit la grimace, il n'en sembla pas particulièrement vexé, et la demi-sang ne tarda pas à trinquer avec lui, avant de reporter son attention sur le gaillard qui attendait... Tout en se vantant. Les mares noires examinèrent ce dont il était question. Hmmm p'tète pas d'la vantardise c'la dit... L'esprit échauffé par l'alcool, la Grise eut le soupçon de jugeote nécessaire pour réfréner une envie de le défier, lui aussi. Non, elle ne ferait sans doute pas long feu, et il serait dommage d'abimer la table. Manquerait plus qu'ils finissent la soirée au milieu des débris de meuble, ce ne serait pas le plus confortable ! Mais qu'est-ce qu'il fout pour avoir des troncs d'arbre pareil ? La demi-sang s'amusa à imaginer...

"He, Mleshka, t'as entendu ? Qu'on l'interpela.
- Hein ? revenant au présent, la mercenaire se fit répéter la question. Moi ? Ho, une gamine de Thaar comme y en a tant...
- D'celles qu'tous les gars laissent au moins une fois dans un bordel. se gaussa l'un.
- La ferme, Filiooo... marmonna la demi-sang. Tu t'd'vrais être content qu'des filles acceptent d'ouvrir les cuisses, vu ta sale trogne.
- C'est pas c'qui les intéresse l'plus...
- Sort moi c'te main d'sous la table, salaud ! se marra la Grise, tout en reprenant une lampée. Mercenaire. Cuisto'. Palefrenière. Gardienne d'marmots d'tout âge. C'qui passe quoi... Sa diction se ramollit, alors que ses idées s'égaraient.
- Sans l'sous quand y en a plus. Et hop, t'es d'retour chez la mère ! Comment qu'elle va d'ailleurs ? En profita le dénommé Filio.
- J'avais oublié qu'boire t'rendais plus chiant qu'un gars du Guet. pouffa la Grise. Bien, bien, increvable et égale à elle-même. C'pas faute d'lui avoir fait des ch'veux blancs ! J't'ais raconté qu'j'ai j'ram'né une wandraise ?"

Et la Grise d'enchaîner sur d'autres anecdotes, liés à ses pérégrinations, tandis que tous riaient, buvaient et y allaient de son propre commentaire, de sa propre petite histoire, aux sons animant le bouiboui, et le crincrin agréable du musicien. Cependant, quand ce dernier entama un rythme plus rapide et animé, la demi-drow perdit le fil... Avant de se pencher vers le Courtois peu loquace. C'est qu'elle avait laissé de côté l'idée de tenter un bras de fer, mais l'envie d'en découdre - dans la joie et la bonne humeur bien sûr - la titillait toujours.

"Dis voir, m'sire j'ai trop d'boulot pour v'nir s'en descendre une, est-ce qu't'as au moins eu l'temps d'utiliser tes guiboles pour aut' chose qu'trimer comme un char'tier ? barragouina-t-elle, se croyant discrète alors que ses plus proches voisins n'en perdaient pas une miette.
- Qu'est-ce tu baratines ? fit l'un d'eux.
- Une p'tite gigue pour s'agiter l'bout d'gras 'vant d'finir sous la table, pardi ! clama la Grise, tout à fait convaincue, faisant rire la tablée. Qu'est-ce t'en penses, l'Courtois ? On vire c'te table et on fait courir les doigts d'ce musicien ?"

Une petite lueur de défi s'était bien sûre logée dans le regard obscur, alors que la pogne qui tenait la pinte la démangeait.

En effet, Courtois n'était pas des plus bavards alors que la discussion s'animait de plus en plus. Il avait déjà levé plus d'une fille mais il ne racontait pas vraiment se genre de choses. Ceux qui en parlent le plus ne sont-ils pas ceux qui en font le moins de ce qu'on dit ? Cependant, Angus et ses amis étaient au courant pour quelques unes de ses conquêtes d'un soir, pour avoir assisté à une partie de la drague. L'un d'eux était même tombé sur les ébats du géant en allant pisser à l'arrière d'une taverne où ils avaient passé la soirée à picoler.

-C'est qu'elle avait pas l'air de s'plaindre la minaude ! Qu'il avait donné pour commentaire tout en donnant des coups de coudes à son voisin, ignorant même la présence du responsable des gémissements qu'il avait entendu ce jour-là. Ce dernier se contentait de siroter sa bière comme s'il estimait qu'il n'avait rien à prouver à personne.

Alors qu'il en était à son deuxième verre, la demie-drow se pencha à nouveau vers lui pour lui faire une proposition des plus coquasses. C'était bien la première fois qu'on l'invitait à danser et il haussa un sourcil amusé. Il la toisa du regard un moment avant de porter une dernière fois sa pinte à ses lèvres afin de la finir rapidement. Puis il la posa et prit appui sur la table pour se lever. Son voisin l'arrêta d'une main sur le bras.

-Mais, t'vas pas...
-D'quoi t'as peur ?
-Bah... T'voulais pas faire l'bras d'fer...
-T'es con toi ? Lâcha-t-il avec stoïcisme. Plusieurs personnes autour de la table pouffèrent, voire rirent aux éclats, tandis que le gars restait là, tout penaud. Si j'arrive à baiser une femme sans la casser, j'dois réussir à danser avec, tu crois pas ? Sans attendre la réponse du gus, Courtois se leva et fit le tour de la table. Posté près de Mleshka, il lui adressa quelques mots. Eh bien, Madame j'veux pas qu'on matte mes seins alors que mon décolleté est plus profond qu'un ravin et attire tous les r'gards... Il tendit une main dans sa direction. ... J'accepte ton invitation.

Dès qu'elle eut poser ses doigts dans sa paume, il ferma sa prise et la tira vers lui d'un mouvement vif pour l'amener jusque dans ses bras. Sans plus attendre, il l'entraîna ensuite sur la "piste de danse" -autrement dit, un espace suffisamment large entre les tables avoisinantes- de quelques pas habiles. Si la femme à tout faire n'était pas mauvaise, elle ne maîtrisait visiblement pas aussi bien la gigue que le levé de coude. Heureusement pour elle, c'était Courtois qui conduisait et lui ne s'en sortait pas si mal. Il avait compris depuis longtemps que la danse pouvait s'avérer utile pour faire chavirer une dame et ça lui avait même valu quelques parties de jambes en l'air alors il avait fait en sorte de parvenir à se débrouiller pas trop mal.
Voyant deux personnes se mettre à danser, le musicien redoubla d'ardeur, jouant de plus belle pour attirer d'autres couples. Courtois, de son côté, ne se montrait pas timide en la matière. Il n'hésitait pas faire tourner Mleshka sur elle-même avant de l'attirer à nouveau contre lui. Il n'était pas du genre à avoir les mains baladeuses. Non pas qu'il ait peur de la réaction de la demoiselle mais, si elle n'avait pas l'air du genre commode, il n'ourdissait pas ce genre de pensée à son égard de toute manière.

Après un nouveau pas de danse, le mercenaire fit tourner la jeune femme sur elle-même mais, au lieu de la récupérer face à lui, il l'arrêta dans son mouvement alors qu'elle lui exposait son dos. D'une main sur son ventre, il colla son échine à son torse et saisit sa dextre avec la sienne avant de l'embarquer pour quelques pas rythmés d'un côté, puis de l'autre...

Vantard. A croire qu'y l'ouvre qu'pour dire 'j'suis trop bien pour vous, gnagnagna'... La pensée ne fit cependant pas long feu, après qu'elle ait souri à son commentaire - comme s'il y avait quelque chose à voir, elle ne faisait que faire prendre l'air à son derme ! -, alors que l'individu se révélait un danseur des plus corrects. Quoique s'emmêlant un peu les pieds du fait de ce qui coulait dans ses veines, la Grise suivait le rythme avec un entrain certain, appréciant l'assurance de son cavalier quand cela lui permettait de se relever plus vite après un raté, pestant intérieurement après lui quand sa tête se mit à tourner... Puis oublia le tout dans un éclat de rire, se sentant légère dans les bras puissants. Leurs pas martelaient le bois, les pintes s'entrechoquaient alentours, le musicien avait la goutte qui lui coulait dans la nuque, et d'autres se levaient, s’esclaffant, s'invitant, se marrant.

Soudain, il y eut un arrêt et, un peu perdue tout en tenant toujours debout, la Grise sentit son partenaire encore plus proche, et une main se poser là où elle avait chaud. A peine eut-elle le temps de rosir de surprise qu'elle se vit entraîner de gauche et de droite. Un petit pas par ci, un petit pas par là... Faute de connaître la danse, elle ne put que supposer, se rater, puis se laisser tout simplement emmener encore. A son trouble succéda la concentration, car cela était nouveau et lui demandait toute son attention. Ses pas se calquèrent sur ceux du colosse, et son corps se moula bientôt contre le sien, pas prude pour un sous, chaque changement de direction s'accompagnant bientôt d'un mouvement de hanche plus sensuel - croyait-elle - et appuyé, emportée qu'elle était par le rythme, le mouvement, et la proximité.

Des tables furent repoussées, des couples se formant pour l'occasion. Les serveuses n'y coupèrent pas, et bientôt une autre danse prit naissance, de celle où les danseurs et danseuses sont nombreux, tournoient et changent de partenaires dans un même mouvement. Avec un sourire presque enfantin, la Grise profita que Courtois l'ai fait tournoyer pour ne ne pas retourner dans ses bras, demeurant plutôt à l'extrémité pour lui tourner autour, le faire tourner, virevolter sur elle-même avant d'aller en sens inverse. Les gestes étaient un peu brusques, en retard ou en avance, mais la bonne humeur était là, de même que le feu qui avait bien pris dans son ventre - Douce beuv'riiie ! -, se répandant dans son corps et sa tête à la crinière noire folle. Changeant de partenaire, elle continua ainsi, disparaissant derrière un duo, puis un autre... Jusqu'à se faire voir, quelques minutes plus tard, se levant sur une table, au milieu de buveurs amusés. Là, elle ne tarda pas à mêler sa voix au brouhaha, piochant allégrement dans les nombreuses connaissances recueillis dans ces hauts lieux de savoir qu'étaient les tavernes.

"La drow s'en vient, la drow s'en vient
Et par pour rien, et pas pour rien
Car y a un beau cul qui l'attire
De ceux qui te font bien rougir

Le cul de Thaar, le cul de Thaaar !
C'est lui qu'les drows vont labourer
Après tout cette bande de queutards
On quitter l'Puy pour s'enjailler !"

Bien qu'en ayant un certain nombre dans le nez, la demi-drow réalisa cependant que l'auditoire n'était pas charmé. C'est qu'à son sourire s'opposa l'air sombre d'un groin à ses pieds, qui s'essuya la mousse de la figure avec un air mauvais. D'une pirouette, physique - ses jambes firent à peu près ce qu'elle voulait, claquant vigoureusement, initiant un nouveau rythme - comme verbale, elle enchaîna plutôt. Cette fois, ses pieds accompagnèrent sa diatribe, et il y en eut plus pour tendre l'oreille, le musicien se faisant moins acharné sur son instrument.

"Ah qu'il est beau, qu'il est beau ce gueux
Qui s'en vient m'dire, de son ton mielleux

Ô belle enfant, je suis en souffrance
Y a qu'toi qu'a la clé de ma délivrance

Moi, toute minaude, je lui dis 'Viens là
Dans ce p'tit coin, rien qu'pour toi et moi'..."

Eh ben voilàààà, faites risette ! s'amuse la Grise en jetant un regard à la ronde. Les tables étant plus proches les unes des autres, la demi-drow ne résiste pas à la tentation et se met à sautiller comme un cabri, de l'une à l'autre, sautant à la cadence de ses vers, en y perdant un peu de souffle, mais rien que ne puisse compenser sa bonne humeur, et les bons souvenirs qui lui reviennent, alors qu'elle se rappelle où elle a apprise cette chanson-la.

"...Ah qu'il est beau, qu'il est beau ce gueux
Qu'a la trique, juste c'qu'il faut pour deux

Là j'lui présente ma copine Margot
Qu'a tout dans les bras, et rien dans les lolo

Et v'la qu'on lui fait sa petite affaire
L'laissant cul nul et l'air pas très fier

Ah qu'il est beau, qu'il est beau ce gueux
Sur l'quel sont tombés ses braves merdeux !"

Hasard, à moins que tout n’aie été calculé ? En tout cas, sa petite envolée sur le bois, au milieu des choppes, des rires et des déglutitions, la ramena près d'un certain colosse. Essoufflée, le coeur cognant, la chemise de guingois et le sourire jusqu'aux oreilles, la demi-sang se planta en bout de table et se pencha vers lui, plus que la raison - et la bienséance, mais la Grise n'en avait jamais eu grand chose à faire de celle-la - ne le conseillaient.

"Joli... Danse... M'sire... Qu'a pas l'temps... Pour boire... Mais assez... Pour apprendre comment t'nir... Une femme... fit-elle en reprenant son souffle, les mains sur les hanches, le bout du pied avancé levé. Qu'est-ce...Tu sais... Faire d'autre ?"

Des restes de sa folle énergie dansaient encore dans ses yeux sombres, se mêlant à la même lueur de défi, tenace et joueuse, que plus tôt.

Certes, Mleshka n'était pas la meilleure des danseuses de taverne mais c'était bien le rôle de son cavalier de faire en sorte que ça passe inaperçu. Après les deux premiers mauvais pas, Courtois avait commencé à se montrer plus vigilant, quitte à la serrer un peu plus contre lui pour l'empêcher de dégringoler. Finalement, alors qu'il maintenait toujours son dos contre son torse, la demie-drow commença à prendre plus d'assurance, jusqu'à agiter lascivement son bassin contre lui. Seulement, étant donné qu'il était à peine plus petit qu'elle, il allait sans dire qu'elle lui ferait vite de l'effet à cette allure-là...

D'autres se joignirent peu à peu à la fête et une danse collective se mit bientôt en place. La Grise finit par lui échapper et il la vit disparaître derrière d'autres couples, gardant pour lui l'amertume de la frustration que lui laissait le déhanché de la belle dans son pantalon. Une femme vint bien vite le prendre par le bras et l'entraîner dans cette fichue chorégraphie qui l'avait séparée de sa partenaire. Une femme bien en chaire, mais pas dans le bon sens du terme... Et puis, essayez de faire danser une masse comme lui dans cette foule serrée par le manque de place qu'offrait la taverne, même avec les tables repoussées de tous les côtés. Il lui fallut cependant plusieurs tours de pistes pour parvenir à s'échapper de cette petite foule et se caler dans un coin de la pièce.
Debout, les bras croisés, il observa les gens danser, non sans prêter une certaine attention à la chanson de Mleshka. Elle n'était visiblement pas timide. Lui qui détestait les filles qui minaudaient ou jouaient aux prudes... Il en avait décoincé quelques unes d'ailleurs. Et il s'était pris quelques claques de la part des plus résistantes aussi ! Ce souvenir le fit sourire en coin jusqu'à ce qu'une voix n'attire à nouveau son attention. Il répondit à la première réplique de la Grise d'un rire franc.

-Si tu sais pas la t'nir, comment tu veux la l'ver ?! Plaisanta-t-il.

Il se tourna enfin vers elle et écouta sa question. Son sourire s'effaça à moitié tandis qu'il jaugeait la lueur dans son regard. Entre leur danse, la vue qu'elle lui offrait désormais et le défi qu'elle lui opposait, il aurait eu du mal à nier qu'il n'avait plus vraiment envie de finir la soirée tout seul... Quant à savoir si c'était ce qu'elle cherchait...

-S'tu restes dans c'te position, j'vais finir par avoir quelques idées à t'montrer. Dit-il le plus sérieusement du monde, la fixant dans les yeux et se contentant de deviner ce qui était offert à sa vue sans pour autant y plonger le regard. Surtout après ta danse de t'à l'heure.

Il n'en dit pas plus, restant volontairement sur le ton du sarcasme pour voir ce qu'elle aurait à lui répondre. En soit, il pouvait très bien aller se soulager avec une autre, il était encore suffisamment tôt pour ça. Mais comme c'était elle qui l'avait chauffé, autant qu'il sache tout de suite quelles étaient les intentions de la belle afin de savoir ce qu'il pouvait espérer d'elle avant d'élaborer d'autres plans pour le reste de la soirée.

Vantard. Mais cette fois, la pensée ne disparut pas, se répétant seulement. Vantard, vantard... Vantaaaaaard. La demi-drow eut une moue amusée, faisant face au regard du rude gaillard sans un frémissement. Sérieux, si sérieux mon gars... Tu tirais cette tronche en sortant du con de ta mère ? Sa frimousse s'amusa d'autant, alors qu'elle s'asseyait précautionneusement sur le bord de la table, avec un soupir de bien-être, devançant un léger vertige, soulageant d'une certaine vue son vis-à-vis.

Cela dit, ayant repris son souffle, la Grise ne laissa pas filer le temps : d'une impulsion du bassin, elle fut debout, face à l'homme, qu'elle pouvait regarder dans les yeux sans effort. Y voyait-elle quelques remous, derrière le sérieux... ? En l'absence d'un sourire, il eut pu presque paraître menaçant. Mais difficile pour la demi-drow à l'esprit guilleret d'éprouver la moindre peur après leur danse. Pas avec ce qu'elle avait bu. Pas avec la chaleur qui couvait. Profitant de l'isolement de Courtois - avait-il donc fui la danse ? -, la sang-mêlé s'avança, les poings sur les hanches...

"Ma danse... ? souffla-t-elle, faussement bougonne. M'semble qu'c'est toi... Qu'l'a commencé celle-la."

A aucun moment elle ne s'arrêta, chaque pas empiétant sur l'espace de l'humain, le repoussant contre le mur de planches, un sourire flottant sur les lèvres grises. Non, la demi-drow n'avait ni la taille ni la morphologie d'une mignonne comme il y en avait tant dans les bordels. Ses épaules étaient larges pour une femme, sa poitrine avait tout juste fait l'effort d'exister, ses hanches étaient étroites... Mais cela ne l'empêchait pas d'en jouer, ce qu'elle faisait à présent, ne fuyant nullement le contact, poussant l'audace jusqu'à ne laisser qu'un très mince cheveux entre leurs deux corps - en plus de leurs vêtements, bien sûr -.

"T'les tiens comme un sac d'viande alors ? Se moqua-t-elle brièvement, avant de reprendre sur un ton détaché, quoique de plus en plus grave. J'espère qu't'as un peu d'imagination alors. Parce qu'lever du gars... Ca s'fait avec les gestes... L'écho de la danse se retrouva dans les gestes de son bassin. Avec les yeux... Ceux-ci plongeaient sans honte ni hésitation dans ceux de l'homme, si proche. La bouche... Et ses lèvres s'ourlèrent davantage. La voix aussi."

Et soudain son timbre s'était chargé de chaleur, se faisant suave murmure. Ses mains demeuraient sagement sur ses hanches mouvantes. Derrière toutes ces jolies manières, il y avait le rose qui lui montait aux joues, ses yeux noirs qui s'embrumaient... Et une pensée résumant fort bien son état : C'est quand tu veux, beau salaud.

Courtois ne se démonta en aucune façon devant la petite scénette que Mleshka lui joua en réaction à son commentaire sur ses quelques pas collés serrés. Il croisa les bras sur son torse imposant pour soutenir son regard avant de lui répondre avec sa franchise habituelle.

-Oui, ta danse. J’te signale qu’c’est toi qui m’a invité et qu’c’est toi qui t’es trémoussée cont'moi.

Après tout, s’ils avaient dansé, c’était parce qu’elle l’avait voulu. Et alors que lui était resté très correct, elle s’était révélée plutôt allumeuse. Bien vite, il comprit qu’elle n’était pas de celles qui entamaient les préliminaires et se tiraient en courant pour laisser à d’autres le soin d’éteindre le feu qu’elles avaient activé. Alors qu’il s’était montré plutôt clair sur l’envie qui le tenaillait de l’essouffler autrement que sur la piste de danse, elle soutenait son regard, approchait, le provoquait un peu plus encore. Donc, à moins d’être une vraie garce, elle irait jusqu’au bout. Et il eut un sourire satisfait en coin.
Il la laissa faire sa petite leçon sans un mot, attendant qu’elle ait fini. Ils se trouvaient désormais à moins d’un souffle l’un de l’autre. La voix de Mleshka vibrait encore à son oreille et il l’observait d’un oeil différent. Au-delà de son air renfrogné -malgré ce très mince sourire-, une flamme brillait derrière ses iris sombres. A chacun des points qu’elle avait cité, une idée lui était venu pour les utiliser sur elle. Elle ne payait pas de mine physiquement mais l’attirance venait d’ailleurs cette fois. Elle avait su éveiller ses bas instincts d’une manière assez inattendue.

Finalement, il se pencha presque imperceptiblement vers elle. Sa voix grave perça la musique ambiante, semblant la faire temporairement diminuer, mais seulement à l’oreille de la demie-drow.

-Tu manques pas d’audace. J’ai hâte de voir si t’as autant d’gueule au lit.

Une femme avec du caractère et qui n’avait apparemment pas froid aux yeux. Il attendait ça depuis longtemps mais ce n’était peut-être que de l’esbrouffe. C’était déjà arrivé par le passé, sa carrure et sa personnalité dissuadant ses partenaires de trop lui tenir tête. Il n’avait rien contre pourtant. Il avait un caractère de chien mais il était habitué à ce qu’on le remballe avec la même délicatesse que la sienne et personne n’était encore parvenu à le vexer jusque là. Aussi, sa réplique ne sonnait pas comme un reproche mais plutôt comme un défi.
Sans rien ajouter de plus, il la contourna, non sans lui adresser un regard soutenu pour lui faire comprendre qu’il l’invitait à le suivre. Il se dirigea vers la porte de l’auberge. Là, il fit mine de sortir avant de finalement s’arrêter, attendant que la demie-drow sorte pour lui emboîter le pas et fermer derrière lui. Ils firent quelques pas puis, passant devant une ruelle, Courtois attira Mleshka derrière une pile de caisse qui les dissimula aussitôt des passants alentours. Il lui plaqua le dos contre le mur sans délicatesse particulière mais sans chercher à lui faire mal pour autant. Puis il vint immédiatement coller son corps au sien pour l’embrasser avec ferveur, une main venant se glisser dans sa nuque pour la refermer sur ses cheveux sans les tirer et la seconde allant chercher sa cuisse pour la redresser à hauteur de sa hanche. Après quelques instants, il sépara leurs lèvres pour lui glisser quelques mots.

-J’te préviens, j’ai rien d’tendre. Les câlins et les p’tits bisous, c’pas mon truc. Déclara-t-il dans un souffle avant de glisser dans son cou pour goûter à sa peau.

Il préférait autant l'avertir avant d'aller plus loin. Ils n'étaient encore qu'à deux pas de la taverne, elle pouvait toujours lui dire non et faire demi-tour. Même si quelque chose lui disait que les mamours c'était pas son genre non plus...

Qui donc qui s'est fait lever...? La Grise apprécia ce qu'elle vit dans les mires sombres, de même que ce qu'elle entendit. Franc, direct... Parfait, elle n'était pas particulièrement d'humeur pour les détours. Ainsi, elle ne se fit pas prier pour suivre, voyant du coin de l'oeil Angus et ses gars danser et boire leur content... Avant que son pied ne se prenne entre deux lattes du plancher, lui rappelant son dessein premier. Deuxième. Principal. Enfin, elle s'y retrouvait. Du moins n'eut-elle aucun mal à concentrer sur le large dos qu'elle devinait sous le cuir, la fermeté des bras, et d'autre chose, plus bas, qui s'agitait sous ses yeux. Oui, cela lui convenait très bien. Et tout ce qui lui passait par la tête d'idées qui aurait choqué des prêtresses de Néera demeurait sagement caché derrière ses mires noires, trahi seulement par son air chafouin au sourire en coin affirmé.

L'alcool n'aidant pas, de même que ses pensées frivoles, elle se fit prendre par surprise quand, quelques pas plus tard, elle se trouva soudain plaquée contre un mur par le rustaud. Par son corps, plus précisément. Son torse contre le sien, sa main dans sa crinière, sa jumelle sur sa cuisse... Et les lèvres qui engloutirent son hoquet de surprise. Le semblant d'inconfort disparut comme une bourse dans les ruelles de Thaar. Se gratter le dos contre un mur ? A la bonne heure ! Tant que cela lui donnait accès à ça... Loin de fuir, la demi-drow se cambra sans hésitation. Pour boire, elle n'avait pas emmené la courte lame que l'on pouvait sinon lui trouver à la hanche. Et elle avait eu raison ! Elle n'aurait besoin de rien d'autres que ses mains - et ses dents, peut-être - pour mener ce combat-ci. Quand elle put de nouveau respirer, elle annonça la couleur sans ambages : l'une de ses mains vint tâter du fessier du gars, l'autre s'aggripa à sa nuque, tandis que son regard d'encre n'annonçait qu'une impatience fébrile.

"Qui t'a d'mandé d'être t- Ha !" souffla-t-elle, avant de se faire interrompre par une nouvelle démonstration d'intérêt.

Le goujat...! L'immonde salaud de... Hmmmm...Polit...! Perdant quelque peu le fil, la Grise se mordit la lèvre, la tête relevée par une brusque inspiration. Coincé entre le faux courtois et le mur vraiment rude, la demi-sang s'offrait sans grande retenue ni égard pour sa propre personne, fondant dans cette étreinte. Elle ne le connaissait pas le matin-même ? Quelle importance ! Elle ne savait même pas ce qu'il faisait pour gagner sa vie ? Aucune importance ! Elle le savait là, contre elle, avec une gueule à son goût, pas trop chiant, et visiblement intéressé ? Voilà qui lui importait ! Elle ne demandait pas grand chose, la Grise : juste ce qu'elle sentait entre les jambes du gus, et qu'elle aguichait éhontément de son bassin. Pour mieux retenir un gémissement de frustration, la Grise lui rendit la politesse en lui embrassant vigoureusement la nuque, y laissant une trace violacée. Mais là encore, ce n'était pas assez. Alors, la demoiselle empoigna gaillardement la chevelure de monsieur, lui redressant la tête afin de lui faire connaître son déplaisir.

"T'as parlé... D'un lit ? gronda-t-elle d'une voix rauque. Trouves-le... Vite... Parce que si... J't'ai pas vite dans l'con... Je vais te... Ses paupières papillonnèrent... Avant qu'elle ne peste. Oh, merde... !"

Faute de venir à bout de sa terrible menace, la demi-drow fit taire toute objection dans un nouveau baiser fougueux, accompagné d'une vive pression sur une fesse ferme et d'une oppression dans les règles du bas-ventre du rustre.

Mleshka n’avait pas vraiment eu le temps de lui répondre mais le peu qu’il avait entendu lui suffisait. Ils étaient sur la même longueur d’onde et il ne se priverait donc pas pour continuer sur sa lancée. Alors qu’elle manifestait son intérêt pour lui par quelques nouveaux déhanchés -facilités par sa jambe relevée-, lui vint appuyer un peu plus son bassin contre celui de la demie-drow. Dans son pantalon se trouvait une bosse déjà pas dérisoire en temps normal et désormais plus que gonflée par le désir que lui inspirait l’attitude de la jeune femme. Le moins qu’on pouvait dire, c’était que la mayonnaise avait vite pris, pour l’un comme pour l’autre.

Alors que Mleshka lui faisait un suçon dans le cou, Courtois lâcha ses cheveux et descendit sa main jusque sur sa poitrine. Sans préambule, il passa directement sous le tissu. Le décolleté si profond du vêtement lui permit d’atteindre un sein et de s’en saisir sans le moindre mal. Même s’il y en avait trop peu pour sa large main, il le serra avec avidité. Leurs lèvres se retrouvèrent alors qu’ils s’impatientaient déjà, pressés qu’ils étaient de passer aux choses sérieuses. Elle avait envie de lui en elle et elle ne pouvait imaginer à quel point il avait envie de se sentir serré dans son bassin étroit. Rien que d'y penser, il avait envie de passer à l'acte...

-J'pourrais t'prendre ici… Lâcha-t-il entre deux baisers avant de finalement se redresser, retirant sa main de sous sa tunique avant de remettre le vêtement en place. Mais j’ai plutôt envie de t'baiser proprement pour voir jusqu’où tu peux aller.

Il plongea son regard dans le sien un instant, un sourire espiègle et plein de désir aux lèvres. Puis il se détacha parfaitement d’elle, s’extripant de ses bras avant de libérer la jambe de la semie-drow et son bassin de la pression de cette masse dans son pantalon. Il l’attira vers lui pour la décoller du mur et passa un bras dans son dos pour l’inviter à marcher à ses côtés.

-J’vis à deux pâtés d’maisons. Même si on tient pas jusqu’à la chambre, on s’ra toujours mieux qu’ici.

Et il l’entraîna dans la rue, marchant en la tenant toujours contre lui, laissant sa main descendre un peu plus bas que ses hanches, jusqu’à la naissance de ses fesses qu’il n’hésiterait pas à aller saluer dès que l’occasion se présenterait. Tout en la guidant dans les rues d’un pas un peu plus pressé que d’habitude, il porta sa main à sa nuque, massant la zone qui le tiraillait depuis quelques instants.

-J’vois qu’t’es du genre à aimer faire mal. Si jamais j’te fais mal aussi, ça s’ra p’tèt pas volontaire. La prévint-il avant de se tourner vers elle. Sauf si t’aimes ça…

Il préférait autant profiter de ce rapide temps mort pour connaître ses goûts et savoir quel ton donner à la suite des évènements pour qu’ils prennent tous deux leur pied. D’ordinaire, il essayait de faire un minimum attention pour ne pas blesser ses partenaires. Mleshka étant un peu plus robuste, il n’aurait probablement pas besoin de prendre autant de gants avec elle. Si elle n’avait rien contre un peu de douleur en prime, c’était tout bénef pour lui. Il se savait parfois sauvage dans ses ébats et il aurait peut-être l’occasion de se lâcher un peu pour une fois...

Mais j'suis pas en sucre, put... ! Merde ! Quoique ce qu'elle avait pu sentir contre son entre-jambe n'était pas négligeable. Devait-elle s'inquiéter ?... Voulait-elle mettre le holà ? Pas le moins du monde ! Pas après ses caresses ! Ce fut donc un regard orageux qui se posa sur l'enculé ! Il r'cule !, avant que la rencontre de leur deux regards ne lui tire un sourire. Non sans un mordillement de lèvres, la demi-drow suivit encore de bonne grâce, ruminant sa menace. Raisonnable, raisonnable... Du moins, se retrouver de nouveau contre lui l’apaisa un peu, juste un peu... Suffisamment pour qu'elle se tempère, pour éviter le cas où ce serait elle qui le plaquerait contre un mur pour lui faire son affaire.

Tout à ses sombres projets, la Grise réalisa tardivement qu'une question demeurait en suspend. Du moins, sa mémoire se révéla plus efficace que son esprit, et la réponse ne se fit pas prier : les arrêtant, la demi-drow se tourna vers Courtois et lui saisit la mâchoire, avant de l'embrasser avidement, se collant à lui aux yeux des passants nocturnes, sans autre arrière-pensée que l'idée de le faire taire. Son temps, elle le prit, avant de le relâcher étonnamment doucement, lui rendant son sourire espiègle.

"Si c'que tu m'fais m'dérange... J'te l'ferai savoir." murmura-t-elle, avant de lui tapoter gentiment la joue.

Et soudain, elle s'en fut, échappant à la main dans son dos, avançant à grands pas dans la direction supposée de leur destination. Non, son geste n'était pas une bonne idée pour rester calme. Putain d'gaillard, putain d'vêtement, putain baraque... La chaleur se faisait tiraillement, alors que la colère s'invitait dans ses entrailles. C'est qu'il lui semblait décuver, par les Dieux ! Son esprit se vivifiait, de même que ses sens... Ainsi que son envie. De se faire prendre par le gars ou de gifler le premier connard qui lui en donnerait l'occasion, la sang-mêlé ne savait pas trop. Cependant, il ne lui fallut pas longtemps pour se rappeler qu'elle n'avait pas la moindre idée de ce à quoi ressemblait la piaule de l'humain, et elle se résolut à l'attendre, mains sur les hanches... Ne répondant à de potentielles questions que par un sourire provocant, tout en commençant à se questionner : Il a une baraque ? Ici ?

Ses questions, elle les oublia bien vite, car ils arrivèrent à bon port rapidement. Sitôt la porte ouverte, la demi-drow s'engouffra dans l'ouverture... Avant de se heurter à l'absence de lumière. Putain. D'obscurité. L'idée de se cogner contre tous les meubles ne l'enchantait guère. Ce dont elle avait envie... Avec un haussement d'épaule, la Grise revint vers Courtois, se forçant à respirer plus calmement. Dans la quasi obscurité, ses mains tâtonnèrent jusqu'à trouvé le bas de sa chemise, se glissant dessous pour mieux toucher, remonter... Emportant le tissu par ce geste. Elle fit mine de parler deux, trois fois... Avant de lâcher :

"T'ai-je dit... Que tes vêtements me dérangeaient... Beaucoup ?"

Et si tu m'les vire pas dans la seconde... J'te les arrache... Avec les dents. La Grise n'avait aucune idée de si elle en était capable, mais en l'instant, le tenter lui faisait vraiment envie.

Bon sang ! Jamais une nana ne lui avait plu à ce point. Pas trop de blabla, de l’audace à revendre et le feu entre les jambes. La regardant s’éloigner -sans même savoir où elle devait aller-, il sentit la bosse de son pantalon se tendre plus encore et il réalisa aussitôt qu’il était temps qu’ils arrivent. Trottinant sur quelques pas, il la rattrapa bien vite et l’orienta vers une baraque qui se trouvait à quelques pas. C’était une maison loin d’être bourgeoise mais pas miteuse non plus. Elle était modeste vue de l’extérieur mais disposait d’un étage pour les chambres. Arrivé sur le perron, il déverrouilla la serrure et offrit à Mleshka d’entrer, ce qu’il fit sans plus attendre. Courtois lui emboîta le pas et ferma la porte prestement derrière eux. Lorsqu’il se retourna, elle était là, près de lui, cherchant visiblement la limite de sa tunique. Il la laissa faire, posant ses mains sur ses hanches le temps qu’elle se dépêtre du vêtement dans le noir.

La réclamation de la belle était joliment tournée et le fond comme la forme étirèrent un sourire amusé sur ses lèvres du colosse. Et sa réaction ne se fit pas attendre. De ses mains, il la fit pivoter et la plaqua contre la porte d’entrée qui vibra bruyamment sous le choc. Collant à nouveau son corps au sien, il l’embrassa avec fougue. Il s’arrêta cependant bien vite, prenant juste assez de recul pour gagner la place nécessaire à l’amplitude de ses mouvements. Saisissant les côtés opposés du bas de sa tunique, il la fit passer par-dessus sa tête pour la retirer avant de la laisser tomber sur le sol sans plus s’en préoccuper. Dans le noir, Mleshka ne pouvait malheureusement pas voir l’étendue de ses tatouages qui s’offrait à elle.

-Et moi, j’adore ta ch’mise.

Il la prit aussitôt par les bras pour la décoller de la porte sans grande délicatesse. D’un geste, il écarta le vêtement de ses épaules et, profitant de la très large ouverture qu’offrait son décolleté, il le fit descendre sur ses coudes pour découvrir ses seins. Dès que cela fut fait, il s’avança encore une fois vers elle, se faisant presque menaçant de désir, pour venir la coller au bois, pressant désormais son torse nu contre sa poitrine offerte. Sa tête plongea aussitôt dans son cou qu’il embrassa, faisant sentir sur sa peau non seulement ses lèvres mais aussi sa langue langoureuse et même ses dents affamées de sa chaire. Pendant ce temps, ses mains descendirent sur ses fesses qu’il pressa pour pousser ses hanches un peu plus contre les siennes. Puis il descendit encore pour aller chercher ses cuisses. D’un seul mouvement, ils les souleva toutes les deux pour la porter totalement. Il recula très légèrement, le temps de relever un peu plus la belle avant de la plaquer de nouveau pour faciliter sa prise. La maintenant ainsi par la seule pression de son bassin sur le sien et une mains sous ses fesses, il s’attaqua à ce qui se trouvait désormais sous ses yeux : ses seins. De sa main libre, de sa bouche, de sa langue, de ses dents, il les dégusta l’un comme l’autre avec une avidité sans cesse renouvelée.

Combien d'fois t'as changé d'por... La pensée s'évanouit, ridicule en comparaison des sensations qui assaillaient la Grise. Dans la noirceur de la bâtisse, à peine éclairée par la maigre lumière venant du dehors, Courtois n'était plus qu'une silhouette obscure, un corps plaqué contre le sien, des mains qui la tenaient, des lèvres s'emparant des siennes... Puis du reste. Il était trop tard pour avoir peur, trop tard pour en appeler à la raison, trop tard pour penser même.

Bien que n'étant guère gâtée question rembourrage du décolleté, la demi-drow était on ne peut plus sensible à ce niveau-la, ce qui lui valut de couvrir les grincements du bois de ses gémissements étouffés, et ce malgré-elle. Un semblant de réflexion parvint du moins à l'empêcher de faire craquer définitivement son vêtement - elle en avait peu ! -, se tortillant plutôt pour libérer ses bras et ne pas être en reste. Se cabrant tout contre Courtois, s'agrippant avidement à sa nuque, la Grise tentait vainement de reprendre son souffle. Le salaud qui m'tient com... Ha, haaaa... Qu'est-ce qu... J'vais l'crev... L'baiser... Salaud... Ses subtiles pensées se délitaient comme autant de braises virées à coup de pied du feu par une danse folle. Celle de leur corps l'un contre l'autre, de leurs bassins si proches mais encore séparés, des caresses buccales qui faisaient leur brûlant chemin sur sa peau... Peau qui semblait d'autant plus sensible qu'elle n'y voyait rien ! Cela l'énervait, la rendait folle... !

Par les tétons de Nééra, elle voulait baiser, pas se faire baiser !

Soudain, ses mains désertèrent les hauteurs pour venir arracher celles de Courtois à ses cuisses, ce pour quoi elle dut batailler un peu, tout en gémissant des ordres sans queue ni tête. Dans un enchaînement fébrile et frustré, elle reprit pieds et le repoussa, ne mettant à profit ce répit que pour mieux lui bondir - ou tomber, c'est selon - maladroitement dessus, les jetant tous deux lourdement au sol. N'ayant pas encaisser le plus gros du choc, la demi-drow n'hésita pas à pousser l'avantage, tenant - tant qu'elle le pouvait - les bras musculeux du gaillard. Du temps, il lui fallait un peu de temps...

"Tu... Bouges... Pas." murmura-t-elle d'une voix rauque.

Et elle ne fut plus sur lui, ne laissant de sa chaleur que le souvenir de sa peau. Il y eut des marmonnements, de plus en plus injurieux, le bruit d'un choc, puis un autre, de quelque chose de lourd et dur jeté quelque part, loin d'eux, qu'importait. Puis le son de petits sauts, la Grise se taisant alors après un énième bruit, celui du cuir et du tissu, qui tombèrent plus loin. Bientôt, des mains trouvèrent en tâtonnant l'un des bras de Courtois... Et la demi-drow se glissa sur lui, peau contre peau, afin de retrouver sa place. Qu'il cherche, et il ne trouverait plus rien pour couvrir le derme aux quelques cicatrices de la Grise. Il ne restait que son pantalon à lui, à l'assaut duquel ses mains à elle s'empressèrent d'aller.

"Je t'ai... Manquée ?" parvint-elle à souffler d'un voix chaude et rieuse.

La bonne idée qu’il avait eu de mettre un tapis ici. Il ne savait pas quoi en faire quand il avait emménagé et il l’avait placé n’importe où. Pour le coup, si cela n’avait pour autant pas retenu sa masse, il l’avait empêché de se cogner trop fortement la tête sur le parquet de l’entrée. Alors qu’elle lui avait imposé de redescendre de son perchoir, elle lui commanda cette fois de rester là où il était.

-A vos ordres, Madame. Répondit-il tandis que l’une de ses mains vint prendre l’un de ses seins pour en pincer la pointe avant qu’elle ne se lève. Il attendit là, allongé sur le sol sans rien dire mais en devinant la silhouette de la demie-drow qui se débattait avec ses vêtements dans le noir. Faute de pouvoir utiliser ses yeux, son imagination fonctionnait à plein régime. Il aurait voulu pouvoir la voir, mater ses quelques formes qui se dévoilaient avant qu’il n’en prenne possession sauvagement. Finalement, il sentit la douceur de la peau de Mleshka venir caresser la sienne et sa maigre poitrine qui pointait vers lui. Il posa aussitôt les mains sur elle, partant du milieu de son dos pour descendre le long de son corps. Il découvrit bien vite que la chemise avait disparu. De même que le pantalon…
Il lâcha un gémissement de satisfaction.

-T’as pas idée… Dit-il d’une voix qui transpirait le désir.

Putain, j’vais baiser d’vant l’entrée. J’hallucine… J’adore c’te fille !Pensa-t-il en caressant de deux doigts l’entrejambe de la noiraude alors qu’elle-même s’affairait maintenant à défaire le laçage de son pantalon à lui. La tâche était probablement rendue un peu compliquée par la protubérance qui se trouvait là et l’excitation qui était à son comble pour l’un comme pour l’autre et qu’il continuait d’attiser en palpant le clitoris de la demie-sombre, refusant d’entrer en elle avec autre chose que sa queue. Mais c’était sans compter sur la ténacité de la jeune femme. Une fois le noeud défait, le lacet se relâcha instantanément sous la pression de son membre qui n’attendait que de sortir de son carcan. Courtois descendit alors une de ses mains pour élargir avec empressement l’ouverture de son futal et achever de sortir son large vît de là.

-Allez, ça suffira. Viens-là.

Une main de chaque côté du bassin de Mleshka, il la guida au-dessus de son sexe dressé qui n’attendait que de la prendre enfin.

Il m'aide pas... La remarque de la Grise se perdit dans ses soupirs et ses hoquets de plaisir, alors que Courtois continuait de jouer avec elle, alors même qu'elle luttait pour faire céder ces lacets d'mes deux... ! C'est qu'elle voulait jouer du bassin, sentir davantage ce qui se pressait le tissu mais, pour se faire, elle devait reculer pour laisser la place à ses mains... ! Cruel dilemme. Parvenant, elle ne savait trop comment, à tenir le cap, la demi-drow sentit finalement la tension du tissu se relâcher, quelque chose bouger dans le noir, et Courtois faire - enfin ! - quelque chose d'utile. Le gémissement que la Grise lâcha au premier contact fut on ne peut plus clair et sonore et, emportée par le désir et l'impatience, la demi-drow glissa sans temps-mort sur le vît dressé. Là, était l'objet de son désir. Ce qu'elle voulait. Il n'y avait pas trente-six mille manières de le prendre !

C'est du moins ce qu'elle pensait. Après quoi, elle eut une brève pensée, un conseil tardif de son bon sens, qui lui vint : l'idée, peut-être pas si mauvaise, d'y aller petit à petit. Trop tard.

Collée contre Courtois, la Grise lâcha un long gémissement où se mêlaient surprise, plaisir et douleur. Pendant un instant, elle n'osa pas bouger, s'agrippant seulement à lui, regrettant, peut-être, son geste ? A cette idée, la demi-drow eut un sursaut de colère, se mettant alors à bouger, lentement d'abord, puis de plus en plus vite, de plus en plus amplement, loin de se ménager encore, faisant fi de la douleur pour se concentrer seulement sur le plaisir. Ses plaintes, elle était incapable de les retenir... Jusqu'à ce qu'elle ait l'idée de les étouffer en embrassant à pleine bouche son amant.

"T'es... Insuppor...table... Vraiment... Hmmm... T'es... Salaud..." lâchait-elle entre deux baisers fébriles, deux respirations emportées.

Vite, vite, vite. Pour faire taire les craintes, les hésitations et les doutes, et tout ce qui lui prenait la tête. Demain était demain, sans doute aurait-elle quelques difficultés à marcher, ou elle ne savait quoi d'autres encore, mais en l'instant, ces précautions, et le reste, elle les jetait au feu de son bas-ventre. En quelques vas-et-vient, un dernier particulièrement profond, et c'était fait : sans égard pour l'homme sous elle, la demi-drow se cambra et cria son plaisir, dans une ultime tension, une ultime contraction... Avant de s'affaler, le souffle court, sur le torse puissant.

Mleshka s'assit aussitôt sur lui, s'empalant subitement sur son vît. Il lâcha un râle de surprise, de plaisir, de satisfaction et de soulagement alors qu'ils entamaient enfin la danse que leurs corps réclamaient depuis trop longtemps à son goût déjà. Même s'il se savait large, elle était plus étroite qu'il ne l'imaginait et c'était d'autant meilleur pour lui. Voyant que ça ne réfreinait pas les ardeurs de la noiraude, il saisit un peu plus fermement ses hanches pour accompagner ses mouvements. Il ne voulait pas la diriger -elle faisait ça très bien après tout- mais seulement l'aider à amplifier ses mouvements et à le faire aller au plus loin d'elle. Elle l'embrassa comme pour taire ses gémissements. De quoi elle avait peur ? De gêner les voisins ? Comme si ça ne suffisait pas, elle l'insulta pour finir.

-Mais t'adore ça... que j'sois un salaud.

Accompagnant le geste à la parole, il profita d'une des descentes de la demie-drow sur son membre pour soulever son bassin d'un coup sec et la pénétrer avec plus de force. Il recommença à quelques reprises et de manière totalement aléatoire, jusqu'à ce que l'un de ses assauts se trouve particulièrement efficace. Dans un cri, il sentit le ventre de Mleshka se serrer sur lui dans un premier spasme d'extase. D'autres vinrent avant que le corps de la belle ne s'écroule sur le sien.

-On peut dire qu't'avais l'feu aux tripes, toi !

Après tout, ça avait durer... quoi ? Cinq minutes ? Ils avaient passé plus de temps sur la piste de danse que sur le plancher de sa baraque ! Alors qu'elle se trouvait allongée sur lui, son membre la possédait toujours, gorgé et dur. Pour une fois, c'était pour la nana que les choses étaient allées un peu trop vite... Il s'en plaindrait pas, du moment qu'elle se casse pas en le laissant sur le carreau.

-Tu s'rais p'tet mieux... dans l'salon pour r'prendre tes esprits... et r'poser ta chatte, t'crois pas ? J't'offre un verre ? Proposa-t-il, encore haletant.

Il ne faisait certes pas dans la dentelle mais il avait quand même conscience de ce qu'il se passait du côté de sa partenaire. Vu l'écart de taille, il se doutait qu'elle s'était un peu abîmée dans l'affaire et il n'était pas goujat au point de lui demander de continuer en l'état. Mais maintenant qu'ils l'avaient fait une fois, ça serait plus facile pour elle à la suivante. A l'aide de ses mains toujours solidement ancrées sur ses hanches, il fit se lever un peu ses fesses pour se retirer de son ventre. Puis il l'invita à se mettre debout avant de faire de même. Il se tourna prestement vers une porte et entra dans la pièce voisine, cherchant visiblement quelque chose.

-Puis j'dois avoir un briquet qu'part...

A peine avait-il fini sa phrase qu'il se souvint ce qu'il en avait fait. Il se dirigea droit vers un meuble, ouvrit un tiroir et y saisit sa trouvaille. En quelques essais, il alluma une bougie qui se trouvait près de lui puis il rangea le briquet. Tandis qu'il utilisait la mèche brûlante pour allumer les deux autres qui se trouvait sur le candélabre, la lumière commença à l'éclairer et à emplir la pièce. Désormais, Mleshka -si elle entrait- pouvait voir ses tatouages (si son regard se portait sur autre chose que la preuve de son désir qui dépassait toujours de son pantalon). Deux d'entre eux partaient de ses poignets pour envelopper ses bras. Du côté gauche, il n'atteignait pas le coude tandis que, du côté droit, il remontait jusqu'à l'épaule pour venir mourir à la naissance de son pectoral sur l'avant, à la moitié de son trapèze et par delà son omoplate à l'arrière. Quant au salon, il était de taille modeste et la décoration était plutôt sommaire. Les meubles avaient le mérite d'exister et d'être en bon état. Quelques assises -fauteuils et canapés- encadraient une table basse. Le tapis qui se trouvait en dessous n'était pas de première jeunesse mais ça rendait le tout un peu plus confortable. Lui se tenait devant une commode mais il se trouvait aussi là un petit buffet et un miroir ornait l'un des murs. Courtois ramena le candélabre sur la table basse.

-Assis-toi. Liqueur de poire, ça t'va ? Dit-il avant de disparaître derrière une autre porte qu'il laissa ouverte derrière lui.

Un marmonnement informe répondit à l'invitation, mais la Grise se laissa faire, soudainement toute docile entre les larges mains. En prise avec une certaine sensation de bien-être, elle ne comprit guère pourquoi elle se retrouvait debout, et suivit à l'ouïe son amant. ... Mais où qu'il va comme ça... En profitant pour s'étirer, sentant l'annonce de douleurs à venir sans s'en préoccuper, elle cligna des yeux alors que de timides lumière leur rendaient la vue.

La pièce, les meubles, la décorations... Tout cela, la Grise n'en tint qu'à peine compte, ses yeux noirs parcourant sans pudeur le dos qui se révélait enfin. Les tatouages, elle les avait vu plus tôt, du fait de la chemise sans manche de Courtois, mais torse nu... Oui, elle le préférait ainsi. La Grise, dans toute sa nudité de cendre, s'avança à pas tranquille; quoiqu'un peu raides, dans la pièce, répondant d'un "Oui." éteint mais distinct cette fois, alors que la situation s'imposait petit à petit à son esprit embrumé. Voilà qui n'allait pas du tout...

Quand Courtois revint, la demi-drow s'était étendue de tout son long sur l'un des canapés. La lueur des bougies dansaient dans les mires noires, alors que des ombres parsemaient sa peau, ses formes à peine esquissées, le creux de ses cuisses, ses jambes déliées... Lascive, elle le regarda déposer verres et bouteille, les tensions qui se firent dans son dos sur lesquelles jouaient les ombres, mais ne lui laissa pas finir son service. Se redressant, elle lui saisit l'arrière du pantalon et le fit s'asseoir là où ses guibolles se trouvaient un instant auparavant. En un rien de temps, elle s'assit à califourchon sur ses genoux ou, pour être exacte, sa béquille. Un léger bruit de gorge salua ce contact. Pourquoi qu'tu t'es arrêté... ? Mais la question demeura muette. Non, il y avait mieux à faire. Comme flatter son vît de sa moiteur.

"... Un verre ?" souffla-t-elle, aguicheuse.

Sans vraiment attendre la réponse, elle lança un bras vers l'arrière, tâtonnant, prenant son temps pour se pencher en arrière, le sentant bien là, appréciant, s'en jouant... Puis ramena bouteille comme verre. Là, s'installant tout à son aise sur son assise, elle versa diligemment le breuvage, tout en regardant Courtois. Bien sûr, elle en versa à côté... Et sauva ce qu'elle pouvait de coup de langues sur sa main, avant d'offrir le verre à son amant.

"Cela te donne un drôle d'air... D'avoir la queue à l'air... Tout en tenant ces verres..." dit-elle distraitement, la voix suave.

Aux légers mouvements de hanches s'ajoutait un regard franc, mi-clos. Oh, elle avait eu mal, mais cela n'était rien face à l'envie. L'envie, la langueur, le goût de poursuivre... Il avait parlé d'esprit, tantôt ? Ce n'était pas maintenant qu'elle comptait les retrouver. C'était une nuit bienvenue ces temps-ci, et elle n'allait pas en perdre une goutte. A l'inverse de la main galante, sa jumelle, après avoir calé négligemment la bouteille près d'eux, avait tranquillement parcouru les abdominaux du gaillard, poursuivant son chemin plus bas, jusqu'à caresser la base de son vît, le reste disparaissant sous son entre-jambe.

Courtois avait bien gentiment accepté de venir s'asseoir sur le canapé sur l'invitation de Mleshka, se laissant tomber vers l'arrière. Ses fesses se calèrent aussitôt sur l'assise et son dos sur le dossier avant d'accueillir avec plaisir son amante sur lui. Il libéra d'ailleurs un grognement sourd alors qu'elle venait coincer son membre entre leurs deux bassins, la découvrant encore taquine -ce qui n'était pas pour lui déplaire-. Les mains posées sur l'arrière de ses hanches, il la regarda se pencher pour attraper de quoi boire, bien heureux d'avoir pris le temps d'allumer un peu. Ce qu'il avait sous les yeux était particulièrement agréable à regarder : ses seins tendus, sa chatte prise, sa croupe cambrée... La voyant aussi maladroite en leur servant à boire, il pesta.

-Eh, doucement sur l'service. Râla-t-il à moitié avant d'ajouter. J'veux m'souv'nir de c'te nuit. C'trop bon d'baiser avec toi.

Bientôt, leurs deux pêchés mignons furent réunis : un verre dans une main, un corps sous l'autre. Il adorait la position dans laquelle ils se trouvaient. Alors qu'elle caressait son torse et la naissance de sa queue, lui avait lâché sa fesse pour venir palper ses seins tout en sirotant sa liqueur. De ses yeux gris sombre, il ne perdait pas une miette du spectacle qu'il avait sous les yeux dans un silence qui n'avait rien de gênant pour lui. Il observait avec délectation les légers mouvements de croupe de la belle, attisant son désir déjà plus qu'éveillé. Sous son air toujours sérieux et dur, les coins de ses lèvres étaient pincés dans une expression de satisfaction et de plaisir.

-Ça a pas l'air de t'débecter... Répondit-il à sa petite plaisanterie quant à sa tenue.

Il la laissa à son petit jeu quelques instants encore puis il passa sa main libre sous ses fesse et, la prévenant de faire gaffe à son verre, il la souleva et pivota pour inverser les rôles. D'une pression dépourvue de délicatesse sur son buste, il lui imposa de s'affaler autant qu'elle le pouvait puis il reversa sur elle ce qu'il restait de sa liqueur de poire. Il se débarrassa ensuite de son verre -sans vraiment savoir ce qu'il en avait foutu- pour se pencher et venir boire à même la peau de la demie-drow. De sa bouche et de sa langue, il parcourut l'ensemble de son buste alors qu'il s'était arrangé pour mouiller ses seins jusqu'à son bas-ventre. Il dégusta sa peau avec une avidité nouvelle et la volonté de récupérer autant d'alcool qu'il le pouvait au passage. Il lécha sa poitrine, non sans prendre le temps de s'attarder sur ses pointes jusqu'à les mordiller au passage. Puis il descendit le long de son ventre, faisant une halte sur son nombril qui s'était transformé en mini shot. Il continua encore jusqu'à atteindre son pubis. Là, il passa ses mains sous les genoux de Mleshka et les souleva soudainement, écartant ses cuisses largement afin de lui laisser totalement libre accès à son entrejambe. Il s'attaqua alors à sa chatte et découvrit le goût de son jus pimenté d'une pointe d'alcool, s'affairant à en produire encore davantage.
Décidément, elle était bonne dans tous les sens du terme...

"Qui t'dit qu'y en aura pas d'autres... A s'r'appeler...?" avait soufflé la Grise, s'étant servie à son tour.

Aucune promesse, aucun engagement, rien qu'une idée lancée, tandis que leur deux corps se chauffaient mutuellement, verre en main, tranquillement, au rythme d'un bassin patient et d'une main touche-à-tout. La demi-drow appréciait la vue du bras tatoué s'affairant sur elle, du subtile roulement des muscles sous la peau, mouvements rendu d'autant plus hypnotisants que des marques noirs venaient en troubler les limites et les ombres. J'suis plutôt pas mal tombée...

N'empêche... Il a pas sa langue dans sa poche... La suite lui confirma que c'était vrai, au figuré comme au littéral. Si se retrouver couverte d'alcool la fit bien rire - elle parvint à sauver la bouteille dans le mouvement, se retrouvant ainsi les mains pleines -, que Courtois s'emploie à en lécher les restes à même sa peau lui fit perdre toute sa belle contenance. Sa respiration s’emballa, à petits à-coup brusques; son corps se cambrait légèrement; sa voix se faisait entendre en doux gémissements, ponctués d'inspirations plus profondes et de sons plus graves, lorsque ses pointes et son intimité furent attaqués.

Le... Le... Les mots s'enfuyaient, de même que le verre de sa main tremblante, qui finit en éclats alcoolisés au sol. Mais la bouteille était sauve ! La Grise y vola une longue lampée, à même le goulot, comme pour combattre le feu se ravivant dans ses entrailles par celui de l'alcool, avant de la brandir à l'attention de son vil tortionnaire.

"Un p'tit coup...?" parvint-elle à dire.

Qu'il se penche pour s'en saisir - elle aurait la courtoisie de le laisser boire... Un peu - ou non, la demi-drow se redressa afin d'enlacer Courtois à bras-le-corps - souplesse ! -, l'amenant contre elle, étendue, sans davantage d'égard pour la bouteille de liqueur de poire. C'était encore la même chanson : elle ne souhaitait pas rester inactive... Tout en étant quelque peu agacée de le voir si maître de lui, alors même que sa virilité... Elle est c'qu'elle est... Son souvenir était encore des plus vivaces, de même que l'incompréhension confuse de le sentir se retirer. Pas du jeu... Lui sur elle, elle put ainsi couvrir sa gorge de baisers, s'y piquant les lèvres, ses mains lui caressant fébrilement le dos, tandis qu'elle aguichait une nouvelle fois son bas-ventre du sien, rythmant les tentatives - maladroites, certes - de ses jambes pour lui descendre le pantalon, lui enserrant les hanches.

"Qu'est-ce t'attend...? Fit-elle d'une voix rauque, frébrile. Lâche-toi... Viens... !"

Et de deux verres à terre -quoi que le sien était peut-être encore sur le canapé...- mais il avait bien mieux à faire que de s'en soucier pour le moment. Il était bien trop occupé à faire gémir toujours plus la femme si vulgairement installée sur son canapé mais qui n'avait apparemment rien n'a secouer de sa posture. Il était satisfait de la voir enfin jouer de la voix sans chercher à se faire taire. Lorsqu'elle lui proposa à boire, il releva la tête et se saisit de la bouteille. Se relevant complètement sur ses genoux, il sentit Mleshka venir se coller à lui. Tandis qu'il s'enfilait quelques gorgées, elle commença à s'affairer sur son corps, l'embrassant, le caressant, tentant de lui retirer son froc. Il se contenta de boire en la laissant faire avant de poser la bouteille.

-J't'avoue que c'est pas de ce p'tit coup dont j'ai vraiment envie.

La réponse de la noiraude ne se fit pas attendre et il étira un sourire inquiétant en coin. Se lâcher, ce n'était peut-être pas une proposition à lui soumettre...
Mais puisqu'elle le lui demandait...

-Tu l'auras voulu, p'tite garce...

Saisissant l'un des mollets de Mleshka, il fit passer sa jambe devant lui, la forçant à se retourner et à venir poser comme lui ses genoux sur le tapis. Exerçant une pression sur son dos, il la maintient à plat ventre sur le canapé le temps de présenter son membre devant sa chatte et d'y entrer d'un coup sec dans un râle de plaisir. Il entama aussitôt des allers et retours en elle, d'abord francs et violents avant de se calmer un peu et de prendre un rythme plus régulier. Il la libéra alors de son emprise pour venir encadrer ses hanches de ses mains. Il lui fit imprimer quelques mouvements, la forçant à accompagner ses vas et viens, la faisant se retirer en même temps que lui puis se reculer lorsqu'il avançait. A quelques reprises, il accéléra subitement le rythme sur quelques secondes avant de ralentir à nouveau.
Après un petit moment, sa dextre quitta sa hanche pour passer sous le corps de la demie-drow et trouver son sein. Il le saisit avec fermeté, l'utilisant lui aussi pour la mouvoir à sa guise, pinçant parfois la pointe entre les articulations de son index et de son majeur.

Qu'est-ce qu'il... HA ! La Grise avait songé à certaines choses en l'encourageant, mais pas tout à fait à celle-ci, pas de cette manière. Encore dans l'esprit du jeu, elle laissa faire... Et gémit fortement à son premier coup. Ce n'était pas faute d'en avoir envie, d'être préparée, mais il n'en demeurait pas moins large. Ce fut plus facile que la première fois mais, contrainte, la demi-drow subit les vagues abruptes de plaisir et de douleur, perdant vite le fil au fil des changements de rythme, d'intensité. Elle ne voyait plus rien que le tissu, ne sentait plus que les larges mains sur ses hanches, et l'ample vît qui allait et venait en elle. Il l'avait prévenu, elle l'avait encouragé, pourtant, alors que la violence du début laissait place à un rythme plus appréciable, malgré ses plaintes discontinues alourdies d'un plaisir fiévreux, quelque chose la troublait sans lui laisser davantage de repos que les assauts de Courtois. Quand la pogne vint trouver son sein, jouer avec sa pointe hérissée, elle trouva enfin le mot, et ne put plus s'en détourner.

"Arrête... Parvint-elle à dire, mais encore indistinctement. Arrête, COURTOIS !"

Visiblement, il l'entendit et s'exécuta - quelque part, cela énerva aussi la Grise -, la laissant tremblante, effondrée sur le canapé, le souffle court. Mais l'idée obsédante ne lui permettait pas de rester ainsi, et c'est sur des jambes flageolantes qu'elle se releva. Se retournant, la Grise planta son regard noir dans celui du gaillard et, sans autre avertissement, mit toute son énergie dans un franc coup de boule. Faute d'être une combattante particulièrement aguerrie, et vu son état, la demi-drow comptait bien sur l'effet de surprise et son sens de l'improvisation - faillible, mais néanmoins apprécié -. Malheureusement, la taille équivalente des deux amants ne permit pas à la demi-drow de casser le nez à l'humain, seulement de cogner violemment leurs fronts.

Clignant des paupières alors que la douleur lui perçait la tête, la Grise sembla sur le point de retomber en arrière. Ou par terre. Ce salaud, ce putain d'salaud...! Cette douleur-la eut le mérite de lui éclaircir un peu les idées. La hargne s'agrippa d'autant plus à ses tripes, et s'occupa du reste. Se penchant dangereusement en avant sitôt le mal vaguement dissipé, la demi-sang aussi nue que le jour de sa naissance brandit un doigt hargneux sous le nez du tatoué au membre dressé.

"Que j'remette les choses au clair : j'suis pas une PUTAIN, compris ?" asséna-t-elle d'une voix glaciale.

Sa voix était plus éraillée que désirée, après tant de gémissements - Fait chier ! - et elle se sentait la force fébrile d'un nouveau-né - Bordel de merde ! -, mais la demi-drow n'en maintint pas moins la pose, tendue, vibrante de colère.

"Et on dit belle garce. J'suis plus grande qu'toi, bordel."

Tiens, elle se rappelait de son prénom ?
Devant l'interjection de la demie-drow, Courtois obéit et quitta le ventre chaud de sa partenaire pour la libérer de son emprise. Au vu du ton qu'elle avait employé, il était clair que quelque chose ne lui convenait pas. Ce qui était sûre, c'est que ce n'était pas un manque de plaisir. Il n'y avait qu'à voir la façon dont elle tenait difficilement sur ses jambes et les gémissements qu'elle avait poussé un peu plus tôt. Il la regarda faire, attendant de savoir ce qui la chagrinait, avant de se prendre un coup de tête plutôt violent. Entre leurs tailles si proches et sa résistance à lui, c'était plutôt un mauvais calcul de sa part car ils eurent aussi mal l'un que l'autre. Une bonne claque ou même un crochet aurait suffi à lui faire comprendre.

-Tu m'as dit d'me lâcher, j'l'ai fait. C'tait pas pour rien que j'te questionnais en v'nant ici. Lui rétorqua-t-il sur le même ton.

Elle l'avait un peu pris pour un con en le faisant taire mais ça leur aurait éviter qu'il fasse quelque chose qu'il ne lui plaise vraiment pas -et qu'il se prenne un coup de boule par la même occasion-... Même en dehors des bordels, il y avait des femmes qui aimaient ce genre de choses et c'était elles qu'un gars comme lui attirait assez souvent. Ce n'était pas son cas, il retiendrait. Et s'il avait su d'où elle venait, il aurait peut-être pu l'anticiper mais ils n'avaient pas vraiment pris le temps de faire connaissance.
La correction sur la façon de l'appeler le fit sourire intérieurement mais le coup qu'il venait de se prendre ne lui permit d'afficher que son air renfrogné habituel.

-Compris. Aut' chose tant qu'on y est ?

Malgré l'engueulade -qui ne lui faisait visiblement ni chaud ni froid- et le mal de tête qui commençait à passer, le désir du colosse ne désemplissait pas et si Mleshka avait été dégoûtée au point de partir, elle l'aurait fait au lieu de rester plantée là à lui remettre les points sur les i.

Ce calme, ce putain d'calme ! Si dans un premier temps, la Grise eut envie de renchérir d'une claque, l'idée disparut bien vite, ne laissant qu'une colère frustrée, sans vraie cible, face à la retenue du gaillard. Croisant les bras, serrant les jambes, la demi-sang renfrognée détourna le regard, brassant le brusque maelstrom qui était venu tout gâcher. Ce qu'elle y vit ne lui plut pas. En même temps le frapper lui avait fait du bien, en même temps...

"... Y a des réponses qui s'savent pas avant d's'imposer." dit-elle bas, s'abstenant pour une fois de conclure sur une insulte.

Oui, il l'avait prévenue, oui, il l'avait questionnée, oui... Il avait écouté. Les mires noires revinrent vers le colosse et, cette fois, cherchèrent seulement ses yeux, les fixant un temps, en silence. L'est chiant à s'maîtriser. A croire qu'y sait pas s'lâcher vraiment... Est-ce qu'ça vaut l'coup ? Cela devenait plus compliqué que ce qu'elle attendait d'un bon coup. A la base, elle était venue justement pour éviter ce genre de pensées. Tu fais avec. C'est du passé. Fin, certaines choses chang'ront pas. En tout cas... Comment savoir qu'y vaut l'coup sans aller au bout ? Le mares noires s'adoucirent.

Lentement, presque précautionneusement, la Grise bougea ses jambes. Elle eut la bonne surprise de ne pas s'effondrer aussitôt, et se rapprocha de Courtois, les bras croisés, incertaine.

"J'ai pas l'impression qu'tu t'sois lâché tant qu'ça. Ou tu sais pas c'que c'est...? Ou alors t'as naturellement la queue plus expressive qu'la gueule. Elle enchaîna rapidement, le ton léger se faisant plus grave. C'était bon. Vraiment. J'ai juste... Les mots ne vinrent pas, alors elle balaya le silence d'un vague geste de la main. Son timbre se fit plus suave. Dit plutôt... C'que j'pourrais faire ? Pour m'faire pardonner ?"

Voilà une corde raide qui n'était pas des plus confortables. La Grise ne savait pas ce au devant de quoi elle s'avançait... Et cela était aussi excitant qu'inquiétant.