Double face | Artion

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Eté - 8e jour 3e ennéade de Karfias 17:XI
Quartier des artisans

Elle avait tiré sur la corde... Bien plus qu'elle ne l'aurait du. Mais elle ne voulait pas rentré au camp maintenant qu'elle avait la certitude que Myr'Hennis ne l'y accompagnerait pas cette fois. Peut-être dans quelques ennéades ou quelques mois... Un Monde. La bonne nouvelle, c'est qu'elle n'avait plus la moindre raison d'étirer en longueur le siège de Sol'Dorn. La mauvaise c'est qu'elle allait se sentir foutrement seule là-bas et que ça allait l'obliger a faire un choix...

Finalement... L'amour avait de très très nets désavantages. Elle avait eu tendance à les oublier si facilement en un an...

Mais pour l'instant, elle était encore à Thaar, avec ses titres et son fric. Dans ce pantalon de cuir noir et cette tunique de lin blanc sans manche, elle avait même son anonymat. Alors comme un hommage à sa vie de Princesse du Vent, elle était sortie pour sa dernière après-midi dans la ville avant de rentrer botter des culs et remettre de l'ordre dans une armée et un but qu'elle avait par trop négligés. Elle aurait pu aller au Lys d'Or ou dans l'une des fumeries des lanternes. Ou alors sur les docks, comme à la vieille époque. Mais elle n'en avait pas particulièrement envie. Son corps était parfaitement repu de ce qu'elle avait chez elle, sa réserve d'opiacée et d'herbe à fumée était remplie, tout comme sa cave et les mains de Myr'Hennis - ou, à défaut, de Lenir - valaient à ses yeux les meilleurs masseurs des meilleurs maisons des Soiries.

Et le fait de ne plus autant ressentir le besoin de provoquer la chance sur des choses stupides était... déroutant ? Plutôt ennuyeux. Peut-être qu'elle commençait vraiment à s'encrouter avec Myr'Hennis... Non. Non. Non. Elle avait tout simplement trop de problèmes pour s'en chercher volontairement des nouveaux. Elle n'avait plus à les chercher parce qu'on les lui offrait sur un plateau d'argent, de feu et de sang.

Dans tous les cas, si elle n'avait pas envie de courir se rouler dans le stupre et la luxure à deux heures de l'après-midi, cela ne voulait pas dire que la ville ne regorgeait pas de choses qui l'amusaient toujours. Après être passé à l'Aile Blanche pour assister à un entrainement de gladiateur - et avoir réalisé que le retour au camp sud aurait du bon si elle ne se retenait plus autant pour ne pas se couvrir les mains de sang - elle flâna dans le bazar.

La bazar... Deux tire laine, et quatre arnaqueurs plus tard, elle sortit des rues couvertes en jouant avec une grappe de raisin. Ses pas la menèrent dans les rues les plus propres. Les avenues les plus larges. Puis de nouveau des rues commerçantes un peu plus petit. Une placette sur le coin de laquelle était installé un puits. Et elle tournait dans la rue des ébénistes. A l'ombre d'un passage étroit vers une cour ombragée, une géante assise sur un tapis élimé lisait l'avenir dans une pyramide d'obsidienne. Une odeur de vernis, de sciure, de bois chaud et d'huile flottait dans toute la rue.

Dans les ateliers et les échoppes, certains créaient, d'autre réparaient. Là, il promettait un sommier de lit qui ne casserait pas dans toute une vie humaine. Ici, les embouts de pipe à eau les plus finement ornementés.

Contrairement à ce que le surnom de la rue laissait présagé, il n'y avait pas que des ébénistes, mais également un orfèvre et un alchimiste qui créait aussi bien des vernis que du savon et des huiles. A travers une vitre judicieusement placée, elle regarda pendant un moment l'un des artisans mesurer avec précision la longueur de son pied de chaise avant de faire naître peu à peu les contours d'une patte griffue sous son rabot. Elle triturait distraitement le collier de prière eldéen qu'elle portait autour du cou depuis des mois à présent. La ceinture qui tombait lâchement sur ses hanches était tiré à droite par un sabre à la poignée usée et à gauche par une sacoche qui n'en était pas non plus à sa première sortie.

Une chaise ornementée à un point improbable lui attira l'oeil, lui rappelant un autre siège qu'elle avait vu des dizaines d'année plus tôt. A ceci près que le siège en question était en métal, lui. Putain ça faisait un baille...

Un coup dans le dos la fit avancer d'un demi pas, se rattrapant à la devanture de l'échoppe.

- Hey ! Regarde ou tu vas ! " gronda-t-elle en se retournant vers l'adolescent d'un brun grisâtre qui venait de la bousculer.
- Pardon !

Ses oreilles légèrement pointues se dressèrent devant l'air mécontent de la femme... Qui tâta par réflexe la sacoche à sa hanche. Ce qui eu pour effet immédiat de faire décamper le jeune homme.

Un trou... Fait pas une lame.

- Voleur ! " rugit-elle en se lançant à sa poursuite. Ses sandales heurtaient le sol de terre battue à grands pas. " T'as dix secondes pour t'arrêter sinon par Kiel tu va morfler ! "

D’une échoppe vers un atelier, ton regard glissait avec une certaine mélancolie. Le moment de quitter cet endroit arriverait bientôt, et par La Mère que tu en avais hâte, seulement, à te gorger de l’atmosphère du quartier des artisans, tu n’arrivais pas à te séparer de cette sensation de devoir inaccompli. Les démonstrations d’expertise qu’étaient les exagérés – même à ton goût – ornements d’une chaise ; l’odeur presque étouffante des essences émanant des alambics d’un alchimiste ; les voix enrouées de vendeurs à la sauvette cherchant à tirer leur épingle du jeu depuis beaucoup trop longtemps ; les quelques petites merveilles d’artisanat de toutes formes que l’on croisait là où on s’y attendait le moins… tout ça te rappelait que Thaar n’était pas que sa misère.
Thaar est inventive, créative et vivante. Thaar est capable de belles choses… mais même l’or le plus pur perd de son éclat lorsqu’il est recouvert par la fange.

Un véritable océan d’objets divers et variés, un ode à l’originalité même, la scène qui se joue devant toi aurait pu être magnifique, si seulement elle n’était pas en même temps le théâtre d’une éternelle lutte pour la survie. Pourtant à voir tous ces gens livrer bataille, tu te trouverais presque à les envier. Pas pour toi. Pour d’autres. Pour cette famille d’artisans Zurthans croisés dans les bas quartiers. Pour ces gens au moins aussi talentueux que le monde rassemblé ici, mais n’ayant pas les moyens ne serait-ce que de se montrer comme ceux-là le faisaient. Un jour peut-être ils tireraient leur épingle du jeu jusqu’à arriver ici. Situation dans l’absolu peu enviable, mais « moins pire » restait une amélioration.  

« Moins pire » assurerait qu’ils n’aient pas à se mettre autant en danger qu’ils le font actuellement. À quel point pouvait-il être confortable de quitter le plus dangereux front de la lutte silencieuse ? Si tu voulais le savoir, il n’y avait qu’à demander. Les voleurs sont les grands soldats d’ici. Et ils sont légion. Chacun allant de son style de combat. En embuscade pour certains, cachés en pleine vue pour d’autres. Discrets arracheurs de bourses pour certains, charlatans habiles des doigts et des mots pour d’autres. Nombreux au point que les duels qu’ils livrent à leurs ennemis choisis ne fassent plus sonner aucun cor de guerre.
Seule ceinture à ta taille, celle portant ton focaliseur. Seuls objets précieux les deux pendentifs reposant au creux d’une poitrine dévoilée par ton ample tunique. Trois objets bien trop protégés pour aguicher même les mains les plus habiles. Tu vogues d’un pas d’une tranquillité à la hauteur de ton informel habillement, convaincu pouvoir échapper aux affrontements.

Quel ne fut pas ton tort.

Empruntant le timbre d’une Eldéenne, le cor sonne le début de belligérances que tu ne pourras éviter, car pour leurs protagonistes, tu fais partie du champ de bataille. Un obstacle vivant qu’un jeune larron en passe d’être fait victime de sa proie comptait bien utiliser à son avantage. Un obstacle vivant qu’il n’attendait pas à voir réagir lorsqu’il le passerait. L’épaule de l’adolescent dépenaillé frôle ton bras. Les hanches du coureur démarrent une contorsion annonçant un prochain changement de direction dont tu aurais été la couverture. Mais avant qu’il ne puisse mettre une fois de plus un pied devant l’autre, son inertie meurt soudainement. Ta poigne retient un avant-bras, ton autre main se saisit de l’autre lorsqu’une lame est dégainée, et ton front se plisse lorsque de la panique, l’expression du malfrat se meut en ce qui semble être celle d’un profond désespoir.

- Qu’est-ce qui se passe ici ?

Tes mains remontées jusqu’aux bras de l’adolescent, le tenant toujours fermement, tu termines de te cimenter en tant que part du conflit. Tu sais exactement ce qui se passe en réalité. Tu sais parfaitement ta prise être en tort. Pour autant, quand en le retenant tu le forces à faire face au mal commis, tout dans ton attitude laisse comprendre que tu t’ériges en bouclier entre un jeune voleur et une Daedhelle pour sûr ô combien plus dangereuse que lui.

La tenue du jour:

Elle n'eut même pas l'occasion de faire valoir toute l'ampleur de sa vitesse, de sa souplesse ou de son langage fleuri. Une vingtaine de mètres plus loin, le voleur venait de se faire attrapé par... Par un géant, il n'y avait pas d'autres mots... et un éclat métallique attira son attention. Un couteau.

- Attention !

Elle se prépara à bondir, mais n'eut pas le temps de s'abattre sur le jeune homme. Le mastodonte refermait une main plus grande que le visage de l'eldéenne sur le bras du môme. La vache... Elle aimerait pas se prendre une baffe de la part de ce type. C'était difficile à croire mais... Il n'était pas seulement massif, il était aussi plus grand que Myr'Hennis. Heureusement qu'elle avait passé des années à côtoyer le Grand Architecte, Gorhur et le Haut-Prêtre de Zhak'Bar, sinon elle aurait été un chouilla impressionnée... Enfin elle l'était déjà un peu. Ça avait quelque chose de malaisant d'être face à une stature pareille, mais elle était suffisamment nonchalante et furax pour ne pas s'arrêter à ce genre de détail.

- Il se passe que tu viens de faire une prise presque aussi belle que tes pectoraux. " sourit-elle en continuant à avancer vers le môme de sa démarche chaloupée. Sans prêter attention à la désapprobation et à l'inquiétude dans le regard de son sauveur du moment, elle fit tourner un peu sa ceinture pour ramener sa sacoche sur le devant. Sa main souleva le cuir montrant le coup de couteau qui l'avait éventrée sur un côté et tout le dessous, l'ouvrant comme un pain pita en attente de garniture. " Et toi. Tu me dis illico ou sont mes affaires sinon je te dessape entièrement pour les trouver. "

D'un mouvement souple qui prouvait l'habitude qu'elle avait des armes, elle arracha le couteau des mains du gamin pour le laisser tomber au sol, des fois qu'il parvienne à changer la prise pour l'enfoncer dans le poignet de l'homme qui le tenait encore. Puis, elle vint se camper tout à côté de lui, son visage furieux assez près du sien pour voir distinctement ses dents pourries et la cicatrice qu'il avait sur la tempe. " J'attends, p'tit con. Ou tu veux perdre tes dernières dents aussi ? " Bordel... Minable au point de trembler en plus. Il n'arrivait même pas a articuler plus d'une syllabe ou deux, ses yeux suppliants toujours sur le mur qui l'avait arrêté. Il ne fallut pas plus d'une seconde de silence pour qu'elle craque.

- Comme tu veux. " Son bras gauche - couturé de larges cicatrices qui s'enroulaient sur son membre comme un filet de pêche grossier de l'épaule au poignet - passa autour de sa taille pour le palper jusqu'au menton. Il portait une tunique ample rentrée dans son pantalon en patchwork, mais un éclat mauvais illumina les iris rouge et or de l'eldéenne lorsqu'elle tomba sur une boursoufflure au niveau de sa hanche droite, un peu en arrière.

Le garçon entre elle et le géant, elle choppa l'arrière de son col et le déchira d'un coup sec pour passer la main le long de son dos et en tirer une bourse de tissus grossier, une de cuir usé et un fin carnet de cuir noir. Gardant les deux bourses sans y prêter grande attention, elle se concentra sur le carnet qu'elle ouvrit immédiatement à la dernière page. Son visage se renfrogna et elle laissa tomber les trois objets à terre, posant le pied dessus pour recommencer à fouiller l'intérieur de la chemise du gosse des deux mains cette fois.

- Il manque un feuillet. Il est où ? "

Au fur et à mesure qu’elle s’en vient, tu rapproches un peu plus le jeune homme de toi, mais la daedhelle ne n’en fait pas le moindre cas. Se présentant – à ta grande surpruse – avec le même genre de remarque aguicheuse que tu n’aurais pu le faire dans une situation inverse, la Sombre en colère choisit en dehors de cela de présenter une attitude presque entièrement inverse à la tienne. Sans la moindre douceur, et sans la moindre considération pour ton regard atterré, elle s’appliqua à lui arracher ce que lui venait de lui dérober, cristallisant au même moment la terreur dans les yeux de l’enfant. Les balbutiements du larron se perdirent en une cacophonie de claquements de dents. Le regard plutôt que de la craindre elle se mit à te supplier toi, et alors qu’elle le fouillait, que ton front se plissait de plus belle, qu’elle semblait de plus en plus monter en colère… il vint te chercher.

Comme effrayé par le son du tissu que l’on déchire, la minuscule silhouette se blottit contre toi, et naturellement tes bras vinrent timidement l’encercler, laissant malgré tout la place à la daedhelle de faire son affaire. Sans pouvoir te faire entièrement défenseur de celui qui s’est comporté en bandit, tu n’en es pas moins abasourdi par le comportement de la Sombre. Du moins abasourdi, tu l’es sans l’être, parce que si Thaar est un autre univers, les années de guerre à la frontière de l’Anaëh t’ont bien appris ce dont est capable l’engeance d’Elda quand la frustration prend le pas. Mais la voir ainsi les deux mains plongées dans la chemise d’un pauvre gosse comme s’il fallait qu’elle lui guérisse une tumeur…

- Un peu moins de véhémence ne ferait peut-être pas de mal. d’un pas en arrière, tu vous éloignes, ton protégé et toi, d’elle Je veux bien entendre que vous vouliez récupérer ce qui vous appartient, mais ça vous pouvez le faire sans violenter un pauvre enfant. tu claques de la langue Surtout qu’au moins l’argent il en a certainement plus besoin que vous.

Tu lèves un sourcil en direction de la Sombre, avant de légèrement relâcher ton étreinte sur le voleur. Tes mains se déplacent, ta poigne reste ferme, tu te refuses à ce qu’il te pense prêt à le laisser s’en tirer. Mais tu te baisses face à lui, pour lui opposer un visage affable.

- Quant à toi, à jouer à ce jeu-là tu finiras juste par te faire tuer. sur ton visage se dessine une bienveillante sévérité Alors pour cette fois-ci, tu vas juste éviter plus de problèmes et rendre à la demoiselle ce que tu lui as pris. De toute façon, tu n’iras nulle part tant que ce ne sera pas fait, et si tu veux jouer à qui est le plus patient, j’ai tout le temps d’attendre.

L’une de tes deux paumes lâche un peu de lest, laissant comprendre à celui que tu emprisonnes que tu es prêt à libérer l’un de ses bras pour peu qu’il soit coopératif.

- Et vous de votre côté, ton regard se relève vers la Drow vous pourriez faire un geste et au moins lui laisser de quoi se racheter une tunique.

Abasourdie, elle regarde l'immense elfe - parce que c'était bien un elfe - tirer le gamin hors de sa porté.

- Hey ! Qu'est-ce que vous foutez ?!

Non mais... Il était vraiment sérieux avec son discours de chevalier servent près à sauver la veuve et l'orphelin ? Elle cligna plusieurs fois des yeux et eut un rire inattendu en écoutant ses diatribes. Arrivée au bout, elle aurait même put en être sincèrement amusée s'il ne lui manquait pas encore son précieux papier.

- Plus besoin d'argent que moi... Et que lui en file en plus... Venant d'un homme qui se balade avec un sceptre à la ceinture... C'est l'hôpital qui se fout de la charité. " remarqua-t-elle en levant un sourcil avant de reporter son attention sur le voleur.

- J-je s-sais pas de quoi elle p-parle... " souffla le jeune homme, visiblement paniqué, en regardant l'homme qui venait pourtant de lui offrir une porte de sortie.
- Vous avez peut-être tout votre temps, mais pas moi. "

L'eldéenne avança de nouveau d'un pas pour finir de déchirer la tunique d'un coup sec... Et voir tomber un papier qui était resté collé à la sueur froide qui empoissait le dos de l'adolescent. Il avait du tout simplement glissé du carnet quand il avait glissé le tout dans sa tunique. Elle le ramassa en vitesse et le déplia pour en vérifier l'état. Cela devait être peu concluant à ses yeux car elle gronda de dégoût et de frustration, décochant un coup de pied à l'arrière des genoux du coupable avant de récupérer le reste des affaires qu'elle avait laissé sur le sol.

- Merde ! C'était un souvenir sale p'tit con. "

Bien qu'elle agisse en une succession de gestes rapides, et même si la sueur avait fait bavé les nuances de gris, il était facile de voir que le papier qu'elle tenait à retrouver portait d'un côté des lignes de langue sombre élégamment tracées et de l'autre, un portrait au fusain. Un portrait de la femme furax en personne, à ceci près qu'elle souriait. Son regard étonnamment doux était souligné d'un mordillement de lèvres un brin mutin.

Elle referma la feuille en quatre, selon les marques de pliure déjà bien présentes et la glissa dans son carnet de cuir noir.

Un souffle agacé s’échappe de tes nasaux. À quoi t’attendais-tu après tout ? À une seconde T’sisra peut-être ? Entre les Drows d’Ithri’Vaan et ceux d’Elda, la différence ne pouvait finalement pas être si marquée. La folie du Linoïn restait dans leurs veines quoi qu’il arrive, et au vu de sa peau d’encre et de ses yeux de feu, le sang de celle qui te faisait face était fort. Pas comme celui de l’exilée. Non seulement les Drows d’Ithri’Vaan et d’Elda portaient le même sang, mais rien ne te disait que celle qui te faisait face n’était en réalité pas une ressortissante directe du Puy. Après tout le Puy était à Sol’Dorn, et Sol’Dorn était à Thaar. Derrière un râle d’exaspération se dissimulent les prémices d’une colère sans nom, une colère à laquelle tu ne peux pas te permettre de succomber. Pas ici et pas maintenant.

Quand la Sombre termine de déchirer la tunique de l’enfant, tes yeux se trouvent happés par elle, et l’indignation termine conquérir ton esprit. Quand le pied de l’abjecte personnage s’élance en direction de ton protégé, tu le tires vers toi, qu’il n’ait pas à subir l’entier impact du coup. Et quand dans une grommelante satisfaction l’Eldéenne semble marquer sa satisfaction, tu relâches ton emprise sur le gamin.

- Saleté de mynnark noir. tu lâches entre tes dents, à voix basse, avant de te retourner vers un gosse encore à moitié paralysé de peur Allez ! File !

Tu te relèves de toute ta hauteur, ton regard descendant un instant sur la demoiselle s’affairant à rassembler ce que tu assumes être ses effets – bien que pour l’un d’entre eux au moins, tu sois ironiquement certain qu’il s’agisse d’une vaste mascarade – et tu hésites à simplement t’en aller pour ne plus avoir à y penser.

- Joli sourire. un levé de sourcil sarcastique accompagne ta remarque J’espère qu’il a valu les gamins offerts en sacrifice.

Et en réalité si elle n’avait pas tout son temps, toi tu n’avais finalement ni la patience ni l’envie de t’exposer plus longtemps aux humeurs de cette folle-furieuse. À peine ta phrase terminée que tu reprenais la marche dans une direction inconnue. Que Thaar soit peuplée de gens infâmes ne te forçait en rien à converser avec l’un d’eux. Par contre, finalement, probablement aurais-tu dû partir avec au moins quelques écus, parce qu’après pareille péripétie, tu n’étais pas contre une boisson… mais il te faudrait attendre d’être de retour au Palais de Milynéa pour cela. S’il on t’avait dit un jour que tu aurais hâte de retrouver les Soieries…

Bon. Finalement elle avait le principal. Les noms de ses défunts compagnons et le poème de Myr'Hennis. Le soulagement était tel que la rouste en règle que méritait le voleur pour trouver la motivation de s'en sortir autrement lui paraissait secondaire. Elle allait se retourner vers le grand échalas pour lui tendre la bourse en tissus... Mais elle tomba nez à nez avec une mine à la fois accusatrice, furieuse et contenue. Elle fronça les sourcils, prête à esquiver un coup... Et ouvrit des yeux étonnés face à son commentaire, restant pétrifiée une seconde tandis qu'il tournait les talons. Il venait vraiment de... ? Alors c'était elle qu'il insultait tout à l'heure en parlant de mynnark noir ? Il sentait l'étranger par tous les pores de sa peau... Et de sa voix. Mais... C'était quand même pas...

- hé mais... Attend ! " Voyant qu'il ne s'arrêtait pas et piquée au vif, elle remonta la rue au pas de course pour suivre l'étrange apparition. " Hey ! La montagne ! Le minnark te parle ! " Son ton était plus moqueur qu'en colère et son accent eldéen ressortait en elfique comme si elle avait taillé chaque mot de la pointe d'un couteau, mais pour peu qu'un natif ait un peu l'oreille, on pouvait deviné assez facilement qu'elle avait apprit avec un Ardamiri ou un Lëandrin.

- Attrape ! "

Prenant quelques pas d'avance, elle lui lança la bourse de tissus grossier.

- Pour l'avoir arrêter tout à l'heure. Et si des gens le méritent plus que toi tu pourras leur donner comme ça... " Là, le sourire était franchement goguenard, mais elle ajouta encore avec une curiosité toute féline. " Ta réaction tout à l'heure. Tu fais parti des Anedhels qui sont venu faire des spectacles pour la Dame Blanche, n'est-ce pas ? "

De l’elfique prononcé avec le guttural accent Eldéen ou de l’idée même que qu’un elfe ait pu se résoudre à enseigner votre langue à une enfant d’Elda, tu ne sais pas ce qui t’enrage le plus. Mais tu gardes malgré tout ton calme. Tu ne peux que garder ton calme. Garder ton calme et réfléchir à la manière dont tu pourrais passer Alëandir et Ardamir à l’épuisette à la recherche du traître et de sa famille. La mauvaise surprise te ralentit le pas et l’exaspération t’attire le regard, juste à temps pour que tu constates l’arrivée droit vers toi d’un projectile dont tu n’avais que faire.

Ta grande paluche se referme sur la bourse, embêté au final qu’elle te soit revenue à toi plutôt qu’à lui. Ce n’était pas une histoire de mérite, c’était une question de besoin. Vos besoins du moment, Milynéa y pourvoyait, et de retour chez toi, ce n’était même plus une question que tu te poserais. Mais maintenant… comment décider d’à qui tu pourrais l’offrir ? Enfin… tu verrais bien quoi en faire en temps venu. En attendant, ton problème premier n’était pas là.

- Comme quoi mon accent Oliyan est moins ignoble que je ne l’aurais pensé. tu lances sur le ton de la plaisanterie Mais oui, c’est ça.

Tu continues d’avancer, incertain de ta direction immédiate, mais certain de trouver destination finale dans les Soieries. On te reprochera de te laisser aller à tes préjugés. On te dira que n’importe quel autre Thaari, Drow ou pas, aurait pu réagir de la même façon qu’elle. On te dira que tous ici sont attachés à leurs possessions. Et en te disant cela on aura raison. Dans un monde où le concept de propriété est aussi profondément ancré dans les consciences que celui-ci, n’importe qui aurait pu s’emporter face à un voleur. Malgré tout, elle… elle ne te disait rien qui vaille.

- J’imagine du coup que tu n’as pas eu l’occasion de nous voir. interrogation rhétorique C’est qu’au final on a dû plus faire parler de nous que je ne l’imaginais.

Tu lèves un sourcil en direction de l’Eldéenne, encore une fois l’air accusateur.

- Mais sinon, laisse-moi deviner. tu lèves la bourse de tissu en sa direction Ça n’a jamais été à toi.

Voilà qui t’apprendrait à naïvement croire qu’une Vaanie – en particulier une Drow – se montre le moins du monde honnête.

- Ton accent est pourri, je te rassure. Mais on voit passer toutes sortes d'étranger. Alors on a plutôt l'habitude par ici. "

Diantre... Elle savait que les elfes étaient grands et elle en avait vu son lot, mais là c'était quelque chose. S'ils s'en servaient pas pour garder les portes d'une cité millénaire, ce gars avait manqué sa vocation.

Un sourire amusé et un attitude nonchalante. Dieux... Ses anciens réflexes revenaient au galop. Pourquoi n'était-elle pas tout le temps ainsi ? Amusée, joueuse, légère. Au pire une de ses décisions causerait des centaines de milliers de morts. Qu'est-ce qu'elle pouvait en avoir à faire, hein ? ... Enfin. Pour l'heure elle préférait oublier le côté tactique que pouvait revêtir cette rencontre et laisser le bon vieux temps lui revenir dans les pattes en même temps que cette immense pelote de laine.

- Évidement qu'elle n'est pas à moi. C'est pour ça que je ne la garde pas. Il a eu la trouille, ça me suffit comme justice. " répond-elle avec la plus grande sincérité. Ce n'était pas comme si elle était dans le besoin justement.

Elle forçait le pas pour suivre les grandes enjambées du colosse. Elle aurait pu s'énerver et quelque chose en elle en avait toujours une envie folle, mais autre chose était tout simplement heureuse d'être autre chose qu'elle même. C'est vrai qu'il y avait ce décalage quand elle passait dans la basse ville. Les regards, les comportements, le naturel des gens. Il n'y avait rien de tout ça au camps Sud. Et est-ce que ça lui manquait vraiment ? C'était une question foutrement compliqué en fin de compte et elle aurait tout le temps de se la poser un autre jour. Elle préféra se lancer sur quelque chose de beaucoup plus concret, avec un sourire provoquant.

- Mais dit moi, avant que tu me sortes une autre insulte sur ma couleur de peau ou ma religion, tu as l'air pas mal remonté contre moi. C'est juste ma gueule qui te revient pas ou je t'ai fait quelque chose ? "

- « Justice. »

Un mot, rendu du tac au tac avec le poids de ta langue natale, sur un ton qui en disait bien assez. Voilà ce dont tu t’étais contenté après qu’elle t’ait fait l’exposé de sa bonne conscience. Pour le reste, tu t’étais contenté de lui rendre une version moins flegmatique de sa propre attitude. Sourire aux lèvres, avec la même nonchalance que la Sombre, tu rendais à son ingénue cruauté un sarcasme dont tu avais le secret. Et elle s’en amusait. Elle s’en amusait comme si toute sa vie elle n’avait attendu que cela. Aussi amusante qu’éreintante, tu ne trouvais pas d’autres adjectifs pour qualifier sa conduite.

- Laisse-moi réfléchir. tu mimes en grandes exagérations une intense réflexion Là d’où je viens, ça fait environ trois siècles que l’on subit les assauts de tes congénères, et pour autant que j’aie compris que la situation en Ithri’Vaan n’est pas la même qu’en Anaëh, j’ai du mal à prendre en sympathie quelqu’un qui vient de profiter d’un pauvre gosse sans défenses. tu la regardes d’un air satisfait Donc j’imagine que c’est une combinaison des deux.

Et pour toi c’était l’évidence même, mais peut-être les gens d’Ithri’Vaan ne savaient-ils pas quelles étaient les valeurs que vous défendiez en Anaëh. Du moins, après réflexion, tu en étais à peu près certain. L’Anaëh est restée assez silencieuse devant le reste de Miradelphia pour qu’assez peu de personnes ne sachent vraiment comment vous réfléchissiez. Et c’était bien dommage. Avec les douleurs qu’apporte le temps, savoir leur aurait éventuellement permis de réaliser. La vie en Anaëh est facile. Facile et agréable. Que les tristes légendes vous concernant soient remplacées par votre vérité, et ils sont assurément nombreux ceux qui auraient cherché à vivre cette vie. Peut-être assez nombreux pour que s’opèrent des changements, et qu’avec ces changements une société mortelle moins destructrice prenne forme.
Des rêves. Des espoirs sans futur. Fantasmes d’un elfe se refusant à voir la nature éphémère de ces gens comme un obstacle à la création d’une société immortelle. Fantasmes d’un elfe se refusant à penser les enfants d’Elenwë comme foncièrement destructeurs. Fantasmes d’un elfe ayant été un conseiller, un éducateur, un professeur, un commandant et un Roi. Fantasmes d’un elfe nouvellement père, convaincu qu’il suffit d’apprendre.
Sauf qu’elle ne savait pas. Elle ne connaissait que les mots.

- Et puis jusque-là, je ne crois pas avoir ne serait-ce qu’insinué quoi que ce soit sur tes dieux. ton regard s’arrache au sien pour se lancer sur la route Difficile par contre de revenir sur notre joyeuse comparaison quand le fait est que : un tu as la peau noire, et deux, tu as au moins aussi mauvais caractère qu’une femelle Myynark en début de gestation. un souffle amusé t’échappe des nasaux Bien que je te l’accorde, tu es tout de même moins bruyante.

- Un pauvre gosse qui a essayé de te planter un couteau dans la main, qui t'aurais détroussé s'il en avait eu l'occasion et qui m'avait volé le carnet dans lequel repose les noms de tous mes camarades tombés au combat. " corrigea-t-elle avec un sourire féroce. Si ça n'avait été que de l'argent, elle aurait suivit le gamin pour se payer sa tête et peut-être lui filer une raclée, mais ça aurait été plus pour passer le temps qu'autre chose. Ce qu'il avait fait là était bien moins anodin. " Mais je comprends. J'ai du mal avec les pleureurs moralisateurs qui s'offrent en servitude volontaire dans l'espoir vain de mener une vie fade et paisible à l'abri de la richesse infini de ce monde. " répondit-elle sur le ton de la conversation avec un haussement d'épaule.

Pas de doute, c'était un putain d'elfe d'Anaëh. Et pas un éveillé comme Halandarin. Non. Aucune conscience de la dangereuse réalité qui rendait le monde magnifique et rayonnant de milles couleurs. Il voyait tout en noir et blanc et s'érigeait en juge dépourvu du moindre défaut... Mais au moins la persistance de l'homme dans les insultes à moitié humoristique lui donne un bon point. Il est moins guindé que l'elfe moyen... Enfin par rapport à ce foutu Noss ou à la Dame Blanche, il avait l'air bien plus détendu.

- Je peux pas dire, je suis pas une experte en bestiole. Mais au moins c'est original. D'habitude on me donne plutôt du Fern - c'est une grosse panthère caractérielle qui vie près de la lave au Puy - ou du 'salope de noiraude' à la limite. " Elle fit un écart pour éviter un petit groupe de badaud avant de revenir au côté du grand elfe. " Je m'appelle Shaar. Dit moi. Quitte à se donner des noms d'oiseaux. Tu voudrais pas arrêter de courir et m'en dire un peu plus sur ton chez toi suffisament glorieux pour qu'on y prenne la défense des voleurs ? "

- C’est toi qui cours, pas moi !

Et il y a plus de sous-entendus dans ces quelques mots que l’on ne pourrait le croire.
Rappeler que tu es grand, c’est leur première mission, la plus évidente, mais c’est dans les raisons de cet ode à ta force que se trouvent les autres. Tu es grand. Tu es puissant. Et si tu n’es pas effrayé par elle, tu n’es pas non plus assez effrayé par un gamin avec un couteau pour te donner la peine de te servir la moindre revanche, aurait-il choisi de te détrousser plutôt qu’elle dans une désespérée tentative de vivre une vie moins misérable. Tu es grand. Tu es puissant. Et si le premier est dans ta nature, le second tu l’as construit. Et si tu l’as construit, c’est parce que l’infinie richesse de ce monde, même sans les drows pour y apporter malheur et destruction est loin d’être « fade » et « paisible ». Magnifier l’infinie richesse de ce monde est loin d’être une tâche « fade » et « paisible ». Explorer. Apprendre. Créer. Autant de combats qui contrairement aux guerres insensées valent le coup d’être menés.

- Mais moi qui croyais que tout ça Tu contractes d’abord tes pectoraux, puis tour à tour biceps et triceps de ton bras gauche, l’insolence dans les yeux suffisait à faire comprendre ce qu’il y a de glorieux chez moi ! C’est qu’il faut plus d’une belle paire de pectoraux pour que la demoiselle accepte qu’on lui fasse la morale finalement. tu ris, ralentissant finalement le pas Noruì. tu marques une pause, avant de réaliser que pour quelqu’un comme elle, comprenant l’elfique, te désigner comme « ardent » d’une main sur la poitrine pourrait porter à équivoque C’est mon nom.

Buste court. Jambes extrêmement longues. Foulées proportionnelles. Avancer à une cadence qui autorise ton accompagnatrice à ne pas presser le pas te demande de ton côté de faire un certain effort sur l’allure de tes foulées, et à faire l’effort de ralentir ton pas, tu n’en rends les expressions que plus méthodiques, plus visibles.
La manière dont tes épaules roulaient en réponse aux déplacements de ton centre de gravité.
Le léger balancement de tes hanches alors qu’une jambe cédait ta masse à l’autre.
Le transfert visible de tes fessiers à tes cuisses, et de tes cuisses à tes mollets.
La lenteur fait de ta démarche habituellement jouant avec les limites de ce que l’on pourrait appeler de la provocation quelque chose de presque sulfureux, digne de ton patronyme d’emprunt. Et peut-on vraiment dire que tu en joues, quand force d’en jouer elle t’est devenue entièrement naturelle ?

- Plus sérieusement. ta poitrine est remuée par un éclat de rire retenu De voleurs il n’y en a pas chez moi. À part les enfants à l’âge où on essaie de se faire remarquer, personne n’est en position d’en voir la nécessité. malgré ton provocant rictus, l’amour pour ton foyer fait briller ton regard Alors quand je me retrouve à Thaar et que je croise un gamin en guenilles qui se met en danger pour deux sous, j’ai tendance à compatir plus qu’autre chose. Ce n’est pas que j’y vois un geste louable, loin de là… c’est juste qu’à mon sens, rien ne sert de frapper sur quelqu’un de déjà désespéré. tu lèves un sourcil en sa direction Frapper sur quelqu’un qui a du répondant c’est déjà plus distrayant. J’aurais cru qu’au moins là-dessus elfes et drows soient capables de se mettre d’accord !

-Norui... " répéta-t-elle avec son accent à coupé au couteau une fois qu'il lui eu expliqué que son exclamation ardente n'était autre que son nom, avant de continuer, toujours en oliyan. " ça te va bien... Mais la demoiselle t'emmerde. Elle a déjà vu des pectoraux plus beaux que les tiens. Désolée. "

Et enfin, il consent à ralentir le pas, posant chaque mouvement, chaque tension musculaire, comme elle jouait des balancements de la souplesse chaloupée de ses mouvements lorsqu'elle s'amusait à provoquer les regard. L'avantage sur ce grand modèle, c'est que tout était parfaitement discernable. Aussi, elle ne se gêna pas. Tout en tenant un rythme de marche acceptable qui lui laissait un demi pas de retard sur lui, elle détaillait les formes de l'elfe qui arrivait à être plus bodybuildé qu'Aesus l'avait été en son temps. Elle ne s'en cachait pas, identifiant bien un ou deux défaut de mouvement par rapport à ce qu'aurait du produire sa silhouette. Si elle avait du lui faire une armure, elle aurait du prendre en compte un paquet de détails. A croire que ce type avait poussé son corps dans ses derniers retranchements pour obtenir cette musculature, allant au delà de son propre optimum.

- Chez nous on a un dicton sur ce que tu viens de faire... Enfin deux. Donne un lapin à celui qui a faim, tu le nourriras pour un jour. Apprend lui à chasser, tu le nourriras pour toujours. " répondit-elle distraitement en laissant couler ses yeux le long de l'articulation du genou gauche et de la cheville avant de remonter vers ses dorsaux, floutés par son simulacre de chemise. " Ce que tu voulais que je fasse, c'est de la fausse bonté. Le récompenser et le pardonner, ça ne l'aurait conduit qu'à s'enhardir bêtement. Fout lui la trouille, il se montrera plus prudent et plus malin. Si tu n'es pas là tous les jours et si tu ne fais pas l'effort de le sortir définitivement de sa merde, tu n'as rien à dire sur la façon dont les autres se comportent. Appliquer tes préceptes ici ne fera que blesser des gens sur le long terme. "

D'une main alerte, elle resserra sa ceinture de façon à être sûre que rien ne puisse passer entre le cuir et son ventre, puis glissa ses affaires dans sa tunique pour éviter de se trimbaler avec à la main. Inutile de tenter la chance de trop.

- Là ou tu vois un gamin désespérer, je vois un gamin courageux qui a décidé de faire ce qu'il faut pour survivre. S'il veut sortir du ruisseau, il va devoir garder la tête haute face à des gens autrement plus dangereux que moi. Lui faire croire qu'il peut baisser sa garde, c'est l'envoyer directement au cimetière. La sélection naturelle ça devrait te parler non ?

Son ton était égal, comme si elle expliquait quelque chose de factuel. Il aimait sa paisible patrie au moins autant qu'elle adorait voir la fureur de vivre qui façonnait le monde. Elle ne comptait pas le faire changer d'idée, mais sait-on jamais. Son sourire se fit plus félin.

- Mais méfie toi à faire des propositions indécentes. Je ne refuse jamais un corps à corps... Surtout que c'est pas banal d'entendre un elfe aussi véhément qui met autant d'effort pour ressembler à un drow. "

Ton pectoral gauche rebondit. Ton pectoral droit lui répond. Une dégoûtante fierté décore ton visage. Qu’elle ait vu des pectoraux plus beaux que les tiens, tu te permettais fortement d’en douter… mais qui étais-tu pour critiquer ses goûts ? À elle en particulier. Après tout, majorité des gens de ton propre peuple peinaient à voir la perfection de ta silhouette. Beaucoup auraient vite fait d’argumenter le gable de ta poitrine comme étant excessif et de loin. Et très honnêtement, sans aller jusqu’à le verbaliser – parce qu’il y avait tout de même des choses moins vaines à discuter – tu te demandais si ce n’était pas là son avis à elle aussi. Parce que quels que soient ses goûts… tu peines à te dire que quoi ce soit de plus volumineux encore que toi serait universellement disgrâcieux. Pour autant, même si ton intervention suivante touche à un tout autre sujet. Avant que tes pensées n’aient été rendues au jeune garçon, tes yeux n’en dirent pas moins.

Tes yeux, coupant à travers leur naturelle froideur furent tout autant expressifs lorsqu’il s’agit de recevoir le commentaire de la daedhelle sur son altercation. Et tu lu lui accorderas, il est valide. L’Ithri’Vaan n’est pas ton monde. L’Ithri’Vaan est d’une incroyable cruauté. Effectivement, faire espérer à quiconque pouvoir attendre de la cruelle gente Vaanie qu’elle se montre un peu plus douce était en soi cruel. Sauf que tu n’étais pas un Vaani.

- Qu’il soit courageux ne rend pas sa situation moins désespérée. tu soupires Mais quitte à parler de sélection naturelle… les charognards, les prédateurs repus les ignorent. Si le charognard devient incapable de reconnaître un chasseur vorace parce qu’un prédateur repus l’aura laissé tranquille, le cimetière il le mérite. tu lèves un sourcil Tout ça pour dire qu’il aurait été bien bête de penser pouvoir baisser sa garde juste parce qu’il a eu la chance de me croiser moi. Quelques minutes de soulagement dans un vie ce n’est pas plus mal.

Tu laisses passer quelques instants de flottement, laissant tes propos s’appesantir, mais guettant les lèvres de ton interlocutrice, de manière à t’assurer qu’elle ne reprenne pas tout de suite la parole. En peu de mots elle en avait beaucoup dit, et à ces mots au moins, tu devais de répondre. La perspective d’une véritable Eldéenne sur tes avis risquait bien d’être on ne peut plus intéressante.

- Mais ça ne devrait pas t’étonner que je pense comme ça. Après tout, avant de soudainement devenir véhément, je ne désirais que mener une vie fade et paisible à l’abri de la richesse infinie de ce monde non ? une moue satisfaite s’affiche sur ton visage Pour le coup d’ailleurs, je ne suis pas non plus le plus grand amateur de corps à corps. J’aime beaucoup les duels, et je ne me débrouille pas mal du tout avec un bâton tu jettes un coup d’œil discret à ton focaliseur mais je ne suis pas un grand lutteur. Avoir tout la force du monde ne sert pas à grand-chose face à quelqu’un capable de l’utiliser contre vous. J’ai affronté assez de camarades pesant la moitié de mon poids pour avoir retenu la leçon. un éclat de rire te prend, puis tes yeux glissent le long de ta propre silhouette, rampent au sol jusqu’à Shaar, détaillent la sienne avant de finalement s’accrocher à son regard, froids comme les glaciers de Daranovar Et ne t’y méprends pas, j’aime beaucoup mon apparence, mais je ne l’ai pas choisie. tu marques une courte pause Du moins, pas entièrement. tu soupires Ce n’est pas moi qui ressemble à un drow, ce sont juste les drows qui ont oublié qu’ils sont eux aussi des elfes. tu déclares, la voix égale J’ai grandi vite, j’ai commencé tôt et j’ai terminé tard. Je n’ai pas eu grand effort à faire pour me ressembler au final. C'est juste que j'ai… ton regard se perd un instant autour des lacets de tes collants puis remonte, en même temps que tu étouffes un gloussement presque gêné. Souvenirs de la folie d'une princesse … vécu une puberté extrêmement généreuse, et que je me suis retrouvé obligé de lui obéir si je ne voulais pas souffrir.

Ton dos. Les souvenirs de tes premières douleurs articulaires sont encore extrêmement vifs dans ta mémoire. Au départ tu ne souhaitais que voir tout ça s’arrêter. Au départ tu aurais voulu ne jamais grandir. Tu te sentais mal d’avoir le regard au-dessus des autres, et les autres te le rendaient bien, parce que les enfants, elfes ou pas, sont incroyablement cruels, et qu’aucun ne comprenait vraiment la douleur physique venant avec ta condition. Et puis l’armée t’a sauvé. L’armée t’a forcé à passer outre la douleur pour finalement lentement l’effacer. Et l’armée, quand tes épaules ont commencé à s’ouvrir, que tes membres ont commencé à forcir, et ta poitrine à se bomber, t’a offert un moyen d’utiliser cette force peu commune pour servir.

Une  fois que j’ai arrêté de souffrir, je me suis rendu compte que je pouvais transformer ma condition en une bénédiction. Et maintenant, voilà à quoi je ressemble. À un elfe un peu particulier, mais à un elfe..

Et s’il fallait parler détail anatomique, et bien pour ce que tu en savais, la silhouette générale daedhelle mâle restait un peu plus « pleine » que la tienne… à moins que l’Elda n’ait décidé de jalousement dissimuler tous ses enfants à la taille aussi fine que la tienne, de peur de ne pas paraître assez éloignée de la race dont elle descend.