C'est bien plus beau lorsque c'est inutile ! | Krish

Été - Quatrième jour de la troisième ennéade de Karfias
17e année du XIe Cycle
De bon matin

Myr’Hennis donna le dernier coup de burin nécessaire pour achever son œuvre. Un travail de longue haleine enfin terminé. En réalité ce n’était pas vraiment la confection qui avait été longue mais plutôt la préparation. D’abord il avait fallu trouver l’idée puis la raffiner. Cela dit le plus long fut surtout d’apprendre quelques principes qui ne faisaient pas partis de son champ de compétence ; alors certes il aurait pu demander de l’aide à des experts mais ça n’aurait plus été son chef d’œuvre s’il l’avait fait ce qui était, évidemment, hors de question. Surtout que l’occasion était bien trop importante pour qu’il demande de l’aide à qui que ce soit. Demander de l’aide à un géomancien aurait aussi pu l’aider considérablement mais il ne s’était jamais abaissé à ça alors il ne comptait pas s’y mettre maintenant. Que ce soit un triomphe ou un échec, ce serait le sien et rien que le sien. Surtout pas maintenant. Il fit un pas en arrière, regarda sa œuvre avec un air satisfait puis il descendit de l’œuvre en question avec une infinité de précautions ; c’eut été dommage de casser quoi que ce soit alors qu’elle était terminée.

Il passa près de trois heures à nettoyer dans les moindres replies son chef d’œuvre pour en chasser la poussière des diverses pierres de taille qui avait servit à sa confection, au passage ça permettait de s’assurer que la peinture était bel et bien sèche. Ensuite il rentra au palais de sa future épouse pour aller se prélasser dans de l’eau brûlante, content que tout était enfin prêt. Puis c’est en soupirant d’aise qu’un dernier détail auquel il n’avait pas pensé vint le frapper de plein fouet. Ses yeux s’agrandirent et il dût lutter contre l’idée impérieuse de fermer les yeux et de se masser les paupières en poussant un long soupir. Alors il sortit de l’eau en trombe, se fit sécher puis habiller par des esclaves avant de partir du palais de Krish pour aller vérifier que son œuvre étai transportable et qu’il n’était pas aussi stupide qu’il le pensait.

En arrivant dans l’atelier où se trouvait son œuvre, attendant patiemment d’être découverte, il se rendit vite compte que pour la transporter il faudrait faire abattre un mur. Bon ce n’est pas bien grave… se disait Myr’Hennis en contemplant l’idée qui se faisait de plus en plus alléchante au fur et à mesure qu’il y réfléchissait. Il fallait dire qu’il était un client particulièrement assidu et puis il payait toujours à temps alors après toutes ces années, pas loin de trois générations de tenanciers tout de même, ils pourraient bien faire ça pour lui. Mais ça il verrait plus tard.

En rentrant au palais il décida qu’après avoir attendu tout ce temps il pouvait bien attendre une nuit de plus alors il alla rejoindre sa chère et tendre dans leur lit, la forcer à sortir dudit lit aurait été malvenue à cette heure-là ; même s’il avait hâte qu’elle pose les yeux sur ce qu’il avait fait à quoi bon tout gâcher en voulant hâter les choses ?

Le lendemain, pour une fois, il fut le premier des deux à se réveiller. Ce qui n’était pas vraiment un exploit en réalité car il n’avait que très peu dormis, bien trop excité qu’il était, rien n’avait pu le fatiguer, il semblait avoir une source d’énergie inépuisable, comme si le cœur du Vatna avait remplacé le sien. Ce qui fit d’ailleurs sourire Myr’Hennis alors qu’il enfilait le manteau qui était censée représenter sa fonction ; vu qu’il était fait pour symboliser le Puy et ses habitants, quoi de plus normal que la personne qui le porte en ait le cœur ardent ? C’est donc un Grand Architecte dans sa plus belle tenue d’apparat, il avait mis plusieurs heures à se préparer, qui vint réveiller la triumvir au palais dormant car c’était aujourd’hui le grand jour et malgré l’heure matinale il ne tenait plus en place. En arrivant devant la porte de leur chambre il toque avec son annulaire couvert de la griffe offerte il y a peu par sa chère et tendre avant de délicatement pousser la porte, laissant une lumière diffuse s’introduire dans la pièce. Il avança jusqu’au lit pour s’asseoir aux côtés de Krish et il lui caressa la joue de sa main nue.

« Mon amour… j’espère que tu n’avais rien de prévu aujourd’hui car ton cadeau est prêt. »

Dans un sommeil en demi teinte, Krish avait sentit Myr'Hennis se tourner et se retourner durant les quelques heures où il avait tenté de dormir. Tout naturellement, elle s'était collé à lui, cherchant sa main pour y lover la sienne mais elle avait l'impression diffuse que ce n'était pas particulièrement utile. Si bien qu'elle n'avait sombré dans un sommeil suffisamment profond pour laisser la cohabitation avec ce Soleil intérieur remonté à sa conscience, que lorsqu’il s'était levé. Elle avait bien ouvert un œil en se disant qu'elle devait lui demander ce qui n'allait pas, mais était retombée aussi sec sur ses oreillers, happée par l'immensité du matelas, les draps de soie et le silence de son palais.

Entièrement détendue, elle enlaçait d'un bras son épais oreiller de plume comme s'il s'agissait de quelqu'un de précieux. Le bruit de la porte avait fait frémir son oreille. A travers sa crinière blanche, la pointe noire s'était dressée comme celle d'un chat sur le qui-vive. Mais elle n'avait pas bougée. Ce n'était qu'au contact et à la voix de son amant qu'elle avait finalement consentit à ouvrir un œil.

Elle gronda un sourire en se redressant sur les coudes.

- Je vais demander à Wik d'annuler tous mes rendez-vous et de se débrouiller avec le conseil." marmonna-t-elle alors que Myr'Hennis savait comme elle qu'elle n'avant en effet rien de particulièrement prévu. " Tu es plus important. "

Elle étouffa un bâillement de la main et l’accoutrement de l'Architecte lui sauta enfin aux yeux. Elle cligna deux fois pour bien s'assurer qu'elle était bien en train de voir ce qu'elle voyait et passa une main respectueuse sur le revers.

- Tu es très élégant...  Je suppose qu'il faut que je me montre à la hauteur pour que tu n'ai pas à avoir honte d'être vu en ma compagnie aujourd'hui ? " La question aurait pu être caustique la connaissant, mais elle était parfaitement sincère. Tout en s'asseyant, nue, sur le bord du lit, elle réfléchissait déjà à ce qu'elle devrait porté pour être à la hauteur de son sémillant compagnon.

Ça faisait toujours plaisir à entendre et c’était encore mieux lorsque c’était dit avec sincérité ainsi un sourire vint relever les lèvres de Myr’Hennis et il caressa une fois de plus de son pouce la joue de sa future épouse avant de finalement retirer sa main. Son bâillement fit élargir le sourire de l’architecte qui sentit qu’il aurait présenté ses excuses pour l’avoir réveiller aussi tôt mais sa patience était arrivée à bout et il n’aurait pas tenu une matinée de plus. C’était à peine s’il avait réussi à ne pas en parler à Krish pendant qu’il terminait les finitions alors maintenant que c’était terminé… mais il se rendit compte que désormais l’attente lui pesait davantage car il devait se contenir de ne pas la prendre par la main et l’emporter directement vers l’atelier pour lui montrer son chef d’œuvre finalement terminé.

« Rassures-toi, normalement il n’y aura que nous deux. Pas de vieux jardinier ni de garde rustre… et encore moins de jeune humain pour nous interrompre. »

Il se releva ensuite pour aller appeler des esclaves afin qu’ils apportent diverses tenues à leur maîtresse, qu’elle ait le choix, l’embarras du choix même. Durant les quelques heures qu’il avait pris pour se préparer il avait aussi pris soin de demander à ce que les gens de Krish préparent également de quoi accélérer la préparation de cette dernière car toutes minutes gagnées était ça de moins à attendre pour lui. Après avoir donné l’ordre, du moins le signal, il retourna vers le lit.

« J’ai pris la liberté de sélectionner quelques tenues pour toi, ça devrait arriver sous peu. Normalement. » Il se retourna ensuite vers la porte, lâchant un claquement de langue impatient en voyant que les esclaves n’étaient toujours pas arrivés. « J’espère que tu me pardonnera car il se trouve que j’ai repris un ou deux point de ton programme. » Un sourire en coin passa sur ses lèvres

Elle le regarda faire un allé-retour, profitant du temps mort pour s'étirer comme un chat, faisant montre de sa souplesse tandis que ses articulations claquaient les unes après les autres. La nouvelle faisait son petit chemin dans son esprit. Son présent... Il avait donc fini... ça valait le coup de marquer l'occasion !

Voyant que les esclaves tardait, elle attrapa son peignoir de soie rouge et entraina son compagnon dans son sillage, histoire qu'il attende à la porte de la salle d'eau s'il ne voulait pas tremper son si riche manteau. D'ailleurs elle trouva la pièce parfaitement prête. Visiblement le palais n'attendait qu'une chose : son éveil. Ce matin plus que tout autre.

- Ça dépend. Quels points as-tu repris ? " lança-t-elle, toujours aussi curieuse en procédant à une rapide toilette.

Quelques minutes plus tard, peu après que les esclaves soient arrivé avec trois jeux de tenues complets, Krish ressortit de là, encore luisante d'eau, pour désigner la robe qui aurait sa préférence. Une main secourable la sécha, pendant d'une autre s'occupait de sa crinière blanche. Heureusement, le choix de Myr'Hennis s'était porté sur des vêtements moins complexes à ajuster que les siens. Une robe simple et collante au dos nu accroché sur la nuque et au décolleté avantageux, d'un rouge sang soutenu. Par dessus, une sur-robe ample tout en dégradé de blanc à rose pâle suivait suggestivement ses courbes, ajustée par une large ceinture. La soie fluide s’accrochait ça et là en dentelle arachnéenne et coulait le long de ses bras en soulignant sa poitrine dans un faux air de simplicité et de nonchalance. Chaque plis et chaque drapé fut ajusté avec célérité par les esclaves, de façon à ne pas perdre une seconde, et un simple peigne de grenat fut ajouté à l'arrière de sa tête pour retenir les mèches qui encadraient son visage, révélant au passage son oreille écourtée.

Un sourire d'anticipation amusé sur le visage, elle attrapa la main de Myr'Hennis dans les siennes.

- Prête ! "

Image non contractuelle de la robe:

En effet il était resté à la porte, s’appuyant contre la chambranle de la porte il la regardait se préparer avec un sourire. Il aurait bien proposé son aide mais il ne voulait pas ruiner ses habits, ou sa coiffure d’ailleurs, à cause de l’humidité alors il prit grand soin de ne pas rentrer.

« Faire sauvagement l’amour. Principalement. »

Une fois qu’elle fut sortie de la salle de bain il attrapa un peigne des mains d’un esclave et s’occupa personnellement de la chevelure de sa future épouse, après avoir démêlée ses cheveux, la nuit n’ayant pas été clémente, il les sécha vigoureusement avant de tendre serviette et peigne à l’esclave qui aurait dû s’en occuper et qui était resté à côté. Il fit un pas de côté pour laisser la place à la personne qui allait coiffer Krish pour finalement retourner face à elle et observer la robe qu’elle avait choisie. Ses yeux descendirent, s’arrêtant pendant une seconde complète sur le décolleté tant mis en valeur, il détailla la silhouette de son amante avec un sourire et un hochement de tête appréciateur.

« Je vois ça. Dans ce cas ne perdons pas davantage de temps. »

En réalité ils n’en avaient pas perdus, Myr’Hennis fut même étonné que ça ne prit pas plus de temps. Positivement étonné mais étonné tout de même. L’architecte traversa le palais jusqu’aux écuries où deux chevaux les attendaient. Celui qui était destiné à Krish était déjà prêt et heureusement car il n’osait imaginer le temps nécessaire pour mettre en place l’harnachement de l’animal qui allait servir de montureà sa chère et tendre.

« Je me suis dit que faire un seul cadeau n’aurait pas été suffisant. »

L’animal était un destrier assez impressionnant, Myr’Hennis avait prit le plus gros et, malheureusement, le plus gros était aussi le plus caractériel, mais il ne doutait pas que sa compagne réussirait à le dompter. L’étalon était recouvert par diverses couches d’armure ouvragées qui avaient dû coûter autant, si ce n’est plus, que l’animal lui-même. L’armure protégeant l’avant de l’animal était faite d’acier recouverte de feuille d’or et avait réellement pour but de protéger l’animal et le cavalier là où l’arrière avait été conçu comme une armure d’apparat, l’esthétisme primant largement sur la protection apportée ; ce n’était donc plus de l’acier mais bel et bien de l’or travaillé.

Le chanfrein avait la particularité d’être orné de deux cornes de Myynark. Autre détail notable, les yeux étaient recouverts d’une lentille de verre colorées opaques, de toute façon le cheval était aveugle, donnant à son regard une couleur qui n’était pas naturel et qui avait l’étrange propriété de faire naître un certain malaise chez quiconque les regardaient trop longtemps, lui donnant au passage un air surnaturel. Le barde d’encolure était formé de plaques composées de lamelles articulées, la plaque du haut possédait une petite ouverture pour laisser passer la crinière, assurant au passage que cette dernière soit toujours rassemblée. La plaque du haut avait aussi, de chaque côté, se trouvait des lamelles rigide de métal formant une sorte de coupe qui permettaient au cavalier d’y mettre les bras et tout au fond ledit cavalier trouverait des accroches pour se maintenir en place ; si nécessaire, le cavalier pouvait plonger contre l’encolure de l’animal et protéger ses bras, la base des cornes devant être assez solidement fixées et épaisses pour dévier les projectiles comme des flèches. Le plastron n’était qu’une seule plaque dont le centre était agrémenté d’une pointe et qui faisait la jonction entre les protections des pattes et celles protégeant l’intérieur de son cou. Le barde de croupe était la partie la plus ouvragée, la partie la plus fragile, et celle qui exposait le plus la chair de l’animal mais c’était aussi la partie la plus belle vu qu’il n’y était pas question de protection.

image plus ou moins contractuelle de l'animal:

« Ne t’inquiète pas, la selle est détachable du reste de… » il chercha un instant le mot qu’avait employé le marchand avant d’abandonner. « L’armure. »

En montant en selle, si l’œil de Krish était attiré par le pommeau de ladite selle, elle pourrait lire, gravé dans le rubis qu’était ledit pommeau :

Dossta, nin lueth mal'rak.
Tiens, maintenant et à jamais.

- Pour ce point précis, ça va, je te pardonne. " avait-elle lancé des profondeurs du bain d'eau brulante, amusée au plus haut point.

Les doigts précautionneux de l'architecte étaient décidément aussi agréable que son regard sur elle. Dans le miroir, elle lui avait lancé un regard langoureux mais n'avait ni bougé ni prononcé le moindre mot. La façon dont il détailla la tenue était au moins satisfaisante. Et heureusement d'ailleurs parce que dans le cas contraires les choses auraient pu être terrible. Après toute l'attente qu'il lui avait fait subir, il était hors de question de sortir de ce palais au bras de Myr'Hennis sans qu'il n'ai au moins été tétanisé ou choqué par ce qu'elle portait. Elle n'aurait donc eu aucun scrupule à se changer autant de fois que nécessaire.

Mais à la place, ils purent se rendre jusqu'aux écuries... Où elle se retrouva face à un monstre d'or et d'acier... Qu'elle mis quelques secondes à identifier comme un cheval et non un golem.

- Ha ! On dirait un golem ! " s'exclama-t-elle en commençant à en aire le tour à distance respectable, avant de s'approcher pour palper le travail d'orfèvre.  " Il a un nom ? " Elle ne pensait pas pouvoir avec cheval plus fringant que Trill, mais là ou l'étalon était taillé pour la rapidité - et surtout pour la frime - celui-ci était un véritable destrier... Et la barde était faite pour protéger tout de même un peu, en plus de transformer l'animal en une véritable bête de cauchemar. Son sourire ne cessait de s'élargir et elle faisait sans cesse un commentaire enthousiaste de plus tout en se moquant d'elle-même et de la propension qu'elle avait de radoter comme une grand mère sur le thème " De mon temps j'en ai fait des pas mal aussi, mais j'avoue que telle et telle partie sont particulièrement bien réalisées. " avec une excitation toute enfantine. La seule chose qui la dissuada de faire une revue totale et exhaustive de l’œuvre en question fut l'impatience qu'elle devinait chez Myr'Hennis.

De toute façon, plus que les détails de la barde, c'était bien le sous-entendu qui la touchait. Malgré la haine qu'il avait pour les militaire et le répulsion sûrement chronique qu'il éprouvait à lui offrir une arme, ce cheval caparaçonné était fait pour la guerre. C'était un bouclier vivant, certes, mais c'était un geste qu'elle appréciait. Il acceptait même ce qui lui déplaisait en elle...

- Avec une monture pareille, je ne pourrais qu'être prudente. Merci. "

Après un baiser enthousiaste, et avec un petit coup de main, elle enfourcha la bête, prenant garde à répartir les voiles de sa robe de manière à ce qu'ils ne se prennent pas dans l'amoncellement de métal. La selle était plutôt confortable et de nouveaux détails lui apparaissaient à présent. Dont la pierre rouge enchâssée dans le pommeau... Une pierre à la dureté intemporelle qui était pourtant gravé avec minutie. Son pouce suivit pour la première fois les quelques mots qui reposaient là. Son enthousiasme retomba un peu et son sourire se fit plus doux. Lorsqu'elle remonta le nez, leurs regards se croisèrent avec connivence. L'un des coins de ses lèvres n'arrivait pas à redescendre, même en y mettant du sien.

Il avait eu un doute quant à la docilité de l’animal lorsque ce dernier gratta le sol d’un sabot mécontent en voyant l’eldéenne marcher vers lui mais finalement c’est avec un certain soulagement que Myr’Hennis vit l’étalon se laisser approcher sans se montrer violent. L’architecte observa ensuite les réactions de sa moitié avec un sourire satisfait de l’effet produit par le cadeau, riant lorsqu’elle parlait de ses créations.

« Je n’en doute pas, mon amour. »

Et pour le coup c’était honnête, il n’en doutait effectivement pas, et comment aurait-il pu, lui qui avait pu voir des créations de Krish ? Il aurait bien répondu à sa question, car le destrier avait effectivement un nom, mais à quoi bon l’arrêter dans sa contemplation ? Ce qu’il avait dit quelques instants auparavant il supposait qu’elle ne l’avait pas entendu, ç’avait été dit presque à voix basse, comme s’il pensait à voix haute. Alors lorsque la triumvir daigna se tourner vers son compagnon, ce dernier, son sourire toujours accroché aux lèvres, accepta le remercîment d’un hochement de tête modeste avant d’enfin lui répondre.

« J’espère bien, tu me l’a promis. Sinon son nom d’origine était bien trop long et n’avait pas vraiment de sens alors j’ai pris la liberté de le renommer ; ta nouvelle monture s’appelle désormais Yorn. Ça lui va mieux, du moins je trouve. »

Les présentations faites, Myr’Hennis monta en selle, son cheval à lui n’avait rien d’extraordinaire et de toute façon ce n’était pas le but, aujourd’hui il laissait volontiers sa place sous le regard de tous à sa future épouse, il était donc hors de question qu’il ait un cheval plus beau. Toutefois il avait passé du temps sur sa tenue car, s’il ne voulait pas éclipser sa chère et tendre, il ne voulait pas lui faire honte non plus. Les pieds fermement placés dans les étriers, droit sur sa selle, le cavalier ne partit pas tout de suite, il avait tourné la tête pour observer à nouveau Krish pour voir si elle se trouvait à son aise sur cette nouvelle selle et pour voir sa réaction lorsqu’elle lirait les mots qu’il avait fait graver dans le pommeau. Il lui rendit son sourire.

« Prête pour le vrai cadeau? »

Sa question rhétorique posée il donna un coup dans les flancs de sa monture pour la faire avancer. Après une courte chevauchée dans les rues de Thaar, qui fut plus courte que prévu en réalité car généralement les gens se poussaient sur leurs passage, si ce n’était parce qu’ils avaient l’air important c’était sûrement le destrier et son armure encombrante qui forçait les gens à se ranger sur le côté. De toute façon l’atelier n’était pas bien loin. L’atelier en question se trouvait être une boutique attenante à un énorme entrepôt, une fois devant Myr’Hennis mit pied à terre.

« Nous y sommes. » Sa voix n’était pas tout à fait contrôlée et il déglutit le plus discrètement possible avant de pousser la grosse porte de bois renforcée d’acier.

L’impatience avait laissé place à l’appréhension alors que dans sa tête se mettaient à tournoyer tout ce qui pourrait déplaire et chaque secondes la liste ne faisait que s’agrandir. Un jeune humain attendait, l’air nerveux, derrière un comptoir poussiéreux, son plus gros client l’avait prévenu qu’il comptait amener quelqu’un aujourd’hui et lorsque le marchand avait demandé de qui il s’agissait Myr’Hennis avait répondu sincèrement comme si de rien n’était. Alors le jeune homme sortit de derrière son comptoir et après moultes courbettes souhaita la bienvenue à Krish sous le regard noir de l’architecte. Puis il entreprit d’expliquer qu’il avait fait ce qu’il avait pu pour que la boutique soit dans un état convenable et que d’ordinaire ce n’était pas comme ça mais que sans doute elle savait ce que c’était et que…

« Ça ira Jalaab. » Interrompit-il l’humain d’un ton cassant. « Contentes-toi de t’occuper des chevaux. » Il haucha rapidement la tête avant de sortir pour s’occuper de leurs montures. « Bon, enfin seuls... » Myr’Hennis se tourna vers Krish et l’embrassa du bout des lèvres avec un sourire joueur. « Concernant le point de ton programme que je t’ai volé sans vergogne... » Il lui attrapa la main et l’entraîna derrière le comptoir puis il posa la main sur la poignée d’une autre porte qui n’était pas visible depuis l’entrée, cachée à la vue du public par une grosse armoire. « Avant de t’offrir ton cadeau je dois te prévenir d’une chose : il n’est pas techniquement fini mais pour arriver à sa fin je devrais attendre des années, peut-être des siècles et je… » il resta silencieux pendant quelques secondes avant de prendre une grande inspiration pour débloquer les mots qui restaient coincés dans sa gorge alors il se décida à le dire le plus vite possible de peur de ne pas pouvoir. « Je ne veux pas prendre le risqué d’être incapable de le terminer parce qu’Uriz t’aura rappelé à ses côtés. »

Visiblement, la promesse du jeune humain qui ne dérangerait pas n'était pas encore tout à fait gagnée. Curieuse comme un chat, Krish ne prêtait toute fois qu'une attention très discutable au vermisseau qui rampait à terre, hochant la tête sans vraiment prendre garde à ce qu'il disait tout en laissant son regard courir dans tous les coins, faisant quelques pas de ci, de là pour tenter de savoir où qui quoi quand comment. Après une première inspection, elle jeta un regard interrogatif à l'artiste qui congédia de suite l'éphémère du comptoir et l'attira vers le seuil de son sanctuaire.

- Ce point précis est toujours un plaisir, mais là ton cadeau m'intrigue bien plus. " plaisanta-t-elle.

Puis, les quelques mots de Myr'Hennis la poussèrent à tempérer son amusement. Avec douceur, elle posa la main sur sa joue et se hissa sur la pointe des pieds pour l'embrasser sur les lèvres. Elle ne lui ferait pas l'affront de lui certifier qu'elle serait toujours là dans des années ou des siècles, même si elle l'espérait bien. Le cheval de guerre, et maintenant ça... Dieux. Et elle qui se demandait s'il avait bien conscience de ce pourquoi il avait signé en tombant amoureux de la Prime Flamme. Le fait qu'elle minimise ou préfère prendre ça à la légère ne l'avait pas poussé lui, à oublier la réalité.

- Si un œil aussi critique que le tien ose dire que ton cadeau est présentable, même s'il n'est pas techniquement fini, je suis certaine qu'il sera magnifique.

Les mots étaient destinés à l’œuvre, mais leur ton lui était destiné à lui. Elle était avec lui aujourd'hui et elle le serait aussi longtemps qu'on le lui permettrait.

- Montre-moi ça, que je sache à côté de quoi j'ai failli passer avec mes caprices.

A la réponse de Krish il se permit de douter que c’était bien le cas étant donné que le partie du programme à laquelle il faisait allusion était le petit discours malaisant qui précédait le cadeau. En soit elle ne pouvait pas vraiment le deviner étant donné qu’il avait volontairement fait planer le doute. Toutefois que le cadeau l’intriguait plus, ça, il voulait bien le croire.

Il écouta attentivement, buvant ses paroles qui le réconfortèrent un peu, et même s’il appréhendait toujours la réaction de sa compagne il hocha lentement la tête avant de pousser la porte. Derrière celle-ci se trouvait l’entrepôt attenant, d’une fort belle taille, après tout il servait à stocker de la pierre de taille, l’endroit était presque plein. En entrant le couple fut accueilli par une haie d’honneur de statues, elles représentaient, à taille réelle, les hauts-prêtres du Puy et derrière ceux-là se trouvaient les divinités qu’ils servaient, deux fois plus grandes que leurs serviteurs. Au bout de cette haie d’honneur se trouvait une statue de Krish flanquée de celle d’Uriz. Myr’Hennis prit la main de la Krish de chair et d’os et marcha avec elle le long de ce petit couloir dans un silence de plomb. Une fois devant le Père de pierre il lâcha la main de sa future épouse et se tourna vers elle.

« On se retrouve de l’autre côté. » Murmura-t-il en passant à gauche de la statue de la Prime Flamme en titre, et à gauche de Teiweon.

Krish, quant à elle, devait passer à droite d’Uriz, et à droite d’Isten, pour arriver devant un énorme bloc de marbre qui était plus grand qu’elle et en réalité pas loin d’être plus grand que l’architecte. Toutefois devant eux avait été taillé une volée de marche mais avant de les gravir Myr’Hennis tendit la main à sa compagne pour qu’ils les montent ensemble.

Une fois en haut, en réalité c’était visible depuis environ la moitié des escaliers, se dévoilait une carte gigantesque de Miradelphia. En haut des escaliers ils se trouvaient juste devant le Puy. Le volcan était grand, suffisamment grand pour tenir, en son sein, une statue de Myr’Hennis et Krish assit dos à dos sur un banc en forme de croix qui faisait la même taille que l’original. Krish était faite en marbre noire et Myr’Hennis avait utilisé du marbre rouge pour les yeux, il avait gommé les impurtés de la pierre pour qu’il n’en reste que des points qu’il avait ensuite couvert d’or ; ce n’était en réalité qu’une seule et même statue car le tout était fait d’un seul bloc, il n’y avait pas de séparation au niveau du dos et le tout était porté par le banc, les jambes faisaient la jonction avec le Vatna lui-même.

L’architecte avait passé beaucoup de temps à détailler la carte, les marais de Faélia qui encerclaient le Puy étaient peints directement sur la pierre et les trous d’eau étaient visibles, il n’y avait qu’à passer le doigt dessus pour sentir le relief, le nom des marais était gravé directement dans la pierre ; idem pour les terres stériles et les villes mineures d’Itri’Vaan qui n’étaient qu’une ligne délimitant ladite cité qui n’était pas peinte, laissant apparaitre le blanc du marbre en dessous. Les forêts n’étaient pas simplement peintes, elles étaient constitués d’arbres miniatures que Myr’Hennis avait mis un temps fou à faire, il en allait de même pour les montagnes et autres reliefs du genre, tout prenait forme dans la pierre. Mais si les villes d’Itri’Vaan n’étaient que des lignes et un nom gravé dans la pierre ce n’était pas le cas de Thaar qui, à l’instar du Puy pouvait se targuer d’avoir une statue, là où se serait trouvé le Joyau. La statue, encore une fois représentait le couple et était faite dans un seul et même bloc, les représentait dansant. D’ailleurs le palais d’où cette scène était prise apparaissait dans la Thaar miniature, plus gros que ce qu’il aurait dû être.

Sol’Dorn aussi avait été prévue pour recevoir une statue ainsi que toute les autres grandes villes de Miradelphia.

« Tu peux marcher dessus... à condition de faire un peu attention. »

Désormais Myr'Hennis retenait son souffle et attendait la réaction de sa future épouse.

L'allée de statue était déjà... magistrale. Chaque étude était faite avec précision et les dieux représentés dans la plus pure forme de l'art, une ode à leur gloire et à leur puissance sous les traits de créatures ou de drows aux membres multiples. Chaque pièce aurait pu figurer dans le Haut-Temple de la divinité associée, mais les voir toutes rassemblées était encore plus incroyable. Chacune d'elle pouvait représenter des mois de travail pour un sculpteur professionnel. C'était... écrasant de puissance. Et il était hors de question qu'on les sépare.

- C'est toi qui a fait tout ça ? " demanda-t-elle, doutant tout de même un peu. Les œuvres étaient magnifiques mais une patte, ça s'imite. Que ce soit lui ou pas, les statues étaient magnifiques... Mais s'il n'en était pas l'auteur et qu'il les avait laissées là, elle soupçonnait qu'il devait être a l'origine d'une chose qui éclipserait chacune de ces création sans l'ombre d'un doute. Et s'il en était l'auteur... Par les dieux mais quand avait-il trouvé le temps et que pouvait-il bien préparer pour ne pas s'être planté au milieu de l'allée en hurlant 'Tadaaaaaa' ?!

Se voir ainsi, surplomber par la silhouette magnifique et terrifiante du Père lui faisait déjà un drôle d'effet. C'était impressionnant. Pas désagréable mais quelque chose la mettait tout de même mal à l'aise, quelque chose de diffus. Elle déglutit, mais déjà Myr'Hennis l'enjoignait à passer derrière, lui faisant retrouver un sourire d’anticipation.

Un sourire joueur et un regard fugace, elle se glissait de son côté de l'imposante statue, sa robe de soie émettant un chuintement frais en glissant sur une proéminence de la pierre. Ses doigts calleux suivirent les courbes de l'oeuvre, son pas tranquille lui laissant le temps de regarder tout autour. Il lui semblait ne pas avoir assez d'yeux pour tout voir... Il avait fallut qu'elle soit désignée par le Père et qu'elle ait du abandonné le marteau pour l'épée pour rencontrer un artiste pareil... Elle était faite pour créer et pour magnifier. Elle admirait le talent tremper à la flamme plus que la flamme elle-même. Alors pourquoi l'avait-Il choisie... ?

La question explosait en son cœur. Elle s'était battu contre. Elle l'avait accepté. Mais elle ne comprenait pas... Elle n'avait jamais pu renoncer à ce qu'elle était auparavant. Myr'Hennis le lui rappelait jours après jour. Elle avait essayé d'être une bonne chef de guerre, de voir à long terme. De ne pas se laisser aveugler par sa foi pour la rendre accessible à tous. D'être tolérante. Elle l'avait tu à un point tel qu'elle l'oubliait à demi. Même l'homme pour lequel son cœur battait ne comprenait pas la beauté des préceptes d'Uriz. Elle avait fait en sorte d’Eveiller Elda, comme Il le lui avait suggéré. Mais force était de constater que l'idée même du défi que représentaient tout ce qu'elle avait sous les yeux et de la surprise encore à venir lui faisait battre le cœur aussi fort que la perspective de se battre sans retenue. Elle aimait Myr'Hennis. Elle était en admiration devant les beautés les plus dangereuses de ce monde. Elle avait soif de liberté. De pouvoir tout dire. De pouvoir à l'envie pousser chaque parcelle de ce monde dans sa perfection ou la voir sombrer en tentant d'atteindre les sommets. Elle n'était pas une guerrière dans l'âme. Elle était une créatrice. Une parieuse. Une perfectionniste. Une compétitrice. Une joueuse libérée. Elle mettait à l'épreuve qui elle jugeait digne et se moquait des autres du haut du piédestal qu'elle avait conquis à tant de reprises. Elle se foutait de la guerre ou de la conquête. Elle n'avait que faire des attentes et des chaines. Elle n'avait que faire des rapports et de l'intendance. Elle se rendait compte à présent à quel point elle était indigne de...

Une douleur fulgurante comme elle n'en avait pas sentit depuis des mois lui vrilla le crâne. Sa main se crispa sur le revers du vêtement de pierre dont son alter-égo était drapé, l'autre vient lui serrer le front, mais pas un son ne sortie de sa bouche. Elle s'immobilisa une seconde derrière la grande statue, profitant de ce couvert pour laisser redescendre la sensation de brûlure. La réaction avait été vive... Comme elle ne l'avait pas été depuis longtemps... Elle Le sentait en éveil. Étrangement vif... Étrangement proche. Comme s'il venait de se passer quelque chose d'important.

" Tes choix sont faillibles. Pas les miens. "

Une voix. Comme elle n'en avait connu qu'en rêve jusque là. Un timbre rugissant comme une cascade de lave. Brûlant comme le soleil. Le rappel d'une évidence. Elle frissonna, le cœur au bord des lèvres... Mais pourtant, une impression de joie sauvage lui chauffait les entrailles, lui faisant remonter quelques souvenir à la conscience. Les mots qu'il avait prononcer. Il y a longtemps. Les moments où elle s'était fixé seule des missions. Des objectifs. Des paris.  

Ses choix étaient faillibles... parce qu'elle était libre de ses choix... Car elle était eldéenne. C'était ce qu'Il leur avait offert en les soustrayant à Kerhel.  

Elle avait interprété ce qu'elle avait voulu, quand elle l'avait voulu, comme elle l'avait voulu... La seule chose qu'il avait fait, était de la mettre à l'épreuve... Et elle avait faillit l'oublier. Elle avait vécu sur la peur... Pour Myr'Hennis comme pour le reste, elle pouvait faire son choix. Elle pouvait apprécier ce qu'il lui montrait sans arrière pensée. Un choix qui n'avait pas à redouter l'avis d'un dieu qui l'avait choisis pour ce qu'il avait vu au plus profond de sa Flamme.

Elle était Prime Flamme.

Elle n'était pas certaine de savoir encore ce que cela impliquait mais c'était sa nature car Il en avait décidé ainsi. Il l'avait choisie pour quelque chose. C'était dans sa nature.

Et si c'était le cas, pourquoi devrait-elle changer pour devenir autre chose ?

Pourquoi devrait-elle s'en faire pour ce qu'elle était, ou qui elle aimait ?

Elle rouvrit les yeux sur l'atelier. Sur sa propre silhouette, de profil, surplomber de la lourde stature du Père... Et c'est cette fois avec un sourire qu'elle le considéra, reprenant sa marche, légère... étrangement flamboyante malgré le fait que son intellect ne comprenne pas encore tout a fait ce qui venait de se produire. Elle se sentait plus... en phase. Et c'est un sourire rayonnant, mais bien plus mature que la simple excitation enfantine qui retrouva Myr'Hennis sur le bord des marches pour lui donner le bras.

- Je vous suis, Ussta Valuk. " lui susurra-t-elle en se calquant sur son pas pour monter les premières marches... et agrandir les yeux face à ce qui s'étendait devant elle.

- C'est nous... Par les dieux... "

Miradelphia... En marbre et en couleur... Miradelphia en entier sous ses yeux. Gigantesque. Surréaliste. Une grandeur dont l'ostentatoire n'avait d'égal que sa maestria. Si les dieux avaient une vue sur le monde, c'était sûrement celle-là... A ceci près que le Puy dévoilait une orientation bien précise à cette carte... Eux.

Ces moments qui avaient pavés leur vie à deux. Ceux qu'ils ne pouvaient oublier. Ce jour sur le banc en forme de croix ou ils avaient parlé à cœur ouvert. Une première danse promise depuis des années et enfin accordée à Thaar pour une demande maladroite, mais au combien importante. Toujours en taille réelle... Et le monde était encore vide ailleurs. Il y avait encore tant de place...

Recevant l'autorisation, elle se baissa pour retirer ses sandales avant de poser le moindre orteil sur la carte de pierre. Chaque pas était léger, précautionneux. Ses mains trainaient partout, suivant les pleins, les dénivelés, les monts et les vaux. Et elle répétait de temps en temps ces quelques mots incrédules.

- Par les dieux... "

Elle tournait autour des sculptures qu'il avait façonnées à leur effigie à tous les deux. Il s'en souvenait à un point tel... Les expression, les attitudes. Ce ne pouvait être qu'une reconstitution selon son point de vue, mais elle y retrouvait l'essence de ses propres souvenirs. La force des émotions qui y étaient associées.

- Myr'Hennis... C'est... C'est complètement disproportionné et absolument magnifique. rit-elle en secouant la tête. " Je... Comment ? " Son regard tomba sur les arbres d'Aduram. " Combien de siècles ça t'as pris ? "

Il ne répondit à la question que par un hochement de tête, il ne se sentait pas de parler maintenant, c’était un peu trop tôt après son discours un peu pathétique il fallait bien l’admettre. Toutefois c’était bien lui qui les avait faites, pas dans l’année cela dit. Lorsque le triumvirat s’était mis en place il avait offert une statue de Valas et de Zhak’Bar mais en réalité il en avait fait une pour chaque divinité. Ç’avait été une époque où Myr’Hennis sortait d’une période de trouble et la religion, comme c’est souvent le cas, l’avait grandement aidé alors il voulait rendre honneur aux dieux, plus que d’ordinaire en tout cas : et si en plus ça lui permettait de se faire bien voir du nouveau pouvoir en place autant en profiter. Il avait donc donné la Chimère et le Dragon ce faisant il n’avait eu, pour aller avec cette grande carte, qu’à refaire ces deux statues-là pour qu’elle soit complète. Alors certes c’était un peu tricher que de les utiliser pour ça mais en même temps si ça pouvait sublimer son chef d’œuvre ça serait bête de ne pas s’en servir. Mais bon, tout ça, il le lui dirait si elle reposait la question en attendant il continuait à se murer dans son silence, il ne rouvrirait la bouche qu’une fois à la fin de cette haie d’honneur. Ce n’était d’ailleurs pas la première fois qu’il marchait entouré des dieux, et des prêtres allant avec, mais ça n’empêchait pas que même après toutes ces fois où il avait fait le trajet jusqu’à la carte l’effet que cela lui produisait était le même. C’était, entre autres, pourquoi il ne parlait pas : c’était difficile d’élever la voix devant tant d’effigies divines rassemblées.

Finalement ce n’est qu’en détournant le regard des statues qu’il put murmurer et de l’autre côté il sentit un poids écrasant son cœur s’alléger un peu maintenant que les dieux lui tournaient le dos. Une fois en haut un sourire se dessina lentement sur ses lèvres en observant, et en entendant, la réaction de sa future épouse, content qu’il était de l’effet produit et le reste du poids qui pesait sur son cœur, et ses épaules au passage, s’évanouit en voyant qu’il ne l’avait pas déçue. Il était resté en haut des escaliers à regarder Krish déambuler sur le marbre et au énième « par les dieux » il se permit de parler.

« En parlant des dieux, ils sont sensés entourer la carte pour observer leur domaine mais je me suis dit que les mettre en bas le temps que tu la découvre t’empêcherait de tricher. »

Il acheva sa phrase sur un sourire un peu moqueur. Puis l’idée de déplacer ensuite les statues pour leur redonner leurs places d’origine, il était d’ailleurs possible de voir leurs piédestal sur les bords de la carte, lui rappela qu’il n’avait toujours pas d’idée pour transporter la carte en elle-même. Mais voilà la carte était faite dans un immense bloc de marbre alors le déplacer serait, en soi, un défi réel qu’il n’était pas certain de pouvoir relever sans risquer de perdre la carte.

« C’est bien là la question : je ne sais pas combien de temps ça va me prendre pour la terminer, je progresserai en même temps que l’Eda Vengeur. Et en même temps que notre relation. Dans tous les cas si tu veux un jour la voir terminée tu as intérêt à rester en vie. »

Il ne jugea pas utile de préciser que la carte disparaîtrait avec elle, hors de question qu’il la garde si Krish n’était plus là. A la place il posa il arrêta de rester planté en haut des escaliers, il retira son manteau qu’il posa délicatement sur la dernière marche et il posa le pied, solennellement, sur la carte. Il aurait bien refait un discours gênant mais un seul suffisait amplement par jour et puis si avec tout ça elle n’avait pas compris il ne voyait pas quoi faire de plus alors il se contenta simplement de la rejoindre. Myr’Hennis attrapa sa main avant de ployer le genoux, étouffant un grognement de douleur et laissant l’Oliya tranquillement fureter entre ses jambes, il la regarda droit dans les yeux.

« Krish Al'Serat acceptez-vous de devenir, devant les dieux, aujourd’hui et à jamais, mon épouse ? » Un sourire joueur passa sur ses lèvres, il savait très bien que c’était inutile mais bon… « pardonne moi mais je m’étais promis de te demander en mariage devant Thaar. »

Il avait vraiment fait tout ça... Seul. Et tricher... " Comme si je pouvais te cacher ce que je pense d'une de tes œuvres. " gronda-t-elle en se penchant précautionneusement pour voir plus précisément les détails de la carte. Il avait travaillé le marbre comme d'autres la glaise...

- Par les... "

Elle s’interrompit avant de répéter son gimmick une fois de plus et passa la main sur la taille de la statut de son amant en train de danser en passant derrière lui pour marcher vers l'Anaëh. Alëandir... Diantra... Thanor... Elle s'autorisa à se retourner d'un demi-tour dansant dans les eaux de l'Erys. Els en avaient du chemin à faire !

- Rester en vie je veux bien... Mais tu veux vraiment aller jusqu'à Kirgan ? Il ne reste pas grand chose là-bas et il y fait froid, tu sais ? " ricana-t-elle, bien trop heureuse, en revenant vers l'Ithri'Vaan. Elle soulevait délicatement sa robe de soi, découvrant ses pieds pour les poser avec précaution, pointe des orteils en avant. Les mains dans le dos, elle le regarda enlever son long manteau de sa position en contre plongée et lui tendit la main lorsqu'il commença a bouger pour la rejoindre.

« J’irai là où ta mission divine t’entraînera, tant pis pour le froid, je porterai un second manteau. » Myr’Hennis était frileux mais bon avec une autre couche de vêtement, peut-être deux autres, il ferait assez chaud. Du moins l’espérait-il. Mais pour le moment c’était loin d’être un problème et encore moins quelque chose dont il se préoccupait.

La raideur habituelle de ses pas se faisait plus méticuleuse encore au-dessus des détails nés de ses mains. Avoir l'artiste auprès d'elle, se rendre compte que tout cela avait été fait en pensant à elle, cela rendait l’œuvre encore plus grandiose... Et pour la première fois depuis longtemps, malgré ses rires et ses remarques, elle en était même gênée. Avant qu'il n'ait pu se placer comme il le désirait, elle s'était approchée pour le serrer simplement dans ses bras, mais elle n'en avait pas eu le temps. Sa longue main sur ses doigts rugueux, il s'était agenouillé sous les yeux surpris de la drow millénaire... Pour poser à nouveau la question qu'elle n'avait pas osé lui poser directement quelques jours plus tôt.

Enfin, pas tout à fait...

Sa question à lui était bien plus précise. Ce n'était pas une simple demande. C'était un engagement. Aujourd'hui. Devant les dieux sous le regard desquels ils étaient passés en entrant. Et à Jamais. La mort n'y changerait rien. Ce n'était pas seulement l'alliance de deux maisons, de deux noms. Mais celle de deux être. Quelque chose de plus que la grotesque fidélité physique que revendiquaient ces idiots d'humains. Quelque chose qu'elle n'avait jamais envisagé avant de le rencontrer. Il lui tira un léger rire avec sa référence à Thaar.

- Devant Thaar ou ailleurs, j'accepte de devenir ton épouse, devant les dieux, aujourd'hui et à jamais. " reprit-elle sans cérémonie en tendant la main pour caresser sa joue. Pas de mais. Pas de peut-être. Et connaissait l'esprit libre qu'elle était, l'engagement était de taille. Si elle avait déjà été mariée, elle n'avait jamais accordé de valeurs aux mots prononcés. C'est pourquoi elle les avaient fait gravés dans la griffe qu'elle lui avait offert... et pourquoi elle avait autant hésité à la lui montrer. " Et toi, Myr'Hennis Vect ? Acceptes-tu de devenir mon époux, devant les dieux, aujourd'hui et à jamais ? "

Il lui avait déjà donné sa réponse, mais l'entendre le dire encore ne la dérangerait pas, bien au contraire. Et puis il qui avait juste dit oui pour un jour, peut-être, quand ils auraient le temps au Puy... Là il venait de leur passer dès aujourd'hui la corde au cou. Les serments qu'ils prononceraient devant les prêtres et les petits fours qu'ils devraient commander en quantité astronomique ne lui apparaissaient plus que comme des détails de circonstance, des explicitations de vœux qu'ils connaissaient déjà.

Pour le moment il guettait la réaction de sa compagne et même s’il connaissait déjà la réponse il aimait mettre les formes et sa chère et tendre n’avait pas pu alors c’était à lui qu’incombait ce devoir ô combien important. Il fut surpris que Krish lui retourne la question et il fit mine d’hésiter une seconde avant d’hocher solennellement la tête.

« J’accepte, devant les dieux et à jamais. » La demande faite et acceptée par les deux parties il se releva, un sourire amusé aux lèvres. « J’espère que l’éternité avec un piètre acteur ne sera pas trop longue. »