Dis, on peut la garder ? | Shyn & Dante

<< Un pied devant l'autre, puis s'arrête

Les lunes s'unissent, vient l'éclipse >>

été ~ Nuit du 4e au 5e jour de la 5ieme ennéade de Karfias,
17e année du Cycle XI
Au Ronde-Fumée, auberge du quartier des artisans

Après les évènements les plus mouvementés, la tension s'était calmée dans la chambre qui donnait sur le toit du bâtiment voisin. Le volet de bois de la petite fenêtre était ouvert, laissant entrer l'air frais de la nuit. Dans la petite pièce, sur la coiffeuse, une bougie de suif aux trois quarts consumée était la seule source de lumière. Elle répandait une odeur âcre que les parfums d'huile et de sciure charriés de l'extérieur perçaient en fonction de la brise.

Dans le coin le plus sombre, une paillasse de voyage avait été déroulée sur le sol, dans un coin entre les pieds du lit et le mur. Là, la tête reposant sur un minuscule oreiller rempli de graines de lins, une eldéenne amaigrie se terrait sous la couverture. Près d'elle, allongée sur le côté à même le sol, une jeune humaine portant un ample pantalon de toile noire et une fine chemisette de coton blanc lui parlait à voix basse. Sa crinière noire s'étalait sur son coude et son bras libre faisait quelques mouvements pour ponctuer ses paroles, parfois entrecoupées d'un gargouillement sonore.

Le diné frugal que les deux femmes avait partagé, était englouti depuis plus d'une heure. Entre tourte au thon, tarte aux dates, liqueur de prune et brioche au miel, elles avaient bien trop évoquer de nourriture succulentes pour que leurs estomacs se taisent avec si peu. Ni l'une ni l'autre n'était particulièrement douée en cuisine... et c'était même totalement l'inverse. Déjà, lorsque Cécilie avait raconté sa première séance d'épluchage, les sourires s'étaient faits plus guillerets... Mais le comble advint lorsque l'éldéenne évoqua son expérience du dressage de langues de chats et de la torture d'oranges. Cette fois, c'est un rire difficilement contrôlable qui secoua les deux femmes.

Un rire qui leur cacha l'arrivé d'un invité de plus, jusqu'au dernier moment.

Ralentissant à l'approche du lieu de rendez-vous, l'Ombre fait un tour de reconnaissance des lieux avant de s'approcher tranquillement, analysant ce qui s'offre à lui. A cette heure tardive, il n'y a presque plus de clients et ceux qui restent sont en état d'ébriété flagrant. Rien ne semble détonner dans le décor.  aussi se permet il alors de s'approcher, d'espionner un peu pour trouver l'endroit ou se situe sa compagne et son statut.  Il y a une faible lumière de celle là. De l'étroite ouverture lui parvient une odeur de narguilé froid et d'autre chose… A croupetons, sur le toit, les narines évasées, l'assassin s'approche silencieusement de l'ouverture et y jette brièvement un premier œil.


Un lit, défait, une pièce à l’apparence vide mais d’où provient des chuchotements. Fermant les yeux à demi, l’homme écoute attentivement  Continuant de se mouvoir et d'écouter les bruits de voix basses qui émanent de l'étroite ouverture, lui donnant l'indice que Cécilie n'est pas en danger. Dante se demande à quoi ca rime tout ça C'est une autre question.  Silencieusement, l'assassin se défait de son arc, de sa cape et de son carquois qu'il laisse sur le rebord du toit, pour lui permettre de glisser plus aisément par l’étroite fenêtre, au cas où. Parce que c’est bien beau les rires de salin, elle ne l’aurait pas fait mandé pour rien. Et non, cogner à la porte ne lui vient pas du tout à l'esprit.  Le panneau de la fenêtre s'ouvre tranquillement en grand, avant que la figure cagoulée de Dante ne s'immisce brièvement, pour un premier coup d'oeil. Tout semble nickel. L’assasin se coule dans l’ouverture, souple comme un serpent
L'Ombre s'est déjà faufilée dans plus étroit.

La bougie s’éteint subitement, plongeant la pièce dans le noir. L’Ombre a agit par réflexe acquis de longue date. De toute façon Cécilie n’a pas besoin de ses yeux pour savoir qu’il est là. Son « amie» n’a pas à le voir. Et s’il ne voit pas, il pallie par ses autres sens. Prenant la bougie éteinte dans sa main, Dante recule dans le coin le plus obscur de la petite pièce.

La daedhelle s'était rallongée sur le coté, la tête sur la paillasse, tournée vers l'humaine qui lui tenait compagnie dans une position semblable. Deux amies, couchées sur le sol et qui avaient laissé le lit maculé bien vide. Les évènements qui venaient de se dérouler dans la même pièce paraissaient loin, tout comme les nombreuses épreuves qui les avait précédé.

Elle se sentait épuisée, mais n'avait aucune envie de s'endormir pour le moment. Au contraire, elle faisait tout ce qu'elle pouvait pour rester éveillée et profiter un peu plus longtemps encore de la compagnie de son amie et de ce qui ressemblait à un petit coin de Nahali(1). Nul ne savait de quoi serait fait le lendemain: Shyn'tae avait décidé de profiter autant qu'elle le pouvait des petits plaisirs qu'on lui donnait.

Le repas avait été des plus frugal. La faim la tenaillait encore, mais c'était une sensation avec laquelle elle avait appris à vivre et Irulan n'était pas mieux lotie qu'elle. Mais pourquoi d'ailleurs avaient-elle décidé de parler cuisine? Peut-être justement à cause de leur appétit, mais cette decision n'avait rien arrangé, bien au contraire. Lorsque Shyn'tae avait décrit les tentatives de Na'ri pour maitriser la cuisine étrangère à partir d'un livre mystérieux difficilement traduit par la magicienne, elles avaient fini par éclater de rire toutes deux.

- C'est plus compliqué que des rituels nécrom...

La seule bougie qui éclairait chichement la pièce s'était soudainement éteinte, les plongeant dans l'obscurité. Seule la lueur des lunes les éclairait encore par la petite fenêtre ouverte. La mèche avait du arriver à son terme. C'était l'hypothèse la plus probable, les propriétaires de la taverne ne l'avaient peut-être pas changée, à moins qu'ils ne fassent des économies de bout de chandelle. L'hypothèse la plus paranoïaque disait que les aubergistes étaient honnêtes, et que quelqu'un venait de la pincer.

La daedhelle s'était redressée sur un coude tel un chat surpris, oreilles aux aguets. Un frisson en naquit et parcourut son corps amaigri. Cécilie s'était laissée tombée sur le dos et reprenait doucement son souffle dans l'obscurité bienveillante. Les yeux de la drow s'étaient vites habitués à l'obscurité, et, dans le coin de la pièce, à coté de la petite table sur laquelle la bougie encore à demi entamée était posée, une ombre immobile se dessinait, encagoulée. L'ombre la fixait. A contrejour, la drow ne devait être qu'une silhouette, à moins que l'ombre ne voit aussi bien dans la nuit qu'elle.

Il l'avait assurément vu se redresser. Il pourrait attaquer à tout moment. Quelles étaient leurs chances?

-Qui-êtes-vous. Que voulez-vous?" La daedhelle avait commencé d'une voix qu'elle espérait claire et confiante. Sa fatigue en avait  brisé la fin et une main se posa sur son épaule, apaisante.

Cécilie s'était redressée, tournant le dos à la silhouette ombreuse sans en montrer la moindre inquiétude. Incapable de s'adapter aussi vite que sa consœur à l'obscurité, elle avait tout simplement fermé les yeux.

- Tout va bien. C'est lui." laissa-t-elle simplement tomber.

La drow hocha la tête sans quitter l'ombre des yeux. Finalement, elle revoyait Dante. Shyn'tae espéra que rien n'irait de travers. Etant donné ce que lui avait révélé Irulan, rien n'était moins certain. Mais c'était aussi un moment qui devait arriver.

Elle le salua. Bonsoir, articula-t-elle finalement d'un ton qu'elle souhaitait cordial.

(1): Il était très peu probable que discuter cuisine avec une humaine, allongé par terre, fasse partie des activités normales au Nahali. Pourtant, cela convenait à Shyn'tae. Elle n'était pas certaine que ce soit bon signe.

Elle riait. Elle riait comme une enfant. Comme elle riait aux blagues de Dante sur les plages de leurs vacances. Elle riait d’anecdotes stupide sur un sujet stupide das un contexte au moins aussi stupide. Et ça faisait du bien. Décidément, mis à part la petite mise au point qui avait été nécessaire, ces dernières ennéades étaient vraiment les plus douces et les plus heureuses de sa vie. Tout en sachant que ça ne pourrait durer toujours, et que c'était même peut-être un chant du cygne, elle se prenait à espérer que cela continue et que ça ne cesse de s'améliorer.

Lorsque la bougie s'était éteinte, elle avait frémis, coupée net dans son hilarité sincère et ne continuant que pour donner le change. Son premier réflexe avait été d'écouter, yeux clos, s'étendant sur le dos pour que ses oreilles ne ratent rien. Et ce qu'elle avait entendu l'avait détendu en un clin d’œil. Un rythme sauvage. Une respiration mesurée. Une pointe d'appréhension lui monta à la gorge mais elle l'a fit taire d'un revers de pensée. Une exercice bien facile étant donné la joie qu'elle éprouvait à l'entendre arriver dans un moment si heureux.

Sentant l'eldéenne s'agiter, elle s'était redresser pour la calmer de quelques mots, avant de se remettre sur pieds d'un bond pour traverser la pièce de quelques pas. Les mains légèrement en avant au cas ou elle soit moins habile à se figurer la configuration de la pièce, elle évita la coiffeuse pour se glisser jusqu'à la silhouette noire. Ses doigts fins trouvèrent son pectoral. Elle sourit et se dressa sur la pointe des pieds pour poser un baiser à l'angle de sa mâchoire, là ou l'étoffe laissait place à une infime parcelle de peau.

- Je suis contente que tu aies eu mon message. Je commençais à me demander si tu rentrerais demain ou même plus tard. " souffla-t-elle tout bas. " Finalement, personne ne nous est tombé dessus et ça devrait continué comme ça, mais je ne pouvais pas rentrer. " Elle ne pouvait pas emmener Shyn'tae à la parfumerie sans l'accord de Dante. C'était chez lui et c'était à lui de décidé à quel point il mettait en danger ses habitants. Elle fit un vague geste par dessus son épaule pour indiquer l'elfe noire avait de venir ouvrir les paupière face au visage dissimulé de l'Ombre, la main toujours sur son pectoral. " C'est Shyn'tae. En faisant mes recherches ce matin, je l'ai trouvée à demi morte, prête à se faire enfermée par des hommes du guet. Je me suis débrouillée pour qu'ils me la confie et je l'ai ramenée ici pour la soigner. Sa convalescence risque de durer un peu et elle a les eldéens aux trousses comme nous. Les choses ont mal tourné pour elle au camp sud. "

Bon point, il y a du bruit dans la pièce lorsque la lumière s'éteint. Silhouettes noires sur un fond un peu moins noir, une se redresse. Une qu'il ne connait pas, ce n'est pas la gestuelle de Cécilie, ca par contre il le sait tout de suite. L'autre qui ne bouge pas au sol par contre lui fait plisser les yeux.

Pourtant, il attend. Elle lui a écrit qu'elle était avec une amie… Techniquement, il ne devrait rien y avoir à craindre. Un guet-apens? Une embuscade? Sous le regard rougeoyant faiblement dans l'obscurité, il sait qu'il a à faire à une drow ou une demi sang… La posture devient coulante, la main gauche se porte à Vicieuse dans son fourreau. En temps normal, il aurait camouflé son mouvement sous sa cape, mais elle est sur le bord du toit. Avec son arc… 


Cécilie devrait savoir qu'il est là. Elle devrait parler. C'est trop long... Evasant les narines doucement, l'assassin inspire profondément l'air ambiant sous sa cagoule. Cherchant une odeur particulière… Que la silhouette inconnue se lève seulement. Un silence de mort salue la tentative de la voix de le faire parler…
Alors il y a encore du mouvement. Et il reconnait cette façon de bouger. Combien de fois l'a t'il regardée alors qu'elle n'en avait pas conscience?

- Tout va bien. C'est lui."

La voix le calme un peu. Assez en tout cas pour que sa lame retourne au fourreau. En signe de bonne fois, il se raidit un peu, arrêtant net la chasse… Qui n'avait d'ailleurs pas encore débutée. La voix inconnue s'élève alors dans l'air. Aimable...

Bonsoir.

Un accent… Donc, une demi-sang ou une doeben. Dante pourrait allumer pour s'en assurer, mais Cécilie s'est levée et vient vers lui et il ne veut pas l'éblouir pour qu'elle se pète la gueule. Alors aussi attend t'il qu'elle arrive et l'acceuille d'un bras autour de la taille tandis que sa main se pose sur le plastron. Un frisson agréable traverse l'homme  qui, cependant, ne lâche pas la seconde silhouette du regard. Il sait que c'est sa compagne qui se presse contre lui, qui le gratifie de ce baiser au coins de sa mâchoire. Elle peut d'ailleurs deviner qu'il lui sourit, de ce sourire franc et sincère, simplement heureux qu'elle n'ait rien, le lui rendant d'une caresse de la joue, le mince tissus de la cagoule séparant leur épidermes respectifs. Attentif, silencieux, Dante écoute l'entrée en matière. Il ne répond pas, occupé à évaluer l'inconnuede l'autre côté de la pièce.

Puis. La bombe, déposée prestement entre ses mains…

" C'est Shyn'tae. En faisant mes recherches ce matin, je l'ai trouvée à demi morte, prête à se faire enfermée par des hommes du guet. Je me suis débrouillée pour qu'ils me la confie et je l'ai ramenée ici pour la soigner. Sa convalescence risque de durer un peu et elle a les eldéens aux trousses comme nous. Les choses ont mal tourné pour elle au camp sud.

Cécilie peut sentir Dante se raidir de stupéfaction, avant de redevenir aussi coulant de nervosité que d'habitude. Sa première pensée est qu'il aurait dû la buter quand c'était le temps. La main aux grands doigts se referme sur la taille de sa compagne qu'il enserre possessivement et brièvement avant de la relâcher.

Sa seconde pensée est qu'ils s'en servent comme leurre… Ils ont su et ils l'ont laissée venir. Mais est ce bien elle? Il y a un léger mouvement, un truc qui craque et une petite flamme rallume la bougie qu'il tient encore dans sa main. Eclairant son visage auquel seuls les yeux sont visibles sous la cagoule.

Il fixe Shyn'Tae jusqu'à ce que la lueur de la bougie finisse de se dissiper de par ses rétines. Le vert-blanc on ne peut plus pâle, le marron d'un ambre riche. La tête légèrement penchée de côté, l'oreille en l'air. Il voit bien son état et ca ne l'émeut pas du tout. La Maitresse de Cécilie… Une drow… indigne de confiance comme toutes les autres. L'histoire des jeux est bien loin dans sa mémoire… La haine suinte de tout les pores de l'individu. Une lueur inhumaine, magnifiée par la lumière de la bougie, danse allègrement dans ses yeux. La Sombre peut avoir la certitude que si ce n'était de Cécilie, il la boufferait tout de suite.

Tu l'a ramassée dans le caniveau tu dis…

Claque la voix grave, sèche et hargneuse. Shyn'Tae ne l'a seulement jamais entendu parler. Si elle l'a vu tout cours. Une voix si grave chez un homme à la carrure somme toute quelconque . Alors se tourne t'il vers Cécilie. Mais Shyn,Tae peut avoir la désagréable impression que l'oeil vert-blanc, qui est de son coté, la fixe de travers, comme un dîner potentiel.

Il murmure à sa compagne. Décidément, à ramasser toute la vermine des caniveaux, elle va finir par les tuer un jour. Elle doit avoir ses raisons et a intérêt à l'expliquer vite.

Putain… Irulan! Pis tu crois ce qu'elle te dit? Comme ça?

Si Shyn'tae s'était dressée, tendue à la découverte qu'elles avaient laissé quelqu'un pénétrer leur espace vital, Irulan, elle n'avait fait que se détendre. Là où la drow avait craint de découvrir des agents de Tesso ou de la Doth'ka à leurs cotés, elle avait sa propre vérité. Dante, l'assassin, l'homme marqué par les serviteurs du prime dragon, était avec elles.

Et si elle se trompait ? Pire, et si elle avait raison?

La main que sa consœur avait posé sur Shyn'tae l'avait fait frissonner. Elle se voulait rassurante. Puis l'humaine, aveuglée par l'obscurité, s'était avancée vers l'ombre silencieuse. La daedhelle avait eu une arme en entrant. Qu'était-elle devenue ? Son regard glissa sur la pièce à la recherche de l'épée ou du couteau aiguisé, sans oser pour autant laisser l'ombre quitter son champ de vision…

Cela ne sert à rien… laisse toi aller.

Comme elle avait pu protéger quiconque dans son état. Elle remarqua finalement là, tout contre le lit, un tas de haillons et surtout un long fourreau orné des flammes du père. Elle s'imaginait l'atteindre d'un saut, s'appuyer sur le lit pour changer de direction, et se retourner, prête à se battre.

L'aurait-elle pu vraiment?

Elle serra un poing et sentant la fatigue, progressivement s'affaissa. Devant elle, la sombre avait vu l'ombre prendre Irulan par la taille, l'amener à lui possessivement.

Par contre l'œil hostile braqué sur elle ne lui laissait aucun répit. La drow se détendit visiblement malgré ce regard perçant. Il n'arriverait rien à son amie. C'était bien lui. Connaissant cela, le poids sur la poitrine de la drow en fut en grande partie soulagée.

Fais confiance, tu n'as pas le choix.

Ce serait ironique, de parvenir jusqu'ici pour finalement être tuée par Dante dans une chambre d'une auberge anonyme de Thaar. Alors même qu'elle laissait Irulan expliquer la manière honteuse dont elle l'avait trouvée, alors même qu'elle les regardait si proches l'un de l'autre, elle et lui se mouvant dans une danse harmonieuse, la daedhelle comprit vraiment se que craignait sa consœur. Cette sensation nichée douloureusement au creux de son ventre. Était-ce cela la jalousie?

Elle s'affaissa un peu plus. Un tressaillement secoua son bras. Ses muscles affaiblis protestaient devant un effort aussi simple que de se maintenir dressée. Aussi douloureux pour son amour propre cela pouvait-il être, elle n'avait d'autre choix que de lâcher prise. Elle accepta de retomber sur le dos, écoutant Irulan expliquer, soulagée de la sincérité qui transpirait de ses mots.

Ce n'était pas de la jalousie comprit-elle bientôt. Cette sensation pernicieuse était différente. Quelle était sa place ? La scène que lui avait offert Irulan, si soudainement oubliée, était-elle réellement close? Était-elle un obstacle à leur harmonie ?

Tu te fais du mal sans l'aide de quiconque .

C'était très juste, alors qu'est ce que ce serait lorsqu'on l'aiderait. Son humeur oscillait beaucoup trop vite entre bonheur et mal-être. Elle était épuisée.

Les oreilles de la drow se dressèrent lorsqu'il répéta les circonstances de leur rencontre, entre colère et incrédulité. Il avait raison, et mieux aurait-il valu en rire qu'en pleurer. Prononcé de cette voix grave et forte qui lui évoqua son père. Cela faisait malgré tout l'effet d'un poing au visage.

Elle n'entendit pas la suite, murmurée sur le ton de la conspiration. Il n'y avait aucune chance que ce soient des amabilités. La drow tourna la tête vers le plafond. Il n'y avait pas grand-chose d'autre à faire qu'espérer, se raccrocher à l'espoir qu'elle avait une alliée qui pourrait l'aider.

Et ne surtout pas prier. Mieux valait qu'elle se fasse oublier.

La haine. La tension. La soif de sang... C'était à peu près ce à quoi elle s'attendait. Après tout, il fallait faire des concessions dans un couple. Elle aimait les matelas, il préférait le sol. Il aimait la viande, elle préférait les gâteaux. Elle voyait loin, il était pragmatique. Il avait envie de dépecer sa seule amie, elle se rongeait les sangs en attendant qu'il affronte le soit-disant dieu de la destruction qui nichait sous son crâne. Rien qui ne sorte de l'ordinaire en somme.

Le bras qui était accroché à l'épaule de son Indomptable s'était resserré lorsqu'il l'avait attirée à lui, lui rendant sa brève étreinte possessive. Elle se contenta d'affirmer une nouvelle fois l'état déplorable de Shyn'tae lorsqu'elle l'avait retrouvée. Elle se doutait que ce ne serait pas facile à vivre pour son égo... mais elle se foutait de son égo. Si elle voulait râler ou se défendre contre ce que disait l'humaine, qu'elle le fasse elle-même. Elle était assez grande pour ça et Cécilie n'avait pas l'habitude de mâcher ses mots avec elle.

La jeune femme ne se formalise pas de la voix sèche ou de la tension de Dante. Il réagit même... plutôt bien. Sur l'échelle mentale qu'elle s'était faite, c'était plus qu'encourageant. La mission devait avoir été amusante. Elle reste contre lui, ramenant vers elle son regard double d'un doigt sur son menton.

- C'est mon amie. " laisse-t-elle tomber sans crainte que Shyn'tae n'entende la réponse qu'elle ferait à son Chasseur. " Et il y a des choses sur lesquelles on ne peut pas mentir. Son état état très grave. Une vieille connaissance qui pratique la magie a passé près de cinq heure à lui éviter la mort aujourd'hui et il a dit qu'elle en aurait encore pour plusieurs jours de symptômes graves et peut-être plusieurs ennéades à s'en remettre complètement. Toute son histoire concorde. Elle est cohérente avec elle-même, avec ce que je savais de sa vie au camp sud avant de partir et avec les blessures qu'elle avait en arrivant. Je n'ai remarqué aucun signe de mensonge. Ni dans son Rythme. Ni dans sa respiration, son timbre ou les battements de son cœur. "

Il elle avait serré la main de la jeune femme pendant toute leur discussion, ce n'était pas vraiment par volonté d'un viril bras de fer, mais parce que la pulpe de ses doigts serrés sur son poignet sentaient la moindre variation de son rythme cardiaque. A présent, les yeux bleus de la jeune femme étaient lovés dans les iris inégales de Dante, mais voir passer les émotions qui l'agitaient était presque secondaire du moment qu'il voyait ce qui se passait dans son regard à elle.

- Alors oui, je la crois. Et puis si elle est filée par des eldéens, la laisser retomber dans leurs griffes maintenant qu'elle est sans défense, qu'elle sait qu'on est à Thaar et qu'elle a remarqué que mes tatouages sont Nisétiens, ce serait une mauvaise idée. " Elle ne parlait jamais de ses marques comme des tatouages. Mais pour l'heure c'était ce qu'elles étaient et ce qu'elles devaient rester aux yeux de l'eldéenne : un pouvoir révélant des tatouages. La Faim lui était inconnue comme le nom ou l'existence des Lamentations et c'était bien ainsi. " Du coup, je voulais savoir comment tu préférais qu'on procède - mis à part la tuer tout de suite même si je sais que tu vas me dire que c'est le plus raisonnable. Comme c'est une fugitive, je me disais qu'on pourrait peut-être la garder quelques temps, histoire de s'assurer que les eldéens ne rattrapent aucun d'entre nous. Et d'ici un jour ou deux, quand le plus gros de son mal sera passé, la prendre comme aide sur notre mission actuelle. "

Son regard parcourait distraitement les irrégularités scintillantes des poutres du plafond. En se concentrant, elle était presque certaine qu'elle aurait pu percevoir les infimes vibrations provoquées par les bourrasques qui, de temps à autre, refroidissaient la nuit Thaari.

Mais, oreilles tendues, elle était concentrée sur quelque chose de bien plus important: les échanges entre les deux humains, occupés à décider ce qu'ils allaient faire d'elle. Pour le moment, Shyn'tae restait silencieuse. Elle avait parlé à Irulan, c'était à elle qu'elle devait faire confiance. L'avouer la rendait folle, mais tout ce qu'elle aurait dit aurait risqué de se retourner contre elle.

La drow n'avait jamais été du genre à se laisser porter par les évènements, mais elle se sentait étrangement légère d'entendre son amie la défendre ainsi. Il y avait des mots raisonnables qu'elle aurait pu prononcer, la volonté farouche de la garder en vie et auprès d'eux, celle de se convaincre qu'elle n'était pas aussi dangereuse qu'elle aurait pu l'être, de lui chercher une utilité, de justifier de vouloir la conserver à leur coté.

Shyn'tae réalisa qu'elle n'avait pas pensé à l'avenir. Sa vie lui évoquait un félin à pointe fou lancé à pleine vitesse. Quand cela avait-il commencé? Lorsque les conspirateurs s'étaient mis en tête de la faire disparaitre corps et âme, ou bien auparavant?

Le plancher craque à peine sous le poids de l'homme, cela doit être lui car Irulan est bien plus bruyante. D'ailleurs, sa tête encagoulée apparait dans son champ de vision et attire son regard cerné et pourtant vivace.

Plus loin, Irulan continue ses explications. Shyn'tae a les yeux happés par le regard étonnant de Dante. La pupille marron et douce, la verte sauvage et haineuse. Elle soutient son regard alors qu'il la scrute, parce qu'elle ne peut pas s'empêcher de défier. "amante humaine", elle est bien bonne, qui croirait cela. Il doit être jaloux en effet. "petit chaton", cela devrait être insultant, elle s'en fiche. La daedhelle sourit, audacieuse.

- Désolée, Xan'. Aux dernières nouvelles, tu n'étais pas important pour qu'on te traque. S'ils m'avaient trouvée, je doute qu'ils auraient attendu que quelqu'un vienne peut-être me ramasser….

Cela avait peut-être changé d'ici là, mais elle n'y croyait pas. Irulan enchaina, et Shyn'tae haussa un sourcil. Elle ne se considérait pas comme une théoricienne renommée. Certainement moins que des individus comme Valsrik. Par contre, le reste avait piqué sa curiosité. L'humaine continua avant qu'elle n'ait eu le temps de rebondir. L'idée rendit Shyn'tae pensive, avant qu'elle ne secoue la tête. Non, rien de bon ne viendrait s'ils la livraient aux princes marchands. Ni pour elle, ni pour eux.

-Si vous me livrez aux princes marchands et que l'Elda apprend que c'est vous…" Elle grimace. Ils les traqueraient sans pitié, c'était certain.

Dante l'observe toujours, impassible, puis descend à genoux pour la fixer. Elle l'observe en retour avec curiosité, telle le chaton qu'il voulait qu'elle soit. Soudain, Il saisit sa chevelure, elle serre les dents, leurs regards face à face, si proche.

"Toi, je t'aime pas… mais..." Ce mais était important. Il peut la sentir se détendre légèrement, les premiers mots signifient qu'Irulan a gagné, l'homme ne la tuera pas, ce qui ne l'empêche pas d'expliquer les tourments qu'il pourrait lui faire subir. Qu'elle pourrait lui faire subir. Elle note dans un coin de son esprit si volatil cette drôle d'expression, "l'offrir à bouffer à sa Déesse Primordiale". Elle n'est pas certaine de comprendre de quoi il parle, et ne compte pas demander.

- Ce n'était même pas la peine de me… soupire-t-elle. Lui raffermit aussitôt sa prise, la tension sur sa chevelure devient douloureuse, le regard impitoyable de l'humain dans le sien plus fragile. "C'est compris" conclut-elle doucement.

L'éclat d'une lame, auquel fait écho le délicieux éclat de panique dans les yeux de la drow. L'instant d'après, son visage retombe sur la paillasse, sa belle chevelure, une de ses rares fiertés, tranchée vive et court.

Le cœur de la drow se serre un instant. Ce n'est pas grave, ils repousseraient et, aussi énervant que cela soit, elle sait qu'il a raison, que c'est là sa meilleure chance de passer inaperçue, au moins tant qu'elle ne s'est pas remise, tant qu'elle ne sait rien de ce qui l'attend.

-Trala Murrpau? Dans sa voix chantante, le mot se teinte de sonorités exotiques. Elle secoue la tête, un sourire narquois aux lèvres…

La drow lève alors le bras vers lui pour offrir à son regard impitoyable un mouvement de main des plus félin. De ses lèvres s'échappe un miaulement digne d'un chaton.

- Un gamin anorexique coiffé à la serpe et au bras mou. Ca me va si bien! Elle s'arrêta avant de reprendre, mortellement sérieuse, les yeux dans les siens. "Je ferai ce que tu me dis. Je suis ignorante, c'est toi qui sait. Irulan a confiance en toi… je te fais confiance."

Lorsque la lame brilla sous la lumière de la bougie, Cécilie frémi, mais elle ne bougea pas. De toute façon elle n'aurait eu le temps de rien et ses réflexes n'étaient pas suffisants pour qu'elle agisse avant de penser. La main sur la coiffeuse, à côté de la bougie, elle regarda la chevelure blanche tombée... Et serra les dents, ses yeux de glace se braquant sur le visage de l'eldéenne. Elle ne pouvait la voir à cause de Dante, mais elle la devinait parfaitement la garce.

... Non. C'était stupide.

Elle repoussa les murmures des Lamentations, se demandant pourquoi elles semblaient si réactives lorsqu'il s'agissait de Shyn'tae alors qu'elles ne se souciaient pas de grand chose habituellement. La petite main aux longs doigts fins vint caresser ses propres cheveux noirs, entortillant une courte mèche autour de son index. C'était ce qu'il convenait de faire.

Puis... Un hoquet lui secoua les épaules... Et elle éclata d'un rire franc et cristallin. Un fou rire même. C'était absurde. Dans toute cette tension et cette gravité, elle parvenait encore à agir de façon aussi ridiculement légère et provocante... De plus, sa crise de rire n'aurait peut-être pas été si forte si cela ne lui avait pas refait penser au "graou" auquel elle avait eu le droit le matin même. Une situation absurde sur une situation absurde.

Essayant de reprendre son calme, ses yeux pétillaient d'amusement et ses doigts barraient ses lèvres.

- Bon. Hmm... Je vais trouver de quoi manger un peu. J'en ai pas pour longtemps. " De toute façon, elle ne pouvait pas empêcher Dante de tuer Shyn'tae si c'est vraiment ce qu'il souhaitait alors elle ne pouvait jouer que la carte du 'ça passe ou ça casse'. Et quitte à dire adieu à son amie, s'en souvenir ainsi était une belle façon.

Sans laisser à Dante la possibilité de protester, elle déverrouilla la porte en ajoutant.

- Mon sari est en bas et j'ai aussi repéré deux trois choses qui pourront être utile pour changer sa couleur de cheveux s'il n'y a rien à se mettre sous la dent. J'essaierai de ne pas être longue. " Elle aurait bien demandé quelques pièces à son cher et tendre, mais ils étaient en plein milieu de la nuit et elle doutait de trouver quoi que ce soit de légalement ouvert dans le quartier...

Nouveau changement de sujet abrupt... Il n'y a aucune logique apparente dans l'interrogatoire. De toute façon, il n'en a rien à foutre de la réponse. Il fait un pas vers la drow.

Un froncement de sourcil, son cœur s'accélère. Sa bouche a le goût de la suie, la drow a l'air perdue, alors que la question est si facile. La panique est un instant visible sur son visage. Elle n'est pas sûre de la réponse, et ce que cela signifie l'effraie. Son esprit glisse aussitôt vers ce que la Doth'ka ferait si elle surprenait cette hésitation.

Dante fait un deuxieme pas vers elle.

Elle croit aux dieux, elle croit au châtiments qui l'attendent. L'homme la voit déglutir, elle le suit des yeux, l'inquiétude visible. Pourquoi diantre lui demandait-il cela.
- Nos dieux, bien évidemment. Uriz, Teiweon, et tous les autres. Cette fois-ci, la daedhelle a du mal à finir sa phrase.

Tu entends ? Rigole la raison...tu fais parti des « autres »

l’oeil marron, hilare, contrebalance le vert blanc furieux.

Une petite crise de Foi? J’achète pas du tout. T'as fini de nous mentir?

La daedhelle ouvre la bouche pour répondre, hésite, les mots refusent de venir. Sans crier gare, il la chope à la gorge. La regardant avec un intérêt certain, la main aux grands doigts est brutale, mais contrôlée. Il ne lui fait pas mal... Du moins, pas encore. Elle pose la main sur le bras de l'assassin, l'autre se soulève à peine, tout au plus un tressaillement. Il sent sa peur. Est-ce lui qui la provoque, ce qu'elle a dans sa petite tête, un mélange des deux? "Pourquoi cette question.. quelle importance?"

Aucune importance autre que ce cou gracile sous ses doigts, que ses prunelles de rubis. Rien... rien n’est important autre que le gibier qui est entre ses doigts. Il la hait... c’est viscéral, une Eldéenne trop maligne pour le bien de tout le monde.

Il sent la peau de la femelle lui meurtrir la paume. Non, il ne la tuera pas...

ta gueule. Tes raisons je m’en fout. Ne m’approche pas et me parle pas.

La consigne que sa vie est liée au bon plaisir de Cécilie n’a pas besoin d’être dite, elle est très bien explicitée par cette poigne qui enserre sa gorge. Elle est chanceuse Shyn’Tae, cet enfoiré de Dario a assouvit, par sa mort, sa soif de sang et maintenant ils sont d’humeur joueuse. C’est pour ca qu’il reste vague volontairement.

La drow, elle, ne sait rien de tout cela. Son cœur affaiblit tambourine dans sa poitrine, sa main droite s'accroche à ce bras qui la maintient. Elle veut vivre. Alors Shyn'tae finit par détourner les yeux. Alors seulement relâche t'il sa pression, la laissant respirer à son aise. Sa bouche aspire une goulée d'air, une main brusque passe dans ses cheveux courts. Une lame passe aussitôt derrière, finissant de raccourcir cette crinière foisonnante au ras du cuir chevelu… Shyn'tae le laisse faire son oeuvre, lasse. La voix grave de Dante prend alors un autre registre. Calme, posé… C'est difficile de savoir s'il veut juste la calmer ou s'il se fout de sa gueule…

Bon petit chaton… Rentre tes griffes, laisse les loups s'occuper de toi. Met toi debout... On va te trouver un beau petit nid douillet, un petit lit dans le fond du panier à linge….

Définitivement, c'est certain il se fout d'elle. La drow sent la colère monter à nouveau. C'est exactement ce qu'il veut. Tu peux être plus forte que ca, chuchote la voix de la raison. Mais comment le peut-elle? Elle se sent humiliée. Et si seulement cela ne faisait naitre que de la colère…

Un petit biberon avant le dodo... Irulan te donnera la tété, on va te remplumer tu vas voir... T'es encore crottée... Et montre moi tes dents....Dégueulasse... Ya de l'ouvrage à faire...

Elle ne dit rien, et se contente de le regarder d'un oeil méfiant et fané. Tirant à lui la couverture, il se met à en faire de longues bandes.

Ils cherchent une chatoune et on va sortir un chaton... Lève les bras…


Elle a honte d'être si faible, d'accepter chaque petite phrase, comme une goutte d'eau de plus qui nourrit ce même dégoût que celui qu'elle avait si souvent vu dans les yeux de sa mère. Tu te fiches de leur regard, tu n'as pas à être ce que LUI a décidé. C'est vrai… Shyn'tae s'est assise en tailleur, la sensation des courants d'air sur son cuir chevelu est inhabituelle, tout comme l'absence du poids sur sa nuque.

Elle attrape de la main droite son poignet gauche, et lève les bras. Aussitôt, lui passe les bandages autour de son torse. Avec force, l'humain comprime la poitrine de la drow, pour l'aplatir le plus possible. Ce n'est pas agréable du tout, mais il ne serre pas plus que nécessaire. Une fois son ouvrage terminé, lui laissant de l'air au milieu de la couverture et des cheveux épars, l'assassin recule et contemple son oeuvre d'un œil critique… Elle a pas de fringues… Il est trop tard pour aller en acheter et, en plus, ca laisserait des traces. Il ne reste donc que son manteau neuf… Son beau manteau en fin lainage serré gris. Il sera trop grand pour la frêle silhouette… Mais peut être qu'en le drapant un peu? Soupirant imperceptiblement, Dante ressort par la fenêtre sous le regard de Shyn'tae, laquelle reste immobile sur la paillasse. Un moment plus tard, un arc, un carquois et le manteau atterrissent dans la chambre, suivi de l'homme… Les drows aiment traiter les humains comme des animaux… Pourquoi lui s'en priverait? La Bête approuve à cent pour cent..

Tu va nous coûter une blinde en frais vétérinaires et divers… T'est au courant? Elle ferma les yeux un instant, ses oreilles frémirent. Pourquoi continue-il ainsi à la provoquer...
Dis, tu mens sur commande seulement ou bien c'est inné?

Un nouveau frémissement, laissa les dites oreilles effilées tendues. "On se ment tous..."

Elle n'avait pas résisté. Une taloche se fait sentir derrière la tête de la Sombre… Lui lui avait dit de pas lui parler. Elle manque de tomber en avant, mais se rattrape in extremis, son champ de vision un long instant réduit, rattrapée par la nausée.

VOUS, vous mentez tout le temps… Lève toi debout, que je puisse finir de t'arranger qu'on sacre notre camp avant que tes potes débarquent… A moins que tu ne veuilles que je leur fasse leur affaire vu que tu as pas les griffes pour?

Cette fois-ci, elle ne répond rien, et, après une inspiration, elle déplie les jambes, puis s'appuie sur le lit pour s'exécuter. Etape par étape, elle escalade, le moindre effort titanesque, avant de finalement parvenir, tremblante, à se tenir contre le mur, sa plante des pieds à peine cicatrisée si sensible qu'elle étouffe un gémissement. Une petite victoire à savourer. Mais il fallait se rendre à l'évidence. Dante allait sans aucun doute la séquestrer. C'était toujours mieux qu'avant, supposa-t-elle. C'était toujours mieux que rien.

Il en profite pour réfléchir… Il ne peut lui en montrer plus que nécessaire… Il ne peut l'emmener ni à la Volière, ni chez la Marquise, ni au Nid… Ca mettrait ses alliés en mauvaise posture. La salle de torture il pourrait, mais il n'y a fait entrer personne depuis cette fameuse nuit… Elle n'ira pas loin et il ne faut pas qu'elle voit personne… Sa chambre à la parfumerie fera parfaitement… Quoiqu'il rechigne à laisser quelqu'un entrer aussi profondément dans son intimité. Quoiqu'elle a pas à savoir. S'il ne dit rien, personne ne saura...

Il pose la cape sur l'arcaniste et à force de draper et de batailler les plis du vêtement l'homme finit par arriver à un pli acceptable. La bande coupée de la précédente couverture fait une ceinture de fortune... Bon, il ne faut pas y regarder de trop près, mais l'effet est quand même là. Shyn'tae pense comprendre ce qu'il souhaite obtenir. Ca pourrait marcher, elle pourrait réussir à jouer le drow éméché. Elle est si fatiguée...

Constat, il va falloir qu'il la porte. Elle ne se rendra jamais… Tournant la tête, Dante regarde par la fenêtre. La nuit achève…

Shyn'tae se rappelle Veleth, qu'elle avait laissé quelques heures plus tôt. Cela semblait être une éternité, et elle lui avait promis de trouver un moyen de le faire entrer. "vous mentez tout le temps" avait dit Dante. Elle lui devait la vie. Cela faisait étrangement mal au cœur.

Brusquement, une main s'abat sur son épaule et la guide jusque sur le rebord du lit. Elle s'y assoit sans un mot, perdue dans ses sombres pensées.

-On attend la bouffe et on décarre après…

Parce qu'il n'ira nul part avant que sa compagne soit revenue…

Le jeune femme passe vers le coin laverie pour récupérer un pain de savon et quelques plantes qu'elle avait repérer et que la tenancière faisait pousser pour son usage personnel. Avec précaution, elle poussa jusqu'à la cuisine pour découvrir la couche de la bienveillante matrone dans un coin de la pièce. A croire qu'il ne faisait pas assez chaud pour elle dans le reste de la demeure. Après avoir fait quelques pas en direction du garde mangé, le chemin éclairé par les braises du feu de cuisson, elle s'immobilisa au milieu de la pièce, près de la grande table de cuisine. La tenancière était là, dormant d'un sommeil profond et sourd. Elle les avait vue débarqué, elle les avait aidé et elle avait vu passé Mehmet aussi... C'était pas bon. Un chasseur aurait pu se servir de ce qu'elle avait vu pour remonter jusqu'au guérisseur qui avait pignon sur rue et là ils auraient tous été embêtés.

Doucement, la jeune femme se tourna vers la masse endormit. Il était temps d'envisager un petit gueuleton nocturne. Alentour, elle observe dans la pénombre. Une cuisine est un endroit dangereux... Mais a-t-elle réellement besoin de ça ?

Le sac de Dante atterrit sur le sol dans un chuintement qui attise une fois de plus sa curiosité. Elle se délecte du petit temps de retenue que lui impose les évènements. Ce qu'il peut y avoir dedans... Une babiole ? Un souvenir de sa dernière mission ? Un indice sur leur chasse ? Un sourire pensif lui vient aux lèvres tandis qu'elle s'approche de la femme endormi. La vieille femme. Pas suffisamment vieille pour partir tout de suite. Suffisamment vieille pour qu'une mort paisible dans son sommeil ne déclenche aucune suspicion. Les gueules béantes aux crocs ombreux courent sur les murs, dansant dans la lueur des braises. Les yeux observent. Avides.

D'un coup de dent, elle l'emporte.

Les yeux de l'aubergiste s'ouvrent. Le froid règne dans la pièce. Les braises ne sont plus que charbon. Un souffle irisé passe de la femme aux lèvres blêmes chasseresse couvertes de marques vives. Les larmes montent à ses yeux écarquillés, mais un pouce plaqué sur sa gorge ne lui laisse pas le temps de crier avant de l'emmener à nouveau dans l'inconscience. Oh, la prise ne laissera pas de marque. Elle ne l'empêche pas de respirer. Une simple pression sur la carotide, comme Dante le lui a montré il y a bien des ennéades.

Sans un son, elle s'en est allé.

- Une de moins pour toi, salope voilée. " susurra Cécilie en replaçant sa victime dans la douceur d'une posture détendue.

Puis elle tira la couverture comme on borde un enfant, et retourna prendre son sac qui gisait un peu plus loin. Dans le cellier, lorsqu'elle ouvrit son sac pour y emmagasiner quelques petites chose, elle s'arrêta et en sorti le mystérieux contenu. Une... sculpture ? Tout en longueur malgré la volupté d'un corps aussi souple qu'aguicheur. Elle tordit le nez. Une femme nue, lascivement étendue. Ses bras tendus au dessus de sa tête semblaient fait pour enlacer quelque chose et le socle n'était pas fait dans le même métal. Cet statuette était... Cécilie ouvrit tout grand les yeux. C'était la garde de la dague d'Elia !  Elle repassa les doigts sur le corps de cette œuvre, trouvant une place facile pour ses doigts. C'était bien ça. Il l'avait gardé. Elle sourit. C'était vrai que ça avait été toute une aventure. Son expression devint mauvaise en se rappelant que cette chose avait aussi appartenu à Lyarra. Maintenant qu'elle la voyait, elle pouvait être certaine qu'elle était d'origine eldéenne... Et si la Louve Noire avait obtenue une dague cérémonielle dédiée à la déesse des plaisirs sombres, elle devait avoir ouvert les cuisses pour bien plus qu'un régiment de Nordiens à Amblère. L'idée la fit glousser. C'était un joli souvenir que Dante venait de lui offrir. Et à présent la dague de la mère catin et de la fille tapineuse allait lui servir tandis que son ornement resterait à sa Ténébreuse. Un joli partage qu'elle caressa une dernière fois du bout des doigts avant de le ranger. Son sourire ne parvenait pas à s'effacer de son visage et elle faisait son possible pour éviter de fredonner. La journée avait été éprouvante mais la soirée était particulièrement agréable pour l'instant.

Après en avoir finit avec les provisions, elle alla chercher son sari sur la corde à linge, attrapa quelques herbes à fumer aux baies relaxantes derrière le comptoir, et remonta bien plus silencieusement qu'elle n'était descendue. A chacun de ses petits larcins, elle avait pris garde de toujours rester en dessous de ce que n'importe quel intendant jugerai comme suspect. Après avoir tenu ce rôle pendant plusieurs mois pour sa chère cousine, il fallait bien que ça lui serve.

Sans frapper, elle se glissa à l'intérieur de la chambre et barra la porte derrière elle, guillerette... Et se fixe en découvrant le nouveau visage de Shyn'tae. Rasée de prêt. Entouré d'un simple vêtement gris. Elle a tout d'une esclave... Et la mage soupire.

- Dante... D'accord, elle est vivant et elle est méconnaissable, c'est un bon début... Mais il faut toujours que tu en fasses trop. On aurait pu facilement changer la couleur de ses cheveux et ça aurait moins attiré l'attention qu'un drow totalement rasé. ça aurait put lui servir à changer rapidement d'apparence aussi. " Droite orgueilleuse, elle l'accuse de ses yeux froids qu'il connait si bien. Elle lui avait dit qu'elle avait de quoi et elle savait très bien qu'elle n'était pas la seule à se dire que la seule façon de la faire passer inaperçu fagoter comme ça était d'en faire un esclave ou le dernier des mendiants beurré... Comme elle savait qu'il l'avait fait exprès, même s'il trouverait toujours à argumenter que c'était le plus simple. Il faudrait bien qu'il se mette dans le crâne que Shyn'tae n'était pas une ennemie et qu'elle ne le laisserait pas la torturer pour le plaisir ou la briser psychologiquement. Mais ce n'était pas l'heure d'une dispute en règle et le sourire qu'elle venait de déclencher chez Dante était bien trop franc pour qu'elle lui en tienne rigueur dans l'instant. Il assumait totalement et il avait poussé jusqu'à la limite qu'elle savait ne pas vouloir le voir franchir. C'était... Plus difficile qu'elle le pensait de s'empêcher de participer à ce genre de jeux quand il était d'humeur taquine.

Enfin ! c'était Shyn'tae tout de même !

Rajustant le sac sur son épaule, elle se baisse au coin du lit pour récupérer l'épée de son amie, tout en continuant à s'adresser à Dante. " Bon... Si tu l'as changée je suppose que c'est pour nous déplacer. Dit moi ou et je vous rejoins. Un homme ramenant son ami saoul passera plus inaperçu que notre groupe de trois. " Elle se releva sans pouvoir s'empêcher de le défier du regard, cet Indomptable Chasseur au foutu caractère qu'elle admirait tant.

- A la maison. " Elle ne cacha pas sa surprise et un sourire doux lui démangea les lèvres. Elle acquiesça, heureuse de le voir jouer le jeu, même si elle pensait sincèrement qu'il le faisait davantage pour toutes les excuses raisonnables qu'elle lui avait donné plus que parce que Shyn'tae était son amie. Pour faire bonne mesure après sa bravade, elle vint tout de même poser un genou en terre près de l'eldéenne pour être à sa hauteur et lui prit les mains.

- Ce n'est pas si loin. Tu vas voir. Ca va bien se passer. J'y serai même avant vous. Et après, tu pourras te reposer tout ton saoul. J'ai même trouver des oranges torturées dans du miel en bas. Je suis sûre que ça te remettra d'aplomb. "

Shyn'tae leva des yeux épuisés sur elle. Un mince sourire apparut sur son visage.
- J'en salive déjà... Si ça n'y arrive pas, rien n'y arrivera.
- Ne dis pas ça. Même pour plaisanter. Je compte bien t'obliger à suivre les prescriptions de Mehmet. Il ne se trompe jamais concernant les remèdes. Tu vas te remettre que tu le veuille ou non. " grimaça-t-elle.
- Si Mehmet connaissait les oranges torturées au miel, il n'aurait prescrit que ca. Je ne vois pas d'autres explications... " Cécilie ricana légèrement serrant un peu plus la main de l'eldéenne pour lui donner du coeur tandis qu'elle finissait un peu plus sérieusement. " Ne t'en fais pas trop, ca va aller. Besoin de dormir un peu je crois surtout.

Sur un dernier baiser à son cher Chasseur, elle ramassa les restes de cheveux blancs pour les jeter dans les restes du feu de la salle commune, quitta de nouveau la pièce... Et flâna un moment autour de l’établissement, hésitant quand à son devenir. C'était une belle nuit pour un feu de joie... Mais seule était-ce aussi amusant ?  

Après un moment, elle tourna les talons, regagnant la parfumerie par les petites rues, sans peur de ce qu'elle y croiserait... D'ailleurs, un jeune imbécile en fit les frais, avant qu'elle ne le dépouille pour ne laisser qu'une scène bien triste de vol qui aurait mal tourné et jeter ses affaires aux quatre vent.

Lorsqu'elle poussa la porte de la cuisine, elle fredonnait une ronde à propos d'un chat botté partant au bal des souris et un soleil pâle dardait ses premiers rayons sur la ville toujours en éveil.

La drow avait serré un peu plus fort la main de son amie pour attirer son attention. Un peu plus et ça aurait très bien pu déraper. Les yeux aiguës de Cécilie se braquent sur elle avec une morgue qui ne lui est pas destinée.

- J'ai dormi dans bien pire endroit: C'est propre, et si ca peut rassurer Xan', ce n'est pas un grand effort à consentir. Ca me convient. Si on pouvait ne pas l'enfermer ce serait mieux, mais elle supposa que c'était beaucoup demander.

Dante grince des dents, le surnom donné le fait chier. Ils n'ont pas élevés les cochons ensembles qu’il sache. La daedhelle remarque son trouble, cherche alors  quelle erreur elle avait pu commettre. Le poids de la fatigue se faisait sentir sur ses épaules frêles.

- Il y a un problème? Elle employa un ton doux et conciliant, même si elle doutait que cela change quoi que ce soit.

je t’ai dit quoi, toi, tout à l’heure?  Shyn'tae répondit d'un bref hochement de tête. N'importe quoi pourvu qu'elle puisse se reposer. Elle aurait pu dormir sur le sol dans la poussière, ca lui aurait convenu.

L’assassin commencait à sentir la moutarde leur monter au nez. Il était debout depuis la veille aux aurores, il avait crapahuté par monts et par vaux, s’était tapé une saloperie jaune, avait tué un crétin, s’était précipité pour découvrir ça. L’avait ramenée et ça trouvait quand même le moyen de chialer pour sa piaule!

-Descendez, j’appellerai quand j’aurai fini
- Tu veux de l'aide ?

Dante ricana méchamment.

- Pour balayer et enlever les toiles d’araignées? Je vais aérer au passage et chercher du matos de luxe pour la couche et la litière de ta petite minette. Si tu n’es pas capable de crocheter la serrure, occupe toi de ton acquisition et enseigne lui les bonne manières au passage. Du genre qu’on pisse pas sur les tapis et que notre chambre, si je l’y vois fouiner je la bute sec.

Au fond, avec du recul, Shyn'tae commençait à trouver le comportement de Dante pittoresque. Etrangement attachant même…Cela faisait réfléchir. Elle avait presque hâte de savoir ce qu'il allait trouver à dire ensuite.

Pfft. Comme si sa chambre était un taudis...

- Tu viens de le faire il me semble. " l'humaine vrilla son regard glacial dans celui de son Indomptable en passant près de lui pour ramener Shyn'tae vers le salon, régalienne." Et pour l'instant tu es le seul à manquer cruellement de bonnes manières."
- Tu disais pas ça cette nuit...
- Il faut croire que tu étais plus poli.
- Dégagez.
- Le balais est dans la cuisine. "

 l’assassin se tourna vers les cadenas bien huilés avec l’intention manifeste de les crocheter. Le défi le fit taire tandis qu’il sortait ses outils. Voyons voir, il avait toujours voulu essayer mais n'avais jamais eu l'occasion. La daedhelle le regarda, puis son regard glissa ensuite sur le verrou. Cela aurait été si facile… Dans ce qui ressemblait à une autre vie. Mais était-ce vraiment devenu impossible? Les motifs complexes se tordaient comme toujours, à la limite de son champ de vision, à chaque mouvement, même infime.
 
Shyn'tae haussa finalement les épaules et suivit son amie sans piper mot, aussi invisible qu'elle pouvait l'être en la circonstance. La dernière chose qu'elle voulait, c'était qu'ils commencent à se disputer à son sujet. Un truc pareil risquerait de mal se finir.

- Ca se passe plutôt bien en fait…J'aime bien la métaphore féline. conclut-elle finalement, apaisante, lorsqu'il fut hors de portée d'oreille. Cécilie laissa échapper un éclat de rire condescendant tout en l'aidant à s'allonger sur le canapé.
- Tant mieux, parce que tu risques de l'entendre un moment. Un forgeron pourrait battre le fer sur son crâne qu'il ne bougerait pas. " Elle souffla en s'installant près d'elle, raide et visiblement agacée... Avant de se radoucir d'un sourire. La daedhelle le lui rendit volontiers.
- Je l'ai bien cherché. J'assume."

- Tu n'as rien cherché du tout. Il est buté et il déteste avoir tort. C'est tout... Mais oui, ça se passe bien et ta chambre sera impeccable. Tu peux lui faire confiance pour ça. " ajouta-t-elle avec un brin d'ironie avant de se reconcentrer sur le moment présent et de se passer une main sur le visage avec un grognement fatigué. Ses yeux la piquaient sévèrement à force de tenter d’accommoder dans la pénombre. Elle pouvait bien les fermer maintenant. " Tu peux dormir. Il en a pour un moment. Si tu veux manger un peu avant j'ai aussi de quoi faire. "
- Ca ira… Les oranges sont séduisantes, mais je ne tiens plus debout. Toi aussi, repose-toi, tu en as bien besoin. Son appétit se rappellerait à elle bien assez tôt, elle le savait. D'ici là… maintenant qu'elle était couchée sur un canapé, elle se sentait déjà sombrer peu à peu dans le sommeil sans parvenir à s'en empêcher. La daedhelle se blottit un peu plus au fond de sa couche, ses yeux se fermèrent… Malgré tout ce qu'elle avait du avaler, malgré tout ce qu'elle aurait certainement encore à avaler… Ce ne serait peut-être que pour quelques heures, mais Shyn'tae se sentait en securité.

D'un geste ample, l'humaine détacha son Sari pour en couvrir l'eldéenne. Il était bien assez grand pour lui servir de couverture... Non pas qu'il fasse particulièrement froid, mais la fatigue rendait souvent frileux, et puis avoir une couverture c'était réconfortant en soi. Du moins l'était-ce dans l'esprit de la jeune mage.

Une fois son amie plus ou moins bordée, Cécilie ne se priva pas pour ouvrir son sac et en sortir un peu de ce qui constituait la majeur partie de ses provisions : de la viande. Séchée en l’occurrence. Les périodes d'attente n'étaient pas pour lui déplaire ou la gêner, surtout qu'elle n'était pas spécialement fatiguée, mis à part au niveau des yeux. Mais malgré le regain d'énergie que deux inconnus lui avaient généreusement apportés, son estomac grondait toujours. Perdue dans ses pensées mais tendant l'oreille, ses mains s'agitaient sur une harpe invisible puisque faire du bruit n'était pas vraiment recommandé. Elle ne bougea pas jusqu'à ce que Dante en ait fini avec ses préparatifs.  

Ce qui prit une heure à tout casser. Le voilà d’ailleurs qui redescendait avec le balai sans que personne ne l’ait vu passer plus tôt, signe qu’il avait bien réussi à crocheter la serrure. L’homme s’arrêta alors entre les deux pièces, prenant le temps de regarder le tableau que les deux femmes offraient. Le sari bleu sur la peau sombre le fit tiquer.

Sans mot dire, Dante déposa l’article ménager et retourna dans la chambre. Il y eut un bruit de portes et de couvercles de coffres qui se soulevaient. Puis il revint avec la chemise D’Arun et divers articles appartenant à El probablement, ainsi qu'une ceinture large et deux couvertures.

Sans rien dire, il déposa la pile sur le coffre avant de changer le sari par une des couvertures qu’il avait amenée, fleurant la lavande,  sous les yeux de nouveaux ouverts de sa compagne qui avait cessé de jouer pour de faux en l'entendant approcher. Pliant l’étoffe bleue , l’homme la posa avec révérence sur le dossier de la chaise du secrétaire avant de prendre la seconde .... Il allait en couvrir Cécilie quand il s’aperçu qu’elle le regardait, alors il interrompit son geste, interrogatif.

- Tu ne voulais pas qu'elle reste sans surveillance. " souffla-t-elle comme simple explication à sa veille. L'ombre d'un sourire flottait sur ses lèvres, mais c'était surtout ses yeux qui luisaient avec force. " On peut la coucher en haut et dormir un peu. Ou alors tu voulais vraiment l'enfermer juste pour avoir la paix, pas pour m'avoir à toi sans trouble; et dans ce cas je peux la veiller le temps qu'il faudra.

Dans le mot dormir, il entend des guillemets.  Un sourire en coin effleura la sale gueule de l’homme.

-aujourd’hui on peut la laisser ici. Tout est barré. Demain elle ira mieux et faudra y voir. La vérité tu le sais. Je lui fait pas confiance et on sait pas quoi faire avec. La faire bouffer et gagner des forces c’est facile. On pourra ni la garder ni la laisser aller. Tu le sais mais je parlerai pas de ça ici, pendant qu’elle écoute.

- Chaque chose en son temps. " La jeune femme se redressa sur son siège sans argumenter sur le fait que l'eldéenne était autant capable de rester éveillée qu'un païm de voler. " Je lui ai déjà dit que si elle nous trahissait, les eldéens seraient un soucis secondaire. Apprend à la connaitre et fait toi ta propre opinion. Quand elle se réveillera, on pourra lui parler de notre chasse et on avisera une fois la mission achevée. ça t'irait ?

Il hocha la tête, imperturbable. Quoi que son opinion était déjà faite. Il prit quelques morceaux de viande séchée.

-Tu voulais pas aller pieuter  toi? Je vais nous coucher. J’suis vanné. Faut que je lui trouve des bottes ce soir. Elle aura de l’exercice a faire et faut qu’elle bouffe, elle a encore moins de réserve que toi.
- Elle devrait prendre des vacances. " souffla la jeune femme, plus bas encore, en se levant pour s'emparer de la couverture que Dante tenait toujours dans une main. Elle laissa le tissus couler le long du dossier qu'elle venait de quitter avant de se diriger vers la chambre, l'assassin sur ses talons.

Vu que c'était déjà son intention, elle finit de s'exécuter dignement, heureuse de reposer ses membres encore fragiles. Ils ont son attention. Dante s'approche sans rien dire et la sert. Shyn'tae peut sentir la chaleur de son corp près du sien, même s'il évite avec un art certain tout contact. Ca ne dure que quelques instants et il se retire, sans la toucher. Les lèvres sèches, elle porte le verre à la bouche, le renifle tel un animal méfiant, puis boit une gorgée. C'est bon ce truc, remarque-t-elle, encore plus méfiante. Elle allait forcément le payer.

- Bon, à cause de toi, on retarde la chasse... la piste va être froide... Déjà qu'elle était pas chaude. On cherche un gus de ta race et il était pas mieux loti que toi... Grand, crasseux, qui fait des boules de feu à gogo... Ca te sonne une cloche?

La demoiselle s'immobilise, puis repose le verre, ses doigts en cercle le bord. L'humain la voit incliner la tête, intéressée par ce qu'il vient de raconter, son regard soudain perçant.

- Un praticien de la magie élémentaire... On en a des centaines… Dit comme ca, il n'a aucune raison particulière de venir du Puy. D'autres traits notables peut-être? Pourquoi chasser un magicien en fuite? Si c'était un contrat, il en saurait plus sur sa cible, à moins qu'il ne soit simplement payé pour débarrasser le coin de la menace.

Le regard perçant de leur... invitée... Putain que ce mot coince dans la gorge de Dante, sa gestuelle, ne lui échappe pas. Il se concentre sur la question des traits notables, laissant à Irulan le plaisir de répondre au pourquoi du comment.

- Au moins deux mètres cinq, plus de cicatrices que de peau... Des dents de requin et des yeux rouges... Quand je dis rouge, c'est tout rouge. Et il est moche, même selon vos critères."

- Il ânonnait des mots en langue sombre et disait quelque chose qui s'apparentait comme 'aller vers sa propre mort' ou quelque chose comme ça. Il ne semblait pas avoir vu la civilisation depuis des mois, peut-être des années. Et il n'était pas seulement laid, il avait aussi l'air vieux. " expliqua Cécilie en venant s'asseoir à son tour. " Il a attaqué beaucoup de gens ces derniers temps. A chaque fois c'est pareil. Une puissance bestiale. Une force brute. Un déchainement élémentaire de très grand niveau. Il a terrassé en une attaque une garde de plusieurs dizaines de soldats. Déjà, sa puissance et le fait qu'il ait essayé de s'en prendre à nous en fait un trophée de valeur, mais j'ai sentit quelque chose d'étrange en lui et il m'intrigue en tant que sujet d'étude. " Le regard aiguë de la jeune femme se posa plus précisément sur Shyn, avec cette intensité mal calculée qui lui était propre. La magicienne s'était tournée vers elle et soutint son regard. Une idée rôdait à la lisière de son inconscience. Une idée importante, mais qu'elle ne parvenait pas à saisir. Une idée inconcevable. Un drow laid, bestial… élémentaliste puissant. Aux dents pointus.

Shyn'tae détourna les yeux, sourcils froncés, lèvres serrées, pensive. Elle ne cessa d'écouter Irulan pour autant. De l’autre côté de la table, l’homme la fixait intensément, indéchiffrable.

-Un lien magique l'unit à quelque chose d'autre. Je n'ai jamais rien senti de tel. Ce n'est pas un lien d'âme et je doute qu'un lien d'esprit comme on en décrit pour certaines créatures comme les drake puisse s'enraciner si profondément. C'était presque comme s'il lui manquait un morceau et qu'il courrait après. Pour l'instant notre meilleure théorie est celle du cobaye. Une expériences de vos mages ou de vos prêtres qui aurait tourné étrangement. Dans tous les cas, je veux en savoir plus pour mes propres recherches, et pour ça il faut le capturer vivant."

- Il avait aussi l’air au bout du rouleau," ajouta Dante en allant remuer le contenu de la marmite, mettant la touche finale au repas. S’étirant, il prit une bouteille d’huile pimentée sur une étagère et la déposa sur la table. Il se demanda si Shyn’Tae savait qu’il parle eldéen... il se demandait aussi s’il devait parler du Prime Dragon.

Une image fugace traversa l'esprit de la drow. Un drake? Non, ce n'était pas un drake. Un drake n'avait pas de plumes. Pourquoi venait-elle d'avoir cette idée? La daedhelle secoua la tête, manifestement perdue.

- Merci, c'est délicieux. J'en reprendrais bien. Elle venait de reposer son verre, et gratifia Dante d'un sourire, avant de continuer.

Un cobaye… si loin du Puy? Elementaliste puissant qui plus est… Elle secoua la tête de dépit: Elle avait du mal à croire à cette théorie. L'image d'un demi drow, d'un dessin, des mots à demi effacés prirent vie dans son esprit. Il avait un animal avec lui? Un... truc un peu comme un drake? Mais avec des plumes? Shyn'tae se rendait bien compte que ce qu'elle disait n'avait aucun sens, même pour elle. Mais parler aide à enraciner les idées.

C’est quoi ca, un drake à plume? Silencieux, Dante remplit les bols en attendant de voir si Cécilie sait quelque chose sur le sujet, mais elle ne ponctue la question que d'un froncement de sourcil.

- Il n'avait rien avec lui, mais il cherchait quelque chose de précieux auquel il était lié. " répéta-t-elle posément. " Tu as entendue parler d'un oiseau ressemblant à un drake ? "

- C'est confus…" La drow pencha la tête, et se la prit à deux mains. Elle tentait de se concentrer, regard fixé sur son verre vide, mais fut entrainée dans le fil de ses pensées trop fragmentés.

La mine de plomb qui trace un drake difforme, une voix soumise évoquant des ailes duveteuses, un demi drow marqué d'or sur le front. Des scarifications sur un torse. Dante se débattant en hurlant.

L'image était frappante, mais quel rapport cela avait-il? Y en avait-il même un? La daedhelle leva les yeux vers l'assassin et se resservit en manipulant prudemment le pichet.
- Vous avez des scarifications... je crois...

Cécilie se raidit immédiatement, dardant son regard soudain froid sur l'eldéenne. Une chance que Dante leur tournait le dos. Ainsi elle ne put voir son expression fugace de déplaisir ni lui l'expression de ses yeux. C’est cependant la voix bien égale, un peu trop égale pour Cécilie peut-être, qu’il répond

Le rapport avec ce qui nous préoccupe est? On parle du gus, pas de moi. Sauf s’il y a un lien.

Il prend et coupe le pain en trois parts, la plus petite était pour lui avant que sa compagne ne la chipe pour lui donner la sienne. Elle était redevenue un peu plus mobile en entendant le contrôle dans la voix de son Chasseur, mais son oreille restait dressée et ses lèvres à deux doigts de poser un arrêt brutal si la conversation continuait à dévier... La seule chose qui la retenait était qu'elle ne voyait pas pourquoi Shyn'tae serait revenue sur la question et que la princesse eldéenne était déjà au courant de ce détail. Les eldéens n'avaient aucune raison de vouloir en savoir plus sur la question.

- Je ne sais pas encore... rétorqua doucement le petit chaton perdu dans ses pensées, du ton de celle qui n'avait pas remarqué le trouble de son interlocuteur.  

-tu ne sais pas encore? Te faut quoi pour savoir?

Dit il en déposant un bol fumant rempli de morceaux de viande nageant dans une sauce épaisse parmi une flopée de légumes.  Il sert sa compagne ensuite, elle a droit à un bol de légumes avec un unique morceau de viande. L’espoir qu’elle y goûte un jour ne le quitte pas. La drow hume le bol, l'odeur est plaisante. Cela lui rappelle Na'ri et ses petits biscuits.

Un demi drow lui tend un biscuit, l'air gêné. Elle l'attrape avec les dents. Elle est certaine que c'est l'esclave au drake à plumes.
Le fil l'amena vers d'autres idées. Ce n'était pas le bon. Shyn'tae réalisa finalement que Dante lui avait répondu, et de la tension autour de la table était montée.
- Oubliez-ca. Ca a un rapport mais j'ai oublié lequel, c'est tout. C'est mon esclave qui m'a décrit la drôle de bête. Je…  

Des dents pointues, un rire dément, un regard de braise, Des boules de feu déchirent les toiles dans un déferlement de puissance arcanique, les araignées couvrent le sol comme une vague vivante que la magie déchire avec aise.

La voix aux accents exotiques de l'Eldéenne se fit à nouveau entendre. Posée, lente, pensive.
- Je crois que je connais ce drow.

Attentive, Cécilie se redresse sur le bord de sa chaise, sans interrompre la daedhelle si bien lancée.

- Mais… ce n'est pas sûr. Je me rappelle… Une colère, bestiale, furieuse, un roc... La sombre s'arrêta soudain, ses oreilles abaissées comme celles d'un chat pris sur le fait. Elle avait suivi un autre fil. Peut-être n'aurait-elle pas dû.

des sensations étouffées, des perceptions délirantes… un corps chaud contre le sien, des os craquant contre ses genoux. des mains calleuses et rudes sur sa peau douce. Le plaisir dans son corps en souffrance.

Non, elle ne pourrait pas parler de cela. Jamais. C'était trop inconcevable. Était-ce d'ailleurs vraiment arrivé, ou le fruit d'un fantasme issu des tréfonds les plus obscurs de son âme clairement trop perverse? Ce drow était tellement moche. Malgré sa peau noire, elle rosit, sa gêne visible.

Le plaisir qui pénètre jusqu'au fond de son âme. Le plafond vouté, la triumvir Viconia qui la regarde dans les yeux en dansant sensuellement. Un cadeau de victoire. Des présents oubliés, le drow aux dents pointues, apathique.

Shyn'tae se redressa brusquement, son regard allant de Cécilie à Dante, vif, perçant. Elle avait attrapé un souvenir qu'elle pensait clé.

- Qui a participé aux jeux de Thaar, contre moi.. Coté Eldéen?

Content qu’elle ne pousse pas pour investiguer ses marques, Dante s’assied. Un morceau copieux de viande avec quelques rares légumes garnissent sa pitance. Ça, il s'en souvient, parce qu'il était furieux de ne pas  y être… Par chance, sa défaite contre Shyn'Tae avait eu finalement un effet inattendu… Positif… Il n'en veut pas à personne. Parce qu'en perdant, il avait gagné une raison de continuer à respirer plus avant. Les prunelles dichotomiques semblent toutes les deux s'adoucir simultanément, un bref instant, à ce souvenir avant de reprendre leur éclat d'origine, incisifs. Il sait comment la guérisseuse Eldéenne était furieuse contre lui parce qu'il avait fugué pour assister au combat.  

- Hanegard, Le tueur de Roi et le triumvir Urgoll’Ven, haut-prêtre de Zhak’Bar… Je vois pas où tu veux en venir...
- Le triumvir… " La drow resta silencieuse, son cœur s'était serré. Elle en avait soit trop dit, soit pas assez. Probablement beaucoup trop pour son propre bien.

- Non, j'ai seulement le témoignage d'un esclave. Il était peu clair. Tout ce que je sais, c'est que tout allait bien, puis plus du tout. Peut-être un moyen de défense, ou peut-être juste le mage a-t-il paniqué. J'imagine que tenter de couper un tel lien a du être particulièrement douloureux pour Urgoll et la créature. Assez pour qu'ils interrompent tout un peu trop brutalement…

Shyn'tae porta un morceau de viande à la bouche, audacieuse. Il était excellent.

- Quelle idée aussi d'essayer un truc pareil. Il devait être désespéré. Par contre c'est très bon. Qu'est ce que c'est? Un plat d'ici? Elle montrait son bol, dans lequel elle piochait allègrement, son appétit entièrement restauré.

-Ca s’appelle un ragoût....

Dante, ayant fini son assiette, était en train de saucer son pain pendant que Cécilie observait son morceau de viande à mi hauteur.

- D'accord. La réponse était remarquablement peu précise, mais l'humeur de Dante à son égard étant en apparence sensiblement meilleure que la journée précédente, elle choisit de ne pas le pousser trop loin. Il y avait tout de même autre chose qu'elle voulait aborde rapidement.
- C'est peut-être beaucoup demander, mais pourrais-je envoyer quelques messages? Et croyez-vous qu'on pourrait faire quelque chose pour le Zurthan qui m'a sauvé la vie? Il ne mérite pas de mourir dans un coin pour ca. Quant aux coûts La drow réfléchit. Je ne sais pas trop encore, mais je veux que ce soit équitable.
Dante arrêta de manger net pour regarder alternativement Irulan et Shyn’Tae. Sombre…

-Je Changes-tu de métier pour celui de missionnaire?
- Moi? Non.
-Non. Moi... J'ai tu l'air d'un missionnaire? Il a quoi de spécial ton gus?

Cécilie n'émit ni soupir, ni objection et finit par amener le morceau de viande à sa bouche, le mastiquant longuement. D'abord, sa gorge s'était tendue instinctivement, mais elle retrouvait le goût de ce qu'elle connaissait en péninsule. Cela faisait des années... C'est vrai qu'à l'époque elle n'était pas la dernière quand il s'agissait de bon repas composés de toutes sortes de gibiers. C'était décidément excellent.

Dante remarqua qu'elle y avait goûté. Une lueur de plaisir flotta dans l'oeil marron, appréciateur.

- Trois lionnes, et une magie élémentaire sacrément efficace dans le désert. Elle haussa les épaules, et mangea un légume de plus. Il était craquant, goûtu. C'était parfait. Na'ri adorerait cela sans aucun doute. "Il n'aime pas les drows, mais je serais heureuse de pouvoir à nouveau compter sur ses talents, plutôt qu'être celle qui l'a laissée sur le coté du chemin lorsqu'elle n'a plus eu besoin de lui."
- Ça n'arrivera pas. " Après avoir dégluti, l'humaine attrapa un torchon non loin pour s'essuyer les lèvres, parlant d'une voix égale et autoritaire. " Pour les messages, peu importe qui tu veux prévenir et de quoi, si les hautes sphères t'ont pris en grippe, ça ne ferait que les mener plus facilement à toi. Les messages sont toujours traçables. Si c'est vraiment important, nous en reparlerons après notre départ de Thaar, mais si c'est en direction du Camp des tiens, tu peux oublier. " Éventuellement, les messages de la Volière pouvaient servir de couverture, mais l'heure n'était pas encore venue de parler de cette éventualité. Sans mal, son compagnon suit le même chemin de pensée. Lui, il les aurait fait écrire pour les lire avant de les envoyer au moment opportun... Si il en avait l'envie à ce moment. Ca aurait pu être instructif. Shyn'tae hocha la tête, pensive.
- Merci du conseil. En effet, si c'est traçable, c'est même pas la peine d'y penser.

Cécilie avait reposé sa cuillère , une vieille habitude d'étiquette lui interdisant de manger et de parler en même temps.
" Et pour le Zurthan, il est hors de question qu'il nous accompagne. Qu'est-ce que tu voudrais faire pour lui exactement ? "

La drow manqua de s'étouffer avec un légume. " Nous accompagner? Hors de question. Je n'arrive même pas à compter le nombre de raisons pour lesquelles se serait la pire des idées. Non, juste prévenir quelque bonnes âmes de sa localisation, qu'ils envoient quelqu'un. Pas la peine de le crier sur les toits. Peut-être y-a-t-il des Zurthan qui se serrent les coudes? " On entendait de drôles de choses sur Thaar, mais surtout qu'on y trouvait de tout.
- Qui prévenir ? Qu'ils envoient quelqu'un pour quoi faire ? Les Zurthans n'ont pas l'habitude de se rendre jusqu'à Thaar. Les seuls que j'ai rencontré étaient bien à l'abri dans leur désert et ils se détestent farouchement les uns les autres.
Ca se tient… Est ce seulement réellement un Zurthan? C'est une des rares places où il n'a jamais mis les pieds mais Cécilie semble conaitre. Dante a une idée.. C'est simple, rapide et ils se feront pas casser les oreilles.
-Il faut avertir le temple de Néera et ils s'occuperont du reste... C'est simple, un gros don et un message dans le tronc et c'est vite réglé. Peux tu me dire comment tu as réussit à trainer un Zurthan hors de son désert?
- Il a été facile à convaincre. Heureusement vu mon état à ce moment là. J'ai appris ensuite qu'il était exilé. Sa femme enlevée par des esclavagistes, peu pressé d'être attrapé par les drows, ce genre de trucs. Je ne suis pas sa mère, mais j'ai réussi à le convaincre de me faire confiance. Tuer quelques drows a du aider je crois." Elle prit une moue boudeuse, et avala une cuillère de légumes avec de la sauce. "J'admets m'être un peu plantée sur la fin. Mais vu que je suis littéralement tombée sur toi, j'en suis heureuse." La drow avait adressé un sourire à Cécilie. Tout n'était pas parfait ici, loin de là, mais elle avait en effet eu de la chance. Pour ce qu'elle en savait, elle aurait pu tomber sur Myr'Hennis Vect habitant le palais de Krish. Elle se tourna aussitôt vers Dante.
- Si c'est faisable sans risque, je trouverai un moyen de rembourser ca.

L'homme se lève, s'essuya les lèvre avec le torchon piqué à Irulan. Il en avait assez entendu…

Il est où exactement, ton maitre des fauves? Shyn'tae décrivit rapidement l'endroit où elle se souvenait s'être séparé de lui. Un bosquet d'arbres et de buissons à l'est des faubourgs de Thaar. Dante hoche la tête avant de monter se changer. Quand il redescend, c'est en haillons, quasiment un mendiant si ce n'était de Mensonge à sa hanche, un bandeau sur son œil vert. Son antique plastron, celui qui avait avant l'actuel, ses vieilles bottes éculées…  Un regard de miel averti Shyn'Tae de ce qui risque de se produire s'il arrive un pépin durant son absence. Puis, sans rien ajouter d'autre sauf un ardent baiser à sa compagne, il quitte le refuge, laissant les deux femmes seules.

Tuer trois lionnes et leur maître est irréalisable dans son état actuel, il n'a n'y le temps, ni l'énergie. Tuer Le maître et laisser les lionnes en vadrouille serait baliser la piste avec des grans écriteaux. Faire dégager tout ce beau monde, que les poursuivants les filent et que, quand ils les aura rattrapés et interrogés ils reviennent leur fera gagner de quelques jours à bien quelques enneades au mieux. Parce que trois fauves constituent une belle défense. Non que cet énergumène se fasse soigner et retourne dans son bled paumé est le mieux pour tout le monde. Putain... Il sauve les gens maintenant… Dante grince des dents. Ils en hurleraient.

La drow le regarda partir. Aussi bien, il allait le tuer. Quoique, avec trois lionnes, ce serait un projet non trivial.  La daedhelle n'en avait rien dit, mais elle était partagée. Laisser le Zurthan se débrouiller seul était, quoiqu'il en soit, exclu car la plus risquée des options. Une partie d'elle considérait qu'offrir une mort rapide à cet humain était l'option raisonnable. Ce qu'elle avait demandé était tout autre.  Aux yeux de la daedhelle, il y avait de l'interet à cela, il était utile. Mais surtout elle souhaitait respecter une promesse à l'égard d'une des rares personnes qui avaient été bienveillantes avec elle. Si elle ne le faisait pas avec lui, pourquoi le ferait-elle avec eux lorsque le moment serait venu. Car il viendrait. Ce n'était pas raisonnable. C'était seulement important.


De son côté, Cécilie finit son bol, partagée. Ce Zurthan était un risque et si elle avait été seule à décidé, elle aurait fait en sorte qu'il se fasse dévoré par ses propres lionnes. Mais elle avait d'autres choses à faire. Elle aurait bien repris les recherches sur la piste de leur proie, mais elle ne laisserait pas Shyn'tae seule. Autant pour la sécurité de son amie que pour la tranquillité d'esprit de Dante. Le temps que le repas soit fini et la table débarrassée, l'humaine proposa donc à sa compagne de faire quelques pas dehors pour profiter du soleil avait de remonter sur le long canapé qui avait été annexé comme lit jusqu'à nouvel ordre. La drow s'y endormit presqu'aussitôt.

En réalité, le soir-même, Dante était à ce point fatigué, qu'il s'endormit comme une masse en voulant se poser quelques minutes au calme de sa chambre. Shyn'tae put donc profité d'une seconde nuit dans le salon chaleureux aux volets ouvragés.

La cohabitation entre la drow et le chasseur s'annonçait bien moins difficile que prévue en fin de compte.

Cette nuit là…

La nuit était venue depuis longtemps, la maison silencieuse. Les rayons dorés de la deuxième lune, découpés par les persiennes, illuminaient la forme sombre pelotonnée sous une couverture dans le sofa. Elle frissonna, se roula en boule. Un faible gémissement retentit… deux yeux rubis s'ouvrirent soudainement.

Des crampes insupportables dans son ventre... ses lèvres parcheminées, sa gorge si sèche.

La couverture glissa au sol,  drow se leva, titubante, sans s'embarrasser de vêtements, et oscilla comme un mort vivant jusqu'au jardin pour disparaitre précipitamment dans le lieu d'aisance.  

C'était comme si elle perdait toute l'eau de son corps. Sa peau contractée en chair de poule, elle frissonnait, glacée.

Ce fut bientôt fini… Elle resta hagarde de long instants. Le chaton était si fatiguée. Il suffirait de s'endormir… Pourtant, elle se traina jusqu'à la fontaine, plaça sa tête sous l'eau courante, avachie, et but de tout son saoul. La sensation de l'eau froide sur son visage, qui emplissait sa gorge.. sonnait comme un si beau moment.

Pour combien de temps?  Les crampes étaient revenues.
La drow se précipita dans la cabane.
La drow chancela sous la lueur de la lune jusqu'à l'eau salvatrice.

Encore.
Et encore.

Agenouillée, la tête mouillée posée contre le rebord de pierre, le filet d'eau tout prés, la daedhelle respirait lentement, profondément.

Elle se rappela finalement les mots de Dante, de sa fichue macération... Ce crétin comptait la purger, avait-il dit...

En s'endormant sur place, Shyn'tae reconnut qu'elle avait survécu plutôt aisément à la purge du Puy, mais que celle là aurait bien pu avoir sa peau.

Une main lui soulève la paupière vers l'aube… deux doigts se posent avec reluctance sur sa carotide. Elle vit… Le dallage de la cours par contre aime moins ca… Bon, ca fera de l'engrais pour les plantes… Dante la palpe et tâte à la recherche de fracture, analysant le corp frêle d'une façon toute clinique. Elle commençait à bouger, le réveil difficile après une nuit qui l'avait été tout autant.  Il se releva et alla chercher un seau d'eau qu'il balanca sur le corp nu de l'Eldéenne sans délicatesse…

L'eau froide acheva de la réveiller complétement. Un réveil tonifiant digne de l'armée Eldéenne.   Un autre seau suivit, puis un autre... Allant chercher le savon dans le coin toilette, l'homme revint et se mit à la récurer à fond avec sa "délicatesse" notoire, insensible à son odeur et à ses protestations éventuelles.
- Hey! je suis capable de…
-Ta gueule

La daedhelle renonça et le laissa faire, la mine contrariée, et lui tendit les membres l'un après l'autre à mesure qu'il en exprimait le besoin. Un coup d'oeil sur son flanc lui confirma à nouveau que Memeth avait fait du bon travail. La cicatrice était tout sauf nette, mais tout ce qui comptait était qu'elle était refermée. Une fois propre à son goût, l'assassin l'enroule étroitement dans une couverture et, la prenant dans ses bras malgré son dégoût manifeste de son contact tactile, va la porter non pas sur le divan ni dans sa "chambre" Mais dans le lit, à côté de Cécilie qui ouvrit un œil ensommeillé... Puis se redressa sur un coude en ramenant la couverture à elle, parfaitement réveillé sous le coup de l'adrénaline mais ayant du mal à suivre les tenants et les aboutissants de la situation.

-Surveille là... Petit Chaton a pas de vers, c'est la bonne nouvelle du jour. La mauvaise c'est qu'elle a trop pris de macération, elle s'est desséchée. Je vais lui faire de quoi la requinquer.
- Non mais ça va pas... ? " balbutia-t-elle sans être tout a fait sûre de comprendre.
[color=cyan]- Une bonne tisane d'alchémille et de la flotte…  Un peu de gruau pour plus tard, quand elle se sentira mieux... Faut boucher la fuite...
La daedhelle se redressa aussitôt vers Dante, sans prêter la moindre attention à sa nudité, la colère dans les yeux.
- Plus de trucs "spéciaux" pour moi. Tu aurais pu me tuer avec tes conneries! Elle avait levé le bras pour mimer les guillemets de "spéciaux".
- Préviens-moi au moins!
- Bon sang, mais qu'est-ce qui s'est passé ?!

Dante hésite entre rire et se fâcher et ca donne une mimique étrange, difficile à décrire.

-Je t’ai avertie pourtant que je te purgerais. Tu pensais tomber en vacances? T’es pas mouru petit chaton...  t’es pas mouru....

Il redevient sérieux.

-Tu prend ce que je te donne et point barre...t’aura rien d’autre.

Shyn'tae s'était raidi, parcourue par une bouffée d'adrenaline. Bizarrement, elle n'était pas intéressée par cette perspective. A quel point était-ce du bluff? A quel point l'un des deux était-il capable d'y renoncer? En soit, c'était une experience intéressante. Cela l'aurait été plus encore si le sujet n'était pas de savoir s'ils devaient la trucider et si elle ne pensait pas qu'ils en étaient définitivement capables, l'un comme l'autre.

- Cela n'a peut-être pas beaucoup d'importance, mais si vous voulez mon opinion, je ne suis pas tentée, moi. Vous pourriez attendre que je sois remise de cette fois là, avant d'essayer de me faire la peau? Ce sera plus intéressant. Promis, je vais me dépêcher." Impériale dans sa couverture, la sombre avait parlé d'un ton égal, avec le plus grand des sérieux, d'une voix dont la douceur et la maitrise ne trahissait pas, du moins l'espérait-elle, sa tension. C'était peut-être pas la meilleure chose à faire, mais c'était.. toujours quelque chose?

- Tais-toi. " Répond froidement Cécilie, cinglante comme le vent du nord. Elle n'a pas détourner les yeux de Dante, mais il la connait trop pour douter un seul instant. C'est à l'eldéenne qu'elle s'adresse. Est-ce l'ombre d'un sourire qui se dessine au coin de ses lèvres tandis que la perspective qui luit dans l'oeil de Dante fait doucement son chemin en elle ? Le tenter... Le voir la tuer... Comme souvent lors de leurs disputes, elle se retrouve en porte à faux avec elle-même. Désireuse de l'emporter. Séduite par sa résistance. Son Indomptable...

Tu vas te faire tuer.  s'entendit dire Shyn'tae, très doctement, au fond de son esprit.

Au son de la voix de la drow, l'homme ne marque aucun signe qu'il a entendue Shyn'Tae... Mais il l'a parfaitement entendue. Cécilie peut en avoir la confirmation par l'infime contracture de la mâchoire tandis qu'il se retire, ne laisse plus aucune émotion avoir prise sur lui. Ses prunelles s'éteignent, ne gardent que leur lueur inhumaine.

-T'es libre, ta vie, tes choix et tes conséquences ma grande... Ne me fais pas sentir coupable. T'en a voulu, me refile pas les responsabilités ni le sale boulot de t'en débarrasser après. J'en ai rien à foutre.  
- D'accord. "
- J'ai voulu rendre service… Je me permet aussi de t'envoyer royalement chier. Et  je reste poli… Veuillez m'excuser, Votre Altesse. Votre présence m'insupporte. Restez avec votre chaton, elle est d'une compagnie assez noble pour votre rang, elle. Et elle ment sur demande en plus… Sur ce…

Lui accordant la victoire pour le moment, l'assassin recule soudainement en faisant la révérence qu'elle déteste tant, passant dans le salon... descendre et quitter les lieux dans son silence habituel, sans dire s'il va revenir ni quand, ni où il va. Par chance, il n'est pas du genre buveur... Pour le moment, ils sont en furie. Cette garce noire est en train de tout gâcher. Pourtant, elle en a de besoin pour ses études.  L'esprit calculateur de l'homme se trouve en conflit avec ses émotions. Quand on dit que les enfers sont pavés de bonnes intentions.  Tout ca pour de la merde... Si au moins elle était vraiment morte.

L'humain parti, Shyn'tae soupira, la colère toujours coincée dans la gorge. Cette scène de ménage n'avait rien arrangé. Au moins avait-elle pu affirmer qu'elle était autre chose qu'un foutu animal de compagnie. L'épisode de la nuit l'avait laissée en piètre condition, elle était contrainte de l'admettre. Elle se sentait humiliée, affaiblie. Mais cette révolte... Elle faisait du bien. La drow se sentait vivante, déterminée. D'un mouvement, elle leva en se drapant de la couverture. Irulan était sur le chemin.

- Je vais travailler. Je crois qu'il était bien intentionné. A sa façon.