Attention ça pique.

7e jour de la 1ere ennéade de Favrius ~ Automne
17e année du XIe Cycle
Camp Sud du siège eldéen, au temple de Kiran
Midi, peu après l'ordalie.

L’ordalie était terminée, le Juste avait rendu son jugement et l’affaire était réglée. Celle-ci l’était en tout cas et même s’il en restait beaucoup à faire il ne pouvait continuer sans se faire soigner au préalable. Ils ne pouvaient continuer sans être soignés au préalable. Les deux combattants furent donc amenés au temple de Kiran au plus vite car ils étaient en mauais état ; mauvais état dont on ne pouvait réellement mesurer l’ampleur, du moins chez Kerath, qu’en retirant son armure. En effet le bec de corbin de la triumvir ne l’avait pas loupé et pour cause ladite armure fut difficile à retirer. A tel point qu’un élémentaliste fut mandé pour, sous la direction des prêtres des Jumelles, retirer les parties bien trop endommagées pour être enlevées sans risquer d’aggraver le cas de son porteur. Quant à Elrie, Kerath ne savait pas ce qu’était devenu son arme, alors certes d’ordinaire il pouvait le soulever à une main mais avec la douleur ce n’était pas envisageable alors il l’avait laissé. Peut-être que certains spectateurs se seraient dévoués pour le ramener dans sa tente au camp nord, dans le pire des cas il retournerait fouler le sable de l’arène pour le chercher.

Cependant pour le moment il n’était pas question d’arme mais d’armure et une fois la sienne retirée on l’aida à se débarrasser des couches de protections matelassées en dessous puis sa tunique pour faire le compte des hématomes. Toutefois sa pire blessure, et de loin, se trouvait, sans grande surprise, être son coude droit brisé, ce dernier ayant décidé de prendre un angle somme toute peu naturel. Des esquilles pressés contre la peau risquaient de la percer au moindre mouvement un peu brusque. Finalement ce fut le carcan rigide de l’armure qui empêcha la blessure d’être plus grave qu’elle n’aurait pu l’être. Ce fut d’ailleurs cette partie de l’armure qui mit le plus longtemps à être retirée à cause de la délicatesse nécessaire pour ne pas empirer la situation et comme toute manipulation de son bras était extrêmement douloureuse, on donna quelque chose à mordre au guerrier pour éviter qu’il n’éclate les tympans des gens autour ; puis après une brève prière à Kiel l’élémentaliste et les prêtres se mirent au travail.

Une fois dénudé il était visible pour tous que Krish n’y était pas allé de main morte, en même temps l’inverse eut été décevant, et même si chaque coup n’avait pas violacé la peau sous toutes ces protections il était mal en point. A l’instar d’un châton à pointe il avait toujours une peau clair avec des plaques un peu partout, des cadavres de sombres sur un champ de cendre.

La longueur du siège avait permit la construction des temples dans les camps. Construction… c'était un bien grand mot pour dire que les temples aient été sortis de terre par des élémentalistes en manque d'occupation. Le temple de Kiran en faisait parti. Il restait plus pratique que les tentes habituellement utilisées en campagne, mais ils était loin de l'agencement complexe des temples jumeaux au Puy.

Il était organisé autour d'une grande pièce dont les murs étaient gravés des demandes et des prières des soldats. On pouvait y lires des mots pour être soigné, pour retrouver l'usage d'un membre mais aussi pour être épargné de la maladie pourtant rare mais crainte aussi. Il y avait des noms pour attirer le regard des Dieux. Et comme attendu, il y avait comme mobilier principal des lits. Ou plus exactement, deux sortes de lits : des lits de camps pour les patients en court de convalescence et les lits autels pour les interventions et les soins.

Durant l'ordalie, les prêtres avaient réorganisé les lieux pour accueillir les deux augustes dirigeants. Deux lits étaient recouverts de draps frais et avaient chacun à leur côté une desserte pourvu de linges, d'onguents de tout genre, et de bassine d'eau. Dans le coin préparation, de l'eau était en train de bouillir.

Malgré sa condition, Na'ri partit en même temps que Kerath après leur repas commun. Mais contrairement à lui, elle n'alla pas aux arènes, mais au temple. Elle ne voulait pas voir le combat, elle ne s'en sentait pas la force. Et se sentait bien plus utile là, qu'aux arènes… Elle laissa tomber son rouleau de corde au pied d'un des lits. Connaissant le daedhel, ils en auraient peut être besoin.

Plutôt que de faire les cents pas en tournant en rond, la prêtresse était en train de discuter avec ses paires sur les différents types de blessures que pouvaient infliger un marteau de guerre et surtout comment les soigner. Ils évoquèrent également les différents risques et contre coups. Chacun aller de son expérience personnelle sur les champs de batailles, ou des différents sujets de recherches menés ou lu.

Essoufflé, un esclave avait dérangé cette petite assemblée pour annoncer la venue de leurs hôtes avec une première liste des blessures. Ils se repâtissèrent les rôles. Et attendaient de pieds fermes les combattants.

Na'ri abandonna un temps Kerath. Elle se sentit de trop pour lui retirer l'armure… et surtout, il ne se tenait pas tranquille et cherchait à aider comme s'il avait encore un surplus d'adrénaline à évacuer.

Alors elle se plaça au devant de la Triumvir. Il y avait déjà quatre prêtres qui s'était penché sur son dos. Elle prit une bassine d'eau et une compresse propre.

- " Pour éviter que ça ne gonfle de trop, je vais mettre ceci. C'est un peu froid. "

Elle n'attendait pas vraiment de réponse car les sens de la daedhelle était déjà bien sollicitée par ailleurs. Délicatement elle déposa la compresse humide. A l'aide d'une autre compresse, elle essuya des éclaboussures sanglantes avec douceur.

- " Pour votre nez, vous le souhaitez à l'identique ou on en profite pour le refaire un peu ? Ne répondez pas tout de suite, je vous laisse réfléchir. "

A côté d'elle, on pouvait entendre les mugissements à moitié étouffés de Kerath ainsi que les gémissements du métal.

- "Je reviens"

Enfin nu, le daedhel se calma un peu… ça voulait juste dire qu'il ne marchait plus partout et sans sa carapace, il était comme un chat mouillé. Alors la soignante abandonna la Flamme d'Uriz pour son patient. Elle monta sur la tête du lit et se mit à genoux.

- " Tu viens ? tandis qu'elle tapota sur ses genoux.

Quand il s'installa enfin, elle lui laissa la place et descendit. Tandis que des prêtres s'occupaient du bras, elle posa ses mains de part et d'autre de ses joues et le caressa.  Avant que son sort ne fasse effet, elle pria.

Ce qui était toujours le plus éprouvant dans les combats, c'était la peur d'y laisser un morceau de son corps de façon définitive. Cette peur, contrairement à bien d'autres, Krish ne la ressentait pas. Pas ou plus ? Difficile à dire quand cela remontait à l'enfance. Malgré la douleur et le malaise qu'elle avait manqué faire sur le sable de l'arène, elle avait refusé toute aide pour se déplacer jusqu'au temple, marchant à son rythme tandis que ses muscles refroidissaient en révélant toutes les douleurs qui parsemaient son corps. Cette foutue journée n'était pas plus terminé que sa discussion avec Kerath, mais ils n'avaient pas eu besoin d'en parler pour savoir l'un et l'autre que ce qu'elle avait devait lui dire serait dit entre quatre yeux.

Arrivée au temple, elle s'était assise sans un mot sur le lit proche de celui de Kerath, dos à lui, soufflant doucement pour évacuer le surplus de cette vrille aiguë qui pulsait dans son dos. Quelques mots rauques étaient tombés pour leur dire qu'elle se fichait de son armure. S'ils avaient à y aller à la cisaille pour minimiser les mouvements qu'elle devrait faire, ils pouvaient y aller... Et bien qu'elle se trouva moins problématique que celle de Kerath, sa désincarcération pris de bien trop longes minutes à son goût. Et ce n'était rien comparer à la sensation de toute cette magie qui lui traversait le corps. Tendue, elle faisait son possible pour accepter la situation et faciliter la tâche aux prêtres, mais son instinct restait cambré contre les soigneurs.

Lorsqu'une personne passa devant elle pour poser quelque chose de froid sur son visage, elle mit même quelques instants à reconnaitre la prêtresse qui accompagnait si souvent Kerath et qui était à la réunion d'état major au matin même. Encore quelques instants lui furent nécessaires pour aller saisir le linge et le maintenir elle même sur son nez, grimaçant en sentant son épaule droite grincer en s'imposant à contre courant de la volonté des mages.

Quoi son nez ? Il était très bien son nez ! C'était quoi cette question ?!

Mais trop tard, la femme était reparti. Et pendant plusieurs minutes, Krish remâcha sa question avec une hargne consommée. En plus elle avait froid, c'était n'importe quoi...

- Maman ! " tonna soudain une voix grave à l'entrée, attirant l'attention générale. Un jeune homme qui tentait de se dresser de toute sa hauteur pour voir à l'intérieur, avait été intercepté et saisit par un prêtre et un garde d'ébène alors qu'il chargeait comme un bélier vers l'intérieur du temple. " Par le Marteau du Destructeur, laissez moi passer ! "

Durant toute l’opération pour retirer son armure, Kerath ne cessait de vouloir participer, se contorsionnant pour aller chercher une attache, repoussant parfois un prêtre parce qu’il voulait s’occuper seul de cette partie ; même si au final il répétait cette excuse pour chaque bout d’armure retirée jusqu’au moment où la prêtrise de Kiran s’impatienta sérieusement et que quelqu’un ose lui dire d’arrêter de faire l’enfant et de les laisser travailler en paix. Le Senger suspendit son geste avant de laisser retomber son bras gauche, alors certes il regrettait la majorité des gestes qu’il faisait lorsqu’il tentait d’aider, même si en réalité il rendait la tâche plus ardue qu’autre chose, mais il avait énormément de mal à s’en empêcher. Alors qu’il tentait de ne pas toucher à son armure rouge il trépignait, battant une mesure étrennée avec son pied sur le sol du temple pour le plus grand agacement des soigneurs et des blessés présents car, comme se doit tout bon temple, l’intérieur resonnait quelque peu. Lorsqu’on lui demanda fermement de bien vouloir se tenir tranquille Kerath acquiesça et resta immobile… pendant une vingtaine de secondes avant de se ronger les ongles puis la peau qui les bordaient. Après de longues minutes interminables, en tout cas qui parurent interminables aussi bien pour le propriétaire de l’armure que pour les prêtres et le mage, le Senger fut enfin libre et il put se rendre compte que Na’ri n’était plus à ses côtés. Il se leva pour la chercher du regard et la trouva auprès de Krish mais il ne dit rien, il se contenta de marcher en rond malgré les conseils appuyés des prêtres qui contre-indiquaient de tels mouvements dans son état.

Cependant il avait beau les écouter, il recommençait quelques secondes plus tard. Jusqu’à ce que, finalement, la prêtresse qui l’intéressait en ait fini, du moins pour le moment, avec la triumvir, il la suivit sur le lit et s’allongea, déposant lentement sa tête sur le lit. Maintenant que l’adrénaline quittait lentement son système sanguin il sentit la fatigue engourdir ses membres et alourdir ses paupières. Peut-être était-ce la magie finalement mais peu importait réellement car l’effet était le même. Toutefois il rouvrit bien vite les yeux, se relevant en sursaut, en entendant quelqu’un crier et la douleur provoquée par un mouvement aussi brusque lui arracha aussi un cri ; et sans doute arracha-t-il au moins un claquement de langue à un prêtre qui s’occupait de son bras, le seul qui était resté suffisamment concentré pour poursuivre sa tâche malgré l’interruption. Serrer les dents ne fit qu’ajouter à sa souffrance alors il jeta un regard noir au nouveau venu ; du moins dans sa direction car c’était à peine s’il pouvait le voir de là où il était.

Son monde bascula une nouvelle fois. Il était chaud, légèrement poisseux et rugueux, comme d'habitude… ou presque. Il lui fallut faire le tri, chercher d'où provenait l'ulcération et quand elle la toucha du doigt, voilà que son patient se redressait.
- Sa… s'il te plait, ne bouge pas. Chuchota t'elle, en agrippant les larges épaules pour le rallonger.
Elle en avait assez avec les ressentis de la magie et son inquiétude sans qu'il faille rajouter un patient peu coopératif. Elle reprit son exploration tout en ignorant allègrement le jeune drow contrairement à un prêtre qui s'approcha d'un pas nonchalant et hautain.



Il était grand, le crâne rasé de frais et le regard pénétrant. Il détonnait de ses frères : grand, habillé d'une robe bleue nuit travaillée. Coquet, il portait des colliers de différents métaux, striant sa peau d'ardoise et différents anneaux aux oreilles et une boucle d'oreilles aux pendeloques aux couleurs des jumelles.
- Et qu'y ferez vous ? Le ton était froid. Cependant, il évita de croiser les bras et il posa ses prunelles lie de vin sur le jeune drow à la peau blanche, attendant une réponse. Je peux vous laisser passer, mais il faut me convaincre. Etre son enfant n'est pas suffisant. Je vous écoute.

Les yeux du jeune homme s'étrécirent. Ils étaient du même rouge sang que ceux de la Triumvir et dénotaient sur son derme blafard dépourvu de cicatrices. Les cheveux blancs qui devaient lui arriver au niveau des omoplates étaient rassemblés en un catogan plus élégant que pratique et les proportions parfaites de ce bout d'homme d'un mètre quatre-vingt au visage symétrique auraient sans doute pu faire de lui un prêtre d'Isten. Mais il ne se redressa ni ne se drapa dans une quelconque noblesse outragée face au prêtre qui venait d’apparaitre. Méfiant, il se fit soudain plus calme, analytiques, tandis que son corps adoptait fluidement une posture de combat défensif.

- Laissez-moi la voir. " gronda le jeune homme bien plus bas, jaugeant le prêtre comme s'il était un prédateur sournois qui aurait put se métamorphoser en créature des P'leik en une fraction de seconde. " J'étais au camp ouest ce matin. Je n'étais pas là pour son ordalie et je veux savoir comment elle va. "

- Elle est blessée, mais vraiment pas assez pour vous perdre. Pour l'heure, vous pouvez soit attendre ici, soit tenir compagnie à des pensionnaires. Il fit un geste pour l'inviter à le suivre. Le jeune homme se tendit d'autant plus, baissant la tête.

- Laissez moi la voir... S'il vous plait. "

Dans son coin, Krish avait essayé de répondre, mais respirer la serviette humide qu'elle avait sur le nez en essayant de prendre de l'air et bouger son bras gauche par inadvertance avait donner une situation bien trop complexe pour ses poumons. Les prêtres dans son dos s'étaient saisis d'elle pour l'empêcher de se lever et le peu d'air qu'elle possédait encore avait décidés de s'échapper en un gémissement douloureux, l'obligeant à concentrer toute son attention sur sa respiration pour ne pas se mettre à tousser.

Sur le visage de l'inflexible drow, un léger sourire flotta sur ses lèvres durant deux secondes.
- Et qu'y ferez vous ? Elle a besoin de soin. Pour la voir, décalez vous par ici. Le prêtre renouvela son invitation que le jeune homme suivit cette fois. Son œil couvait le prêtre avec une animosité non dissimulée et son maintient fluide restait tout sauf servile, mais il se plia à la consigne. Comment s'opposer plus qu'il ne l'avait déjà fait à un prêtre de cet importance ? Alors tout en se décalant à l'endroit indiqué, il cherchait la Triumvir des yeux, ignorant superbement les œillades de patients et prêtres qu'il avait dérangé. Dès qu'il l'aperçue entre deux prêtres qui s'agitaient autour d'elle, quelques mots lui vinrent aux lèvres pour louer les Jumelles. Sa poitrine se gonffla d'air et un sourire en coin assez proche de celui que pouvait avoir sa mère lui vint aux lèvres.

- Bel'la, " Il interpela une fois de plus l'homme au crane rasé, mais cette fois il baissa humblement la tête. " Comment puis-je sacrifier aux Déesses ? J'aimerai leur adresser toute ma gratitude. "

Si le Grand Prêtre eut été surpris, il ne le montra pas bien que le bout de son oreille gauche tiquant légèrement. Prudemment, il suggéra, Il y a l'option de facilité qui est monétaire. Mais quelque chose de plus personnalisé peut être fait comme rendre un service. C'est à vous de voir. Légèrement dubitatif, il attendait une réponse du jeune homme.
- Si je peux Leur être utile en quoi que ce soit, faites le moi savoir. " s'inclina-il simplement avant de reporter son regard sur la silhouette qu'il cherchait en arrivant.
Je n'y manquerai pas. Je n'y manquerai pas… Le Grand Prêtre s'éloigna du jeune eldéen, pensivement. Il pourrait tenir compagnie aux enfants quand il aura les résultats sur l'éventuelle maladie. Il était hors de question qu'il se retrouve contaminer.

- Os fêlé. La prêtresse posa enfin son diagnostique tandis que pour la seconde fois de la journée, ses pairs étaient penchés sur le coude. A présent, elle parcourait d'une main la peau marbrée par les ecchymoses, l'autre était appuyée sur la poitrine pour qu'il reste en place malgré les picotements inhérent à sa magie.
Rien… rien de plus que le bras et la mâchoire. Elle adressa une courte prière à sa Déesse et la remercia. Alors que le Senger avait peut-être tué l'un de ses serviteurs, et souillé son costume ecclésiastique, pour le moment Elle ne lui avait pas tenu rigueur. Pour le moment.
D'une fiole présente sur la desserte, elle déposa sur chaque tâches quelque goûtes d'une huile aux odeurs chaudes d'un mélange d'épices, qu'elle étala du bout des doigts.

- Et maintenant, que vas-tu faire ? La question était posée et malgré les oreilles indiscrètes, elle méritait de l'être.

« En mettre une au gosse s’il ne ferme pas sa gueule. » Grogna-t-il entre ses dents, les voix qu’il entendait vers l’entrée du temple lui tapant sur le crâne ce qui n’aidait en rien son mal de tête lancinant. Il hésita un moment à continuer, il y avait du monde certes, mais vu que ce qu’il comptait faire se ferait de toute façon en public, il se décida bien vite. « Je vais guérir, discuter avec Krish, faire une ordalie de Tewyn, probablement guérir à nouveau, reprendre mon anneau et pour la suite… ça dépendra de ma discussion avec Krish. »

La prêtresse frissonna.
- Et sais tu déjà contre qui ? Une pointe de suspicion pointait dans sa voix.
« Pas contre Krish, si c’est ce qui t’inquiète. Être haut-prêtre ne m’intéresse pas. Par contre si ça peut lui permettre de se débarrasser d’un de ses adversaires qui risquerait d’utiliser l’instabilité de la situation… je la laisserai choisir la cible. Tant pis si je dois passer pour son chien de garde. Je ne laisserais pas des inimitiés mesquines mettre en péril l’Eda Vengeur. »
- Je n'aurai pas dit un chien… Mais, peu importe. Et merci. Merci pour Elle. Elle me semble extrêmement seule. Je ne connais pas sa vision précise, mais je suis heureuse que tu veuilles l'aider. Disant cela, elle avait prit soin de baisser la voix pour éviter que la Triumvir ne se sente plus seule encore.
D'ailleurs, si tu as besoin d'aide pour apprendre les rites d'Uriz, je me porte volontaire.
« Avec plaisir. Après tout c’est toi qui m’a donné l’idée alors tant qu’on y est autant que tu m’aides. »
Elle avait oublié. Oublié ce que cela fait d'être écoutée. Mais quelque part, c'était normal. L'écoute, le respect de l'autre, faisait parti de ce sentiment plus grand, plus global.
- Je souhaite t'épauler, te réconforter du mieux que je peux. C'est la seule chose que je puisse vraiment faire en attendant mon procès. Elle aurait aimer faire plus, mais, c'était oublié qu'elle n'était pas tout à fait libre. Aujourd'hui avait été une exception. Et cela leur donner aussi un prétexte, si tenter ils en avaient besoin, de passer du temps ensemble.
« Et c’est largement suffisant, Na’ri. Tu ne veux toujours pas que je m’en mêle ? Si jamais tu as besoin d'un champion... »
- Pour affronter qui ? réussit elle à dire entre deux éclats de rire.
« Peu importe qui. » Grogna-t-il sombrement, agacé qu’on se moque de lui.
Mais que tu m'entraines, pourquoi pas. Quand tu te seras complètement remis de tes blessures par contre. Ses yeux étaient rieurs, elle en avait fini et il fut bientôt recouvert d'un drap. Si tes hématomes sont douloureux, n'hésites pas à mettre dessus quelque chose de froid, ça te soulagera. Il se contenta d'hocher la tête, un peu vexé.
« Quand est-ce que je serais en état de me battre à nouveau ? »
- Je ne sais pas encore. Je crains que ton bras finisse par en pâtir si tu devais avoir une troisième blessure aujourd'hui. Et laisse un peu de temps au forgeron de redresser ton armure. Elle est en moins bon état que toi. Mais ne l'as tu pas dit tout à l'heure, il faut d'abord une discussion avec la Triumvir.
« Je sais que je dois parler avec Krish mais il me faut être en état de combattre dans quelques heures au plus tard. Je ferais attention à mon bras et je prendrais une autre armure. »
- Bien. Que pouvait elle faire de plus si ce n'est le soigner, encore et encore ? Au moins ils avaient été prévenus. Elle reposa ses mains sur les joues du Senger et se mit à tisser son sort du bout des doigts, appuyant légèrement sur la mâchoire pour mieux en cibler l'effet.

Quand elle eut fini, les prêtres qui s'occupaient du bras étaient déjà partis depuis une certain temps. Krish était également moins sollicitée. Leurs affaires avaient été renvoyées soit à l'armurerie pour des réparations, soit dans leurs tentes respectives en échange de vêtements.

- Prête moi ton bras… Sans attendre sa réponse, la medecin se déplaça et se saisit du bras. Une main sur le coude, elle le plia de nombreuses fois, il était encore raide mais il se pliait sans trop de difficulté et son propriétaire n'en demandait pas plus. Attends pour l'Ordalie. Ce serait mieux… Elle était sérieuse. S'il te plait.

Avant qu'il ne puisse répondre, venant de la silhouette sombre allongée sur le ventre sur le lit non loin, une voix légèrement ensommeillée s'éleva assez fort pour que la prêtresse et son patient puissent l'entendre. Un sourire naquit sur les lèvres de Sagar en l'écoutant mais il décida d'attendre qu'elle ait terminée pour lui répondre.

- Tu devrais l'écouter. " La tête de Krish se tourna du côté de son adversaire du jour. Son nez fraichement ressoudé n'avait pas encore tout a fait dégonflé et aucune amélioration esthétique n'y avait été apporté. " Mes prêtres ne sont pas des humains. N'espère pas pouvoir les battre sans être au top de ta forme. Et même si ce serait un honneur de te compter dans leurs rangs, si tu entres dans les ordres tu devras abandonner ta fonction de Senger pour suivre l'enseignement des prêtres. Il est hors de question de briguer la prêtrise simplement pour en avoir le titre sans la sagesse ni le savoir. Se serait faire insulte au Père et à tous ceux qui lui ont dévoué leur vie en entrant dans le clergé. "

« Oui maman. » Krish leva un sourcil amusé, puis le sourire moqueur de Kerath disparu et son expression retrouva sa neutralité habituelle. « Plus sérieusement je comptais apprendre cela dit si je dois renoncer définitivement au titre de Senger... tu es la Prime Flamme, dans quel rôle puis-je servir au mieux l'Eda Vengeur? »

Elle le regarda, prenant visiblement le temps de réfléchir. La question n'était pas anodine et la réponse fut peut-être décevante à entendre, mais elle n'en était pas moins vrai.

Peu importe la condition, un peu de sagesse supplémentaire n'est jamais inutile. La soignante fit un écart préventif après un hochement de tête de son patient. Ne t'enfuis pas tout de suite, je reviens. rajouta t'elle en s'éloignant en se tenant les épaules. D'un pas engourdi, elle disparu dans les profondeurs du temple.

- Pour l'instant je n'en ai aucune idée. Te sentirais-tu plus utile à gérer l'administration d'une armée au grand complet quitte à délaisser les champs de bataille ou en première ligne avec Murrpau, ton marteau à la main ?
« Je préfererais combattre mais est-ce que les deux sont réellement incompatibles ? Un prêtre d’Uriz ne peut-il pas être un Senger ? De toute façon je peux toujours faire cette ordalie et décider de ne pas rentrer dans les ordres si je la gagne. »
- Tu ne devrais pas ridiculiser les traditions des prêtres. Qu'une telle ordalie soit entreprise sans la volonté sincère de rentrer dans les ordres quoi qu'il en coûte, est indigne. Mais je te promet de réfléchir à la question de ce rang double. En attendant, tu peux reprendre ton anneau sans que cela n'influe sur ma décision finale."

« Je… toutes mes excuses, ce n’est pas ce que je voulais dire. Je veux rentrer dans les ordres mais si ça réduit les chances de succès de l’Eda Vengeur… » son regard se perdit dans le plafond. « Je reprendrais mon anneau et renouvellerais mon serment. En public ou en privé, peu m’importe. »

Kerath se rassit sur son lit, ça ne comptait pas comme une fuite se disait-il alors qu'il se tournait vers Krish à l'aide de son bras gauche.

« Tu m’as demandé si je croyais en la méritocratie mais qu’en est-il de toi ? »
- J'y crois. " Répondit-elle sans avoir a réfléchir une seconde, la tête toujours posée sur le côté, son bras droit lui servant d'oreiller pendant qu'un prêtre venait relayer son confrère pour s'occuper de son épaule gauche. Ce qui surprit Kerath, le faisant lever un sourcil. " Et comme j'ai une admiration inconditionnelle pour tous ceux qui ont le cran de faire fructifier leurs talents, je ne peux que voir les imperfections de notre société. Car je crois aussi que le combat n'est qu'un talent parmi tant d'autres, comme celui de diriger. Le Père nous a donné une infinité de façon de nous démarquer. Ceux qui renient leur potentiel pour se plier aux coutumes ou acquérir des responsabilités qui ne leur correspondent pas n'ont aucun mérite à mes yeux. " Un sourire un peu plus appuyé lui vint aux lèvres. " Mais j'aime aussi les paris. Certains sont gagnant. D'autres non. "

« Des paris… » Il prononça le mot comme s’il en goûtait la saveur mais visiblement ça ne lui convenait pas, ce qui poussa la triumvir à ajouter quelques mots sans s'offusquer le moins du monde.
- Ne fait pas cette tête, tu en fais aussi. Quand tu choisis à l'instinct de rassembler tes hommes d'une certaine façon par exemple. Ou aujourd'hui. Nous sortons juste d'un pari assez couteux en os brisés."#ff0000] « Je ne joue jamais avec la vie de mes drows. » Grogna-t-il sombrement.   « Une formation ne doit jamais être choisir à l’instinct ou au hasard. »
-Que les Dieux se mêlent des paris de ceux qui le méritent est dans l'ordre des choses. "

Il allait ajouter quelque chose mais il avait déjà du mal à contredire un membre du clergé, un avatar qui plus est, alors le faire sur de la théologie… il se ravisa et préféra poser une autre question:

« Pourquoi avoir choisi Viconia ? Si tu voulais un prêtre de Valas comme collègue pour ne pas avoir pris le haut-prêtre ? »

- Je n'avais pas besoin d'un prêtre de Valas. Viconia aurait put être lavandière ou esclave, ma décision aurait été la même. Ce que peu savent, c'est que le jour ou nous avons défait Malag'eyl, elle est restée d'un calme exemplaire et d'une volonté de fer dans les moments les plus complexes. Elle a pris en main des situations désespérées, imposé sa volonté à des puissants et était prête a donner sa vie pour chacun d'entre nous. Lorsque le Haut-Prêtre de Teiweon est mort, j'ai vu ça comme un signe de Leur part. " ajouta-t-elle en levant les yeux vers le plafond. " Il fallait du changement et un retour aux fondamentaux. De plus, je devais annoncer un triumvirat en même temps que la mort de Malag'eyl, avec des gens présents, pour que tous sachent qu'il s'agissait de ceux qui avaient luté pour Elda et limiter les initiatives des contestataires. Urgoll'Ven avait travaillé avec l'armée pendant des siècles et prouvé un nombre de fois incalculable que les magouilles des diplomates lui étaient étrangères en plus d'avoir fait ses preuves en tant que Haut-Prêtre. A cette force brute, j'avais besoin d'ajouter un esprit posé qui pourrait éclairer les changements qui s'annonçaient d'un regard neuf. J'ai cru voir en Viconia un diamant brute qui n'avait pas encore été corrompu par l'orgueil et la passivité des puissants. Ceux qui s'étaient élevés, certes, mais qui avaient fermés les yeux sur la déchéance de Malag'eyl pour grappiller une once de pouvoir. Puis le Purges sont passées. La force s'est transformée en lâcheté et la volonté en caprices. " Elle soupira.

Pour ces deux là, elle avait clairement raté son coup. Velkyn, Tebirahc et Haldren lui manquaient d'autant plus... Oui, même Haldren. S'il n'avait pas eu l'audace de sombrer dans l'hérésie, de s'en prendre à la chair de sa chair et de la laisser pourrir là-bas, un esprit brillant comme le sien aurait pu participer à fédérer leur peuple. Mais la mort et la trahison guettaient même les plus puissant il fallait croire... et c'est sans plus de pression qu'elle termina malgré le monde qui les entouraient dans ce temple en pleine activité :

- Lorsque Viconia aura assez retrouvé ses esprits pour que je lui parle, il ne restera plus qu'une triumvir. "

« Tu as laissé la politique prendre le pas sur la méritocratie qui fait notre force. » Répondit-il sur un ton neutre. Ce n’était pas un reproche mais une simple observation. « Maintenant que nous sommes tous les deux trop blessés pour continuer à se taper dessus autant reprendre les points de désaccord de ce matin : j’interroge ta stratégie parce qu’elle touche des points pour lesquels je ne suis pas compétent. Donne-moi une armée, les ressources pour l’entretenir et je conquerrais Miradelphia pour Uriz mais ne me demande pas de l’administrer. J’en suis incapable. Mais est-ce que tu veux toujours un Karliik qui ne s’inquiète pas de diplomatie ou de politique ? Ton discours de ce matin me laisse penser que non et si c'est le cas je ne suis pas la personne qu'il te faut. »

- Qu'est-ce qui, dans mon discours, t'as fait croire que je ne voulais pas d'un Karliik entièrement tourné vers la guerre ?

« Tu parlais de me mêler de politique, de m’occuper d’autre chose que le bon fonctionnement de mon ost, d’évincer autrui, de me préoccuper de la création d’un empire et tout ça nécessite de s’intéresser à la politique. Je sais qu’on n’échappe jamais à la politique à moins de vivre reclus dans les marais de Faélia. Je ne veux pas commencer à voir la politique comme un champ de bataille car on ne peut jamais gagner et le pire scénario qui puisse arriver dans une guerre c’est de s’embourber. »

- Alors je m'en excuse. Je baigne dans la politique depuis trop longtemps pour en faire abstraction facilement. Comme je l'ai dit pendant la réunion de l'état major, je suis convaincue que Sol'Dorn ne se limitera pas à une guerre conventionnelle. Il y a des menaces qui ne craignent pas les armes. Mais j'aurais du comprendre que ce ne soit pas une idée naturelle pour quelqu'un qui n'est pas habitué à composer en permanence avec les hautes instances administratives, cléricales et arcaniques. " Elle s'accorda un moment de réflexion avant d'ajouter avec un intérêt certain. " La guerre ne se déroule pas seulement sur un champ de bataille. Est-ce que tu as conscience des menaces qui peuvent guetter tes hommes avant qu'ils atteignent le champs de bataille, qu'elles soient magiques ou simplement sournoises, ou est-ce que tu considère que cela fait partie de la politique et de la diplomatie ? "

« La politique  constitue en soi ses propres dangers. Un général trop victorieux, populaire, peut être vu comme une menace par ses supérieurs et être rappelé pour l’éloigner de ses armées et s’en débarrasser. Au contraire il est possible de l’utiliser, notamment en ne touchant pas aux terres d’un seigneur péninsulaire, ou aux commerces d’un prince marchand, pour faire croire aux autres que ce dernier a noué une alliance avec nous afin que ses confrères doutent de son allégeance. Est-ce que c’est ce que tu entends par sournoiserie ? Ou est-ce que tu veux parler d’embuscades ou de guérilla ? »
- Les deux.
- Pour ce qui est de la magie j’avoue ne pas y connaître grand-chose, je compte sur les conseils et les lumières du C’nros, des prêtres de Zhak’Bar, d’Uriz… ou du Prime Sorcier. »

Un sourire se dessina de nouveau sur les lèvres de la Triumvir. Au-dessus d'elle, plus la conversation avançait, plus le prêtre faisait son possible pour devenir invisible.

- Il faudra réfléchir à un Conseiller qui pallie ce point faible dans ce cas."
« Si tu as quelqu’un en tête n’hésites pas. »
- Mais en parlant de Prime Sorcier, j'aimerai avoir ton point de vue sur les actes et le comportement de Valsrik ce matin.

Kerath se fit plus sombre alors qu'il prit quelques instants pour se rappeler de ce que le favoris pour le poste jusqu'à ce matin avait dit et fait. Puis il prit quelques secondes de plus pour réfléchir avant de finalement se décider à ouvrir bouche.

« Je suis d’accord avec ce qu’il a dit. Je ne me suis pas agenouillé devant Viconia parce que j’ai pensé qu’elle avait raison ou parce qu’elle est triumvir et encore moins parce que c’est ma petite-fille. Je me suis agenouillé parce que c’est une prêtresse. Il m’a rappelé que même les prêtres ne sont pas infaillibles. Quant à ses actes… je ne sais pas trop quoi en penser. Il aurait pu être violent mais le fait que personne ne l’a suivi, mis à part son compagnon, semble indiquer qu’il n’avait pas prévu de rébellion. Je pense qu’il était sincère. Et j’avoue ne pas avoir pu réprimer un sourire lorsqu’il a parlé de royauté, c’est d’ailleurs ce qui m’empêche de dire qu’il a eu tort, peut-être qu’il a fait tout ça pour te donner l’occasion de placer une couronne sur ta tête sans que ça vienne directement de toi, ce qui serait moins bien vu par beaucoup. Cela dit si tu le fais, et j’imagine que le triumvirat ne survivra pas s’il ne reste qu’une triumvir, je pense que rien ne va changer ; après tout jusqu’ici il ne te manque que le titre et ladite couronne. Mais et toi? Qu'en penses-tu? »

- Je ne l'ai compris qu'à moitié, mais c'est une habitude. Il est pas foutu de parler pour être compris. Utiliser des mots compliqué et des sous-entendus lui donne l'impression d'être intelligent. Il est simple de se vanter d'avoir changer une personne simplement parce qu'on sait la faire sortir de ses gonds et de prétendre qu'on a dit pile poil ce qu'il fallait quand on ne s'exprime pas clairement. Mais je pense qu'en effet, au sujet de la royauté, il était sincère. D'autant plus que nous sommes camarade de longue date et qu'en matière de magie, il est loin d'être mauvais. Pour tout cela, j’aimerais pouvoir passer l'éponge. " Malgré son ton nonchalant, toute légèreté avait déserté ses traits. " Mais cela n'excuse pas le fait qu'il a utilisé sa magie pour me contraindre physiquement. Pour cela, je veux le tuer de mes mains. Le fait qu'il ait appelé publiquement à remettre ma parole en doute sur un simple coup de tête en fait aussi une source de contestation et de remous qui ne mérite que ça. " Après quelques instants elle ajouta un peu plus curieuse. "Comment gèrerais-tu un Veldruk à la lame sûre mais aux capacité d'organisation inexistantes, qui n'est jamais venu te parler en privé, qui se met d'un coup à décrier publiquement tes ordres et qui te coupe la parole alors que tu t'adresses à tes troupes, en te liant les mains dans le dos par surprise, pour clamer que tu n'es pas le bon chef à suivre ? "
Un sourire carnassier passa sur les lèvres de Kerath.

« Je n’aurai rien eu à faire, Murrpau s’en serait chargé pour moi, et peut-être que c’est ce qu’il te manque : un Murrpau. Mais ... »

La prêtresse, un plateau dans les mains, était revenue sur les dernières paroles de la Triumvir. Ses épaules étaient secouée par ses rires. Le châle épais qui la recouvrait glissa à moitié.

- "Ce n'est pas comme ça que tu es devenu Veldruk ? Tu n'avais pas encore Murrpau à l'époque, il me semble… mais une scie à os. Il y a une petite nuance : l'ancien Veldruk n'avait pas de félins à pointe.  Je n'étais pas présente lorsque tu l'as défié, as tu décrié ses ordres en lui coupant la parole ? "

« Pas tout à fait. Je n’ai fait que lui… suggérer, de façon musclée je l’admets, une alternative. Et je te signale que j’ai présenté mes excuses et fait de nombreuses offrandes aux Jumelles dans l’espoir d’être pardonné pour le bordel qui a résulté de mon combat. »

Se défendit-il en lançant un regard en coin à la prêtresse. Un rire amusé échappa à la triumvir aux quelques mots de ladite prêtresse. Elle adressa un regard admiratif au général. C'était… il y a tellement longtemps. Le Senger avait bien parcouru du chemin depuis…

-" Kerath'Elghinn nous apprend que des agitateurs peuvent être utile au Puy. Avec des guides, ils peuvent apprendre, grandir encore pour au final servir son peuple. Quelle est votre confiance en cet agitateur ? Que souhaite t'il ? Accepterait il des guides ? Mais si vous me le permettez, Sesmika, pourquoi êtes vous tant en colère ? Est-ce par ce qu'il a touché à votre personne ou à votre fonction à travers votre personne ? " A ses mots, la prêtresse posa le plateau sur le lit autel et glissa dans les mains du daëdhel une coupe fumante qu'il accepta sans broncher mais sans rien faire non plus, s'il devait en boire le contenu il ne ferait qu'à l'invitation de Na'ri.

- Il souhaite servir l'Eda et refuse d'être aux ordres de qui que ce soit sauf des dieux. Celui là n'apprend pas. Il ne peut pas apprendre puisqu'il est convaincu de tout savoir. " Cela aurait été plus simple sinon... ou peut-être plus complexe. Un sourire mutin étira ses lèvres. " Et mes griefs sont personnels. Personne ne m'entrave sans y laisser des plumes. Même en privé. Et ce cher Valsrik'Hrae ne fera pas exception à la règle. "
« Nous servons tous les dieux avant n’importe quel mortel. Même toi. Surtout toi. »

Le prêtre qui s'occupait du dos de la Triumvir arrêta le flux de magie et s'écarta en s'épongeant la tempe. Aussi discret que possible, et se promettant d'oublier au plus vite ce qu'il avait entendu, il parti à grand pas après avoir poser une serviette chaude sur le haut du dos de sa patiente, sous le regard interrogatif de Na'ri. Ne portant que le pantalon de cuir qui servait de base à son armure, son pied bandé pour maintenir la cheville pendant dans le vide, elle resta sur le ventre, ne poussant qu'un léger soupire de soulagement en retrouvant pleine possession de son corps meurtri et se  retrouva elle aussi en possession d'une coupe fumante.

- Le second soucis est le chien de garde C'nrosien qu'il se trimbale et qu'il va falloir gérer aussi... Enfin... En attendant que j'ai un Murrpau ou un garde à lui coller aux miches à toute heure du jour ou de la nuit, je ne vois pas comment éviter de perdre un élément utile... "

« Le tuer est une mauvaise idée justement parce qu’il a parlé puis s’est soumis à ton jugement. Si tu le punis de mort pour ça la prochaine fois tu n’auras pas de mots mais une dague dans le dos. Et puis s’il est le favori pour devenir Prime Sorcier c’est que l’Erkd’Fe Renor le voit comme son futur chef naturel. Avec le C’nros qui a perdu une part non négligeable de son influence et le culte de Valas qui risque d’en prendre un coup si tu destitues Viconia tu laisseras l’Etude Noire comme la faction magique dominante au Puy. Une faction dominante qui reste au Puy. Une faction dominante qui risque de voir cette histoire comme un piège de ta part pour te débarrasser de lui afin de limiter leur influence. Es-tu prête à prendre le risque ? »

- Il est vu comme prime sorcier parce qu'ils n'ont personne de mieux. C'est un choix pour le moins pire pas pour le meilleur. Le véritable prime sorcier est au Puy, bien au chaud et s'amuse a refuser la place depuis plus de huit ans. " grinça-t-elle. " Et oui je suis prête à prendre le risque, mais je cherche d'autre options. "

Oh… Ainsi l'agresseur était un favori pour être Prime Sorcier ?  La soignante fit un mouvement de négation de la tête en remettant son gros châle. S'il veut servir les Dieux alors mettez lui un culte. Quoi qu'il arrive, il devra réapprendre à vivre avec les autres. Il devra se soumettre aux règles. Après… c'est de la politique et ce n'est pas mon expertise. A ces mots, elle s'assit par terre, le dos appuyé contre les jambes de son doux tourment.

« Habile. » Il posa une main sur les épaules de Na’ri, prenant bien plus de précautions que d’ordinaire avec son bras droit, baissant les yeux sur elle. Fermant les yeux, pour céder à la fatigue ou pour mieux écouter, elle plaça sa joue sur les doigts de son amant.

Krish leva un sourcil, puis le baissa. Et elle posa le menton sur ses bras pour regarder le mur à deux mètres devant elle. " Dans les ordres... " ça se tenait... S'il n'était pas trop stupide.... Et que Ran'lyn ne l'était pas non plus. Avec précaution, elle se redressa pour s'asseoir sur le bord de l'autel, la serviette tombant de son dos avec un bruit mâte.

« Fais-en une annonce publique. Contact les drows importants dont tu ne doutes pas de la loyauté, préviens-les de ta décision, dis-leur qu’ils doivent représenter les deux extrêmes de ta décision en privé. Ensuite tiens une audience publique face à Valsrik et demande-leur la punition qui convient. Laisse les discuter un moment, reste silencieuse, avec un peu de chance les deux pseudos factions vont se quereller te permettant d’asseoir ta position d’arbitre te donnant plus d’importance lorsque tu vas donner ton verdict. Si tes collaborateurs ont bien fait leur boulot tu pourras lui ordonner d’aller dans les ordres sans passer pour une faible ni quelqu’un d’intransigeant. Et la décision ne sortira pas de nul part. »

Une moue à la fois déçue et appréciatrice étira les lèvres de la Triumvir mais ce fut à la prêtresse qui répondit la première. Elle en profita pour ramasser la tunique laissé sur la desserte près du lit, une sorte de grand peignoir qu'elle passa simplement sur ses épaules avec précaution, testant l'amplitude de son articulation.

Kerath… tu es vil.
« Je hais la politique. » Gronda-t-il en voyant les réactions que sa proposition sucitait.
C'est aussi une mise à l'épreuve de la loyauté. Est il important de trier le grain de l'ivrais aujourd'hui ? Te rends tu compte que tu devras y participer ? Elle leva son visage pour plonger dans les yeux auréolés d'or. As tu bu ta tasse ? Déjà que ce n'est pas terrible, mais froid c'est pire… Il y a des biscuits pour faire passer le goût. Partage les avec la Prime Flamme, mais de ton bras droit. Je veux le voir en action.

« Le goût m’importe peu. » Il regarda à nouveau la tasse et commença à en boire le contenu qu'il descendit rapidement, n'y ayant pas touché jusqu'ici parce que Na'ri ne lui avait pas dit qu'il le devait alors dans le doute il l'avait gardé près de lui sans y toucher.

- L'idée est excellente, Kerath. Sagesse, tempérance, écoute... Et tu dis ne pas t'intéresser à la politique ? "
« Malheureusement on y échappe jamais. » Se contenta-t-il de répondre en haussant les épaules, un filet de liquide coulait des commissures de ses lèvres. Il se pencha pour attraper les biscuits sur le plateau grâce à son bras droit et il en proposa à la triumvir avant d'en manger. Se retournant la soignante évalua le geste et estima son travail tandis que Krish sourit, narquoise. Bon... Nombre de ces valeurs étaient plus populistes que sincères, mais le coup était valable et particulièrement retors. " Elle l'est d'autant plus pour juger d'un homme aimé de tous. Mais celui là ne l'est que d'une seule personne et il méprise même ses pairs les plus éminents. " laissa-t-elle tomber mollement en prenant soin d'éviter le regard énamouré que la prêtresse portait une fois de plus sur le Senger. " Elle ne marchera pas cent fois, je préfère la garder en réserve pour une occasion réellement problématique... Et puis il avait l'air très content d'avoir créé une reine comme il le disait si poétiquement. "

L'idée de Kerath était excellente pour rallier le peuple et lui faire voir à quel point son dirigeant pouvait savoir écouter et être tempéré. Mais ce temps là n'était plus. Ou il n'était pas. Aujourd'hui en tout cas, ils pouvaient tous se la mettre derrière l'oreille. Elle avait chercher des personnes prêtes à lui parler ouvertement et à l'aider à être tempéré et raisonnable pendant sept années. On la trouvait faible. On avait sans doute raison. On lui rappelait ce qu'elle était lorsque le Père l'avait choisie. Qu'ils le veuillent ou non. Qu'ils en soient heureux ou non. Aujourd'hui, elle choisirait seule du destin de ce crétin arrogant. Parce qu'elle en avait envie, que c'était personnel, et qu'elle en avait assez de devoir se tempérer comme jamais elle n'avait du se tempérer du temps ou elle était seulement Princesse Marchande.

Une expression à la fois carnassière et pensive flotta sur les traits de la myriadénaire.

Nous sommes sa Force. Il est notre Éternité.
Elda doit se souvenir. Qu'elle est forte. Qu'elle est fidèle. Qu'elle est fière.
Quel est son but ? La Vengeance.
Leur Empire serait capable d'accomplir la véritable Vengeance du Père et d'établir le monde dont il avait rêvé. Elle serait peut-être encore là. Peut-être pas. Mais le chemin lui plairait. Ils combattrait, répandant la guerre, jusqu'à ce qu'à la fin.

Audace, Force et Courage.
Gloire au Père.

- Il faut que je lui parle. " Elle se leva précautionneusement. " Kerath, retrouve-moi au temple du Père dans une heure. Je préfère que nous en terminions avec les enjeux de l'ordalie avant que tu ne prononces à nouveau ton serment de Senger. Si après m'avoir entendu tu le souhaites, je te libèrerai de tout serment. " Sans trembler, elle le regarda droit dans les yeux durant quelques secondes, regard qui fut soutenu par le général qui fronça les sourcils mais avant qu'il ne puisse dire quoi que ce soit elle s'était déjà tournée vers la prêtresse. " Je ne t'ai pas proprement remercier d'avoir mis fin à ses élucubrations. Alors : Merci. " elle hocha respectueusement la tête, son habituel sourire provocateur revenu sur ses traits. La prêtresse, toujours au sol, s'inclina également. " Et j'ai appris que les gardes personnels de Viconia avaient renvoyés les prêtres de Kiran qui étaient à son chevet après la réunion de ce matin. J'ai du en envoyer deux au hasard pour qu'ils reprennent leur tâche, un peu avant l'ordalie. Je veux que tu te charges personnellement de choisir deux confrères qui seront responsables de la santé de ma consœur et que tu les renvoie auprès d'elle dans les plus bref délais. "
Les sourcils froncés, la médecin se releva. La Triumvir avait sifflé la fin de la récréation. "Je vais m'en charger. Sesmika, je vous souhaite un prompt rétablissement, mais n'oubliez pas de suivre vos propres prescriptions." Elle s'inclina avec respect puis se tourna vers Kerath. "Trois à cinq jours, si le bras est au repos complet avec les soins appropriés. Quand tu seras habillé, je repasserai et on verra si je dois te le bloquer ou non. " Elle s'inclina également et quitta les augustes patients.

Krish la regarda s'éloigner mais s'attarda une seconde auprès de Kerath qui faisait jouer l'articulation de son épaule droite pour voir si au moins il pouvait s'en servir sans soucis.

- Merci à toi aussi, Kerath. Ca te paraitra étrange, mais ce que tu as fais aujourd'hui dans l'arène représente beaucoup pour moi.

Kerath se parra d’un sourire joueur ô combien rare même si, comme à son habitude, tout sourire qui n’était pas carnassier semblait malsain sur un visage qui n’en avait pas l’habitude. « J’ai tapé trop fort ? Les prêtres ne se sont pas occupés de ta tête ? »
- Qu'est-ce que tu veux. Tu es trop puissant, même eux ne pouvaient tout réparer ! " ricana-t-elle en fermant son peignoir.

Sur un signe amical de la main, elle s'éloigna de l'autel sur lequel on lui avait dit d'attendre... Et un grand bout d'homme se matérialisa instantanément devant elle pour la serrer dans ses bras. Elle se raidit des orteils au haut du crâne, serrant les dents pour ne pas gronder sous l'emprise du jeune homme.

- Doucement, Elghinn... " souffla-t-elle avec les premières onces d'air qu'elle parvint à reprendre. " Je vais bien, mais le dos c'est pas encore tout à fait ça.
- Pardon !

Mais il ne bougea pas, se forçant à peine à desserrer un peu son étreinte. Elle passa une main dans ses cheveux blancs.

- Tout va bien... " Elle le décrocha comme elle put de son bras droit, un sourire tendre sur les lèvres mais le garda près d'elle en s'agrippant à son bras. " Viens, on sort d'ici. " Un hochement de tête lui répondit silencieusement et il se régla sur le pas de la Triumvir pour quitter la grande salle qui raisonnait quand une voix profonde les coupa dans leur élan.
« Je ne veux pas interrompre vos retrouvailles mais puis-je aller voir les enfants échappés de Sol’Dorn ? » Demanda-t-il alors qu’il se levait déclenchant un simple rire de la part de la triumvir.
- Du moment que tu ne décides pas de mettre fin à leur jour sans l'accord de Ssol'riss, n'hésite pas... "
« Il n’y a plus qu’à espérer qu’ils ne soient pas un message alors. » Répondit-il en quittant le temple, tournant le dos à la triuvmir et sa progéniture.