Tyrus se contente de vivre au jour le jour, ce pour quoi il vaut mieux ne pas s'encombrer d'objets inutiles. En plus de l'équipement propre à tout bon soldat de métier (à savoir une armure faite d'un alliage d'acier renforcé et dont toutes les articulations sont en cuir souple pour ne pas gêner les mouvements, ainsi qu'une côte de maille fine et hautement résistante comme on en trouve à foison dans les terres du Médian). Monsieur peut aussi compter sur son épée longue qu'il ne quitte jamais. Façonnée par son propre savoir faire et avec l'aide de son ancien maître forgeron-armurier, elle se compose d'une longue et lourde lame qui parait parfois rougeoyer au cœur des mêlées - mais nous ne parlons guère là de magie, mais du sang ruisselant de ses ennemis. Tyrus avait bien un bouclier à son entrée dans l'Armée Velterienne mais il l'a vite abandonné et préfère maintenant parer les coups avec son épée ou directement avec les canons métalliques qui protègent ses avant-bras - il trouvait que le bouclier l'encombrait et il lui arrivait souvent de l'utiliser comme boomerang pour assommer ses ennemis à distance (oui, ça ne fait pas très sérieux sur un champ de bataille et c'est d'ailleurs pour ça qu'on a arrêté de lui en donner).
Tyrus n'a aucun bien immobilier. Puisqu'il est fils unique il aurait dû hériter de la taverne de sa mère à son décès. Mais il a préféré faire passer sa condition de chevalier avant le reste et l'a revendu.
Il n'a pas non plus de monture et préfère largement voyager à pieds quand les distances le lui permettent, sans quoi il privilégiera les trajets en carriole ou en charrette. Son équipement est certes lourd, mais étrangement il retire une certaine fierté (rehaussée d'une pointe de masochisme sans doute) à se faire douleur en portant son équipement durant ses trajets.
, qu'il vous rétorquerait si vous le questionniez à ce sujet. En contre-partie cela lui permet aussi d'entretenir sa forme physique. Une façon de faire du sport sans en avoir conscience, en somme.
Comme souligné un peu plus haut, Tyrus détonne de par sa haute stature, sa musculature hors du commun, sa physionomie taillée en H et ses airs bourrus.
Tout petit déjà Tyrus dépassait les autres enfants de son âge d'une bonne tête et cela ne s'est jamais arrangé avec le temps. Dorénavant dès qu'il entre dans une pièce il est obligé de courber l'échine pour passer le pas de l'entrée et on ne remarque que lui doublé de son aura écrasante. Pourtant son physique n'a pas toujours été un cadeau, il lui arrive encore de paraître un peu gauche ou trop brusque simplement parce qu'il a du mal à gérer sa corpulence vis à vis de son environnement. L'exemple le plus récurrent est que lorsqu'il s’assoit sur un banc, on lui fait toujours la réflexion que celui-ci va plier sous son poids.
Il a de grandes oreilles, de grandes et larges mains et il en va de même pour ses pieds. Ce qui se remarque assez rapidement. Tyrus a par ailleurs un mal de chien à trouver de nouveaux souliers ou des chemises à sa taille.
Il porte ses cheveux bruns suffisamment longs pour lui couvrir la nuque et lui permettre de cacher à la fois ses grandes oreilles et son regard sombre. En grand timide de son état, il est rare que Tyrus soutienne un regard et encore plus lorsqu'il a en face de lui un spécimen de la gente féminine. Néanmoins dès que la colère le prend on s'en rend vite compte au regard torve qui plante dans les yeux de son interlocuteur.
Son nez long lui a lui aussi valu quelques moqueries par le passé, bien qu'il ne soit dorénavant plus aussi droit que dans son enfance à force d'essuyer les coups. Quelques grains de beauté et des cicatrices constellent sa peau et notamment son visage. Certaines induites par les nombreux combats auxquels il a participé, mais aussi dues à sa maladresse naturelle qui, enfant, l'envoyait souvent mordre la poussière sans crier gare. Malgré tout sa mère lui a toujours répété que cela favorisait son charme, ce que Tyrus se plait à croire encore maintenant. Ses sourcils, drus, qui soulignent indéniablement ses iris, ne peuvent s'empêcher de rebiquer sur la fin en accentuant son air négligé. Il a un menton un peu en avant, ce qui de profil souligne encore plus son grand nez et ses lèvres très charnues pour un homme.
On ne peut pas dire de lui qu'il prend particulièrement soin de son apparence, cependant Tyrus aime le reflet qu'il peut apercevoir dans le regard des quelques donzelles qui passent entre ses bras et cela lui suffit amplement.
Sous ses airs taciturnes, Tyrus cache un caractère bien trempé.
Dès son plus jeune âge il a montré les signes d'un mental assez fragile, très émotif. Avec le temps, les épreuves de la vie et cetera, il a apprit à se forger une carapace derrière ses airs durs et son physique peu commun. Tyrus a toujours ressentit le besoin de s'entourer de règles très strictes, qui lui permettent d'avoir un cadre auquel il peut se référer pour se rassurer. Son plus grand défaut réside sans doute dans son habitude à encaisser et accumuler les petites contrariétés jusqu'à ce qu'il n'en puisse plus moralement. Ce qui se termine très -trop- souvent dans des accès de colère où il n'est pas rare qu'il se décide à tout envoyer balader - au sens stricte du terme, quitte à se blesser lui-même. Si sur l'instant Tyrus ne ressent pas la douleur grâce à l'adrénaline, croyez-bien qu'il le regrette presque toujours. Malheureusement, avec le temps, cela est devenu l'unique façon grâce à laquelle il réussit à lâcher prise et à épancher un peu sa colère et son mal-être.
Ce mécanisme de défense s'applique en toute circonstance ainsi que sur le champs de bataille où chaque attaque ennemie n'est qu'un grain de sable qui, en s'accumulant, nourrissent la tempête qu'il couve en son sein. Et en un instant, Tyrus entre dans des fureurs telles qu'il réussit à terrasser la plupart de ses ennemis en un temps très limité. Simplement grâce à sa force brute et à son manque de retenue. Un véritable plus pour l'Armée, pareil à un boulet de canon d'un mètre quatre-vingt-onze de haut, disposé à fendre les lignes ennemies à grands moulinets d'épée.
A côté de cela, son besoin d'encadrement fait aussi qu'il lui est difficile d'imaginer agir contre les règles qui lui ont été inculquées. Sans jamais chercher à savoir si ce qu'il fait est juste et s'il sert la meilleure des causes.
. Il répugne cependant à tuer ou blesser des civils et se détourne toujours avec froideur quand on l'y oblige.
Malgré ces caractéristiques notoires Tyrus reste un mec qui se veut marrant et friand des bonnes soirées passées sans encombre au coin du feu. Un pichet d'un alcool douceâtre sous la main et la peau duveteuse d'une belle donzelle serrée contre ses reins : les plaisirs de la vie, ça le connait bien. Si bien qu'il n'envisage toujours pas d'épouser qui que ce soit alors qu'il approche dangereusement de la quarantaine. Il ne sait pas s'il quittera un jour l'Armée et pour le moment il estime ne pas avoir une assez bonne situation pour le faire. Tant pis pour les rejetons, ça attendra encore un peu.
Aucune, Tyrus n'a jamais présenté de sensibilité pour ces choses là. Il n'a pas non plus la patience nécessaire.
Les Chenmenor, quoique guère d’ascendances nobles, ont longtemps prospérés dans les contrées de la Péninsule grâce à l’exploitation de la forêt et de ses différentes essences d’arbres. Fils de bûcherons de génération en génération, parfois nommés gardes forestiers, les Chenmenor ont toujours entretenus une relation privilégiée avec la flore et plus particulièrement avec l’utilisation du bois. Une ressource abondante à Missede, lieu où ils sont basés depuis des décennies. Avec l’arrivée au monde de la mère de Tyrus, l’intrépide Franra Chenmenor, la famille prit un nouveau tournant et se dirigea davantage vers le commerce. Ainsi cette dernière, accompagnée de ses parents, décidèrent de quitter Missede. Laissant la relève au frère du père de Franra. Lorsque cette dernière fut estimée en âge de mettre la main à la tâche, ils migrèrent au sud pour y baser leur commerce des bois récoltés durant l’année. Le dépaysement fut total mais leur choix paya rapidement lorsque l’on fit appel à eux pour fournir les chantiers navals de la ville portuaire qu'était Ydril. C’est dans cette dernière, en front de mer, que Franra fit la rencontre fortuite d’un jeune matelot quelques années plus tard. Celui-là même qui deviendra le père biologique de Tyrus, sans jamais rien laisser d’autre derrière lui. Un simple coup d’un soir comme il en arrive tant.
Rencontré au port, Franra était tombée sous son charme presque au premier regard échangé. Bel homme, le matelot se vantait d’être originaire de Meca et d’avoir eu l’occasion d’écumer les mers de tous les horizons. Ses paroles, mielleuses, sonnaient comme riches de milles contes pour enfants, et Franra n’y resta pas insensible. Elle qui comptait les jours, désireuse de connaitre les joies de la maternité, sans avoir personne pour l’aider à assouvir ce fantasme. Cela tombait fort bien, un alignement des astres, un coup du destin comme le dirait d’autres plus inspirés. Sans doute un peu trop crédule, la dernière-née Chenmenor accepta volontiers d’accompagner le matelot cette nuit là jusque dans la chambre qu’il louait pour une poignée de souverains dans une taverne non loin du port.
La suite de l’histoire se profile de façon assez évidente : Au réveil de la donzelle, l’intrépide marin était déjà reparti à bord du navire sur lequel il servait, laissant une jeune femme esseulée derrière lui. Sans l’ombre d’une explication, ni même la promesse de pouvoir le revoir un jour, la jeune femme n’eut qu’à rentrer chez ses parents pour retourner à son train-train quotidien. Au moins avait-il eu la décence de régler le prix de la chambre pour la nuit qu’ils y avaient partagés tous les deux.
Les mois se succédèrent et Franra, dont le nombril s’était dangereusement arrondit depuis l’épisode de la taverne, enfanta neufs mois plus tard d’un beau bébé déjà surprenant par ses mensurations à son arrivée au monde. Nous sommes alors au cœur de l’hiver de l’An 979:X et il fut décidé de baptiser l’enfant Tyrus. Franra l’éleva du mieux qu’elle pu avec l’aide de ses deux parents. Ils coulèrent ainsi des années prospères, s’occupant du marchandage des différents bois. Le grand-père aidé de son frère cadet et des fils de ce dernier s’occupaient chaque mois du transit du bois depuis Missede. Tyrus, encore jeunot, perdait rarement une occasion de s’ajouter à ces voyages à travers les terres de la Péninsule. Cela lui permettait au moins de se subtiliser aux enseignements que sa mère et sa grand-mère tentèrent naïvement de lui inculquer. Les rudiments de la lecture, de l’écriture, des calculs et des choses rendues obligatoires par le quotidien lorsqu’on tient un commerce. Pas de quoi assommer un âne, en somme, mais le minimum syndical pour être certain que l’enfant ait un bagage intellectuel suffisant pour la suite de sa vie. La religion, cependant, n'a jamais eut sa place chez les Chenmenor.
Lorsque Tyrus eu atteint les neuf ans, au printemps de la même année, sa grand-mère rendit son dernier souffle au grand damne de toute la famille. Elle qui d’ordinaire était si gentille et affectueuse manquerait à tous le monde. Il ne fut pas pour autant question de tirer un trait sur leur commerce qui prospérait bon gré mal gré à Ydril. Le grand-père se résolu à faire un choix, face à la tristesse profonde qu’il lisait dans les yeux de sa fille et de son unique petit fils chaque fois qu’ils avaient le malheur de passer devant la cuisine de la maisonnée – là où du temps où Micelle (la grand-mère) était encore vivante il n’était pas rare d’apercevoir son sourire rayonnant par l’entrebâillement de la porte, accompagnée d’une riche odeur de viennoiseries encore chaudes.
Ainsi il fut décidé de faire migrer le commerce jusque dans les rues bourdonnantes de vie d’Erac. Un pari risqué, pareil à un coup de poker mené dans l’unique but de connaître à nouveau une affaire familiale florissante, loin des souvenirs qui rendaient leurs yeux humides et leurs cœurs lourds. Cependant la concurrence fut des plus rudes une fois arrivés dans la capitale. Bientôt ils furent obligés de se tourner vers un autre type de commerce pour s'éviter la honte de devoir retourner à Missede les poches vides. Tyrus n’avait que dix ans lorsqu’ils ouvrirent leur taverne. Cette dernière, comme un clin d’œil au passé, donnait justement pile sur le port et les nombreux bateaux marchands et autres navires qui y séjournaient intempestivement. Franra nourrissait-elle encore l’espoir de voir le bel ingénu de ses jeunes années passer le porche de sa taverne ? Nul n’aurait su le dire et peu importe, Tyrus, lui, ne voulait guère entendre parler d’un père qu’il n’avait jamais connu. Malgré les difficultés induites par ce nouveau départ, la famille se refit un carnet d’adresse et d’habitués. Tout comme ils purent rapidement se vanter de leur emplacement idéal qui assura la rentabilité de la taverne même pendant le temps les plus difficiles.
Parallèlement à leur arrivée à Erac, Tyrus dont la physionomie lui attirait toujours les moqueries et l’incrédulité des compères de son âge, se découvrit une forte attirance pour le combat au corps à corps et pour les belles œuvres forgées. Y compris les couteaux de chasse et les épées. Il n’était pas rare de le voir traîner le long des étales des forgerons et des armuriers de la capitale. Si bien que l’un d’entre eux se décida enfin à lui apprendre les rudiments du métier. La poigne ferme, les bras musclés et étant très doué de ses dix doigts lorsqu’il était question du contrôle de la fonte des métaux ; le jeune apprenti semblait promis à un bel avenir. Malheureusement son grand-père s’éteignit à son tour seulement deux ans après Micelle. Laissant derrière lui une jeune mère célibataire qui se retrouvait d’un coup d’un seul à la tête d’une taverne au cœur d’une grande ville. Tyrus n’eu d’autre choix que de tirer un trait sur certains de ses rêves personnels pour épauler sa mère. Et si l’aide qu’il lui apportait à la taverne était une véritable béquille pour Franra et son commerce, cela n’était guère suffisant pour assurer leur prospérité. C’est pour cette raison que, après s’être assuré que sa mère ne manquerait de rien et qu'elle puisse recevoir l’aide de tierces amis proches de la famille en cas de besoin ; Tyrus se décida à abandonner définitivement son apprentissage de la forge. Il se mit en quête de petits boulots qui lui permettraient d’aider sa mère financièrement pour couvrir les charges durant les périodes les plus rudes. Ainsi il n’était pas si rare qu'il se fasse enrôler comme petite main ou comme coursier. En tant que tel il eu souvent l’occasion de se rendre à Saint-Berthilde et à Hantval. Cependant, c’est à Rochenoire qu’il eu vent des campagnes massives d’enrôlement de jeunes recrues au service de la Baronnie de Velteroc. Ces campagnes permettaient aux jeunes garçons d’intégrer la redoutable Armée Vecterienne, contre un maigre pécule qui leur était reversé à chaque fin de mois. Compte tenu de sa corpulence pour le moins hors du commun et même malgré son sévère manque d’entrain et de dévotion à la Baronnie Velteroc –c’est son intérêt pour le combat et les objets issus de la forge qui joua en sa faveur– Tyrus fit rapidement son entrée dans les ordres militaires. Il n’avait même pas quinze ans à ses débuts.
CHAPITRE II | les champs de batailles et l’armée pour seconde maison
La suite, on se l’imagine sans grande difficulté. Après un entraînement acharné et un bon nombre de combats menés, desquels Tyrus ne rentra pas toujours fièrement debout sur ses deux pieds ; ce dernier décida de redoubler d’effort pour se frayer une place -la sienne- parmi les autres soldats. Les camps de l’armée avaient ça pour eux : sous les tentes de toiles tendues, lorsque les clairons des batailles raisonnaient dans tout le comté, les grades et origines de chacun s’effaçaient peu à peu. Il ne restait alors plus que vous, cette peur béante qui vous tordait les boyaux en secret, votre semblant de courage si vous en aviez et le devoir qui vous attendait au-delà du camp.
Ce fut durant sa 21ème année que la peste se déclara à Diantra, décimant tout sur son passage et semant le doute bien plus profondément que l’aurait fait un conflit politique. Là plus rien n’était prévisible. C’était au petit bonheur la chance et si Velteroc n’avait pas encore été touché personne ne pouvait arguer savoir si la situation allait s’apaiser ou au contraire empirer. « L’hiver noir » dura jusqu’en été, disséminant petit à petit le trouble et la peur au sein des camps de l’armée. Certains préférèrent déserter, ce ne fut pas le cas de Tyrus. Il valait mille fois mieux l’hygiène, somme toute rudimentaire, des camps à l’angoisse de retrouver à Erac la dépouille de sa mère possiblement emportée par la maladie.
Lorsque la situation s’apaisa après le grand incendie organisé à Diantra, les sombres s’attaquèrent à la nation nouvellement fragilisée par l’épidémie. Ydril fut mis à sac, décimée. Pendant ce temps Tyrus, répondant aux ordres de ses supérieurs hiérarchiques qui l’intimaient à rester dans les contrés de Velteroc, n'eu pas l'occasion de se joindre à la mêlée. Lui qui, quelque part au fond de lui, ressentait l’appel bestial du sang et du champ de bataille. Il pu néanmoins se consoler en sachant que sa famille n’avait aucune raison de se trouver à Ydril.
Puis survint la campagne contre les Drows, menée par Hubert de Velteroc en personne, accompagné de son jeune fils. Tyrus aussi y participa et eu ainsi l'occasion de montrer sa bravoure mais aussi son irraisonnable soif de sang et de violence. Le combat fut particulièrement rude, même pour un jeune soldat de la trempe de Tyrus, formé uniquement pour le combat. Malgré les efforts de l'ensemble des troupes Velteriennes, bon nombre des camarades de Tyrus tombèrent au combat. Lui-même essuya de lourdes scarifications laissées sur son corps par des adversaires expérimentés et forgés par des années de service au combat. Néanmoins cette énième bataille auprès de l’Armée Velterienne se solda par une réussite qui fut bientôt renommée comme « célèbre victoire d’Oësgard ». Lorsque l’armée rentra au pays, avec son Comte et son héritier sains et saufs, la cité entière de Rochenoire raisonna de chants victorieux durant des jours entiers. On loua le retour à la normale et la bravoure des soldats, tous grades confondus.
Malgré les festivités, cela n’empêcha pas aux Drows de vouloir prendre leur revanche une fois la fonte des neiges passées. Le front armé que leur opposa le royaume fut tel que leur action se soldat par un nouvel échec. L’annonce de la grossesse de la reine s’ensuivit de peu et tout Velteroc rentra à nouveau dans une aire de festivités. Bien loin des enjeux des nobles et de la cour, Tyrus fut néanmoins reconnaissant envers le destin pour ce nouvel épisode d’accalmie qui lui permit –au même titre que de nombreux autres soldats– de se remettre des stigmates laissés par les récents événements. Dès qu’il fut en état de voyager, le jeune Chenmenor se mit en route vers Erac pour rendre visite à sa mère avec laquelle ils se rendirent ensuite à Missede afin de revoir leur famille et leurs proches. Ils laissèrent derrière eux la taverne et les obligations militaires pour quelques jours passés auprès des leurs.
Peu de temps après leur retour à Erac la guerre civile se déclara au profit d’une maigre coalition de nobles qui se rebellèrent contre le pouvoir en place. Diantra fut assiégée et malgré les routes rendues difficiles d'accès par l’hiver qui se profilait, Tyrus prit la décision de retourner au plus vite à Rochenoire pour y combler la place qu’il avait laissé derrière lui. Et ainsi donc le jeune Chenmenor servit à nouveau sous l’étendard des Velteroc, au service de l’armée royaliste, derrière Hubert de Velteroc que Tyrus ne connaissait pas personnellement mais qu’il avait apprit à estimer en tant que dirigeant juste et bon. La disparition de ce dernier et de son fils aîné fut un vrai coup dur au sortir de cette seconde bataille à Diantra. Sans compter que l’intégralité de la garde Velterienne y était passée avec eux. A cette époque Tyrus encore simple soldat, malgré sa réputation de véritable boulet d'acier au sein de l’Armée, ne put que constater l’amas de dépouilles gisantes qu’avait laissé le combat derrière lui.
Au retour de l'Armée à Rochenoire, Nimmio de Velteroc fut nommé successeur à la suite de son père. La ferveur du peuple fut recouvrée, on octroya même au né Velteroc le surnom sacré de « celui qui ne peut mourir » puisqu’il était le seul rescapé de sa lignée à avoir participé et survécu au champ de bataille. Sa nomination et les nouvelles places laissées vacantes au sein de la Garde Velterienne ouvrirent leurs portes aux soldats qui s’étaient le plus démarqués par leurs faits d’armes durant ces dernières années. Grâce à son physique, à sa dextérité au combat rapproché et à sa force brute que Tyrus ne réussissait pas toujours à tempérer ; ce dernier eu la chance de compter parmi les prétendants au titre de Loup Blanc. L’euphorie générale aidant pour beaucoup, on ne tint pas compte de ses origines lorsque le profil de Tyrus Chenmenor, dit « Dacier », fut proposé pour rejoindre les rangs serrés de la Garde Velterienne. Ayant pertinemment conscience de l’énorme privilège qu’on lui offrait, Tyrus n’hésita pas une seconde avant d’accepter à bras ouverts de se faire adouber chevalier. Ce fut à ses yeux la récompense ultime pour son parcours de longue haleine, qui lui avait demandé pas moins de seize longues années, au sein de l’Armée. Ce pour quoi il avait offert sa vie sur un plateau d’argent. Peu d'hommes pouvaient se vanter d'avoir vécus aussi longtemps en ayant servis autant de batailles sous l'étendard de la Baronnie de Velteroc.
Tandis que le nouveau Comte se remettait lentement mais doucement de ses blessures, le corps armé auquel appartenait Tyrus fut envoyé aux quatre coins des plaines de la Péninsule pour y maintenir l’ordre et y chasser les bandits et brigands qui malmenaient les civils à coup de tribus et de dettes. Ce fut la période la plus calme –de façon somme toute relative– et la plus agréable pour Tyrus qui pu ainsi voyager de tout son saoul son l’étendard de la Garde, en compagnie de ses plus proches compagnons d’arme que les années lui avait apprit à considérer tels des frères de sang.
Au même moment des rumeurs circulèrent sur le compte de la Duchesse du Comté partit en pèlerinage dans des lieux tenus secrets et qui attisaient la curiosité du peuple. Mais Tyrus n’en avait que faire. Pour lui rien ne comptait plus que son devoir et l’assiette chaude qu’on lui servait chaque soir.
Puis lorsque le souverain Velteroc fut remit sur pieds et qu’il fut décidé d’aller mener de nouvelles campagnes afin de récupérer les terres subtilisées par les parias, Tyrus répondit à nouveau à l’appel du sang et de la guerre. Sept longues années s’écoulèrent, uniquement rythmées par les combats et les reconquêtes. Ces dernières furent longues, ardues, sanglantes, mais victorieuses malgré tout. Tyrus apporta sa petite pierre à l’édifice, à grands moulinets de son épée aux reflets d’argent rougeoyant. Celle-là même qu’il avait eut l’occasion de forger avec l’aide de son ancien maître d’arme lorsqu’il avait eu sa première permission pour rentrer à Erac - peu de temps après avoir été enrôlé dans l’Armée Velterienne. Cela remontait maintenant à des années en arrière, mais l’arme lui était restée fidèle et il semblait presque à Tyrus qu’elle le protégeait de la mort elle-même. Pour rien au monde il ne s’en serait séparé. Jamais. Et si la grande campagne fut résolue par la bataille du Pic Embrumé -à laquelle il participa évidemment- Tyrus, bien que sérieusement amoché au flanc, réussit une fois de plus à s’en sortir vivant.
Après quelques semaines d’alitement forcé, qui ressemblèrent plutôt à des mois entiers aux yeux du né Chenmenor, le voilà qui retournait au conflit pour d’énièmes campagnes de reconquêtes Velteriennes. Il n’était alors plus rentré à Erac ni à Missede depuis le massacre qui avait marqué le décès de Feu Hubert de Velteroc.
Tyrus avait trouvé dans les rangs de l’Armée une sorte de seconde famille qui le comprenait, l’accompagnait et avait vécu une bonne partie des moments décisifs de sa vie avec lui. Sans jamais lui faire entendre à quel point ses choix de vie n’avaient pas été les bons – tels que semblait l'exprimer le regard désolé que sa mère portait sur lui chaque fois que leurs yeux se croisaient durant ses courts séjours à Erac. Si Franra était en bonne santé ou non, Tyrus n’en savait strictement rien puisque cela faisait des années maintenant qu’il n’est pas rentré chez lui. Désormais plus grand-chose d’autre ne comptait hormis sa vie au sein des rangs serrés des Loups Blancs.
CHAPITRE III | le voile, la longue nuit et l'adieu qui s'imposa à lui
Brusquement, l’éclipse était apparue beignant le monde d’un voile noir dans lequel on pouvait voir comme aux premières heures de la nuit. Un nouveau cycle était sur le point de démarrer et Tyrus comme tout homme lambda attendait cet instant magique tel un gosse à qui on avait vanté un épisode inexplicable et magique. Bien qu'il ne soit pas sensible à la religion ni aux pouvoirs réservés aux mages. Pourtant, lorsque ce qui devait être quelques heures d’éclipse se changea en journées entières, puis en semaines ; la peur viscérale assiégea le cœur de chacun. Et celui de Tyrus par la même occasion. Des rumeurs allaient bon train, on parlait de lueurs blanchâtres qui descendaient des cieux et touchaient le sol en apportant désolation et folie. Au même moment des rumeurs de subites guérisons inexpliquées chez des malades pourtant en phases terminales ou incurables se rependaient aussi. Mais alors qui croire dans le tumulte des on-dit ? Dans le doute, jamais Tyrus ne se résolu à lever les yeux vers l’inexplicable scène qui se jouait au creux des astres. Plutôt crever que de perdre inutilement la raison. Pourtant, quelques nuits -tout du moins de rares soldats au camp persistaient à compter les heures et à tenir le compte des jours et des nuits- la tentation était redoutable. D’autant plus lorsque l’alcool et la tristesse solitaire venait vous chatouiller les poumons.
Peu de temps avant la fin de l’épisode du Voile, Tyrus reçu une missive qui l’informait du décès malencontreux de sa mère restée à Erac. Visiblement elle n’avait pas été aussi scrupuleuse que son fils, ou alors était-ce là un simple coup hasardeux du destin ? Toujours est-il que le fils, déchiré d’avoir perdu le dernier membre de sa famille, qu’il aimait de tout son saoul malgré son handicap notoire quant à l’expression de ses sentiments, remua ciel et terre pour se faire autoriser un dernier séjour à Erac. Dès que les routes furent à nouveau ouvertes peu de temps après le retour à la normale –le nouvel astre en prime– Tyrus se mit en route pour la capitale située à l’Est de la Péninsule. Que pouvait-il donc faire, maintenant ? Fallait-il reprendre la succession de sa mère à la tête de la taverne et ce au détriment de son grade au sein de l’Armée Velterienne ?
Jamais d'la vie, voilà ce que l’intéressé vous aurait répondu si vous lui aviez posé la question. Non, il rentrerait à Missede le temps d’éponger sa tristesse auprès des derniers de sa lignée, faisant leur deuil ensembles, puis il retournerait au sein de la Garde.
Ce fut plus que décidé qu’il se sépara de la taverne de sa mère, qui donnait pourtant vue sur le magnifique océan d’Eris, auprès du plus offrant. Puis Tyrus traversa les plaines en direction de Missede. Il y séjourna un court instant auprès des siens, toujours entièrement dévoués à l’exploitation des forêts. Lorsque, en l’An 1:XI, un bataillon de bûcheron se mobilisa pour arrêter l’envahisseur venu d’Anaëh, Tyrus éternellement accompagné de son épée longue, se joignit à ses compères d'arme. Ainsi ledit « Dacier » reprenait du service, gouttant à nouveau au plaisir du combat et oubliant un instant sa tristesse passée. Puis peu de temps plus tard, lorsque la dépouille de sa mère fut mise en terre et que le temps qu'il avait passé à Missede lui paru trop long, Tyrus retourna auprès de la Garde pour y mener les futures batailles de l’An 2:XI. Celles-là même puisant leurs sources dans le trouble jeté par le Voile, mais aussi les désordres politiques et la nouvelle famine qui sévissait dans les contrés de la Péninsule.
En bref, le quotidien banal de tout bon petit soldat dévoué au maintient de l'Empire des Hommes.