Retrouver des arènes [Telchar/Uthred]

Bàrkios, début de la sixième ennéade
An dix-sept du onzième cycle

Lendemain de ce rp.

Les Sablons.

Avais-je besoin d’ajouter quelque chose à ces deux mots pour exprimer ce que je ressentais ? La fierté, la joie, la déception étaient les seuls auxquels je pouvais penser. Et là, si longtemps après, j’étais de retour. Je me promis de ne pas m’investir autant sur le plan émotionnel cette fois, l’erreur de parcours m’avait au moins appris ça. Sur un tout autre sujet, étrangement, j’avais été réticente toute ma vie à servir de fille d’apparat à mon père et maintenant qu’il n’était plus, quelques jours seulement après son trépas, je ressortais déjà cette armure qu’il aimait tant. Ce n’était pas si étrange une fois que j’avouais beaucoup l’aimer aussi, mais personne qui ait connu mon père ne tirera de moi ce genre d’aveu. Mais sa façon d’allier les pièces de métal qui brillaient sous le soleil et les tissus blancs qui rappelaient mes éternelles robes était tellement agréable à l’œil. Je ne portais par contre pas mon arme, je n’irais pas dans l’arène moi-même et mon entourage était suffisamment fourni pour ne pas en avoir besoin.

Les Sablons.

J’y retrouverais Telchar qui me guiderait jusqu’à ce qu’il puisse me montrer sa ménagerie – humaine ou non – et ensuite j’aurais peut-être une meilleure idée du genre de réponse que je pouvais lui fournir. Je me mentais peut-être un peu, nous savions tous les deux que j’avais envie de dire oui, juste pour retrouver certaines émotions que je n’avais pas retrouvées ailleurs, mais il restait une chance que tout ce qu’il me montre soit bien ridicule, bien que maigre. Je n’avais pas envie de m’en occuper alors Kamis partit demander à la plus proche personne qui le pouvait de faire chercher Telchar. Aerianna Hiisi de Geresh attendait. Ça sonnait toujours bien, même quand c’était un autre qui prononçait ce nom et ce titre. Ehni vint poser une main sur ma hanche couverte et s’appuya sur moi pour venir me glisser quelques mots taquins. « Je t’ai rarement vue aussi excitée à l’idée de rencontrer un nain. Fais attention, le prix augmente à chaque fois… »

Je souris mais ne dis rien, si ce n’était pas le nain qui m’intéressait je ne pus empêcher mon esprit de vagabonder.

- Tout doux Skree, j’ai bientôt fini.

La petite ménagerie que tu t’étais aménagé dans ce qui à terme devrait te revenir des Sablons était vite devenue ton sanctuaire. Là tu étais bien plus à ton aise que tu ne l’aurais jamais été dans l’un de ces hôtels personnels prétentieux pullulant dans les Soieries. D’ailleurs c’était là l’un des grands secrets de ton actuelle fortune. Contrairement à nombre de riches marchands, si tu injectais des sommes astronomiques dans ton jeune commerce, tu ne dépensais que trop peu en commodités et mondanités. L’univers des paillettes et des chandeliers n’était pas le tien. Tu t’es bâti en fouillant le fer, le sang, la boue et le crottin, et à vrai dire, tu as fini par t’attacher à toutes ces odeurs.

- Encore un tout petit peu…

- Telchar ! on frappe à la porte de ton antre sans oser entrer La Princesse de Geresh vous demande !

- Qu’elle attende une minute ! tu te tournes vers une grande félin à pointe aux babines retroussées Du calme !

Il ne te manquait plus que quelques coups de marteau, et ton œuvre était terminée. Les minuscules glyphes tracés sur les plaques du masque que ne quittait presque jamais le Morgal seraient à nouveau fonctionnels… et sa protection contre la fauve par la même occasion. Là seulement tu pourrais…

- C’est bon ! tu t’égosilles en direction du commis qui frappe une nouvelle fois à ta porte J’arrive !

Et tu n’arrives pas de la manière la plus discrète qui soit. Le cou emmitouflé dans les fourrures de ton habit de scène, le bras passé dans le bouclier à l’intérieur duquel sont dissimulées les runes simples qui font ta ligne directe de défense, et juché sur un Morgal dont l’armure rutilante venait d’être remise à neuf. C’était bientôt l’heure du spectacle après tout.
Et là il n’y avait pas que le Morgal. Pour une fois le Gobelin Rouge ne faisait pas partie de ta suite, et le pipumia albinos sachant son plus grand compétiteur éloigné n’avait pas daigné se faire ton ombre. Cette fois les bêtes qui t’accompagnaient avaient quelque chose – aux yeux des profanes – de plus noble. De plus impressionnant. Quelques pas devant toi, c’était Durakbar, ses ostéodermes doublées par des plaques métalliques tranchantes qui ouvrait la marche. Au-dessus de toi, il y avait Gromthi qui observait l’horizon, trouvant à l’occasion ton épaule comme lieu de repos, avant de s’envoler à nouveau dès qu’un son ou un mouvement attirait son attention.

- Thi ! tu siffles après la chouette, qu’elle vienne se poser, alors que tu arrivais face à ton invitée Demoiselle Hiisi, le Morgal fait un pas en arrière, et d’un geste tu invites la brune à s’avancer rebienvenue aux Sablons. tes narines sont agitées d’un heureux grognement, puis tu ajoutes J’imagine que vous n’avez pas particulièrement envie de perdre votre temps. Donc si vous voulez bien me suivre, les hommes sont à l’entraînement.

Et le MaÎtre-Des-Bêtes est face à elle.

Le combat aux Sablons approchait. Les journées se ressemblaient de plus en plus, loin des premiers temps à Thaar, où les larçins constituaient l'activité principale des wandrais. Repérer un grenier, suivre les rondes des gardes, piller, rentrer et nourrir les anciens esclaves qui retrouvaient leurs forces petit à petit, se cahcer, fuir. Tout ceci était dorénavant remplacé par l'entraînement de gladiateur.

Eiki avait suivi Uthred dans cette aventure, autant pour assouvir son envie de sang versé, que pour rassurer Sorsha qu'il avait pris en affection, même s'il était celui qui s'était le plus méfié d'elle au départ. Telchar avait tenu parole, le laissant faire office de dottore pour les autres recrues qu'il avait trouvé. Le wandrais avait fait apporté des pierres arrondies à soulever et faire rouler, pour travailler la puissance, de grandes poutres épaisses, pour travailler l'explosivité des combattants en les faisant basculer et puis quelques mannequins de bois, ainsi que des sacs remplis de sables pour réviser les passes d'armes.

Chacun des gladiateurs s'attelait sur l'atelier qu'Uthred leur avait attribué. Afin de mettre tous les combattants au même niveau, l'Ours avait fait porter à tous le même pagne d'entraînement, qui permettait de voir chaque muscle du corps en travail, et de pouvoir désigner à quel endroit une jambe ou un torse était mal utilisé lors d'une parade. Il distillait ses conseils à un jeune vaanie, grand et solide, mais encore trop naïf lors de ses attaques.

Lève ton bouclier plus haut, si tu attaques au ventre. Si tu tombes sur un adversaire qui manie deux armes, ta tête est découverte. Ta jambe gauche est trop raide. Pense à bien la plier ! Allez, recommence !
Oui Dottore !

Il se tourna en remarquant du mouvement aux abords du terrain d'entraînement. Eiki donnait le rythme des exercices en comptant, sa voix tonnant au-dessus de la tête des gladiateurs. La silhouette rabougrie de Telchar se découpa, flanqués d'une jeune femme aux atours qui semblaient riches. Le wandrais se rapprocha d'un pas tranquille des visiteurs et leva la main vers eux.

Salut Telchar ! Les plus jeunes sont encore trop tendres. Où est-ce que tu les as trouvés ?

Il baissa les yeux vers la compagne du nain, qui l'observait, du regard des maîtres. Celui qu'avait les riches et les princes lorsqu'il détaillait un homme comme lui, qu'il considérait bien souvent comme acquis et à ses ordres. Les billes bleu acier de l'Ours se posèrent sur elle et il inclina rapidement la tête.

Madame.

La douce mélodie de l’acier qui tinte contre l’acier, des craquements du bois et des râles d’efforts. La délicieuse odeur de la sueur acide d’hommes et de femmes poussant leur corps dans ses retranchements. Il y a quelque chose de poétique là-dedans. Un Chant annonciateur de combats d’anthologie et de souffrances à la hauteur de ce qu’attend Mogar de ses enfants pour leur offrir sa reconnaissance. Tes nasaux soufflent de satisfaction, et comme répondant à ton contentement, Durakbar se couche devant Skree, ouvrant complètement le spectacle de l’entraînement des jeunes talents de ton écurie.
Et c’était un spectacle que tu appréciais encore plus que l’on ne pourrait le croire au premier abord, celui des muscles roulant sous l’épiderme des combattants. Parce que c’était un spectacle qui te rappelait que quelle que soit la complexité de l’esprit, vous n’étiez tous jamais que des bêtes. Des bêtes dont les Dieux s’étaient amourachés plus que la majorité des autres. Des bêtes auxquelles tu pourrais dédier les mêmes attentions qu’à celles que tu gardes en cage.

S’ils t’entendaient penser, ils en seraient probablement dégoûtés, tous ces jeunes gladiateurs qui avait rejoint les rangs de ton écurie en tant que personnes libres. Mais s’ils savaient que quand tu penses cela, tu entends leur donner sans qu’ils ne le réalisent, accès aux bénéfices de ton savoir runique…

- Les plus jeunes sont parmi les plus grands talents des arènes des différentes Principautés, mais c’est sûr que si tu attends de celle-là tu pointes une combattante dont le teint pâle et les oreilles à la forme étrange laissent entendre quelques traces de sang drow du menton qu’elle réalise les mêmes travaux de force que toi sans réaliser qu’elle est un véritable génie analytique elle te paraîtra mollassonne. tu soupires Donne-toi le temps d’apprendre à les connaître, et donne leur le temps de se faire la main, ils te décevront pas.

Le Morgal secoue la tête, appuyant par la même occasion ta diatribe, et puis tu te tournes vers une Aerianna ayant déjà accroché l’attention de ton Champion.

- Sinon, Uthred, voilà Aerianna Hiisi, Princesse-Marchande de Geresh et potentielle partenaire. tes yeux se dirigent vers la demoiselle Aerianna, voici Uthred, mon Champion, et l’instructeur de mon écurie. ton regard se fait soudainement petit L’un des futurs grands moments du spectacle d’aujourd’hui, aussi.

Je souris en voyant Telchar approcher et répondis par un hochement de tête poli, il savait pourquoi j’étais venue et je respectai son intention de ne pas perdre de temps en n’ajoutant rien et en le suivant. Il était venu avec une animalerie que je pensais tout à fait renouvelée alors que l’on ne m’avait pas dit qu’il était venu me rencontrer sur le dos de ce morgal et que je ne voyais nulle part son gobelin. Il n’y avait que Llari et Ehni pour me suivre et montrer que je n’avais pas tellement peur d’accorder ma confiance à Telchar, que je n’avais pas besoin du capitaine de ma garde et d’une demi-drow avec une épée un peu trop grande pour m’avancer en sa demeure. Une demeure partagée entre tous ceux qui avaient à faire aux Sablons, sûrement, mais je ne pouvais appeler un lieu où l’on promenait aussi librement ses félins, chouettes ou autre gobelins autrement que sa demeure. Il m’amena alors plus loin dans des Sablons que j’avais un peu plus de peine à reconnaître que je m’y serais attendue.

Dans la nouvelle pièce qui se présenta à nous une poignée d’hommes et de femmes qui entraînaient avec une intensité folle m’accueillit alors et je marquai une pause inquiète en entrant. Le spectacle auquel Telchar m’exposait aurait été pour moi et quelques années en arrière des plus effrayants, mais celui qui m’avait guéri de cette peur s’était sûrement tenu dans cette pièce alors qu’il s’entraînait pour une quelconque épreuve des Grands Jeux de Thaar, et d’une façon ou d’une autre cela me rassurait. Ils n’étaient pas tous aussi agréables à regarder que Sauveur, à vrai dire il n’y en avait qu’une seule qui aurait pu m’intéresser, mais ils perdaient de leur aura qui venait avec leur rôle grâce à lui. Si je n’étais pas effrayée par les montagnes devant moi je faisais tout de même mon mieux pour garder dans un coin de la tête qu’ils n’étaient pas exactement comme lui, eux étaient libres, eux choisissaient de se battre, eux ne seraient pas du genre à reculer devant ce que j’avais une fois demandé à l’ancien gladiateur.

Pour paraître moins intimidée que je ne l’étais vraiment je soutins le regard de celui que Telchar me présenta bien vite comme son champion. A moitié nu son corps ne laissait pas beaucoup de travail à l’imagination et aussi massif qu’il était, sa pilosité ne pouvait qu’achever de rappeler un ours. Un sourire timide répondit à son hochement de tête. Je regardai le nain pour lui glisser quelques mots amusés avant de m’autoriser à l’oublier un instant. « N’attisez pas trop ma curiosité Telchar, je risquerais de vous demander d’avancer le spectacle et de le jouer ici-même. » Je m’avançai alors vers Uthred plus pour moi que pour lui, pour me prouver que c’était idiot d’avoir peur. Je tendis une main, pas certaine moi-même de ce que je voulais qu’il en fasse, et lui parla d’une bien petite voix pour celle qui avait été présentée comme la Princesse Marchande de Geresh, un titre que je portais avec légitimité depuis peu d’ailleurs. « Vous vous doutez que ce partenariat repose pour beaucoup sur vous… »

« J’espère que vous n’êtes pas intimidé. » J’ajoutai, finalement joueuse.

Campé sur ses jambes épaisses et musculeuses, Uthred dominait de toute sa hauteur les deux arrivants dans la salle d'entrainement, même si le dawi était perché sur son lézard caparaçonné. Le nain fut prompt à répondre à l'affirmation du wandrais.

Les plus jeunes sont parmi les plus grands talents des arènes des différentes Principautés, mais c’est sûr que si tu attends de celle-là qu’elle réalise les mêmes travaux de force que toi sans réaliser qu’elle est un véritable génie analytique elle te paraîtra mollassonne. Donne-toi le temps d’apprendre à les connaître, et donne leur le temps de se faire la main, ils te décevront pas.

L'Ours posa son regard clair sur la jeune femme que le nain avait désigné. Il n'était pas réputé pour son optimisme débordant, mais Uthred devait reconnaître qu'il avait l'oeil lorsqu'il s'agissait de combattant. Elle était vive et faisait preuve d'une certaine dextérité avec une épée courte. Uthred haussa les épaules en soufflant à mi-voix.

Ils mourront dans l'arène s'ils ne progressent pas rapidement.

À peine les mots prononcés, Telchar présenta la jeune femme que le wandrais avait salué de manière informel quelques secondes plus tôt.

Sinon, Uthred, voilà Aerianna Hiisi, Princesse-Marchande de Geresh et potentielle partenaire. Aerianna, voici Uthred, mon Champion, et l’instructeur de mon écurie. L’un des futurs grands moments du spectacle d’aujourd’hui, aussi.
N’attisez pas trop ma curiosité Telchar, je risquerais de vous demander d’avancer le spectacle et de le jouer ici-même.

La jeune femme parlait d'un ton amusé, presque lascif si on était attentif. Elle s'approcha du wandrais, l'observant comme une bête de la ménagerie du nain. Elle tendit la main vers Uthred avec une certaine fébrilité.

Vous vous doutez que ce partenariat repose pour beaucoup sur vous… J’espère que vous n’êtes pas intimidé.

Uthred saisit la main doucement dans la sienne. La différence d'envergure était énorme. La grosse patte du wandrais faisait paraître la main de la Princesse Marchande comme une main d'enfant, menue et frêle. Il arqua un sourcil, détaillant le visage de la jeune femme alors qu'il serrait légèrement pour marquer la poignée de main sans pour autant lui broyer les doigts.

Non. Pourquoi je le serai ? Toi, en revanche, tu me regardes comme si tu avais peur ... Je ne mords pas ...

Un petit sourire ourla ses lèvres, tandis qu'il ne la^chait pas sa prise, croisant le regard de la vaanie sans sourciller. Elle paraissait si fragile et elle était une Princesse Marchande, une esclavagiste probablement. Il pourrait la casser en deux en une seconde s'il le voulait. Elle représentait tant ce qu'il haïssait dans ce pays de sable et de chaleur. Telchar gueulerait à coup sûr, mais son avis importait peu. Le wandrais était cependant conscient qu'il était bien trop tôt pour se livrer à ce genre de méfaits, cela viendrait, il tuerait tous les esclavagistes, mais d'abord il devait gagner leur confiance. Si les Esprits jugeaient bon de commencer avec elle, il leur ferait confiance. Il déclara alors.

Et je ne vois pas pourquoi je serai intimidé par les combats ... Je vais gagner ... Peu importe ce qu'on met face à moi ... Je le tuerai ...

Il lâcha la main d'Aerianna et tourna les yeux vers Telchar.

C'est à quelle heure ?

Il avait répondu à ma main qui se tendait d’une façon presque trop simple, par une poignée de main. Je ne devrais pas être surprise, je ne devrais pas être plus effrayée pour autant, mais en ajoutant ces quelques mots au mélange je découvrais où il se positionnait, et il n’y avait rien de rassurant. Il disait ne pas mordre comme celui qui justement mordait. Telchar ne m’avait pas menti, on était loin du gladiateur qui n’avait comme objectif que de survivre à chacun de ses combats, il était libre, plus libre que bien des gens avec qui je partageais ma vie, et sa seule attache visible ne le liait pas à moi. Sous l’armure, quelques lueurs de magie devaient déjà apparaître, pas assez pour qu’on les voie alors que j’étais ainsi équipée, pas assez pour avoir l’effet qui activait mes cordes sensibles, juste assez pour tricher, savoir la magie proche et ainsi faire écarter légèrement cette peur. Je pouvais au moins garder un visage paisible même si quelque peu rigide.

Je parvins à peine à sourire et à lui répondre d’une voix un peu trop basse.

« J’espère au moins que vous mordrez tout à l’heure. »

En tout cas, ce qu’il montrait en assurance je l’appréciais d’un point de vue purement… professionnel ? J’aurais bien voulu que l’autre me montre les mêmes choses en tout cas, au lieu de me livrer ses leçons quand il était de toute façon trop tard. Que pouvait-on faire des leçons de celui qui avait perdu déloyalement et s’en satisfaisait sans se révolter ? Mon sourire s’agrandit un peu, même alors qu’il parlait de tuer ce qu’on lui mettait en face et quand Telchar m’avait mit exactement dans cette position. Je ne devais pas avoir peur de lui, je devais simplement m’attendre à ce qu’il fasse ce qu’on voulait de lui puis à aller éventuellement chercher la suite s’il délivrait sa première promesse. La suite, c’était avec Telchar qu’elle aurait lieu, mais il restait possible que je le rencontre à nouveau, il restait possible que je vienne chercher quelque chose de lui aussi. Une preuve, pour lui comme pour moi, que je ne craignais rien.

Je ne bougeai pas d’un poil alors qu’il semblait déjà vouloir se détourner de moi.

Aerianna s’intéressait déjà à ton Champion, et ton Champion semblait jouer le jeu… bien, voilà qui te faciliterait probablement les choses pour la suite. Du moins c’est la pensée sur laquelle tu te serais arrêté s’il n’y avait pas eu le reptile et le fauve. Skree renifle, la carcasse métallique lui servant de tête se tournant légèrement en direction de votre invitée. Durakbar en fait de même, grognant sourdement depuis sa position allongée sans daigner se relever. Et puis c’est à ton tour, en suivant les instincts des animaux, de sentir qu’il y a un problème, que la Princesse de Geresh ne dit pas tout, qu’elle n’est pas ce qu’elle paraît être… mais ce pourrait bien être à ton avantage…

- Tiens-toi prêt pour le coucher du soleil. tu quittes le dos de ta monture d’un bond Et ça tu es déjà censé le savoir, mais évite de trop tuer en dehors des combats à mort. C’est bon ni pour le spectacle, ni pour nos réputations à tous les deux, ni pour le porte-monnaie.

Tu t’éloignes de quelques pas, jaugeant sans discrétion aucune autant le bonhomme bourru que celle qui d’un coup avait l’air beaucoup plus délicate. Les Umgis. Sacré foutre de race d’inconstants ces Umgis. Déjà que tes compères Dawis et leurs caractères de Bearog te posaient problème, mais les Hommes et leurs manies changeantes étaient encore pires qu’une bande de Mynnark furieuse. Nul doute que ces deux-là, pour autant qu’ils aient l’air d’être dans ton camp aujourd’hui te posent des problèmes plus tard. Ils en avaient tous les deux largement le pouvoir.

Il te faudrait te préparer à encaisser le jour venu.

Ton regard se refuse à le montrer, mais intérieurement, tu pestes ta dévotion en vos ancêtres. Merde soit d’Ikthor et de sa foutue honnêteté. Dans un monde comme celui-ci, tu aurais préféré pouvoir ne te réclamer que de Mogar et d’Heidum. Tu aurais préféré pouvoir te contenter de n’être que dureté vénale, mais aussi calculateur sois-tu, et aussi cruel puisses-tu être, tu aimais encore beaucoup trop la vérité pour te permettre de te livrer aux mêmes bassesses que beaucoup de tes collègues moins scrupuleux. Au moins ton amour-propre ne se retrouverait pas entaché par la prévoyance. Au moins tu ne t’en voudrais pas, à défaut de monter des pyramides de malhonnêteté, d’ériger une forteresse de protectrice cruauté.

- Durakbar ! Debout. la fauve se lève, et vient se loger dans ton dos Moi de mon côté, je vais m’occuper des bêtes. tu croises les bras sous ta poitrine Quand vous aurez fini Uthred, trouve quelqu’un pour accompagner Aerianna aux cages.

Et sur ces mots, tu t’en retournais vers les terrains d’entraînement des bêtes, là où c’était ton expertise la plus importante.

J’espère au moins que vous mordrez tout à l’heure.

La voix de la jeune femme était à peine audible, couverte par le bruit des pierres qu'on retournait et les cris d'efforts des gladiateurs à l'entraînement sous les vociférations d'Eiki. Le wandrais préféra ignorer la remarque sur le moment préférant se tourner vers le dawi qui gromella, comme à son habitude, en sautant de sa monture reptilienne.

Tiens-toi prêt pour le coucher du soleil. Et ça tu es déjà censé le savoir, mais évite de trop tuer en dehors des combats à mort. C’est bon ni pour le spectacle, ni pour nos réputations à tous les deux, ni pour le porte-monnaie.

Les paroles de Telchar furent accueillis par un haussement d'épaules du wandrais. Le nain était du genre à dispenser ses conseils, même si on lui faisait remarquer qu'ils n'étaient pas nécessaires. Les consignes étaient les mêmes au Bae'd. Un gladiateur devait mettre son adversaire hors de combat et bien souvent, ne pas tuer. On attendait d'un guerrier de l'arène qu'il amuse la foule, qu'il fasse hurler les spectateurs, payer les parieurs, trembler ses adversaires. Ces règles ont lui avaient tatoués sur le dos, sous la forme de cette gueule béante d'ours rugissant qui faisait de lui un tableau vivant. La voix du nain, engoncé dans son armure de parade, sortit Uthred de ses réflexions, lorsqu'il appela son fauve.

Durakbar ! Debout. Moi de mon côté, je vais m’occuper des bêtes. Quand vous aurez fini Uthred, trouve quelqu’un pour accompagner Aerianna aux cages.

Flanqué de sa bête, le nain s'éloigna de son pas claudiquant, laissant la vaanie auprès d'Uthred qui l'observa d'un regard neutre. L'envie de broyer le corps frêle de la jeune femme revint l'espace d'un instant, envie qu'il balaya une seconde plus tard. Il devait jouer le jeu dans lequel il s'était engagé, alors il le jouerait. Un petit sourire étira ses lèvres avant de tendre une main vers le centre de l'arène.

Si tu le souhaites, je peux te présenter les autres gladiateurs.

Elle répondit par un hochement de tête et le wandrais se retourna pour marcher un pas devant, révélant l'immense tatouage qui couvrait la musculature de son dos. Il héla Eiki qui continuait à donner ses intructions.

Eiki! Ilmoita tauko. Hän on Telcharin suojelija. Hän haluaa tavata gladiaattoreita.
Eiki ! Annonce la pause. C'est la mécène de Telchar. Elle veut rencontrer les gladiateurs.
HAAAAALTE. Tous en ligne !

Le colosse s'approcha, parlant la langue de leur clan, comme il le faisait toujours lorsqu'il voulait être sûr de n'être compris que de son frère.

Kuka se on ?
C'est qui ?
Suojelija
La mécène
Mikä se on Mesenaatti?
C'est quoi ça ? Mécène ?
Hän maksaa esimerkiksi aseista tai ruoasta.
C'est elle qui paye pour les armes ou la nourriture par exemple.
Bienvenue Madame !

Le grand sourire du colosse était radieux, comme souvent lorsqu'on lui évoquait la bouffe et le sang. Uthred se pencha vers la vaanie avant de lui dire.

Voici Eiki, un frère de mon clan, dans les monts du Sigolsheim, loin au Nord. Il m'aide à entraîner les recrues. C'est lui qui va te les présenter, Aerianna. Lui, il peut mordre.

Je n’étais pas sûre d’avoir envie de tous les rencontrer, il y en avait quelques uns plus massifs encore que le Champion du nain qui m’avait abandonnée parmi eux et je ne me sentais pas particulièrement en sécurité. Je me laissai tout de même entraîner après un hochement de tête, car quelle valeur aurait la preuve que je trouverais si je détalais comme un lapin dès la première difficulté ? J’eus d’ailleurs une autre preuve d’un tout autre genre en suivant Uthred d’un pas légèrement inconfortable à cause de la douleur, la comparaison avec un ours était loin d’être ridicule et il en avait un gigantesque tatoué dans le dos. Il en avait presque le rugissement, d’ailleurs, alors que je manquai de sursauter à son appel digne d’un rugissement en une langue qui n’était définitivement pas de l’Oliyan. Je ne reconnus aucun des mots mais je reconnaissais la sonorité du langage, je l’avais entendue quand l’autre était entré dans l’arène, plusieurs années plus tôt, mais il était plus agréable chanté par de jeunes femmes qui n’avaient rien des Wandrais.

Il échangea quelques mots avec un de ceux-ci qui étaient plus massifs encore que l’ours et je restai immobile et droite en attendant que je redevienne l’attraction de l’instant, sans trop savoir si c’était ce que je voulais ou non. Le doute était revenu quand j’avais relâché peu à peu la magie, mais je n’eus bientôt pas besoin d’elle pour me sentir légèrement mieux. Il avait fallu ce sourire du colosse pour me permettre d’y répondre timidement et surtout à travers ce sourire de me détendre moi comme semblait le faire l’atmosphère. Je savais ce qu’un sourire pouvait cacher, je n’étais pas idiote, et il était loin de rapetisser Eiki alors qu’Uthred me le présentait, mais on se raccrochait à ce qu’on pouvait dans ce genre de situation. Uthred gagna d’ailleurs un peu de ma sympathie en reprenant ce petit jeu autour de ceux qui mordaient et ceux qui ne le faisaient pas, même si ce n’était pas évident de savoir s’il savait plaisanter et si c’était bien ce qu’il avait essayé.

Je me tournai alors pour de bon vers le colosse, agrandissant légèrement mon sourire.

« C’est un peu tôt pour me mordre, Eiki, montrez moi plutôt ce que vous avez à me montrer. »

J’avais tendu une main, encore, répétant mes gestes pour masquer que je ne savais pas ce que je faisais.

Eiki observa la main tendue vers lui avec circonspection alors que la jeune femme lui souriait en déclarant.

C’est un peu tôt pour me mordre, Eiki, montrez moi plutôt ce que vous avez à me montrer.

Uthred croisa le regard de son colosse d'ami, lui souriant légèrement, avant que ce dernier ne saisisse la main d'Aerianna. Si la différence de taille entre celle d'Uthred et celle de la Princesse Marchande était déjà marquante, mais avec la dextre d'Eiki, on passait presque du simple au double. Tout semblait disproportionné chez l'énorme wandrais. Dans le clan Kutka, on racontait même que les Hirvisen descendait des géants qui avaient sculptés les montagnes des Wandres. Ses bras étaient plus épais que les cuisses d'Uthred, son torse aussi large que celui d'un boeuf et son cou était semblable à un tronc. Le colosse croisa le regard de la vaanie, son visage toujours souriant et serra à peine les doigts, ce qui pour le commun des mortels revenait à avoir la sensation d'un étau autour du bras qui vous maintenait captif.

D'un petit mouvement du bras, il fit avancer la jeune femme d'un pas pour la faire inspecter la ligne de gladiateurs qui s'était formé derrière lui. Un par un, il présenta les guerriers par leur nom et par leur arme de prédilection.

Joran, Rétiaire. Gorgo, Mirmillion ...

Uthred observait le duo longer le rang, s'amusant de l'attitude d'Eiki, qui s'appliquait à se montrer aimable en présence d'une femme. Ce gros sauvageon et son rapport aux femmes avait toujours amusé l'Ours et il attendait l'inévitable remarque qu'il ferait au sujet de la vaanie en les suivant un pas derrière eux. Bientôt, Eiki acheva les présentations formelles.

... Et Seti, Secutor ! De vaillants combattants.

C'est alors qu'Uthred prit la parole, l'oeil sévère, cherchant à tempérer un peu l'enthousiasme de son frère.

Tous ne sont pas encore prêts. Mais ils s'appliquent à l'entraînement.

Eiki lança un regard légèrement agacé vers Uthred, goûtant peu l'intervention de son camarade alors qu'il pensait être en train de maîtriser son sujet. Le colosse surenchérit, captant de nouveau l'attention d'Aerianna.

Tu veux une démonstration ? Si tu payes pour eux, tu veux peut-être voir leur férocité et leur talent ?

Uthred sourit plus franchement, ayant soudain une idée saugrenue qui l'amusait particulièrement.

Peut-être que tu veux même échanger quelques passes avec un d'eux ? Je suis sûr qu'une Princesse comme toi sait se battre.

J’eus l’impression de me laisser emprisonner par sa main, mais de toute façon à partir du moment où aucune de mes deux suivantes ne m’avait suivie ma liberté d’action était vastement réduite. Avec ce contact je me rendis surtout compte que je ne pouvais comparer sa démesure qu’à celle de cet elfe gigantesque ou du monstre qui m’avait entre autres brisé le poignet d’ailleurs. Avec ce contact je me rendis compte que tant que les mots restaient rois je pouvais m’en sortir, mais qu’au moindre déséquilibre tout s’effondrerait. Avec ce contact je me rendis compte qu’un des garants de cet équilibre avait été la présence de Telchar. Mais je n’eus pas trop à penser, parce qu’il y avait tant d’autres impressionnants gabarits à voir, et Eiki m’entraîna finalement assez délicatement vers eux pour me les présenter avec une application certaine. Je n’allais malheureusement pour lui pas retenir beaucoup de ces noms ou de ces rôles, et pas seulement parce que ces derniers ne faisaient aucun sens.

Au quatrième nom je m’étais retrouvée face à la grande femme aux oreilles pointues qui avait déjà attiré mon attention et je souriais un peu trop, restant là et résistant à peine à la première intervention d’Eiki. Je ne le suivis qu’à contrecœur et ne la lâchai du regard que quand il avait prononcé le nom du sixième. C’était difficile de résister à ce genre d’effet, d’autant plus que les femmes auraient naturellement et pour toujours ma préférence alors que j’avais dû apprendre rien que pour ne pas me liquéfier face à un homme plus grand que je ne l’étais. Enfin, que les deux Wandrais l’aient remarqué ou non, ils continuèrent tous les deux sans me le faire remarquer, et si la question sur s’ils étaient vaillants ou s’ils le deviendraient en s’appliquant dépassait de loin mon expertise je ramenai mon attention sur eux. Je ne fus d’ailleurs pas surprise de la question d’Eiki mais j’aurais du mal à accepter une telle offre quand Telchar m’avait amenée pour son spectacle. Je souris tout de même en lui répondant doucement.

« Merci Eiki, mais je vais commencer par ce que Telchar voudra me montrer ce soir. »

La question d’un Uthred beaucoup plus souriant qu’au premier abord, elle, m’interloqua.

« Je… ça fait… non… je veux dire… oui, je veux bien. »

J’avais failli me justifier puis décliner, mais qu’est ce que j’avais à y perdre, vraiment ? Et puis, je souriais trop.

Un sourire aux coins des lèvres, Aerianna répondit à l'invitation d'Eiki.

Merci Eiki, mais je vais commencer par ce que Telchar voudra me montrer ce soir.

Elle parut un peu plus héistante à la proposition d'Uthred, lorsqu'elle balbutia.

Je… ça fait… non… je veux dire… oui, je veux bien.

Le sourire d'Eiki étira encore plus ses lèvres, alors qu'il se frappait le coeur du poing.

Ce sera un honneur de t'affronter !

Uthred leva une main en signe d'apaisement, tentant de dissuader son frère.

Ei !
Non !
Miksi ei ?
Pourquoi non ?
Aiot satuttaa häntä! Pikemminkin nuori ihminen. Telchar kaipaa tappaa hänet.
Tu vas la blesser ! Plutôt un jeune. Telchar va raler si tu la tues.
En tapa häntä. Luvattu. Tunnen, että jotain tapahtuu hänen ja minun välillä. Haluan vain yllättää hänet vähän.
Je ne vais pas la tuer. Promis. Je sens qu'il se passe quelque chose entre elle et moi. Je veux juste l'impressioner un peu.
Satut pelottamaan häntä.
Il se passe que tu lui fais peur.
Ei, siellä on enemmän.
Non, y a plus que ça.
Okei ... okei. Mutta mene hitaasti !
Bon ... d'accord. Mais va doucement !
Älä huoli !
Ne t'inquiète pas !
Eiki sera ton adversaire.

Une lueur d'inquiétude luisait dans le regard d'Uthred en tournant ses yeux vers Aerianna. Il connaissait l'entrain du colosse même lors des sessions d'entraînement et la jeune femme paraissait bien frêle pour subir les assauts de son ami. Les gladiateurs formèrent un cercle autour d'eux et Uthred tendit une épée émoussée à la Princesse Marchande, alors qu'Eiki se saisissait d'un simple bâton, rassurant un peu plus l'Ours.

Les deux adversaires se mirent en garde et se fut le wandrais qui lança la première attaque. Il frappa vers le buste, avant de parer une d'attaque d'estoc. Le colosse effectua une rotation sur lui-même et envoya le revers de sa main en plein visage d'Aerianna. Le bruit de la claque magistrale qu'elle reçut retentit dans toute la salle, alors que la vaanie était rattrapé in extremis par la jeune gladiatrice sang-mêlée. La jeune femme parvint à rester camper sur ses appuis malgré la vivacité avec laquelle lui arriva Aerianna dessus. Uthred, de son côté, tonna.

Eiki ! Siksi sinun pitäisi ottaa se helposti?
Eiki ! C'est ça pour toi y aller doucement ?
Voi, se on vain pieni isku ...
Oh c'est qu'une petite claque ...

Ignorant son camarade avant de le couvrir d'insultes, il se dirigea d'un pas vif vers Aerianna que la jeune femme avait reposé sur ses pieds. Elle semblait un peu sonné et en serait quitte pour un bel hématome sur la pommette.

Tout va bien ? Pardonne-le, il ne sait pas contrôler sa force ...

Le sourire du plus grand des deux ne m’étonna pas, à l’inverse encore une fois du comportement d’Uthred qui n’allait pas particulièrement me rassurer. Je ne sus pourquoi il avait interrompu son frère mais j’espérais que ce n’était pas pour la raison que j’imaginais. On ne pouvait pas s’attendre à une autre issue que l’issue évidente avec un tel combat, même si je n’avais jamais répondu oui pour gagner. Mais la discussion finalement relativement paisible se termina avec un changement d’avis de celui qui prenait les décisions ici. L’attitude des deux était plus positive que je ne l’avais craint mais finalement j’affronterais le géant si souriant. Le doute s’était tout de même immiscé, que je le veuille ou non, et j’eus à invoquer encore un peu de magie pour rester calme alors que l’on s’attroupait autour de nous deux. Pas assez pour craquer et leur montrer que je l’aimais peut-être un peu trop, mais assez pour ne pas trembler.

Je pris la lame qu’on me tendit de la main gauche avant de me mettre en garde.

Ce que j’avais failli répondre à Uthred, au début, c’était que mon dernier entraînement remontait à trop longtemps, et Eiki ne mit pas beaucoup de temps à me le confirmer. Tous mes muscles semblèrent trembler alors que je bloquai le premier coup de son bâton, comprenant que le colosse ne retiendrait pas ses coups, ou que s’il le faisait c’était bien loin d’être suffisant pour que j’aie la moindre chance. Mais parce qu’il ne servait à rien de s’en plaindre maintenant je me lançai dans l’échange et tentai un coup vers l’avant, il avait beaucoup trop d’allonge pour que je lui laisse du temps. Le coup fut un peu trop maladroit pour qu’il provoque un quelconque résultat mais je me rassurai en me disant que je me mettais en jambe et que le toucher aussi tôt aurait été une preuve de son incompétence à lui. Ce que je ne savais pas à ce moment là, c’était que le combat était déjà terminé, et je vis trop tard la main m’arriver dans le visage et me projeter en arrière.

La réaction à la douleur du coup arriva vite et au moment de heurter les bras d’un gladiateur je gémis de plaisir.

Tout semblait s’être déroulé en un instant et j’entendis le cri d’Uthred en même temps que ses pas précipités et qu’un mot de la combattante qui m’avait remis sur mes pieds. Je tins bon et ne retombai pas dans les bras de celle qui m’avait empêché une chute violente. J’avais la tête qui tournait légèrement et répondis aux inquiétudes du champion de Telchar d’une voix qui semblait chercher à se stabiliser plus qu’autre chose. « Oui, tout va… bien. Je vais bien. » Est-ce que c’était du sang, qui coulait sur ma joue ? Je ne vérifiais pas, et puis, c’était presque mieux si c’en était. Je fis un premier pas avant de m’arrêter une seconde et d’enchaîner sur tous les autres qui me mèneraient à Eiki, sur la trajectoire la plus rectiligne possible. Je n’affichais pas de sourire en venant ni après que mon poing vienne heurter la poitrine du géant. Peut-être qu’à cet instant on pensait que j’étais en colère, je n’en savais rien, mais ma voix était plus sûre.

« Tu aurais pu me laisser croire que j’avais une chance ! »

Il me fallut une seconde avant de glousser de rire et me rendre compte que c’était bien du sang.

Le corps groggy et le regard incertain, un fin filet de sang coulant le long de sa joue, Aerianna se tourna vers Uthred qui l'observait, légèrement inquiet.

Oui, tout va… bien. Je vais bien.

La Princesse Marchande avança fébrilement pour se planter devant Eiki. Le colosse observait la jeune femme de toute sa hauteur, attendant déjà la soufflante qu'il allait prendre. Elle crispa son poing, un masque froid sur le visage et vint le cogner contre le pectoral massif du wandrais.

Tu aurais pu me laisser croire que j’avais une chance !

Uthred arqua un sourcil lorsqu'il entendit la vaanie rire doucement, bientôt accompagné par la voix de stentor de son frère qui posa une main sur sa poitrine pour masser le point d'impact qui le faisait penser à une piqûre de moustique. L'Ours avait récupéré un carré de tissu propre et s'aprocha du duo étrange qui s'esclaffait. Eiki répondit dans un éclat de rire.

Désolé ! J'ai pas l'habitude ! Hahaha !

Uthred se planta à côté de la jeune femme et lui tendit le linge. Il ressentait un certain soulagement à cette atmosphère joviale entre les deux. Eiki ne semblait pas comprendre que ce genre de comportement aurait pu lui coûter sa tête.

Tiens, pour essuyer le sang.

Il posa doucement une main sur le dos de la vaanie pour l'emmener à l'écart. Il était plus que temps de rejoindre Telchar et le wandrais entendait déjà les gromèlements du dawi d'ici.

Encore désolé, Aerianna. Je pense que tu veux voir la ménagerie du nain maintenant ?

Dans son dos, le colosse lança en souriant de plus belle.

Hän pitää minusta !
Elle m'aime bien !
Ei !
Non !
Minä sanon sen sinulle ! Mikä hänen nimi on jo ?
Je te dis que si ! C'est quoi son nom déjà ?
Aerianna Hiisi
Hiisi ? Kuten pahat henget? Paholainen
Hiisi ? Comme les mauvais Esprits ? Les Diables ?
En usko, että siinä on Eiki.
Je ne pense pas que ce soit ça Eiki.
Pyydä häntä
Demande-lui.
Ei !
Non !
Toi aussi, tu as des origines wandraises ?

Le regard que lança Uthred à son frère était sans équivoque. Ce grand dadet était beaucoup trop bavard et curieux. Il allait falloir qu'il apprenne un jour à se taire pour de bon. Uthred expira avec agacement avant de préciser la pensée de son camarade de clan.

C'est à cause de ton nom. Hiisi. Ce mot existe dans les langues de Sigolsheim. Pardonne-le ... Il est ... lourd parfois.

Le gloussement continua quelques poignées de secondes supplémentaires avant que je ne l’arrête et qu’il laisse la place à un petit sourire. Le coup et la sensation agréable qui l’avait accompagné m’avaient détendue autant que les sourires qu’affichaient tour à tour le colosse et son frère. C’était là que le citron avait déjà frappé il y avait déjà quelques années de cela, et peut-être que si le coupable l’avait fait de manière plus loyale il aurait passé un meilleur moment en ma compagnie ? Je ne me souvenais même pas de ce advenu de lui… Je ne crus par contre pas une seule seconde à l’intervention d’Eiki alors qu’Uthred dans sa réaction m’avait donné toutes les raisons du monde à penser que ce n’était pas la première fois que ce genre de chose arrivait. Uthred qui d’ailleurs venait une nouvelle fois faire attention à moi en m’apportant de quoi m’occuper sommairement de ma blessure. Malgré mon envie de le rassurer j’avais pris le tissu qu’il me tendait pour le presser contre mon visage. Ma voix douce s’opposa aux éclats de voix et je répondis à ses nouvelles excuses.

« Non, ne t’inquiète pas, je ne suis pas si fragile, tu as dû l’entendre… »

Je n’en savais rien s’il l’avait entendu, mais je savais que la demi-sang l’avait entendu, elle, et je lui souris.

« Oui, allons-y, Telchar va râler s’il se rend compte de ce que vous me faites ici. »

Mais Eiki nous interrompit une nouvelle fois en continuant de parler dans leur langue. Je ne comprenais toujours rien et ne m’attendais pas à ce que ça change de sitôt, mais j’entendis Eiki répéter mon nom, plus particulièrement, comme s’il le reconnaissait ? Puis la question vint, puis j’évitai de glousser dans un gloussement qui n’aurait qu’été interprété, à raison, comme une moquerie. Wandraise, moi ? Je ne lui répondis pas directement, feignant l’étonnement. Je ne pouvais pas répondre maintenant mon père ne venait pas de très loin de leurs terres, je savais qu’il avait été parmi les ennemis des wandrais, ou du moins que les siens l’avaient été. Il ne m’avait pas nécessairement parlé de ses hauts-faits, même si je savais qu’il s’y était rendu une fois. Peut-être avait-il tué, plus d’une génération avant ceux-ci ? Quand Uthred explicita la curiosité du colosse je l’utilisai comme une porte de sortie pour ne pas répondre et chercher à en savoir plus. Peut-être que cela me servirait.

« Non, aucune origine wandraise. Il veut dire quoi ? »

Non, ne t’inquiète pas, je ne suis pas si fragile, tu as dû l’entendre…

Il avait surtout entendu le bruit de la main gigantesque de son frère heurter le visage de la Princesse Marchande. Le wandrais lui proposa de quitter les lieux et de rejoindre Telchar auprès de ses bêtes.

Oui, allons-y, Telchar va râler s’il se rend compte de ce que vous me faites ici.

Uthred eut un petit rire nerveux avant qu'Eiki ne se lance dans de nouvelles réflexions tandis qu'ils s'éloignaient de lui et des autres gladiateurs. Bien entendu, le colosse se devait de réagir au nom d'Aerianna, même si l'Ours était déjà convaincu d'une simple coïncidence. Il dut alors expliquer la question à la vaanie qui répondit, un petit sourire aux lèvres.

Non, aucune origine wandraise. Il veut dire quoi ?

Uthred continuait d'entraîner la jeune femme loin de son camarade, pressé de rejoindre le nain et sa ménagerie et de ne plus avoir a expliqué les élucubrations d'Eiki. Il battit un instant des paupières, avant de se lancer dans l'explication de texte.

Il y a dans le monde, deux types d'Esprits. Les bons, qui veillent et protègent toutes choses et sont incarnés, comme le feu, l'eau ou le bois, les Henki. Et puis, il y a les malfaisants, ceux qui corrompent depuis le Pays-sans-Retour et tentent de faire le mal, les Diables ou Hiisi. Parfois, on donne ce nom aux bannis des clans, ceux qui ont fait du mal aux leurs ou trahis leur famille ou leur chef, car ils ont écoutés les Hiisi.

Ils atteignirent la porte derrière laquelle avait disparu le nain quelques minutes plus tôt, les lèvres d'Uthred toujours crispées dans un sourire inquiet.

Il est têtu. Je lui expliquerai plus tard que ce n'est qu'un hasard.

Le wandrais posa la main sur la porte et posa son regard azuré sur Aerianna.

Prépare-toi. L'odeur là-dedans est ... forte ...

Le battant s'ouvrit et une odeur, mélange de litière de paille, d'urine acide et de sueur musquée animale vint frapper les narines du wandrais et de sa compagne. Il était temps de retrouver le nain qui s'affairait à nourrir ses animaux.

Je souris en écoutant les explications d’Uthred. Ce n’était pas un sourire moqueur comme il aurait pu l’être, comme il avait failli l’être, comme il aurait dû l’être. C’était celui de celle qui comprenait qu’il puisse y avoir ce genre de méprise et qui ne s’en offusquait pas, celle qui trouvait ça relativement intéressant. Ce qui m’intéressait, c’était le symbolisme de la signification de ce mot. C’était peut-être bien un surnom dont avaient hérité mes ancêtres lors de tous ces conflits avec les Wandrais, finalement, un surnom dont ils avaient fait leur nom. Les esprits qui corrompent, qui tentent de faire le mal, ceux qui poussent à faire du mal aux leurs, ceux qui poussent à trahir leur famille, ceux qui poussent à assassiner leurs parents… Il avait peut-être voulu s’écarter d’eux en venant ici, il avait peut-être voulu se protéger. Malheureusement pour lui, sa fille avait agi comme les esprits mentionnés par Uthred, sa fille lui avait tout enlevé. Plusieurs théories vinrent m’envahir alors que je suivais Uthred jusqu’à Telchar juste après qu’il m’ait rassuré sur le fait qu’il ne se doutait de rien. Avais-je écouté un Hiisi ? Etais-je habitée par un Hiisi ?

Peut-être que je cherchais lien trop indirect, peut-être que les Hiisi prenaient aussi forme humaine ?

Je n’étais pas partie sans offrir un radieux sourire à celui à cause de qui je pressais ce tissu sur mon visage, ni sans un sourire à la seule qui avait l’air d’avoir entendu ce gémissement, et là, devant la porte, je n’avais d’autre choix que d’obéir et me préparer. L’odeur était plus forte encore que le champion du nain ne me l’avait promis, et elle me tira d’un coup et d’un seul de ces pensées. Je n’avais jamais eu un animal qui soit autre chose qu’une monture, et même ceux-ci je ne les avais jamais approché dans leur lieu de vie et ce genre d’odeur m’était presque complètement étranger. Le tissu tâché de sang glissa sur ma joue alors que je le portais à mon nez et découvrais la blessure. Telchar était là, ainsi qu’une poignée de ces animaux que j’avais vu l’accompagner jusqu’à maintenant. D’une voix qui sonnait bien différemment à cause de ce tissu que je collais contre mon nez j’essayai d’attirer son attention.

« C’est ça, vos cages ? Vous passez combien de temps ici ? »

Derrière les barreaux de verre volcanique de l’une des cages, un fern dévorait les charbons restants de ce qui était quelques dizaines de secondes plus tôt une belle pièce de viande. Enfermés derrière une grille au maillage plus fin que les autres, un groupe d’Eshpar’Akal se disputait sans raison apparente. Avachi à même le sol couvert de paille sans plus de protection que l’ordre de ne pas quitter l’espace de l’immense réserve, un énorme Hanglyosi dormait. Et toi au milieu des crocs, des griffes, des serres, de la bave, du musc et du sang, tu occupais ta place de Grand-Roi.

De gestes discrets du poignet tu guidais ton élève du jour dans la routine qui la maintenait à des ordres. Durakbar était une têtue, mais Durakbar était une bonne perdante. Tu t’étais prouvé par le passé être capable de prendre le meilleur sur la fauve. Elle te craignait maintenant, et elle savait que les autres créatures ici présentes avaient toutes les raisons de te craindre. Alors elle t’obéissait, parce que c’était là la meilleure stratégie pour sa survie… et la meilleure stratégie pour son amusement. Tu es un maître sévère, mais pas un maître injuste. Les efforts de la félin à pointes, tu prenais garde de les récompenser lorsqu’ils le méritaient… fusse d’un met de choix… ou d’un combat.

- Plus tard ! Je suis occupé !

Trop concentré sur les mouvements de la fauve, tu ne portes que trop peu d’attention aux deux êtres en présence derrière toi. Plutôt que ça tu guides Durakbar dans un saut, appelle deux coups de griffes vers l’avant, gauche puis droite, la lance dans une vive charge, puis un claquement de mâchoires, et… et elle se roule en boule et se couche. Tu te retournes enfin.

- Désolé. tu ne l’es pas le moins du monde Le travail avec les félins à pointes est délicat, vaut mieux pas interrompre n’importe comment.

Cette dernière remarque par contre elle est vraie. Tu serais probablement incapable de citer un animal qui soit plus vicieux que les félins à pointes. À part peut-être ces saletés de Phish Oura, mais ceux-là c’étaient des causes perdues. Impossible à dresser. Bons à donner en match à mort pour un spectacle un peu pimenté.

- Mais… tu fronces les sourcils, remarquant la blessure de la Princesse Qu’est-ce que vous avez foutu encore ?

Pas qu’ils aient eu le temps de faire quoi que ce soit avant ça. Vous veniez d’investir ces locaux. Personnellement, tu connaissais à peine les gladiateurs de ton écurie, mais il en fallait peu pour deviner que…

- C’est l’autre tête de kerkand encore, c’est ça ?

L'antre favorite de Telchar renfermait des odeurs fortes et des feulements rauques. De nombreuses cages s'alignaient, renfermant chacune un animal, la tête basse malgré le regard toujours sauvage. L'espace d'un instant, Uthred réalisa qu'ils étaient comme il l'avait été. Des prédateurs enchaînés pour le bon plaisir de leur maître, domptés par les coups de fouet à répondre aux ordres de Telchar. La voix de la vaanie le sortit de sa réflexion.

C’est ça, vos cages ? Vous passez combien de temps ici ?

Toisant un de ses fauves à pointes, le dawi protesta dans sa langue gutturale, avant de terminer l'entraînement de la bête qui se mit en boule dans son coin. Il se tourna vers les nouveaux venus.

Désolé. Le travail avec les félins à pointes est délicat, vaut mieux pas interrompre n’importe comment.

Il ne lui fallut pas plus de trois secondes pour froncer les sourcils et grommeler.

Mais… Qu’est-ce que vous avez foutu encore ? C’est l’autre tête de kerkand encore, c’est ça ?

Les mâchoires serrées, le wandrais jeta un coup d'oeil à Aerianna avant de revenir vers le dompteur de fauves.

Elle a accepté de faire quelques passes d'armes avec nous ... C'était le risque. Elle va bien, c'est ce qu'elle m'a dit. Pas vrai ?

Il donna un petit coup de menton à l'attention de la Princesse Marchande, avant de reposer son regard glacial vers Telchar.

J'aimerai voir le jour où tu lui diras ce genre d'insultes en face ... Je t'ai déjà prévenu, il te tuera à mains nues ... Même s'il doit en crever derrière sous les griffes de tes bestioles ...

« Ça va, Telchar, il n’y a pas de mal. Et puis, que ce soit lui ou un autre le résultat aurait été le même. »

Le Wandrais avait répondu bien trop vite pour que je ne puisse le faire avant lui mais le temps qu’il réagisse aux mots du nain destinés à Eiki et je lui passai devant sans laisser le temps à la discussion de s’installer. Les menaces d’Uthred ne m’intéressaient pas, l’honneur d’Eiki ne m’intéressait pas plus, et je n’étais même pas certaine de savoir ce qu’était un Kerkand. J’avais souri en essayant de rassurer celui qui tenait dans ses mains tout ce que j’avais vu ici. S’il ne le savait pas et aurait sûrement du mal à le deviner, le coup que j’avais pris et dont je tapotais maintenant ma joue rougie par le sang avait plus de chances de mener vers un accord que de faire l’inverse. Les créatures pensantes avaient des choses que ses bêtes ne pouvaient avoir et ces choses étaient la raison pour laquelle j’avais demandé à les voir elles avant de me sentir obligée d’observer les bêtes. Je m’approchai d’ailleurs du nain, d’un ou deux pas, sans oser aller jusqu’à toucher l’une d’entre elles.

« Ceux-là, je n’essaierais même pas de les défier. »

J’aurais pu, si j’avais poussé sur ma magie, mais je ne risquais pas de simplement prendre une claque, ici.

« J’ai hâte de voir ce que vous me proposerez, Telchar. »

Et si j’avais parfois l’imagination fertile, il n’y avait aucune combinaison à laquelle je pouvais penser avec les quelques bêtes que je voyais, avec les quelques bêtes que j’avais vues, ou même avec d’autres bêtes qu’il ne devait pas encore avoir montrées. Je n’étais même pas sûre d’avoir déjà vu des bêtes combattre en arène. Y avait-il des particularités auxquelles je devais être sensible ? Ce combat serait formateur en tout cas, ou devrais-je dire spectacle ? C’était ce qu’il me restait avant de dire oui, je pensais, car j’avais bien envie de dire oui à Telchar, car je ne pensais pas que quiconque pourrait lui opposer une ménagerie aussi variée que celle-ci, même si ses hommes étaient libres et pouvaient éventuellement disparaître du jour au lendemain. Mais c’était ça, l’investissement que je pouvais faire, un pour qu’ils se sentent suffisamment bien pour que dans toute leur liberté ils se comportent comme les esclaves qu’ils auraient dû être.

« Vous pouvez me les présenter ? »

Ton regard défie celui d’Uthred. Tu n’as pas peur de mourir. Tu ne passerais pas ton temps le visage si près de la gueule de bêtes féroces si tu avais peur de mourir. Et Eiki t’est bien moins effrayant que nombre de créatures ici présentes. Un jour viendrait où l’énorme wandrais aurait l’occasion de t’entendre. Il n’en est point à douter. Vous n’avez simplement pas encore passé assez de temps à vous côtoyer pour que ce soit le cas pour l’instant, voilà tout. Et là s’il s’emportait tu découvrirais jusqu’à quel point la bête humaine était capable de supporter la douleur…

- Ceux qui portent un nom oui.

Ton attention quitte le barbu pour se reporter d’abord sur ta mécène, puis sur la fauve lovée au sol. Mais c’est une tout autre créature qui vient finalement dérober l’attention. Le petit humanoïde à la peau orangée apparaît soudainement dans le coin de vos regards, et en quelques bonds – dont l’un sur le dos de la félin à pointe – traverse la salle pour se poser sur ton épaule. La créature t’arrache un sourire de courte durée, avant que ne revienne ta face bougonne habituelle.

- Vous connaissez déjà Fafnir. tu siffles, appelant la gigantesque fauve à se lever Quant à elle c’est Durakbar. Probablement la pire tête brûlée de toute cette ménagerie.

Comme si elle connaissait ces mots, la féline se met à feuler, et d’un regard insistant, une main sur le fouet à ta hanche, tu es obligé de lui rappeler les raisons pour lesquelles elle t’est soumise. Elle grogne un court instant, mais finalement se poste à votre droite, prête à suivre le mouvement.

- Et lui c’est Skree. tu tends la main, et le Morgal penche la tête pour que t’autoriser à flatter le bout de son museau métallique La pauvre bête s’est faite défigurer par Durakbar il y a quelques années. J’ai été forcé de lui faire forger un masque pour qu’il reste présentable.

Pour qu’il reste présentable et bien plus… mais là était un secret que tu gardais jusqu’à aujourd’hui tout près de toi et loin de tes lèvres. Un pas en avant plutôt qu’un mot de plus, et tu emportais ta suite avec toi à la découverte de ce que tu avais pu – pour l’instant – ramener de ton zoo personnel et obtenir de tes fournisseurs pour les jours à venir.

- La chouette c’est Gromthi. tu le dis avec une fierté toute particulière Une des dernières Ousömos de ce monde. tu souffles des nasaux Avec un peu de chance j’arriverai à lui trouver un mâle qu’elle me ramène des petits. Mais bon, plus facile à dire qu’à faire.

Vous avancez à travers le petit zoo, et c’est avec un peu plus de détachement que tu présentes le Fern terminant son repas, les Eshpar’Akal plus destinés à servir d’amusement que de clou du spectacle, l’Hanglyosi dont les crises de paniques dans l’arène donnaient souvent lieu à des spectacles aussi burlesques qu’impressionnants, et le Tatzelwörm dont tu ne savais pour l’heure pas réellement quoi faire.

- J’aimerais bien un jour éventuellement proposer des créatures aquatiques. Mais pour l’instant, c’est un peu compliqué dans un endroit qui s’appelle les Sablons. tu soupires Enfin… on peut toujours rêver. Rien n’est impossible ici pour peu qu’on ait de l’argent à jeter à la figure des bonnes personnes.

Un peu plus loin, Barag et Drendgal, tes plus beaux chiens, montaient la garde. Les deux profiteraient probablement pour rejoindre la procession une fois que vous seriez à leur niveau.

Le sourire n’avait pas l’air d’un véritable sourire caché à moitié dans cette barbe, mais je remarquai son existence.

Plus que les bêtes ce qui m’intéressait le plus était la façon qu’il avait de les gouverner. S’il n’en avait pas l’air particulièrement capable il donnait l’impression d’avoir dominé chacun d’eux et d’avoir comme ça gagné leur respect, et c’était peut-être pour ça qu’il te présentait lui-même et pas les êtres plus chaotiques qui avaient fini par provoquer cette blessure sur mon visage. Je n’avais pas de théorie sur la question mais je me demandais un instant comme il pouvait leur autoriser autant de liberté. Il y avait la liberté théorique qu’il m’avait annoncée mais il semblait ne pas trop s’être attaqué à la part de liberté qui était plus pratique. Enfin, je n’exigeais pas de lui quoi que ce soit de ce côté-là, j’observais juste, et je notais, en attendant de voir réellement de quoi ils étaient capables. Ce cheminement de pensée allait avoir lieu en parallèle de toutes ces présentations, et moins il semblait intéressé par les créatures moins j’étais sûre de retenir leurs noms. Je retiendrais plutôt ce passage à propos des bêtes aquatiques.

« Ce ne serait pas pire que de l’emplir de lave. »

Le commentaire n’avait pas réellement de direction et je continuai de le suivre avant d’avoir une idée.

« Ce ne sont pas des bêtes d’arènes, mais… vous avez déjà vu des dragons-fae ? »

La question avait été posée avec un regard un peu plus brillant que les autres alors que j’avais tourné la tête dans sa direction, faute de nouvelle bête à observer. Telchar ne le savait pas mais une réponse positive à la question qui aurait pu logiquement venir après lui aurait arrogé d’un soutien quasi-inconditionnel, du moins tant que je ne serais pas lassée de la créature, ce qui me semblait pratiquement impossible. Le rêve était toujours vivant et je ne comptais pas le moins du monde sur cette horreur de Lhâgri pour m’en ramener, j’espérais simplement qu’il soit mort criblé de flèches aux portes de l’Anaëh. Mais je n’étais pas là pour ça, et il ne m’avait pas présenté ses bêtes pour que je lui demande celle qu’il n’avait pas, alors je me ressaisis et lui souris, prête à admettre que la pensée n’était qu’une pensée en l’air et que je n’avais pas perdu l’objectif de notre rencontre de vue. Ma voix était plus douce et un peu moins habitée par l’excitation.

« J’ai hâte de les voir en action, Telchar, vous avez de belles bêtes. »

Mon regard se détourna un instant vers le Wandrais et je me mordis la lèvre, il ne pouvait pas l’avoir vu.

- Vu ? Non. tu hausses les épaules Et pour ce que c’est j’irai probablement pas me lancer à poursuivre de ces bêtes-là.

Pour ce que tu en sais, les dragons-fae n’avaient rien de particulièrement impressionnant en dehors de leur rareté. Pas question d’aller risquer du monde chez ces saletés d’elfes pour au mieux repartir bredouille, et au pire – et le pire arrive plus souvent que le mieux – ne pas revenir. Rien que d’imaginer le prix que te coûterait une expédition pareille que tu en frissonnerais d’effroi. Quitte à partir à la recherche de quelque chose qui s’appelle dragon, autant se tenter à capturer un véritable dragon.

Heureusement la conversation – s’il on pouvait appeler cela une conversation – n’en resta pas là. La Princesse Marchande se décida à briser le court silence d’un compliment qui t’apparaissait comme l’évidence, et sur lequel tu aurais difficilement trouvé à renchérir, s’il ne s’était pas agi de son attitude. Tes sourcils se lèvent haut, et si les choses ne se jouaient pas devant toi tu aurais presque du mal à en croire tes yeux… ou pas en fait. Après tout c’était en partie pour ça que tu avais tenu à ce que l’habit de scène d’Uthred soit ce qu’il était. Certes, le Wandrais était un fier combattant, un excellent maître d’arme, une féroce bête de scène et tout ce qu’on voulait… mais Uthred c’était surtout le parfait compromis pour assouvir à la fois au mal de sang et d’adrénaline des mâles frustrés qui venaient voir les jeux, et l’attrait pour l’exotisme des innombrables femmes qui n’auraient jamais accès à de tels spécimens qu’ici à l’arène.

Et il semblerait qu’Aerianna soit l’une de celles-ci. Ce qui te paraissait bien étrange au vu de sa fortune.

- Ça ne devrait pas tarder. tu jettes un œil à la position du soleil par une fenêtre D’ici un peu plus d’une heure l’arène devrait être prête.

Ton regard se tourne en direction du combattant Wandrais, puis de la Princesse Marchande. Tu les dévisages tous les deux. Puis ton attention retourne à tes animaux. Ceux que tu vas présenter sont prêts. Il ne te reste plus maintenant qu’à aller faire les derniers arrangements avec votre chère présentatrice.

- Donc une fois que j’aurai terminé de vérifier si les bêtes vont bien, je vais devoir vous laisser.