Ce que les dieux ont prévu arrive infailliblement.

Du début de la première ennéade de verimios au début de la quatrième ennéade de verimios 17 : XI,
après le départ des armées eldéennes du Puy.

Si vivre au sein d’un volcan, même éteint, habituait les eldéens à la chaleur mais Kerath devait admettre que la chaleur du désert, des terres stériles, était somme toute difficile à supporter et, en un sens, il enviait Murrpau qui ne semblait pas s’en inquiéter plus que ça ; le félin à pointe avançait, égal à lui-même, se moquant des milliers de drows qui le suivaient quant à ses congénères… disons qu’ils étaient bien trop loin pour s’en préoccuper. Cependant il fallait admettre que la nuit n’était pas la bienvenue non plus car vivre dans un volcan ne préparait en rien au froid glacial qui s’abattait une fois le soleil couché et finalement la chaleur d’Uriz manquait au général. Ce dernier ordonna d’ailleurs l’arrêt du bout de l’armée qui le suivait directement.

En effet il fut très vite décidé que les osts, s’ils étaient sortis ensemble du Puy, ne feraient pas la route ensemble ; faire progresser près de trente mille personnes dans un désert étant un excellent moyen de perdre une part non négligeable desdites personnes, la grande armée eldéenne fut divisée. Pendant qu’une partie, menée par le Karliik Glenn, continuait le long de la sente noire, les autres, guidées par les soldats et éclaireurs ayant pour passe-temps et habitude de chasser les zurthans, traversaient les terres stériles en allant d’une oasis à l’autre. En plus d’avoir l’avantage non négligeable de ne pas perdre la majorité des troupes à cause de la soif, la division permettait également d’accélérer la marche des soldats ; la division rendait également l’évaluation du nombre de l’armée eldéenne plus difficile et rendait plus ardue la tâche de suivre les déplacements de tous ces drows.

Pour le moment il était temps de poser leurs bagages dans un des nombreux forts construits le long de la Sente Noire par le cinquième ost durant le long siège de Sol’Dorn. Si le nombre de personnes étant suffisamment folles pour s’attaquer à un contingent aussi important de l’armée eldéenne devaient être bien rares, Kerath ne comptait pas prendre de risque et, même dans le désert, préférait rester prudent. Ainsi les tentes furent montées et très vite des feus furent allumées un peu partout dans le camp. Les prières se faisant rapidement entendre, le Karliik Glenn se joignit à ses troupes très vite et lorsqu’elles furent enfin terminées il remarqua une estafette qui, visiblement n’attendait que ladite fin des prières pour lui transmettre son message. Lorsqu’il se tourna vers la drow en arme, cette dernière le salua, une fois qu’elle eut décliné son nom, son ost et son unité, il lui fit signe de parler. Si une telle formalité n’était d’ordinaire pas nécessaire, avec la division de l’armée eldéenne ça l’était devenu, ne serait-ce que pour savoir facilement où se trouvait qui.

« Le grand dragon rouge a été aperçu au sud. »
« Quelles pertes? »
« Aucune, Karliik Glenn, il nous survole mais n’attaque pas. » La réponse fit hausser un sourcil à Kerath et l’estafette lutta contre l’envie de hausser les épaules.
« Dans ce cas inutile de tenter quoi que ce soit contre lui. Gardez un œil sur lui et gardez vos distances. Tu peux disposer. »

La guerrière le salua à nouveau avant de retourner au pas de course vers sa monture pour attraper une outre, boire quelques gorgées et monter en selle avant de repartir. Quant au général, il s’en alla rejoindre un groupe de soldats prit un peu au hasard qui mangeaient autour d’un feu. Il s’assit à leurs côtés et bien qu’il n’ait pas faim, prit un bol qu’on avait rempli de civet du Puy, s’il n’avait pas faim, Kerath avait très vite apprès au cours de sa carrière militaire que, dans l’armée, on mangeait quand on pouvait. Les discussions étaient presque mortes à son arrivée, seuls les soldats du second ost, connaissant le colosse, ne s’étaient pas interrompus, les autres attendaient visiblement que leur supérieur ne leur donne un ordre mais le Karliik Glenn n’en donna aucun. Au contraire il se mêla aux restes de conversation, posant des questions aux silencieux dans l’espoir de la relancer et si au départ ces derniers étaient frileux, peut-être n’avaient-ils pas l’habitude de manger avec leurs officiers supérieurs, ils reprient bien vite le fil de la discussion.

Après s’être resservit plusieurs fois, le général en chef des armées eldéennes mangeait énormément, il se leva pour rejoindre sa tente et à l’intérieur de celle-ci, hésita devant le mannequin qui devait accueillir sa nouvelle armure noire, il rechignait à la retirer et jusqu’à présent il ne l’avait pas fait. Ça lui avait permis de découvrir, entre autres, qu’il dormait bien mieux dans son armure rouge même si ce n’était pas fameux pour autant. D’aucuns pourraient dire, et ce sans vraiment se tromper, que Kerath était un peu comme un enfant à qui on avait donné un nouveau jouet et qui refusait désormais de s’en séparer. Toutefois le sommeil commençait à sérieusement lui faire défaut alors, à l’aide de nombreux esclaves, il se résigna à la retirer et alla se coucher.

Le lendemain, évidemment, il remit son armure et c’est à l’aube, après la prière matinale, que les eldéens reprirent la route laissant derrière, une fois de plus, un fort bien vide. Accompagné par le doux son des bruits de pas cadencés et des chansons de marche, le Karliik Glenn regardait d’un œil las le même paysage s’étendre à perte de vue. Toutefois, sur le sol blanchâtre et craquelé, le militaire aperçut bien vite un cavalier s’approcher au galop de l’armée sous ses ordres. Ce n’était pas vraiment ce qui l’interpella, après tout ledit cavalier portait une armée eldéenne, non, c’était l’ombre qui se trouvait juste derrière lui. Une ombre que le général aurait pu attribuer à un nuage si seulement elle ne se déplaçait pas si rapidement. Levant la tête il put apercevoir à moitié une gigantesque forme rouge cracher des flammes entre les deux nuages qui se battaient en duel dans le ciel.

Alors il ordonna l’arrêt des troupes, se retournant sur sa selle il aboya d’autres ordres, notamment à ce que les mages du C’nros et autres prêtres se tiennent prêts à transformer les ailes du monstre en un de ces fromages à trous dont il avait le nom sur la langue mais qui refusait de lui venir. Toutefois ledit monstre ne sembla pas vouloir combattre et bien qu’il fît un quart de cercle pour couvrir l’armée eldéenne de son ombre en les survolant avant de rugir, il n’attaqua pas. L’apparition de la créature provoqua un déferlement de zèle, notamment chez les prêtres de Zhak’Bar et nombre de soldats se scarifièrent pour marquer leur corps d’un dragon aux ailes déployés ; l’armée s’arrêta pour la journée bien que ladite journée n’avait commencé que depuis une poignée d’heures et le camp monté à la hâte fut le théâtre de prières, de sacrifices et autres combats rituels en l’honneur du Maître des Cataclysmes.

Le lendemain l’armée reprit à nouveau la route mais cette fois avec une envie d’en découdre disproportionnée et ce même pour des eldéens partant accomplir l’Eda Vengeur. Nombre de cavaliers et autres chevaucheurs se détachèrent du contingent pour, avec l’aide de cavaliers eux aussi montés, aller chasser. La proie importait peu, animal ou zurthan, tant que ça pouvait mourir. Si la mobilité que donnait leur monture à ces chasseurs leur permettait de rester facilement en contact avec l’armée, ce n’était pas le cas des fantassins pour qui les combats organisés les soirs ne suffisaient pas toujours depuis l’apparition du grand dragon rouge. Pour éviter un délitement de l’armée drow les excursions lancées par des initiatives personnelles furent rapidement interdites, elles devaient désormais être soumise à l’approbation de l’Etat-Major. Etat-Major qui, plusieurs jours plus tard, garda bien pour lui la nouvelle concernant les derniers évènements à Thaar. Kerath ordonna à la Doth’ka d’envoyer des espions pour tirer cette affaire au clair, se baser sur des rumeurs étant généralement une mauvaise idée pour prendre des décisions militaires. Dans le doute le Karliik Glenn fit envoya un message aux Obok Senger des troisièmes et cinquièmes osts pour leur dire d’envoyer davantage de troupes à Esion puis au fort à la frontière avec Methylene.

Si on excluait des désagréments mineurs, les eldéens arrivèrent à Sol’Dorn sans encombre et fut accueillie par la Voix d’Elda et son conseil. Etant les premiers arrivés, le détachement de Kerath prit ses quartiers dans la forteresse du quatrième ost, après la prière de circonstance, partageant cette dernière avec la garnison de la ville. Puis, un par un, les autres contingents de l’armée eldéenne arrivèrent, lorsque la forteresse fut pleine, ce qui arriva somme toute très vite, des camps furent construits autour de la ville. Ce qui ne manqua pas de rappeler à certains avec nostalgie le siège qui s’était terminé il y a peu. Cela dit ce qui ne manquait pas au général cependant, c’était Frontière qui, comme un chancre, était toujours là. Les camps étaient placés au même endroit que les précédents bien que le camp sud fût, cette fois, bien plus fortifié. Bien que Kerath ne voulait pas se fier aux rumeurs, il préférait ne pas prendre de risque et se préparer à une éventuelle attaque des thaaris bien qu’il doutait fortement qu’elle vienne un jour.