Au fond, toute Flamme est cela : une lumière en marche

Première ennéade de Verimios, 17:XI
Trois jours après la réunion d'Etat-Major finale.

Tout était enfin prêt. Dans ses quartiers, le général prit l’un des carreaux tirés par les assassins du Barra et s’entailla la main pour regarder le sang tomber lentement dans un gobelet d’argent lui-même posé sur un autel dédié à Uriz. Il se retourna ensuite pour aller chercher un briquet laissé à portée de main par un esclave et il alluma de l’encens puis il commença finalement sa prière. Elle était longue, une des plus longues qu’il n’ait jamais fait seul et si scander les prières n’était pas un problème, il en avait tellement appris que le colosse pouvait le faire pendant longtemps, rester immobile était un exercice bien plus difficile. Les bruits de bottes se réverbérant partout dans le palais n’aidait d’ailleurs en rien et il se demandait si le Père lui-même ne s’impatientait pas de voir l’eldéen qui devait mener les armées du Puy prier au lieu de donner l’ordre du départ à la tête de ses forces. Après tout, les bruits de pas des combattants avançant en rythme échauffait le sang du soldat mais voilà : il y avait des rituels qu’il ne préférait, ne pouvait, pas éviter. C’était une dernière tentative, un peu désespérée il fallait l’admettre, d’obtenir une réponse, n’importe laquelle, d’une divinité qui s’était fait tristement silencieuse depuis la mort de sa représentante.

Après un temps qui lui parut durer une éternité, il ferma le poing et termina sa prière, si personne ne s’était manifesté jusqu’à maintenant, personne ne le ferait et l’idée terrifiait d’autant plus Kerath qui sortit de sa chambre d’un pas rapide, il fut accueilli par la garde draconnique, les soldats le saluèrent avant de lui emboîter le pas. Pourtant ils ne sortirent pas tout de suite des quartiers du Karliik Glenn car ce dernier avait une dernière chose à prendre avant le grand départ. Il passa devant ses trophées sans même leur lancer un regard alors qu’il se dépêchait de traverser son armurerie, maudissant au passage l’architecte qui avait décidé de donner autant de place à une armurerie personnelle. Quelques pas plus tard il poussa une dernière porte frappée d’un gigantesque soleil qui en prenait la majeure partie. Les esclaves qui l’attendaient devant ladite porte se poussèrent du chemin de leur maître qui, de toute évidence, ne comptait pas ralentir et vu qu’ils n’avaient aucunement de se faire repousser de force, ils trouvèrent plus judicieux de ne pas rester sur le passage.

La grande pièce était richement décorée, des métaux et des pierres précieuses se mêlaient au bois tout aussi précieux et à la pierre volcanique pour donner une œuvre d’art architecturale qui avait bien sa place dans le palais. Toutefois ce fut avant que Kerath n’investisse les lieux. Etant un drow frugal, spartiate, il trouvait que tout cela était de trop et cette pièce ne fut pas la seule à se faire dépouiller, les appartements attribués au général en chef des armées eldéennes s’étaient elles aussi vues changer. Dans cette pièce il ne restait que le bois et la pierre. Tout ça pour héberger un mannequin placé au centre et en le voyant le soldat s’arrêta brusquement. Sur ledit mannequin trônait l’armure qu’il avait commandé à la forge des laves une fois Sol’Dorn tombée et force était de constater que Ge’hen ne le décevait pas. Le maître de la forge des laves l’avait prévenu de prendre plus d’esclaves pour s’en équiper étant donné qu’elle était bien plus lourde que la précédente alors c’était ce qu’avait fait Kerath qui fit signe aux esclaves en question de s’approcher.

Les différentes parties d’armure épousaient parfaitement le corps du général qui, bien vite, il n’en doutait pas, deviendrait une seconde peau ; il faudrait juste un temps d’adaptation pour passer de sa vieille armure rouge à sa nouvelle armure noire qui était si lourde que bien peu d’eldéens seraient capable de se battre avec. Ça tombait bien le chemin jusqu’à Sol’Dorn était long et à partir de la ville nouvellement reprise il y avait encore de la route jusqu’à sa destination finale : Naélis. Si le maître des forges avait fait une armure digne de sa réputation, il n’avait pas complétement écouté Kerath lorsque celui-ci lui avait dit qu’il ne voulait pas de décoration, elles étaient peu nombreuses, elles étaient discrètes mais elles étaient là. Quelques mots gravés d’argent qui formaient une prière adressée à Meingal courraient sur le torse et sur le sommet des gantelets se trouvaient une onyx. Le général ne comptait évidemment pas renvoyer le chef d’œuvre à son façonneur pour si peu surtout que celui-ci avait pris en compte la demande des griffes sur les gantelets mais qu’il avait en plus ajouté d’autres façon de blesser un adversaire sans avoir besoin d’arme ; ce qui était sage étant donné que Kerath finissait la majorité de ses combats à mains nues.  Alors les épaulières s’étaient vues ajouté une lame recourbée ; les coudes étaient renforcés et le renfort d’Onous'Delab Odelin aiguisé ; les bords des gantelets aussi étaient renforcés par cet alliage et les bords étaient taillés pour en faire des lames de façon à ce que si le propriétaire de l’armure voulait donner un coup de coude, en plus de subir un coup rendu plus puissant par le renfort du coude, il sentirait également des lames avides plonger dans sa chair.

Il attrapa finalement l’anneau des Karliik Glenn qu’on lui tendit dans son écrin et il l’enfila autour du cou, le laissant reposer sur l’armure, attrapant ensuite son fidèle marteau de guerre il se dirigea vers l’étable de Murrpau, il était enfin temps de sortir à nouveau du Vatna.

Ce fut donc à la tête des armées eldéennes que Kerath marchait dans les rues du Puy en direction des onze portes, le flot de soldat s’allongeant au fur et à mesure que les osts sortaient enfin de leurs forteresses pour se joindre à leur commandant. Les portes s’ouvraient les unes après les autres devant les guerriers partant réaliser la vengeance de leur divinité tutélaire, il faisait encore nuit lorsque les drows sortirent de la Cité Magmatique et le soleil commençait à se lever lorsque le Karliik Glenn et les premiers soldats arrivèrent en bas de la pente du volcan. Lorsqu’enfin le soleil eut fini de se lever Kerath mit pied à terre, et il fut bien vite imité par tous ceux qui chevauchaient.

Maintenant que le soleil était levé il était temps de faire la grande prière qui ouvrirait leur campagne.

Alors, comme un seul Ilythiiri ils commencèrent à scander, la prière, portée par des plus de trente mille gorges qui s’étendaient sur tout un versent du gigantesque volcan était largement audible. Sans doute les créatures qui rôdaient dans les marais et jungles alentours devaient bien se demander quel monstre venait de s’éveiller. Quant à l’intérieur même du volcan, Kerath était prêt à parier que la prière serait reprise par les civils restés bien au chaud au Puy. Une fois la prière terminée le général remonta sur le dos de Murrpau et les armées eldéennes reprirent leur route. De sa position à la tête des longues colonnes il pouvait entendre que des soldats se mettaient à chanter ou poursuivaient la prière.