Nombre de messages : 3 Âge : 38 Date d'inscription : 28/10/2020
Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : 22 ans Taille : 152 cm Niveau Magique : Non-Initié.
Sujet: Linaëlle de Lancrais [Terminé] Mer 28 Oct 2020 - 20:40
Possessions & Equipements : Linaëlle possède peu de choses en son nom propre : une garde-robe plutôt variée, entre robes de prêtresse et robes de jours, ainsi que trois robes de bal. Elle a gardé quelques bijoux de sa mère, en souvenir, ainsi qu’une superbe peinture de cette dernière, qu’elle a fait dresser dans la salle à manger du château de son époux, à Chiard. Son bien le plus précieux est bien son symbole de Néera, qu’elle ne quitte jamais, à part pour dormir, tout comme son alliance de mariage.
Apparence :
Taille : 1m52
Couleur des yeux : Vert clair
Assez petite, plutôt gracile, Linaëlle ne possède pas le charisme naturel de sa mère. Malgré un visage aux proportions harmonieuses, de grands yeux d’un vert lumineux, et une très jolie chevelure noir corbeau particulièrement fournie, elle reste terriblement complexée par le reste de son visage. Ainsi, ses multiples taches de rousseur qui décore ses joues et son nez, ainsi que ses dents irrégulières lui font détourner les yeux lorsqu’elle se regarde dans un miroir. La jeune fille a également du mal à supporter les traces que ses multiples tentatives de suicide ont laissés au niveau de ses poignets et de ses chevilles – elle accroche parfois des rubans en guise de bracelet pour se protéger des regards de ses pairs.
Très féminine, elle a cependant des goûts très simples. Elle aime les robes claires et unies, sans trop de fioriture, et s’habiller en prêtresse est devenu l’essence même de sa vie. Les coiffures compliquées ne sont plus qu’un lointain souvenir, et sa pudeur et la praticité passe désormais avant tout. Ainsi, elle a coutume de protéger sa tête en public d’un voile léger.
Mais malgré son amour de la simplicité, il est clair, rien qu’à la voir, qu’elle fait partie de la noblesse. Son vocabulaire est varié et aisé, sa diction parfaite et son maintien, dûment enseigné par de nombreux précepteurs, est digne d’une reine, aussi droit que naturel.
Personnalité : Eduquée par les meilleurs précepteurs de la région, Linaëlle a eu une excellente éducation. Intéressée par l’histoire et par la médecine en particulier, elle a suivi un chemin bien différent que celui auquel sa naissance lui donnait droit. Elle aspire désormais à une vie simple et paisible, aux côtés de son époux, mais aussi et surtout au service de sa Foi. Complètement illuminée depuis qu’elle pense avoir été visitée par Néera, la jeune fille est une prêtresse convaincue de sa foi, et la confine littéralement au fanatisme. S’occupant depuis toujours de charité, elle accomplit désormais tous les jours ce vers quoi son cœur la porte : elle s’occupe des indigents, et instruit les enfants dans la foi de la Damedieu.
Très attachée à la vérité, généreuse et bienveillante, elle a horreur des mensonges, de l’hypocrisie et des courtisans, dont elle se méfie terriblement, tout comme des inconnus. Très fragile, facilement déstabilisée, ayant tendance à la paranoïa, elle a plusieurs tics nerveux qui surviennent lorsque Linaëlle ne va pas bien : elle se ronge alors les ongles, perd le sommeil, cesse de manger, cherchant ses ennemis sous n’importe quel visage, sauf peut-être celui de son époux. Claustrophobe et phobique du noir, elle garde sur elle la clé de sa chambre, et exige qu’une bougie reste allumée toute la nuit, afin qu’elle ne se réveille jamais dans l’obscurité. Tenant plus que tout à la grandeur de Langehack, elle s’acquitte toujours de sa tâche – car malgré son amour et son fantasme d’une vie simple, elle n’en reste pas moins la fille de sa mère – en se concentrant sur les besoins spirituels des habitants de la région.
Rien ne peut la calmer qu’une routine douce et calme, dans lequel elle dévoile alors toute la générosité et la bienveillance que son cœur naturellement bon, sans doute encore naïf, peut offrir.
Capacités magiques : Aucune.
Histoire
L’odeur de l’encre l’enivrait toujours. C’était une odeur puissante, toute à la fois mélancolique, remplie de passion et de battements de cœur. Du plus lointain de ses souvenirs, l’odeur de cette mixture bleuâtre hantait ses sens, déposait sur le parchemin de sa vie une trace indélébile.
Fille unique de la Duchesse du Langehack, Méliane de Lancrais, Linaëlle n’avait jamais connu son véritable père, Harsy de Cérulyse. Il n’avait jamais été pour elle qu’un tableau au-dessus d’une cheminée, qu’un récit dans la bouche de serviteurs ; et comme le silence autour de cet inconnu avait toujours été de rigueur, c’était tout naturellement qu’elle s’était attachée au fruit du second mariage de sa mère, Oschide d'Anoszia. Peu importait qu’il ne fût pas de son sang, car il devint un véritable père pour elle. Et s’il était étrange à ses yeux d’enfant que ses parents n’aient point d’autres héritiers, ce fut une enfance enchanteresse, rêvée, qu’elle vécut au palais de sa mère.
Veillée et adorée par une mère aimante, c’était une petite fille gaie et primesautière qui apprit l’art de monter à cheval, de composer des poèmes, qui s’essayait aux jeux de mots et s’entrainait à la danse, sous le regard attentif de ses précepteurs.
A cinq années, le Voile – la Longue Nuit – effraya l’enfant au-delà des mots. De cette période étrange et déroutante, elle en garda de vifs souvenirs, comme d’une période trouble, perturbante, où sa nourrice lui racontait que les démons tentaient de prendre possession de la terre – à cette époque, la petite fille développa des cauchemars terribles, traumatisants. Elle en perdit le sommeil et l’appétit ; et ce ne fut que longtemps après le retour du soleil qu’elle retrouva un rythme normal, aidée par des précepteurs bienveillants qui s'obstinèrent à lui faire comprendre que l'évènement était naturel et cyclique. Elle se montra fort curieuse des miracles qui eurent lieu à cette période, ce qui ne manqua pas de rassurer son entourage. Ce fut cependant à cette époque qu’on l’estima capable d’appuyer le pouvoir de sa mère, en se montrant publiquement à une grande cérémonie en faveur de la Déesse Néera aux côtés de la Duchesse, car elle se montrait fort calme et sage. A ce si jeune âge, ce fut sa première leçon de politique, dont elle ne retint que la tendresse du sourire de cette mère adulée, que les rires discrets de la noblesse, que les visages heureux des petites gens, venus les acclamer sur leur passage. La Duchesse n’était pas seulement sa génitrice, elle veillait également sur le Peuple, sur toutes les âmes du Duché.
Une révélation dont elle ne comprit la portée que bien plus tard, car sa petite âme innocente, si prompte à aimer, était tout entière tournée dans ses jeux, dans ses joies enfantines.
Elle grandit avec facilité. Peu mêlée aux autres enfants du château – et pour cause, car son rang ne lui permettait guère de familiarité avec les autres – elle s’abima dans la lecture avec passion. Passionnée par la plume, par cette alchimie merveilleuse qui emportait son âme à chaque nouvelle histoire, elle s’essaya bientôt à l’écriture. Elle tint un journal intime où ses émotions sensibles, à fleur de peau, pouvaient s’exprimer librement ; journal qu’elle tint secret, le serrant dans une cachette de sa chambre, afin que nul n’en lise les écrits.
Elle eut également la réputation de chanter comme un petit oiseau, ce dont Méliane se servit habilement, en mettant les talents de sa fille en avant pour attendrir la noblesse qu’elle invitait à sa table.
Jamais la jeune fille n’aurait pu imaginer que le malheur vint frapper si fort, alors que tout semblait aller si bien. A ses treize ans, la Duchesse tomba enfin enceinte de son époux ; persuadée que cela serait un garçon, sans amertume aucune, elle se réjouit sincèrement dans le privé comme dans le public, heureuse finalement de ne plus être « l’héritière ». Fort pieuse depuis plusieurs années, elle se répandit d’ailleurs en actions de grâce, profita de l’occasion pour faire des dons importants aux pauvres, sur sa propre cassette et de son propre chef.
Mais la joie fut de courte durée.
L’emprisonnement de son beau-père à Sainte-Berthilde la prit de court. Stupéfaite, en larmes, Linaëlle harcela la Duchesse de questions auxquelles cette dernière se refusa de répondre. Comment étais-ce seulement possible ? De quoi Oschide pouvait-il bien être accusé ? Le terme de « traitre » se répandait parmi les domestiques, parmi la populace du château comme une trainée de poudre, par d’infâmes chuchotis que la noble ignora superbement. Elle fut, par ailleurs, persuadée que la fausse couche de sa pauvre chère mère n’y fut pas étrangère. Longuement, elle resta au chevet de Méliane, veillant sur la santé de sa parente avec constance ; mais la nouvelle du suicide de son beau-père l’obligea également à garder le lit.
C’est ainsi que ses larmes commencèrent à couler. Très secouée, elle ne perdait cependant pas une occasion de continuer à écrire, de s’épancher sur ces pages blanches et parfumées, qu’elle décorait de volutes de fleurs et d’oiseaux, ainsi qu’une œuvre d’art scellée au monde. Ce furent des jours sombres et angoissés. Et alors que sa mère l'invitait à diner, pour tenter de la tirer de son isolement, Linaëlle refusa, préférant aller prier pour l’âme du défunt – et se laissa persuader par une promenade, accompagnée d'une dame de compagnie, afin de se rendre au Temple. Elle y resta fort tard dans la soirée, jusqu’à l’apparition d’hommes d’armes appartenant à Ashal d’Amderran, un noble de la cour, qui se présentèrent fort courtoisement afin de l’escorter jusqu’au palais.
Il faisait encore nuit lorsqu’on la réveilla. Sans bien comprendre, elle se laissa vêtir, par une servante ensommeillée, d’une robe de voyage. On fit ses malles, et la domestique l’informa que sa mère la rejoindrait au château de Missède, où elles vivraient désormais toutes les deux. Une décision incompréhensible que la jeune duchesse tenta de questionner, en vain. Prétextant qu’il s’agissait là d’un ordre express de Méliane, un capitaine qu’elle ne connaissait que de vue l’aida à monter dans la carriole malgré son appréhension, et la jeune fille se laissa emmener pour un voyage oppressant – jamais encore elle n’avait voyagé si loin.
Elle réalisa trop tard qu’elle avait oublié son carnet sous le plancher de sa chambre.
Arrivée au château de Missède deux jours plus tard, on l’installa dans une chambre spacieuse, avec un boudoir et une magnifique cheminée de marbre, sur lequel des fleurs fraiches avaient été disposées. Un endroit agréable, charmant, même, avec les jardins en contrebas, qui diffusaient leur parfum de rose grâce à la brise fraiche du matin ; mais la terreur l’envahit, lorsqu’elle comprit qu’elle était prisonnière. Sa porte était fermée à clé ! D’un seul coup, l’enfant comprit que la position même de ses appartements, situés à l’extrémité de l’aile ouest du château et au dernier étage, n’était pas seulement due au hasard. Tout avait été pensé, réfléchit, pour l’isoler du monde. De rage, elle en jeta ses draps par la fenêtre. Fureur qui ne dura pas longtemps, car une lettre déposée sur le plateau qu’elle recevait trois fois la journée l’assomma à moitié sur sa couche de soie.
Méliane de Lancrais, Duchesse de Langehack, n’était plus. Bien que le prétexte pour l’enfermer ici se trouvait cohérent et logique – protéger la jeune duchesse mineure de sombres complots, qui avaient déjà assassiné sa génitrice – elle savait. Elle était prisonnière par Missède, qui espérait certainement par-là garder un atout indéniable dans leur manche, faire taire les vassaux et contrôler le duché. La politique ne l’avait jamais intéressée ; mais il était aisé de parvenir à cette conclusion.
Le désespoir l’envahit. Que devait-elle faire ? Que pouvait-elle faire ?
Impuissante et solitaire, des idées noires, morbides se faisait jour dans son esprit. Sa pauvre chère maman, décédée loin d’elle. Ses deux pères également, bien qu'elle n'eut jamais connu le premier. Elle ne pouvait oublier les jeux – rares, mais si heureux ! – les promenades avec son cher beau-père, les banquets, les conversations. Ce temps où le bonheur était si simple, qu’elle le cueillait naturellement, sans même y penser. Sortirait-elle de cet endroit un jour ? Serait-elle à jamais un pantin du comte de Missède, de ses hommes, condamnée à un trône sans valeur ? Si sa propre mère n’avait su échapper aux complots et aux intrigues, alors comment en était-elle elle-même capable ? A quoi lui servait-il de vivre, alors qu’elle n’était rien, rien qu’un héritage sur patte dont on se servait éhontément, seule au monde désormais ?
Ce furent des énnéades terribles et tourmentées, où, rapidement, elle commença à faire des cauchemars terribles. Elle ne supportait plus d’être enfermée et isolée, où ses cris et ses pleurs désespérés, qui ne rencontraient aucun secours, s’épanchaient en vain. Un jour, Linaëlle n’en put plus. Depuis des jours, elle n’avait plus d’appétit, car tout ce qui lui rappelait la vie la répugnait – elle cacha un couteau de son plateau, tentant ensuite de s’ouvrir les veines pour mettre un terme à tout cela. A cette vie qui n’en était pas une, pour rejoindre enfin sa mère et son père, qu’elle savait seuls êtres de confiance sur cette terre. Et qui étaient disparus, âmes envolées à jamais. A genoux aux pieds de son lit, alors que la blessure maladroite déversait son sang en bouillons écarlates, se répandant sur sa tenue de nuit de dentelle, la noble se sentit étonnamment mieux. Libérée par la mort, elle sortirait enfin de sa prison…
Elle était évanouie lorsque les servantes venues faire le ménage de sa chambre la découvrirent. Étendue par terre, une blessure superficielle au poignet, on la nettoya, banda la blessure terrible ; et à nouveau, des larmes brillèrent, s’épanchèrent de ses yeux verts de poupée. C’est ainsi qu’en désespoir de cause, pour retrouver un peu de cette paix étrange qui ne naissait que dans la douleur et son fluide vitale, elle réitéra l’expérience sur ses deux bras. Cette fois-ci, ce ne fut qu’in-extremis qu’on la sauva d’elle-même. On la transféra dans une autre chambre, petite et étroite ; et on l’attacha avec des sangles de soie, afin qu’elle ne fît plus mal. Poursuivie par ses phobies et le chagrin intense qui écrasait son âme, Linaëlle de Lancrais renonça. C’était sa dernière liberté – la vie, ou bien la mort. Elle cessa bientôt de s’alimenter, et de diaphane, frêle, son corps devint malingre, plus faible encore que celui d’une petite fille.
Et puis la porte s’ouvrit. A peine consciente, la duchesse légitime de Langehack, âgée de quatorze ans, n’eut qu’un sursaut au contact de la main pourtant si tendre de Cécilie de Missède. N’étais-ce pas son héritage qui les intéressait ? Ne la voulaient-ils pas en vie, pour pouvoir régner à la place de sa mère, probablement par l’entremise d’un conseil de Régence en toute légalité ? Sa pauvre mère… Mais les bras étaient doux, maternels – et bien incapable de résister, la jeune fille se laissa emporter loin de sa chambre, somnolente et faible, entre des bras mâles qui la portèrent avec soin hors de sa chambre. Hors du château. Dans un carrosse enfin, où elle s’endormit sans s’apercevoir réellement que la présence féminine l’accompagnait toujours.
La noble se réveilla dans une jolie chambre spacieuse. Bien que d’apparence très simple, elle était accueillante, claire et paisible. La porte, entrouverte, calma un début de panique ; et bientôt, malgré son extrême faiblesse, la jeune fille se redressa sur sa couche confortable.
Trop faible pour se lever encore, elle ne put fuir à l’approche de la dame enceinte qui s’approchait. Cécilie de Missède, un nom haï, tant était grande sa méfiance et à sa colère à l’égard de l’homme qui l’avait séquestré. Cependant, la jeune femme se montra tout autre. Douce et gentille, elle fit naitre à nouveau, sur les traits délicats de l’enfant, l’ombre d’un sourire. Et bien que Linaëlle, prise d’un premier sursaut d’effroi à l’idée d’avoir affaire à une magicienne, eut besoin de quelques jours pour accepter de se laisser approcher, elle se laissa finalement apprivoiser, ainsi qu’un oiseau comprend que la main qui le nourrit ne le frappera jamais.
Lentement apaisée, la duchesse légitime de Langehack découvrit le cloître qui l’abritait. Elle découvrit la vie simple des prêtresses, la bonté qui les animait, l’ardeur et la sincérité de leurs prières. A nouveau, elle put porter secours aux plus nécessiteux, en aidant à coudre bonnets et langes pour les nouveau-nés abandonnés ; et la présence de Cécilie de Missède lui devint vite indispensable, comme de sa seule amie. Comme d’une mère tendre, dont la présence savait apaiser les si terribles tourments qui l’avait animé. Et si elle ne pouvait oublier la mort dramatique de ses parents et les obligations qui seraient bientôt siennes, la jeune noble allait mieux. Bien qu’elle sache la magie en partie responsable de son état, elle était certaine d’une chose : elle avait été consentante. N’étais-ce pas cela le plus important ?
Lentement, elle reprit goût à la vie. Bien que toujours méfiante envers chaque inconnu, Linaëlle parvenait à sortir de sa réserve avec sa chère protectrice, enceinte au dernier degré. Elle s’enthousiasmait de la naissance de l’enfant – bien qu’elle n’osa l’exprimer que devant Cécilie – rêva même du jour où, un jour, elle aurait son propre nourrisson. En attendant l’accouchement, elle continua de s’occuper des malades dont s’occupait le couvent, attifée d’une robe simple qui lui portait plus aisément de courir un peu partout sans se préoccuper de se salir. Mais l’attente fut de courte durée. Enfin, Cécilie accoucha d’un petit garçon prénommé Maël ; ce qu’elle n’apprit qu’avec un peu de retard. Jugée trop jeune pour assister à l’accouchement, elle fit de longs allers-retours dans le couloir, les cheveux désordonnés, en se rongeant les ongles – jusqu’à cette rencontre. Cet homme aux cheveux blonds, aux yeux pétillants, à l’expression ouverte, qui la retrancha aussitôt dans sa méfiance coutumière. Le frère de Cécilie. Il lui ressemblait tant qu’elle fut à deux doigts de lui demander le nom de l’enfant – mais comment aurait-elle osé, du haut de ses quatorze ans, accorder à nouveau sa confiance à un inconnu ?
Alors elle lui mentit. Sciemment. Ne pas dévoiler sa véritable identité, c’était comme garder ses droits, son jardin secret ; et elle se sauva bien vite, enfant sauvage, échaudée, qui savait repousser facilement quiconque essayer d’en apprendre trop à son sujet.
L’énnéade suivante, il fallut rentrer à Missède. Quitter les Espérines fut un véritable déchirement pour la jeune fille – la paix, le calme, l’amour qu’offrait Néera et ses prêtresses lui avait tant convenu qu’il était difficile de repartir au château où tant de chagrins lui avaient été imposés.
On l’installa dans de larges appartements qu’elle ne pouvait supporter de voir fermer à clé, mais dont elle accepta de passer du temps. A nouveau, elle s’abîma dans la lecture, dans la conception d’un nouveau carnet intime, désira apprendre à manier la dague, « au cas où ». Sans trop savoir comment sympathiser avec les autres membres de la famille de la Comtesse de Missède, elle tenta, du moins, de se montrer polie, à défaut d’arriver à se montrer chaleureuse, et, enfin, chercha à en apprendre plus sur l’état de la Régence de Langehack. Il fallait revenir désormais à ses devoirs, car elle avait conscience que la vie réelle la rattrapait ; ce en quoi Linaëlle était loin d’avoir tort, car trois missives de Cécilie lui confirma qu’elle restait – évidemment – un enjeu politique.
Mais la Comtesse lui avait fait une promesse. Nul ne déciderait de son destin à sa place. Bien qu’il faille encore lui expliquer les tenants et les aboutissants des habiles manœuvres politiques de la noblesse, elle était fermement décidée à garder son indépendance d’esprit. On ne s’aviserait pas de faire d’elle un pantin, à nouveau ! Néera en était témoin, elle avait confiance en Missède – et surtout en sa dirigeante. Les missives qu’elle reçut, ce jour, sur son bureau confirmèrent ses craintes : bien que quantité négligeable du fait de son âge, elle était bien la fille de Méliane, et la clé de Langehack passerait par son lit. Ce mariage avec un inconnu lui fit tout de suite horreur, et l’avis de la Comtesse ne fit que confirmer le secret de ses pensées : se marier avec le fils du Sénéchal de Brochant reviendrait à se placer, elle et ses terres, sous la coupe de ce dernier. Ses vassaux lui en voudraient-ils de refuser un allié de poids ? Était-ce une décision avisée ?
Nerveusement, la jeune fille arpenta sa chambre en se rongeant distraitement un ongle. Nul doute que cette nuit, ses cauchemars reviendraient en force ; mais elle se sentait responsable. Elle était responsable… La seconde proposition, contenue dans la fameuse missive au ruban bleu, avait un avantage, qui était de s’allier directement à un vassal puissant, en qui elle avait déjà confiance. Se marier avec Gaël avait quelque chose d’attirant – après tout, elle le connaissait au moins de vue, sinon de fait. Et n’avait-elle pas une dette envers Missède, après que Cécilie se soit occupée si longuement de sa petite personne ? Elle avait aussi cette promesse : elle pouvait compter sur son amie pour punir ceux qui avaient juré la perte de sa malheureuse génitrice. Mais elle avait peur des représailles. Peur de déclencher une guerre si elle refusait le Sénéchal. Peur de déchoir aux yeux de sa mère pour couardise, alors que cette dernière n’avait jamais semblé avoir un instant d’hésitation.
Mais sa protectrice la rassura. Par envie de pouvoir personnel, les vassaux membres du conseil de Régence n’étaient pas des plus enthousiastes à l’idée de cette alliance, mais les terres de Scylla et de Merval n’étaient pas rien – il fallait peser le pour et le contre.
Repoussant la décision de quelques jours, la jeune fille continua de fréquenter sa protectrice comme elle en avait pris l’usage aux Espérines. Ses conseils et ses soins lui étaient si précieux et si salutaires qu’elle eut bientôt la force de reprendre ses anciennes habitudes en ce qui concernait la charité. Elle visita orphelinats et hôpitaux ; et insista pour aller, une journée entière par ennéade, dans les plus petits dispensaires villageois, où elle distribuait chemises et nourriture, avec l’aide d’autres prêtresses de Néera et d’une dame de compagnie. Elle avait un peu de temps devant elle, mais la décision de Linaëlle fut bientôt prise : la jeune fille refusait le fils du Sénéchal de Brochant, aussi puissant et riche soit-il. Pour le reste, il faudrait prendre encore le temps de la réflexion avant d’y donner une réponse.
A la huitième ennéade de Barkyos, durant la dixième année du cycle XI, alors que le printemps continuait de battre son plein, Cécilie repartie à la Cour. Restée au domaine, Linaëlle profitait de ses derniers instants de calme. Entre deux leçons d’initiation à la dague, elle reprenait lentement la pratique assidue du dessin et de la poésie ; apprit à mieux connaitre le jeune homme blond qui représentait pour elle un parti de plus en plus acceptable. Bien que sa timidité et son caractère méfiant ne l’autorisât pas à se confier ou à partager plus qu’un repas en sa compagnie, elle appréciait cet homme vif et gai, qui savait manier les calembours aussi bien que l’épée. Il semblait inoffensif et sa famille était certainement la plus fidèle au Duché – que pouvait-on demander de plus, finalement, d’un époux ? Il ne chercherait probablement pas à l’écraser, ni à usurper ses propres terres : c’est ainsi que, finalement, Linaëlle de Lancrais prit sa décision.
Ce fut ainsi qu’elle revint, un soir, de ses bonnes œuvres. Habillée d’une robe toute simple aux couleurs du duché, les cheveux tressés de frais, elle proposa au seigneur Gaël de partager un thé après le repas du soir ; mais se retrouva, muette, devant la haute stature de son futur. Elle se trouvait fort nerveuse, incapable de manier le verbe comme elle avait coutume, mais, en regardant le tableau d’un ancêtre de la famille, elle reprit courage. Il fallait faire honneur au Duché et à sa défunte Mère, et point reculer devant l’ennemi ! Elle s’arma alors d’un sourire réservé, et finit par prendre la parole, d’une voix claire et un peu aigue, encore enfantine.
***
Les fiançailles furent célébrées très rapidement, peu avant qu’elle ne revienne à la Cour. Elle fut dûment présentée au Conseil de Régence, et s’installa dans la chambre de sa mère, qui était celle de la Duchesse. Les cauchemars reprirent très vite, tout comme ses angoisses. Derrière chaque sourire des courtisans, la jeune fille distinguait les complots, les faux-semblants de ces hommes et des femmes qui ne savaient que mentir, que se déchirerait le Marquisat qu’était devenu Langehack comme des chiens, à la moindre occasion.
Insomniaque et au bord de l’anorexie, Linaëlle parvenait seulement à sourire en présence de son fiancé et des prêtresses qui l’accompagnaient dans ses charités et dans ses prières, car elle n’avait guère confiance qu’en eux.
Tant et si bien, qu’une nuit, alors qu’elle tentait désespérément de trouver le sommeil, tourmentée par la terreur d’être assassinée à la faveur de l’obscurité – comme la malheureuse Méliane – elle s’agenouilla au pied de son autel de Néera. Priant, suppliant la déesse de trouver la paix, elle finit par voir se matérialiser, devant elle, la Damedieu. Belle et simple dans sa tenue de moniale, ses cheveux coiffés d’un strict chignon, elle lui souffla que son salut ne se trouvait plus entre les murs du palais. Qu’il fallait partir, prendre l’habit des prêtresses, fuir l’hypocrisie, les guerres, les conflits des vassaux et des courtisans. Son destin n’était pas de gouverner comme Duchesse ou Marquise – mais il était bien de se consacrer à la Déesse, de prier, de s’occuper des indigents, de s’occuper de l’avenir spirituel de Langehack !
La jeune noble, à peine âgée de quinze ans, fut réveillée le lendemain par sa servante. Etendue à même le tapis moelleux, elle ne se demanda même pas si son esprit agité, abimé par le manque de sommeil et de nourriture, avait pu être victime d’une hallucination. Non, elle savait ce qu’elle devait faire : fuir aux Hespérines, ce lieu béni, si calme, si paisible ; et y prononcer ses vœux. Renoncer à la politique, aux honneurs. Vivre enfin pour soulager les souffrances du peuple, et offrir sa foi, si pure, à la Damedieu.
Toute la journée, elle ne put penser qu’à cela. Ni les leçons de politique étrangère, ni la musique, ni même le dessin ou le chant ne l’intéressa. Oubliant jusqu’à prévenir son fiancé, auprès duquel elle avait une grande estime – et peut-être, même, de l’amour pour ce jeune homme si fougueux et si sincère – elle fit seller son cheval, une douce jument à la robe baie, s’empara de quelques bijoux, car elle n’en aurait plus besoin désormais, et fit mander un palefrenier, pour la guider. On ne la chercherait pas jusqu’au matin, et il fallait en profiter ! Bien qu’étonner, le garçon d’étable n’osa rien refuser à la Marquise en personne ; et ils chevauchèrent ainsi une partie de la nuit, jusqu’à arriver au couvent.
- « Retournez au palais, et ne dites mot à personne ! »
Perplexe devant la demande incongrue, le jeune homme ne put cependant obéir, car rapidement, le palais fut en ébullition. On l’interrogea longuement, et le brave homme, soucieux, ne put ni cacher l’état d’anxiété de l’héritière, ni sa hâte à fuir, la tête seulement couverte d’un capuchon de soie pour masquer son visage. Après quelques jours de conciliabule, le Conseil se décida finalement à envoyer un émissaire parler à la très jeune de Lancrais. A quinze ans, était-on raisonnable ? Bien que tout le monde reconnaisse son intelligence, sa sensibilité à fleur de peau et son caractère instable inquiétait fortement les vassaux ; il fallait que le destin de Langehack prime avant tout.
Quant à la jeune fille en question, la vie au couvent l’apaisa presque immédiatement. Après s’être fait recevoir par les moniales qui la connaissaient déjà, elle déposa la cassette de bijoux prévues à la Mère Supérieure, à fin d’offrandes à la Déesse. On lui donna un simple habit de pensionnaire, de coton solide, et elle noua ses cheveux en chignon. C’est ainsi qu’elle partagea à nouveau la vie des Espérines. Etant encore délicate et fragile, nul labeur trop difficile ne lui fut imposé. En quelques jours, on lui apprit à distinguer quels simples cueillir pour préparer le repas, comment faire un feu, faire bouillir de l’eau, couper de la viande et des légumes. Elle partagea sa science de la broderie et du dessin, afin de confectionner des vêtements pour les pauvres.
Oh, comme Linaëlle se sentait heureuse ! Comme la vie était calme et simple ! Ses peurs, ses cauchemars diminuèrent ; et elle retrouva rapidement le sommeil et l’appétit, au contact des tâches populaires, presque inconnues, mais apaisantes, dont on la chargeait. Nul sentiment d’humiliation ne vint trouver place dans son esprit marqué à vif, car elle savait qu’elle n’était, dans ce couvent, qu’une jeune fille parmi d’autres. La venue de Gaël ne l’étonna pas. Pour une fois, la noble eut du mal à lui accorder sa confiance, car elle savait que le Conseil l’avait envoyé. Comment accepter de partir, de reprendre sa vie d’avant ? Les soieries et les bijoux ne pouvaient compenser la peur omniprésente, la tristesse, la méfiance permanente devant ces beaux visages toujours ouverts, toujours faux ; et ce n’était qu’ici qu’elle pouvait trouver la paix de l’âme dont elle avait tant besoin. Elle faillit arracher à son fiancé la promesse de ne se marier qu’en simples roturiers, loin de tout ce qu’elle détestait le plus, mais finalement, en voyant le trouble dans lequel elle avait mis son fiancé, proposa une autre solution.
- « Respecte mon Choix qu’Elle m’a confié et que j’exerce dans Sa maison. Respecte-le et je respecterai le tien. Laisse-moi devenir prêtresse et je te rejoindrai à Missède. Il doit en être ainsi. C’est en traçant la voie que j’ai choisi qu’elle se mêlera à la tienne. J’aurais affronté et surmonté mes peurs, nous ferons face aux tiennes. »
Elle vivrait à Missède, dans ce paisible château, tout près des Espérines. A défaut de vivre recluse, c’était sans doute la meilleure solution, pour concilier les désirs de son futur époux et les siens ; et elle soupira de soulagement alors que le seigneur Gaël obtempérait avec une joie qui ne semblait simulée.
Le lendemain, elle envoya une missive directement adressée au Conseil, dans lequel elle confirmait sa volonté d’abdiquer. Un léger pincement au cœur, elle se retira de toute vie politique, ayant reçu la permission de la Mère Supérieure de vivre au couvent jusqu’à la fin de son noviciat, dans lequel elle entra à l’ennéade suivante.
Cette vie lui convenait. Durant cinq longues années, la jeune fille quitta complètement la Cour. Sans désigner directement un successeur au marquisal, car elle n’était point encore majeure, et donc toujours tutelle de régence, elle se consacra entièrement au couvent. Elle y apprit le pouvoir des simples, le bonheur doux que l’on retirait à prendre soin des autres, à ces repas nourrissants, sans faux-semblants et sans prétention. Elle prit conscience de sa vocation véritable, qui était de répandre la parole de Néera tout en soignant les plus démunis, ceux qui ne pouvaient se payer de médecins. Il n’y eut que les lettres de Gaël qui assombrit son humeur, car il avait malgré tout décidé de faire de la politique, et d’entrainer l’ost de Missède dans sa tentative pour envahir les terres de Merval. La jeune fille connut alors des jours atroces d’angoisse et de frayeur, car la perspective de perdre son fiancé tant aimé lui rongeait le cœur – et malgré son peu d’envie de suivre les évènements politiques, la novice connut des instants de vif soulagement, alors qu’elle fut enfin rassurée sur la bonne santé de son précieux seigneur de Beaurivages.
Avec une constance qui sembla étonner tout le monde, la noble continua son apprentissage durant les cinq années suivantes. Plutôt savante désormais dans l’art de guérir, elle se comportait cependant avec humilité et obéissance devant ses supérieurs, et aucune tâche ne lui semblait trop ingrate pour être effectuée. Sa foi l’animait, car elle savait que servir Néera revenait à servir l’ensemble de son marquisat, l’ensemble du monde humain, car elle aurait, de fait, la tâche plus difficile encore de veiller sur les âmes de chacun.
En l’an 16, alors âgée de tout juste vingt ans, Linaëlle fut nommée prêtresse de Néera. Avec quelle joie et quelle émotion accueillit-elle ces précieux symboles, cette nouvelle responsabilité qu’elle avait choisie ! Plus forte en son cœur qu’elle ne l’avait jamais été, la demoiselle de Lancrais se présenta à nouveau à la Cour. Devant le Conseil de Régence, elle abdiqua officiellement de son titre et de ses prétentions sur les terres du Langecin. Elle l’informa de la venue d’un Médiateur envoyé par la Couronne, afin d’assurer la régence qui permettrait au marquisat de demeurer stable en attendant l’institution du prochain maitre des terres.
Sans attendre, la jeune fille quitta le fastueux château la tête haute, se rendant directement à Missède pour y retrouver Gaël. Leurs noces y furent célébrées quelques ennéades plus tard. Elle se sentait heureuse et apaisée – enfin, elle avait trouvé sa place. Aux côtés de son époux, résidant au château de Chiard, mais passant ses journées au Temple à dispenser des soins aux plus nécessiteux, elle parvenait, lentement, à guérir les larmes du passé, à faire taire ses fantômes.
Bientôt, Linaëlle su, après un évanouissement spectaculaire au Temple, qu’elle portait en elle l’hériter du Rivage. La bénédiction de Néera était sur elle – et plus que jamais, elle se sentait amoureuse de son époux, de la vie qu’elle menait, car elle pouvait se regarder dans le miroir chaque matin, et y voir quelqu’un qui n’avait point de secrets.
Les Dieux en soient loués : désormais, le monde lui était devenu un lieu dans lequel elle avait choisi de vivre.
HRP:
Gaël de Laval
Ancien
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Sujet: Re: Linaëlle de Lancrais [Terminé] Jeu 19 Nov 2020 - 9:35
Jadis elle fut une duchesse, puis une marquise, désormais la voici dame et prêtresse. Certains y verraient la décadence d'une âme, d'autres s'accordent sur une ascension n'ayant cure des basses intrigues du commun des mortels. Nul doute que le bonheur qui lui a été si longtemps refusé, innondera désormais sa vie de toute sa lueur.
Code:
[Métier] : Dame du Rivage et prêtresse de Néera
[Sexe] : Féminin
[Classe d'arme] : Corps-à-corps
[Alignement] : Loyal bon
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