[Etude des Engeances] Etudions ensemble, mes amis.

5ème ennéade de Bàrkios, second mois de l’Automne – An XIX : XI
A la frontière entre le Brissalion et le protectorat de Malereg.

Le froid de l’Automne mordait la peaux des poilus et des bavettes qui voyageaient sur un sentier à peine marqué par les traces des sabots des Béliers et des pattes des Sangliers. Les charrues, attelées, transportaient vivres et matériels, fournitures et armes, équipement et munitions diverses et variées. Une cohorte de gens du Nord, de représentants du peuple Nain, s’en allant pour la première fois de leur existence jusqu’à la frontière commune avec le peuple Sylvain, le peuple d’Anaëh.

Voilà plusieurs ennéades maintenant, alors que le monde grondait sous les assauts fougueux d’un tonnerre grandissant provoqué par un outrageux incident diplomatique survenu à des lieux et des lieux d’ici, alors que le spectre d’une guerre meurtrière se profilait à l’horizon… Harald Barbe-Sanglante, Grand-Roi du Zagazorn, avait obtenu des Elfes un accord historique, pour ne pas dire exceptionnel : Elfes et Nains s’associeraient dans l’étude des Engeances de Brisséa, au cœur d’un camp temporaire, militaire et scientifique, construit ensemble, et équipé par les deux peuples. Ensemble, ils perceraient les secrets de ces créatures maudites, afin de comprendre pourquoi et comment elles furent créées, s’il était possible de les guérir… Ou comment mieux les détruire.

Olfdar Hache-Rousse était là, aux côtés de Dardusorg Crin-d’Acier. L’ancien conseiller royal de Lante sous le règne de l’ancien Roi Lantais Thorgrel Poing-de-Fer, aujourd’hui Gormisson, le Nain qui fut l’ingénieur en charge de la construction de l’Hunzrung-Langk, avait reprit du poil de la bête depuis la fin de la construction de l’immense forteresse, qui avait épuisé ses nerfs plus qu’aucune autre épreuve au cours de sa longue vie. Harald lui-même avait craint pour la santé physique et mentale du Kerkadrengi qui n’était plus que l’ombre de lui-même pendant de nombreuses années. Laissé au repos, il avait pu reprendre goût à la vie, au défi, à l’œuvre d’une vie.

Aujourd’hui, il était là. En tête de colonne, aux côtés du maître Alchimiste Crin-d’Acier, il s’en allait en direction de la frontière Elfique, conscient qu’aujourd’hui encore, il allait participer à l’écriture de la grande saga du Zagazorn, conscient qu’aujourd’hui il allait encore une fois œuvrer pour le bien de tous les Nains, pour une œuvre qui le dépassait… Conscient qu’aujourd’hui, les divinités avaient leurs regards sur lui, et sur tous les autres fiers Dawis qui étaient avec lui.

Voilà quelque chose de particulier, faire partie d’un groupe armé avec des chercheurs et divers milieux, en direction de la frontière elfico naine. Une chose pareil n’a pas dû avoir lieu depuis… depuis le fondement du clan Crin D’Acier sûrement, il y a des générations et générations de cela ! Mais aujourd’hui, les choses étaient différentes. Aujourd’hui, il était question de partager des connaissances sur une malédiction commune. Aujourd’hui, il fallait faire des concessions, des sacrifices…

Dardusorg plaisantait et partageais des anecdotes avec le grand maître runiste ; Olfdar Hache-Rousse ! Hormis l’honneur de discuter avec un dawi aussi prestigieux lui faisait rougir, l’alchimiste cachait surtout une inquiétude grandissante : Qu’allaient ils faire s’il n’y aucune information de valeurs à l’issue de cette collaboration ?  Allaient ils de nouveau avoir des tensions aux frontières ? Y allait il avoir des répercussions sur le commerce ! Mais surtout : comment vont ils ramener leurs confrères maudit parmi les leurs, si ce n’est de tout simplement les exterminer…

Heureusement qu’il était en bonne compagnie, car il commençait à apercevoir les premières traces du camp, ainsi que des négociations et travaux qui l’attendent une fois sur place.

Déjà, suivre le mouvement du roi et du grand maître, mais que pouvait-il apporter sur la table des négociations ? Ses propres travaux ? Le secret est quelque chose de sacré, surtout dans le délicat art de l’alchimie…

La petite troupe Naine arriva fort heureusement bien vite sur place. Le chemin était en effet rapide depuis Lante et les plaines du Brissalion. Le temps, bien que froid, permettait encore de voyager sans risques et de manière plutôt libre, seuls certains chemins, très boueux, pouvaient devenir difficiles à pratiquer pour les béliers et les charrues. L’Automne, dans le Brissalion, était synonyme de pluies froides et de terres boueuses. Mais les Nains n’étaient pas du genre à s’inquiéter d’un peu de boue, d’un peu de pluie, ou même du froid ambiant : leur solide constitution et leurs origines provenant des tréfonds des montagnes, leur conférait une certaine résistance au froid.

A son arrivée, Olfdar Hache-Rousse mit immédiatement ses troupes en ordre de marche. Les bâtisseurs et ingénieurs Nains, aux côtés de quelques représentants du peuple des forêts aux compétences similaires, commencèrent à penser et dessiner les plans d’une structure éphémère dédiée à l’étude des Engeances. En lieu et place d’une forteresse – bien trop longue à construire et qui serait abandonnée de toute manière après lesdites études – les lieux abriteraient seulement un campement habitable et capable d’héberger des érudits. L'on trouverait donc des tentes individuelles, et des tentes de groupes, certaines pouvant servir de véritables dortoirs !

Bien harnachées au sol, elles pouvaient servir de véritables petites habitations. Protégeant des intempéries, le caractère éphémère de cette assemblée justifiait le fait d'user de tentes et de toiles, et non de bois et de pierres.  

Dardusorg n’avait qu’une consigne : s’installer ! Les ingénieurs et bâtisseurs n’attendaient que ses instructions – et celles des runistes et des Elfes – pour aménager une zone d’étude suffisamment bien pensée pour relever les défis futurs. Travailler ensemble demanderait du temps, bien-sûr… Mais les premières Engeances ne seront pas ici de si tôt.

Bien que l'alchimiste avait prit l'habitude d'être atour d'Umgi, dont la stature le dépassait de bien plusieurs têtes; il était toujours impressionné de la grande taille de ses confrères elfes, et de leurs silhouettes si sveltes, voire fragile.

Mais il y avait bien du travail à faire; et le camp n'allait pas se monter tout seul (et surtout sans supervision: notamment avec des alembics et documents fragile... )

Il mit un pieds sur terre, et laissa une barbe emmener son fidèle équidé parmi les autres montures, sorti une tablette cirée et commença à donner des instructions sur la bonne manipulation et mise en place des espace de travail commun et clanique.

Après quelques heures, l'essentiel était déjà en place:

Sous un grand chapiteau se trouvait le lieu de travail commun, où nain et elfe allaient travailler main dans la main. Une vaste table se trouvait au milieu de la pièce, ainsi que plusieurs tables et bureau plus modeste dispersé ici et là dans le reste de l'espace. Un stock de matériaux alchimique comme de travail de rune se trouvait non loin, sous haute sécurité. Il y avait aussi quelques chapiteaux plus petits, montés pour abriter les graves runes et alchimistes pour tout travaux nécessitant le maintient du secret absolue, comme exige l'héritage nain.

Bien que le camp prenait forme, il restait encore beaucoup de chose à régler, dont la collaboration entre les deux peuples qui, autrefois, s'entre tuaient sans la moindre hésitation.

La barbe au monocle était nerveux, comme à son habitude lors de tels projets, mais là il était question de travailler avec des alchimistes elfes, Elgi. Ceux qui, il y a tant de générations, permis aux nains d'étudier et exercer l'alchimie, et, par extension, fonder le clan dont Dardusorg est issu.

Si seulement le grand ancien était encore vivant... Le dernier à avoir pu accéder aux archives les plus secretes et protégée. De véritables torrents de larmes couleraient sur ses joues ridées s'il pouvait voire ce qui se passait aujourd'hui...