Le Duc et le baroudeur (Adriano)

Les rues de grande cité en laquelle avait toujours résidé les maîtres du Soltaar s’agitait déjà le soleil à peine levé. Un petit attroupement d’hommes et de femmes, visiblement tirés du lit quelques minutes auparavant, contemplaient le reste des rénovations de la façade à effectuer. « Le Poney Dansant » aurait fière allure d’ici quelques jours, encore une poignée de planches et de réparations diverses et l’établissement serait comme neuf. Tout du moins, il en aurait l’air !

Orso se contentait d’observer les larrons travailler d’arrache-pied, tout en vantant les mérites aux passants de cette auberge dont la réouverture ne saurait tarder. Non qu’elle ne fût point connue, loin de là, mais Rosie, la propriétaire, avait finalement accepté de servir de point de chute aux aventuriers de la région sous les incessantes demandes ce bon Orso. Bien que ce qui la convainquit certainement fut la somme de souverains proposée et la main d’œuvre promise.

- Hop ! Hop ! Scandait le jeune homme en frappant dans ses mains. On a pas toute la journée ! Un silence. Enfin si, mais… Bon ! Vous m’avez compris ! Faut que tout ça...

- Dis ! Dis ! L’interrompit la petite Andrea en tirant sur l’un de plis de son pantalon. On a retrouvé le chat de la dame ! On l’a ramené chez lui !

- Euh… Son regard coula vers la petite blonde aux cheveux bouclés habillée comme un petit garçon et armée de son épée de bois. Une belle aventure rondement menée à ce que je vois ! Et Niccolò, il est passé où ?

La petite gonfla les joues et haussa les épaules avant de désigner vaguement la grande rue. Orso scruta la foule sans parvenir à repérer le jeune trublion.

- Bon, va donc voir Rosie à l’intérieur, tu peux lui dire que tu viens réclamer ta récompense de ma part. Et après essaye de…

L’enfant, ou plutôt la tornade, se rua vers la porte de l’auberge et meuglant une espèce « Ouuuuiii !! » plein d’entrain sans laisser le temps à son ainé de terminer sa phrase.

- Bon, je file au palais. Faudrait pas que j’rate encore l’heure des doléances sinon… Enfin, vous voyez quoi, bon courage avec la façade ! Fit-il en saluant la troupe de la main alors qu’il tournait déjà les talons.

Ce matin-là, Orso pointa le bout de son nez dans les murs du palais à temps. Pas assez pour être le premier à être reçu, d’autant qu’avant lui semblait y avoir une dispute entre quatre paysans à propos d’un bout de champs dont chacun s’estimait le légitime propriétaire, mais au moins il n’aurait pas à patienter jusque dans la fin de matinée. Et c’était toujours ça de pris !

Les geôles du magnifique palais du Soltaar, s’animaient régulièrement d’horribles cris, de borborygmes ineptes, de glougloutements atroces et d’odeurs répugnantes. Voilà plusieurs ennéades que les prisonniers cultistes, capturés lors d’une opération militaire Alonnaiso-Soltaar, étaient torturés quotidiennement, sauvagement, sans aucune forme de pitié. Sur ordres personnels d’Adriano, les chiens du Soltaar s’échinaient jour et nuit à torturer ceux qui voulaient mettre le Sud à feu et à sang, et renverser la lignée régnante. La mort d’un Duc, d’une Baronne et des héritiers, étaient d’ores-et-déjà de leurs faits… Adriano s’était juré que plus un seul membre de la lignée Cortès di Alcacio ne serait en danger, ni même approché, par un cultiste des sectes draconniques.

Oh, il y avait bien d’autres sectes en Péninsule… Les arcaménites, le karamstra et sans doute d’autres encore. Partout, le clergé Pantien était en danger. Si, effectivement, Adriano était un fervent croyant, et qu’il avait décidé de combattre les sectes par ferveur religieuse, il était aussi un fin tacticien. Il désirait une guerre sainte, reconnue par le clergé Pantien. La présence de la Baronne d’Alonna durant les combats, et de plusieurs prêtres du Val-Néera, était déjà un gros message. Le Nord était en train d’aider le Sud dans des combats physiques visant à rendre hommage à Néera, La Mère, et à faire resplendir le culte Pantien.

Déjà, les prisonniers avaient parlé sous la contrainte, et des noms furent donnés. Des noms de quidams, des noms de nobles, certains, même, proches des sphères du pouvoir ducal. Adriano attendait… L’attente, parfois, avait du bon. D’autant que Merval avait été citée par les prisonniers… Peut-être y avait-il quelqu’un, là-bas, qui dirigeait la secte en secret.

Les doléances s’enchaînaient. Certaines étaient dignes d’une cour de récréation, là où d’autres, elles, se devaient d’être gérées avec précision et fermeté, pour éviter tout débordement ou effusion de sang. Adriano n’appréciait pas énormément ces instants, mais il connaissait l’étendue de son rôle, et l’importance de celui-ci. Les doléances hebdomadaires formaient un socle du pouvoir en Péninsule. Son paternel, Félipé, s’était rendu lui-même à Soltariel à de nombreuses reprises pour faire valoir ses doléances… Les choses se déroulaient ainsi.

La doléance qui prit le plus de temps, pour l’instant, était celle de quatre paysans à propos d’une petite parcelle de champ donc chacun s’estimait être le propriétaire légitime. Chacun y allait de son argumentaire… L’un possédait le champ mitoyen depuis plus longtemps, l’autre avait un champ plus petit que les autres, un autre encore estimait avoir les meilleures techniques de culture… Il fallait donc trancher.

« Bien. Il semblerait donc qu’un accord ne soit pas possible. Puisque, pour trois d’entre vous, vous possédez des terres plus grandes que le dernier requérant, il serait aisé pour moi de lui céder cette parcelle à lui, afin d’équilibrer le nombre de parcelles. » Dit le Duc, depuis son trône, ses doigts tapotant l’accoudoir. « Mais cela serait risquer des représailles à son encontre, n’ai-je pas raison ? Après tout, le soleil chaud du Sud ne réchauffe pas seulement nos cultures, mais aussi notre sang. » Dit-il, mêlant le geste à la parole alors que certains rires s’échappaient de l’assemblée. « Vous serez donc 4 à exploiter cette parcelle. Vous mêlerez vos ressources, vos compétences et vos moyens afin de développer cette parcelle ensemble et vous diviserez équitablement les produits issus de cette culture. » Expliquait-il, son regard se faisant soudainement plus sévère. « Je vous donne une année pour développer cette entente. Dans un an, un percepteur se présentera sur vos terres afin de vérifier que tout se passe pour le mieux. Si son rapport est accablant, ou si vous déposez une nouvelle doléance pour cette même parcelle, au cours de l’année… » Adriano temporise… « … Nous feront construire une chapelle sur cet emplacement. Et peut-être Néera réussira-t-elle à éclaircir votre jugement. »

Adriano frappa du plat de la main sur l’accoudoir de son trône, signe de sa décision ferme et définitive. Puis, une voix s’éleva, celle d’un greffier qui appela à la doléance suivante.

Orso contemplait le visage mi-figue, mi-raisin des fermiers quittant la salle où siégeaient le Duc ainsi que ses proches conseillers et autres personnalités en charge de l’administratif. S’il avait l’ouïe fine, il n’avait pas pu saisir toute la teneur des décisions prises, mais constater l’ambiance nouvelle s’étant installée entre ces quatre bougres qui marmonnaient entre eux lui arracha un sourire discret.

Cependant que le greffier appelait le suivant et donc nul autre que lui-même, Orso s’empressa de venir se présenter, avançant lentement sur le pavé poli du palais ducal, impressionné par le faste et la majesté des lieux.

- Votre seigneurie, commença Orso en s’inclinant tel que le voulait l’étiquette, permettez-moi de vous remercier, avant toute chose, pour l’temps que vous daignez bien m’accorder. Sachez que, quelle que soit l’issue de cette doléance, j’en sortirai déjà très honoré.

Le trentenaire, qui s’était incliné un peu trop bas constata dans une gêne certaine que la pomme qu’il avait dans la poche venait de glisser et rouler jusqu’au pied du greffier. Il se redressa, se raclant la gorge comme pour faire passer le malaise dont il était pris avant de reprendre dans un sourire.

- Je me présente ici, moi Orso, sous votre toit, dans l’espoir d’obtenir, de votre part, une aide, Monsieur le Duc. Comme vous le savez sans doute déjà, depuis les récents événements... Astronomiques, nombres de rumeurs circulent. Et d’après ce que j’en sais, certaines sembleraient être plus que de simples ragots messire. Il marqua un instant de pause tandis que son regard parcourait les hommes et femmes présents dans la pièce. Notre guilde s’en retrouve sollicitée plus que jamais elle ne l’a été et de nouveaux visages empruntent les chemins de l’inconnu aux côtés des plus expérimentés d’entre nous.

Orso qui s’était arrêté, visiblement satisfait, ouvrit à la bouche à nouveau, se rendant compte qu’il avait omis une précision plus qu’importante.

- « La Guilde », fit-il en mimant les guillemets, ou comme les gens l’appellent aussi communément, la « Guilde des aventuriers », est loin d’être une de ces guildes marchandes qui brassent moult souverains chaque ennéade, elle n’est pas non plus une compagnie de mercenaires dont l’allégeance va au plus offrant. Nous ne nous mêlons ni des guerres ni de la politique. À vrai dire, nous ne sommes que des intermédiaires entre les bonnes gens qui se trouvent dans le besoin et ceux qui ont des compétences à offrir. Et les paiements vont tout aussi bien d’une nuit et un repas offerts à une généreuse poignée d’écus remise à celui ou ceux qui auront répondu à l’appel. La Guilde ne perçoit presque rien en réalité. Sauf, bien entendu, lorsque les aventuriers veulent bien céder leurs trouvailles pour que la Guilde se charge de la revente. Orso prit le temps de marquer une pause en joignant les mains. Vous comprendrez donc notre recherche de… Mécènes. Et c’est la raison de ma présence ici, dans votre palais.

Le suderon s’était arrêté là, attendant de voir s’il était au moins parvenu à piquer la curiosité du Duc avant de dérouler son exposé quant au projet précis de sa venue.

Comme le voulait la procédure Soltaar, chaque décision ducale devait faire l’objet d’un compte-rendu, lequel devait ensuite être officialisé par l’apposition dans la cire du sceau ducal. Si, parfois, la chose était faite de manière globale, c’est-à-dire par l’écriture de toutes les doléances sur un très long vélin en bas duquel un seul sceau était apposé, certaines doléances, elles, nécessitaient plus de surveillance, ou plus de fermeté. La question des quatre paysans nécessitant un compte-rendu un an plus tard, le percepteur ducal en charge aurait à se munir du document légal contresigné par la main au pouvoir. Aussi, l’on présenta ledit vélin à Adriano alors que s’avançait vers lui la prochaine doléance. Habilement – et, disons-le, habitué au geste – le Duc ne fit qu’une bouchée – ou plutôt qu’un poinçon – de cette besogne, avant de poser ses mires sur celui qui, déjà, faisait preuve d’une curieuse attitude.

Si, pour les nobles, l’appellation « votre seigneurie » ne faisait point arquer de sourcils, pour Adriano, cela était tout autre. S’adresser ainsi à un noble sans terre était chose habituelle, à un Baron ou un Comte, cela passait encore… Mais à un Duc ? Bien qu’il n’y eût là point de véritable entorse au protocole, cela ne manqua point de faire dresser quelques cheveux sur le crâne bien garni du jeune Duc.

Le phrasé, ensuite, fut interpelant. Mais bien moins que la première remarque expliquée plus haut. Car, en tant que marin, et plus encore en tant qu’ex Amiral de la flotte Soltaar, Adriano avait l’habitude des marins bourrus, et de leur argot, et de leurs prononciations parfois incompréhensibles… Toutefois, même ces bougres faisaient leur possible pour produire des phrases dignes de ce nom. L’homme face à lui était donc tout à fait… Atypique.

Passant outre ces deux petites anicroches, Adriano écouta la diatribe avec un intérêt non feint. L’épisode de la pomme qui chancelle puis choie d’une poche visiblement trop distendue pour supporter une telle révérence, fit sourire le Duc qui ne s’attendait point à tel… Cocasserie. Mais il ne perdit rien de la suite du discours.

En son esprit naquit une pensée qui, à mesure que le dénommé Orso contait les bienfaits de sa « Guilde », et des buts poursuivis, ne fit que croître en son esprit tant et si bien qu’il manqua presque de la prononcer du bout des lèvres alors que machinaient déjà moults utilités qu’il pourrait faire d’un tel rassemblement d’aventuriers :

« Il ne pouvait pas mieux tomber ! Et sa guilde tout autant. » Se dit-il, avant de poser à nouveau sa tête dans sa main droite, l’annulaire et l’auriculaire masquant ses lèvres tandis que l’index et le majeur soutenait une tête aussi bien faite qu’elle demeurait bien pleine. « Voilà des aventuriers qui me seraient utiles… »

Lorsqu’Orso eut terminé son discours en ouvrant sur le pourquoi de sa présence au palais, en ce jour de doléances, Adriano ne moufta point. Une poignée de seconde lui furent nécessaire, afin de décider d’un plan de « bataille ». Certes, l’homme face à lui quémandait un mécénat, une chose plutôt commune dans ce territoire Suderon où l’art, sous bien des formes, était aussi apprécié que respecté, et souvent mécéné par de riches commerçants ou des nobles charitables. Bien que marin, et guerrier aguerri, Adriano n’était point différent de ses compatriotes sur ce point : il appréciait l’art.

Et plus particulièrement la calligraphie. Ecrire missives et rapports n’avait jamais été une besogne pour le Duc, qui possédait une collection fournie de plumes, stylets, encres et encriers, en plus de vélins et autres parchemins aux origines parfois très originales. Il aimait aussi les sculptures et le bois, choses plutôt répandues parmi les nobles – surtout les lignées Ducales qui s’enorgueillissaient de sculptures toutes les belles les unes que les autres et en garnissaient les palais et les cathédrales.

Mais ici, il ne s’agissait point d’art, mais d’aventure. Et Orso avait raison : les évènements cosmiques des derniers temps étaient annonciateurs de futures vilénies, ou de choses terribles. Des marins disparaissaient dans la brume… On racontait aussi bien d’autres choses dans les tavernes… Mais comme dit le proverbe : « il n’y a pas de fumées sans feu. »

« Greffier ? » Demanda Adriano, toujours sa tête dans sa main droite, ses deux doigts masquant ses lèvres.
« Oui votre altesse ? » Répondit le greffier, lequel quitta son vélin des yeux pour les reporter sur le Duc par-dessus ses petites lunettes rondes.
« Combien de doléance reste-t-il aujourd’hui ? »
« Eh bien… » Bredouilla le greffier qui regarda à la droite de son petit bureau. Trois, votre Altesse. »
« Et de quel acabit sont-elles ? » Demanda alors Adriano, toujours dans la même position que tout à l’heure.
« Eh bien… Nous devons régler un litige entre deux ostréiculteurs concernant l’implantation de bourriches… » Le vieil homme passe la pulpe du pouce sur la langue afin de trier les vélins en sa possession. « La guilde des artisans boulangers souhaite vous voir afin d’obtenir une diminution des taxes sur la farine et le sel… » Le rituel reprend, ajouté au repositionnement des lunettes sur le petit nez crochu du magistrat. « Et le représentant d’une compagnie de pêche souhaite Soltaar souhaite obtenir une aide financière afin de réparer les navires endommagés par les derniers évènements, afin de pouvoir repartir en mer au retour des beaux jours. »
« Rien de bien urgent, donc. » Conclut le Duc, quittant enfin sa position de réflexion afin de se remettre droit dans son assise tout en joignant ses mains sur ses cuisses. « Dites à ces braves gens de revenir l’ennéade prochaine. Ils passeront assurément en priorité. J’ai à m’entretenir en privé avec ce gentilhomme. »
« Bien, votre Altesse. »

Joignant le geste à la parole, le petit homme grisonnant reprit l’ensemble de ses vélins qu’il plaça au-dessus d’un livre poussiéreux, avant de se diriger vers la porte de la salle du trône. Les gardes qui se trouvaient là se mirent à le rejoindre, et refermèrent les portes alors que derrière elles s’élevait la voix du greffier convoquant ceux qui devaient prendre leur mal en patience pour une ennéade de plus. Adriano se leva à son tour, accompagné par une révérence protocolaire de la part de ses gardes, de sa cour, et des gens présents.

« Sieur Orso… » Reprit-il, ouvrant sa main en direction de l’homme. « Suivez-moi dans le salon privé. Votre doléance mérite plus ample conversation et le soleil de l’hiver pointe à son zénith. Nous discuterons mieux autour d’une assiette chaude, et d’un verre de vin. » Conclut-il, replaçant ensuite sa main dans son dos. « Garde ! Menez mon invité jusqu’à une chambre, qu’il puisse se passer un peu d’eau sur le visage et patienter le temps que les cuisines préparent deux repas. Vous mènerez ensuite le sieur jusqu’au salon privé. »
« A vos ordres Votre Altesse. »
« Je vous dis alors à tout à l’heure, sieur Orso. »

Et Adriano descendit les quelques marches qui menaient au trône, passant à la gauche du damoiseau, le gratifiant d’un hochement de tête avant de poursuite quelques occupation durant l’heure suivante, après quoi l’on viendrait chercher l’homme de la Guilde des Aventuriers.

Pour la quatrième fois, Orso repassait ses mains dans sa chevelure, époussetait son veston et serrait sa ceinture correctement. En tapotant une dernière fois ses joues, il prit une grande inspiration et se para de son plus beau sourire accompagné de son regard le plus assuré.

L’heure n’était pas à la foirade ! Bien qu’il espérât obtenir ce pour quoi il avait été missionné, il espérait fortement que les motivations de la Guilde seraient bien comprises.

- Allons-y… Souffla-t-il en se frottant les mains. Pas de bêtise, on ne s’égare pas… Concentration !

- Sieur ?

- Oui ! Oui. Oui ? Demanda Orso dans une volte-face constatant à son grand désarroi qu’on l’observait à son insu. Ma dame, je suis prêt ! Ne faisons pas attendre Monsieur le Duc plus longtemps !

Et le jeune homme fut guidé au travers des couloirs et corridors du palais, sifflant d’admiration devant quelques tableaux qui n’avait rien à voir avec les croûtes de l’auberge. La richesse des sang bleu suderons n’avait probablement d’égal que la noblesse diantraise, et encore, pas toutes les familles.
Et le voilà bientôt qui pénétrait le « salon privé ». Orso approcha de la table pour aller saluer à nouveau le Duc comme le protocole le voulait, une révérence certes maladroite, mais néanmoins sans accident cette fois-ci.

- C’est un honneur. Je… Pardonnez mon im… Mon ignorance des… Us et coutumes de la cour. Voyez messire, c’est que je n’ai rencontré que peu de beau monde dans ma courte vie, à part peut-être les pontes du Clergé de Tyra, mais croyez bien qu’on n’était pas dans une situation où l’étiquette importait réellement ! Haha… Ha.

Orso se racla la gorge sans savoir où se placer avant d’essuyer son front d’un revers de main.

- Enfin je… Je me tiens à votre disposition messire. Seigneur... Duc !

Une heure durant, Adriano s’activa dans son bureau personnel. Il dû lire au moins dix missives éminant de divers interlocuteurs différents, certaines plus importantes que d’autres d’ailleurs. Il en rédigea d’ailleurs deux, mettant un certain temps à le faire car, comme cité plus tôt, la calligraphie demeurait une passion à part entière. Choisir la bonne plume, la bonne encre, le bon vélin, et surtout, se satisfaire soi-même du rendu de l’écriture… N’étaient point choses aisées. Mais deux missives en une heure, plus une dizaine de lecture… Voilà qui pouvait satisfaire le Duc de Soltariel.

Lorsque vint l’heure de la rencontre avec le sieur Orso arriva, un domestique ne manqua pas de faire le chemin jusqu’au bureau ducal, afin d’avertir le chef des lieux. Terminant sa tâche, Adriano se leva, change quelques petites choses de sa tenue, porta sa couronne – car il fallait tout de même rester calculateur – et se rendit dans le fameux salon privé où tout était d’ores-et-déjà dressé. Trois assiettes les unes sur les autres – dans l’ordre apéritif, puis entrée, puis plat – accompagnées par trois verres différents et tous en cristal, l’un pour les liqueurs, l’autre pour les vins et de dernier pour l’eau. S’asseyant à un bout de la table – le bout côté cuisine bien-sûr – il pourrait faire face à Orso, lequel serait assis côté sortie. Non loin des gardes. Juste au cas où.

On le fit entrer. Restant assis, le Duc lui offrit un signe de tête et s’amusa de son air pataud. Il manqua de rire… Retenant un pouffement Néera seule sait comment. Mais il regarda faire l’aventurier et nota les efforts, tandis qu’il calculait d’ores-et-déjà les tenants et aboutissants de cette rencontre. En son esprit, il avait beaucoup de projets pour cette guilde, bien que quelques-uns d’entre eux semblent éloignés de leurs buts… Nobles.

« Asseyez-vous, sieur. » Dit-il, coupant court aux explications de l’aventurier et montrant la fameuse place d’un geste de main. A peine eût-il posé son postérieur sur le coussin de velours, que les serveurs se mirent à danser leur balai répété encore et encore. L’on vint présenter devant le sieur Orso deux bouteille en cristal.
« Que désirez-vous monseigneur ? Nous pouvons vous proposer un cognac vieillit en fût de conifère, lui offrant un côté boisé doux mais néanmoins présent… » Expliqua alors le serveur, présentant ensuite la second bouteille. « Ou un whisky datant d’avant l’apparition du Voile, maturé en fût de chêne Nordien, fort et robuste, en bord de mer, lui apportant un côté iodé qui mariera parfaitement les huitres servies en apéritif. »
« Choisissez librement, Sieur Orso. »

Adriano apporta cette clarification qu’il jugea nécessaire, afin d’aider son vis-à-vis à se détendre. Le maintenir en état de stress était, certes, intéressant… Mais il fallait tout de même qu’il puisse profiter des mets de ce monde. Et puis, n’était-il point amusant de voir son cœur faire des bonds dignes d’une puce tentant d’échapper au passage du balais de bois ?

Le Duc, lui, avait d’ores-et-déjà un choix de fait : whisky. Le marin qu’il était adorait l’iode de la mer et de l’océan. Mélanger l’iode ambrée et l’iode des huitres était un délice qui, à n’en point douter, le ferait presque succomber aux charmes d’Arcam, si celui-ci lui proposait de tels mets tous les jours de sa vie… Ce que sa propre vie de Duc lui permettait tout en étant fidèle à Néera. Notez l’ironie de la chose.

Lorsque le serveur eut terminé de verser les verres, et d’apporter les huitres, le citron, et les couverts, Adriano reprit la conversation.

« Sieur Orso, je suis fort aise de savoir votre Guilde suffisamment en confiance pour quémander le mécénat ducal lors d’une audience publique. » Commençait-il. « Soltariel est une terre d’accueil pour celles et ceux qui s’enorgueillissent d’avoir suffisamment de courage, de créativité et de talent pour égayer la vie des autres, ou faire valoir leurs compétences diverses et… Variées. » Dit-il, avant de gober une huitre iodée et de s’en délecter silencieusement. « Le temps des aventuriers est… A nouveau venu. Quiconque ne l’admettra pas sera désormais obsolète et… Dépassé par les évènements. » Conclut-il, allant donc dans le sens de l’aventurier devant moi. « Toutefois, les terres de Soltariel ne sont pas uniquement menacées par des menaces venues des astres, ou des créatures de quelques profondeurs que ce soit… Mais aussi par la folie de quelques hommes. Vous savez de quoi je parle, évidemment. » Dit-il, introduisant finalement son propos. « Dites-moi, que propose réellement votre guilde ? »

Assis sur sa chaise, le jeune homme tapotait machinalement du pied alors que son regard oscillait entre les mets savamment disposés dans des plats ornés dont le prix ferait pâlir à peu près n’importe qui. Néanmoins, tout en écoutant les paroles du Duc avec la plus grande attention, Orso indiqua au domestique, dans un geste silencieux, qu’il allait prendre la même chose que le seigneur et maître des lieux en guise de boisson.

- Eh bien, commença-t-il alors qu’il hésitait entre les quatre cuillères présentées aux côtés de son assiette, je ne sais pas exactement ce que vous entendez par… « La folie de certains hommes » mais… Si vous faites allusion aux vides-goussets et autres larrons de mauvaise foire, il arrive, régulièrement j’dois le dire, que les baillis des hameaux et villages les plus reculés fassent appel à la Guilde. Orso hocha vigoureusement la tête comme pour appuyer ses propos. Et les aventuriers ne se privent pas d’aller leur cuire le c… De rosser ces maudits brigands.

Le jeune homme jeta son dévolu, à son tour, sur l’une des nombreuses huîtres garnissant l’entrée, gobant celle-ci à la manière des débardeurs des ports suderons.

- Après… Il y en a pour presque tous les goûts. Par exemple, les plus jeunes se contentent de partir à la recherche d’animaux perdus. Tenez ! Pas plus tard que c’matin, Andrea et Niccolò, deux p’tiots qui vivent à l’auberge, sont allés récupérer le chat d’une vieille dame. Et le bougre avait disparu depuis bien deux ennéades ! Ajouta-t-il avec un sourire empli de fierté. Quant aux plus expérimentés et bien, ils peuvent aller traquer des créatures dangereuses ou même enquêter sur des racontars quelconques. Ah ! Par exemple, le mois dernier, un fermier nous a contacté pour une affaire de brebis massacrées, c’est qu’au début il avait pensé à des loups, mais quand il a vu les traces… Enfin, il a bien fait de venir nous trouver puisque la bestiole était un myynarque ! Ha ha !

Deux huîtres plus tard et une gorgée de ce breuvage alcoolisé si rare, Orso remettait ses pensées en ordre, puisqu’il se sentait bien partir dans des histoires qui ne devaient pas avoir un grand intérêt pour le Duc.

- En tous cas, la constance c’est pas notre fort. Disons que nos activités dépendent des demandes des gens. Fit-il sur un ton bien moins emballé comme pour se recentrer. Et l’esprit de l’aventure est lié à un certain idéal de liberté, vous voyez ? C’est pour ça qu’les demandes sont étudiées avant d’être proposées à ceux qui ont ce goût de l’aventure puisque… Nous ne sommes pas non plus des mercenaires. D’ailleurs, si on en était on serait payés en souverains et pas en fût de bière ou en bariques de lait ! Il laissa échapper un rire amusé. Mais c’est le prix de la liberté, c’est ça la vie d’aventurier. Disons que ça profite plus aux petites gens qu’aux grands de ce monde, quoique… Ça doit bien soulager la garde quand on s’occupe de menaces ci et là. Orso s’interrompit un bref instant, penseur l’espace d’une seconde, avant de rappeler le but premier de sa visite. C’est pour ça qu’on cherche des mécènes plus qu’autre chose, d’un côté il nous est difficile de promettre quoi que ce soit et d’un autre on peut pas se permettre trahir l’idéal qui nous anime, mais ce qui est sûr, c’est qu’on est apprécié des bonnes âmes de ce pays, parce qu’on leur bien sert à quelque chose, au final. Et l’avantage du mécène, c’est que s’il a pas l’impression de s’y retrouver, il peut simplement arrêter de nous aider. Jusqu’ici, on a bien quelques gentilhommes de la bourgeoisie qui nous font de généreux dons de temps à autre, parfois même du noble sang, mais force est de reconnaître que depuis… La… La recrudescence de… De ces récents évènements peu communs… Nous nous interrogeons sur le meilleur moyen de répondre à ces menaces… Inédites. Et de les comprendre. C’est pour ça que j’suis venu vous voir mon seigneur.

Les petits calculs du Duc étaient apparemment tous juste, du moins, jusqu’ici. Impressionner l’aventurier en quête de liberté, d’autres horizons, qui donne une telle importance à son libre arbitre et à son non attachement à quoi que ce soit de matériel, était chose aisée. Lui offrir une bonne nourriture, de qualité ; lui permettre de boire à sa guise des alcools si forts mais si bons que l’on en oublierait l’important degré d’alcoolémie… Des moyens comme les autres de prendre le dessus, d’émousser les réflexes, d’appesantir l’esprit.

Il écoute donc les dires du jeune homme qui, bien que dénué de tous les us nobiliaires, était doté d’un franc parlé appréciable. Appréciant ses huitres, le Duc se délectait de ce goût iodé qu’il affectionnait tant. Le whisky, parfait, lui titillait les papilles avec cette saveur calculée de manière presque moléculaire ou… Divine, dirons-nous.

L’idée de s’enticher des services d’une guilde d’aventuriers était alléchante, même pour Adriano. Dans le Sud, tout avait un prix, ou peu s’en fallait. La finesse s’achetait à des prix parfois déraisonnables, tout comme l’unicité, le luxe, le parfait. On appréciait l’art plus que de raison, et bien plus que dans n’importe quelle autre région de Péninsule. S’acoquiner l’expertise d’un artiste était chose courante dans le Sud, notamment pour les lignées Ducales, lesquelles appréciaient façonner les statues des cathédrales, des palais et des temples à leurs images, prêtant leurs traits aux statues censées glorifier Néera ou Tyra. Par exemple.

« Comprendre ce qu’il se passe… Que voilà une chose digne d’intérêt, et, véritablement… Originale. » Dit-il, gobant son avant-dernière huitre avec une avidité qu’il parvint à cacher, sans pour autant bouder son propre plaisir. « Oh, je ne moque pas. Peu de vos confrères prennent le temps d’étudier la menace, de la même manière que peu de soldats apprennent à connaître leurs adversaires. Et pourtant, l’on ne sait jamais autant faire face à l’adversité que lorsque l’on connaît l’origine de celle-ci… Et la manière de la combattre. » Expliquait-il, précisant son propos avant de porter son breuvage à ses lèvres et d’en prendre une gorgé modeste mais néanmoins gouleyantee. « Pour cela, vous avez tout mon respect. Vous le savez, sans doute, que j’aime moi aussi connaître mon entourage, étayer ma connaissance, et savoir dans quoi je m’engage. Rien de tout cela n’est secret. Aussi, ce que vous venez de dire me rassure, et m’encourage à vous aider à ma manière. » Concluait-il, du moins temporairement. Il leva son index droit, signe qu’il n’avait pas terminé. « Toutefois, pour m’assurer de la bonne continuité des choses… Je me dois de savoir : remettez-vous votre souffle à la Mère ? Priez-vous Tyra, Néera, ou toute autre figure du culte Pantien ? »

La question était des plus importantes…

Orso, qui allait s’aspirer une huître de plus, s’arrêta en plein mouvement. La question était on ne peut plus surprenante, si bien qu’elle fit arquer un sourcil au jeune homme.

- Que voulez-vous dire ? Demanda-t-il en reposant son huître devant lui pour croiser les doigts. Je suis comme tout pentien… Je ne néglige aucun de nos Dieux, bien que… J’dois reconnaître mettre beaucoup de ferveur à honorer Tyra. Faut dire que… J’étais à Bellogno, en l’an 12, pendant le pèlerinage de Soltariel, j’ai même vu de mes yeux l’miracle. Ça oui.

Le jeune homme, dont le sang n’avait fait qu’un tour rien qu’en y repensant, s’arrêta un moment. Il se souvenait du Haut-Prêtre, Ansèlme, de tous ces gens, de l’apparition. Et de tout le reste.

- La venue de la Dame des Flots, c’était quelque chose. Mh. Le jeune homme marqua un nouveau temps d’arrêt avant de se remettre à sourire. Enfin, pour vous rassurer sur vos engagements, eh bien… Ils ne vous engagent à rien. C’est là tout l’intérêt du mécénat, aucune des parties n’a d’engagement à tenir. Mais… Du coup, qu’est-ce que vous voulez dire par « aider à votre manière » ?

L’aventurier se pencha un peu au-dessus de la table, visiblement intrigué par la formulation.

Adriano resserrait doucement mais sûrement son emprise sur le jeune aventurier devant lui. Bien-sûr, tel un pêcheur de hauts-fonds, il savait que la proie ne serait point réellement pêchée tant que le fer ne serait point dans ses ouïes, et que sa carcasse ne serait point vidée sur le pont du navire. Orso, face à lui, était donc loin d’être conquis… Mais jusqu’ici, c’était bel et bien Adriano qui menait les discussions… Et celle-ci allaient dans son sens.

Le fait que, comme tout bon Suderon, il était un pieux Pantien, et sensible à la Déesse des Flots et à sa venue parmi les Humains voilà plusieurs années, était rassurant en soi. Au moins n’était-il, apparemment, point un adepte des sectes draconniques. Et d’ailleurs, il était temps pour Adriano de passer à la suite de son plan.

« Bien. Puisse Tyra vous entendre, et bénir les flots afin que nos pêcheurs reviennent en vie. » Dit-il, dans une prière sincère. « Car, voyez-vous, le Duché fait face à plusieurs menaces, outre celles de ces créatures nées de l’Afflux. Les sectes draconniques, voyez-vous. Et vous, et votre Guilde, pourraient être d’une grande utilité pour le Duché, et les pieux Pantiens qui y vivent en paix. Je souhaite vous parler de cela. En échange, je m’engagerais à vous mécéner autant que faire se peut. »

Orso croisa les bras, faisant claquer sa langue contre son palais, l’air d’être pris dans une réflexion soudaine. Il avait beau essayer de faire passer le message, hélas ces tentatives semblaient se solder par un échec.

- J’comprends bien qu’il y ait bien des dangers, à tous les niveaux et de toutes les natures. Mais… Comment dire ? Demanda-t-il pour lui-même en tapotant ses doigts contre son biceps. Les aventuriers s’attaquent aux créatures ou bien aux menaces… Visibles. Comme les bandits, par exemple. Ils vont explorer des forêts, des grottes et des montagnes… Et toutes ces… Quêtes que nous proposons, sont des demandes directes, dont les objectifs sont moins… Politiques ou religieux. Les aventuriers vivent ainsi principalement de ce qu’ils trouvent, par le biais de la Guilde. Or, débusquer des sectes… Ce ne sont pas des aventuriers qu’il vous faut mon Seigneur, mais peut-être des espions ? Et sans doute des mercenaires ou des soldats.

Orso haussa les épaules d’un air désolé. Visiblement, le mécénat n’était pas dans la veine du Sud où beaucoup préféraient s’acheter les choses.

- J’m’en voudrais de vous faire perdre votre temps mon Seigneur, comme j’disais, la Guilde ne peut malheureusement s’engager à rien, et bien c’est tout là le risque du mécénat : on ne sait pas quel sera le résultat. Alors, si vous avez des attentes, j’aimerai pas qu’vous soyez déçu et donc… Je voudrais pas plus abuser plus de votre temps ni de votre bonne nourriture ! Conclut-il dans un léger rire quelque peu désolé.

L’honnêteté de l’aventurier avait quelque chose de très désagréable pour le Duc de Soltariel. Il aurait en effet espéré que l’appât du gain soit supérieur à l’attrait de l’aventure, et d’une cause soi-disant noble… Comme celle d’une guilde, par exemple. Feintant la compréhension, Adriano acquiesce de signes de tête tout en regardant son vis-à-vis. Dégustant encore une dernière huitre à s’en lécher les doigts, Adriano allait répondre lorsqu’un serviteur arriva dans son dos. Les deux échangèrent quelques paroles chuchotées…

« Comment appréciez-vous la cuisson de votre viande rouge ? Saignante ? A point ? Ou bleue ? »

Une fois la préférence donnée par l’invité du Duc, le serviteur reprit la route des cuisines, d’où l’on pouvait entendre toute une cacophonie lorsque la porte s’était entrouverte. Quelques chefs distillaient ordres et consignes à des gens qui, en signe de compréhension, répercutaient ces ordres afin d’assurer de leur compréhension.

Les derniers mots d’Orso achevèrent de faire comprendre au maître des lieux que ni lui, ni sa guilde, ne serviraient d’outils au Duc de Soltariel, d’aucune manière que ce soit. Acquiesçant à nouveau, le Duc leva les mains dans un signe de reddition.

« Très bien, très bien. » Dit-il, s’essuyant la bouche avec sa serviette qu’il trouvait à sa droite. « J’apprécie votre honnêteté et votre constance, très cher Orso. » Dit-il, avant de reprendre.] « Vous ne me faites pas perdre mon temps, ne vous inquiétez pas. Vous devez le savoir, maintenant : nous, suderons, faisons face aux sectes draconniques… Ces dernières infestent bien des castes de notre société… Je me devais de m’assurer à minima de vos intentions, et de vos prétentions. » Expliquait-il, plantant un regard dur dans les yeux de l’aventurier. « Je compte participer à votre mécénat. Nos côtes ne sont plus sûres, et des rumeurs proviennent depuis les navires et les ports… L’aide d’aventuriers semble plus que nécessaire… Toutefois, auriez-vous l’amabilité de garder les yeux ouverts quant à ces sectes ? Vous et les vôtres êtes plus à même d’être au contact de la population, et peut-être même des secrets… Votre aide me serait précieuse. »

- Et bien… Je… À point ? À point ! Fit-il en opinant du chef tandis qu’un sourire de gratitude s'étirait sur son visage.

Orso entendait bien les inquiétudes du Duc, aussi, tandis que les chefs s’activaient en cuisine, il se fit pensif un instant. Presque dans la lune face au Duc qui attendait une réponse, le regard d’Orso sembla revenir bien vite à la vie.

- J'passerai le mot, monsieur le Duc, soyez en assuré ! S’il se trame quelque chose avec ces sectes et que la Guilde l’apprend, pouvez être sûr qu’on mettra notre nez d'dans. Affirma-t-il en hochant vigoureusement la tête. En tout cas, je peux vous dire que les gens de la Guilde seront heureux de vous savoir aussi bon mon seigneur. Ça oui. Et les bonnes gens aussi, je suis certain qu’ils seront contents de savoir qu’un homme de votre stature les soutiens en offrants à la Guilde de quoi subsister et les aider encore mieux ! Et j’espère de tout cœur que nos études de ces bestioles et de ces évènements étranges profiteront à tous le plus tôt possible !

Le jeune homme offrit un sourire à son seigneur, une fois encore, alors que la cacophonie des cuisines retentissait dans l’embrasure de la porte.

- On saura rendre à votre peuple la bonté dont vous faites preuve, messire, je peux vous l’jurer !