Possessions & Equipements : Un couteau fabriqué à partir d'un silex et d'un bois de Fanuë ; une cape de plumes diverses et variées, ainsi qu'une robe cousue à l'aide de pétales et de textiles animaux, maints fois rapiécée ; enfin une bourse en peau de Lepiscorni ; ce sont ses seules possessions à l'heure actuelle.
Apparence :
Taille : Relativement petite en comparaison des autres elfes de pierre, on pourrait de loin la confondre avec un noss.
Couleur des yeux : D'un bleu céruléen qui s'est éclaircit avec le passage des siècles, comme si l'astre solaire avait élu domicile dans ses pupilles.
Couleur des cheveux : De celle des blés mûrs.
Personnalité : Timide et en retrait, jugeraient les humains. Timorée et fuyante, assureraient les Drows. Mesurée et pensive, pondéreraient les elfes. Peut-être auraient-ils tous raison, à leur propre façon, mais la Lyra du XIème Cycle est assurément meilleure auditrice qu'elle n'est oratrice. Habituée à écouter les plantes et les arbres jouant de leurs instruments, c'est une femme douce mais sauvage, au sens littéral : ne s'étant confrontée qu'aux autres que de manière parcimonieuse depuis sa disparition. C'est peut-être parce qu'elle ne tolère plus que la violence d'Anaëh, celle prodiguée par les animaux cherchant à survivre ; et non celle des siens ou de leurs voisins, de politique et de conquête, de dissenssion et de méfiance. Ou peut-être est-ce simplement parce qu'elle a peur de renouer avec l'autre facette d'elle-même.
Capacités magiques :
Vitaliste, la sensibilité de Lyra à la magie lui a été acquise au cours d'une formation auprès d'un Guérisseur de Néera, celui-la même qui lui a sauvé la vie. Cette formation a duré plus de trente ans, à Thaar, et s'est caractérisée par une grande assiduité ainsi qu'une prudence circonspecte, n'hésitant pas à reculer d'un pas pour mieux avancer ensuite.
A ses yeux, l'Art n'est pas si différent de la Symphonie ; une façon d'entrer indirectement en contact avec les Dieux et, s'ils y sont enclins, recevoir leur réponse à travers la réussite du sortilège auquel on s'est attelé. Cette vision influe directement sur la façon dont elle aborde la magie.
Mesurée mais inspirée, elle à la fois ritualiste et pieuse. N'hésitant pas à appeler Kÿria, Tari ou Elenwë au cours de ses incantations, celles-ci sont une succession de litanies murmurées en elfique, ponctuées de mouvements des doigts et des mains selon la zone du corps à aborder.
Profondément influencée par son mentor et ses années en Ithri'Vaan, la façon dont elle officie peut être déroutante pour les elfes ; une sorte d'hybridation entre les deux cultures, qui trahit la façon dont elle s'est initiée aux arcanes, formée sans jamais avoir consulté le grimoire d'Elenmár.
De manière analogue, son apprentissage s'est d'abord focalisé sur la manipulation des pathogènes, avant de s'orienter vers celle des tissus. Si elle peut s'estimer relativement compétente dans ces deux domaines, ses connaissances envers le contrôle du métabolisme sont pour le moment lacunaires.
Enfin, si elle a continué ses leçons même après avoir quitté son maître, les presque deux siècles de solitude qu'elle a vécus ensuite, et l'absence de pratique qui en résultent, ont significativement impacté sa progression.
Histoire
Le tranchant de sa lame mordit profondément la chair, et la rage se substitua à la suprise au sein des yeux de son adversaire. Ses jambes se dérobant sous lui, il s'éteignit avant d'avoir touché le sol, éclaboussant l'herbe déjà poisseuse du sang de dizaines de victimes. Son frère d'armes l'enjamba sans s'y attarder, se précipitant à sa rencontre. Son bras déjà lourd, elle bloqua le premier coup à l'aide de son bouclier, terminant de réduire la distance entre eux d'un pas diagonal. Leur valse funeste ne dura qu'un instant. Une esquive, une feinte, une parade, une estocade... Par-dessus le tumulte des combats, son cri pourtant vibrant fut à peine plus qu'un murmure, tandis qu'elle plongeait son épée entre les côtes de l'elfe noir. Tel un maléfice, il fut aussitôt remplacé par deux autres Drows, deux ombres sorties de nulle part qui l'attaquèrent de concert.
C'était une succession de vagues scélérates qui tentaient de la submerger, encore et encore ; des coups de béliers incessants contre les remparts de sa volonté. Virevoltante au début de la bataille, ses mouvements s'étaient peu à peu ralentis ; ses réflexes émoussés ; ses coups alourdis. Ses poumons brûlants, ses muscles tétanisés, son corps lui suppliait de s'arrêter. Pourtant, elle continuait de se battre : frappant, s'inclinant, se retirant, s'effaçant pour mieux avancer l'instant d'après, et frapper à nouveau. Elle dansait avec une grâce mortelle sur le champ de bataille, et d'aucuns la voyant ainsi se mouvoir se demandaient si sa main n'était pas guidée par la Dame-Sauvage elle-même ; à moins que le Dieu Aveugle ne se soit emparé de son esprit.
La pointe de sa dague, surgie dans sa main, s'enfonça soudain dans l'œil et jusqu'au cerveau de l'ennemi à sa droite, surpris par sa soudaine rotation. Mais en se faisant, elle avait immanquablement exposé son flanc à l'autre, et s'en rendit compte trop tard. Son souffle la quitta d'un bloc au moment où l'extrémité de la lance entra en elle ; et ses genoux fléchirent, la précipitant au sol. Là, devant elle, il y avait une hampe brisée, ainsi qu'un morceau de tissu. Indifférente, la bannière de l'armée royale la contemplait silencieusement. Boueuse, piétinée sans distinction au milieu de la mêlée, elle avait été déchirée en deux endroits, séparant l'étoile à sept branches de ses trois feuilles dorées. Derrière elle, au loin, elle entendit une voix qui criait : " Tel'sorn ! Heri Ymian ! Tel'sorn ! ". Mais quand elle leva la tête vers son ennemi, prête à recevoir le coup final, c'est le visage de son roi mort qu'elle aperçut.
« Glorfindel. »
Le nom lui avait échappé, l'extirpant de son sommeil. Jaillit des méandres du passé, il lui sembla qu'il restait suspendu un instant dans les airs, la forêt frémissant à son énonciation. Comme si la nature elle aussi, aujourd'hui, se souvenait de lui. Au coeur d'Anaëh, la matinée n'était encore que peu avancée. Loin au-dessus du sol, une brise caressait doucement la cime des arbres, dont les feuilles se mouvaient avec la régularité d'un métronome, d'avant en arrière. Epars, quelques rayons de soleils perçaient timidement l'épaisse frondaison, peinant à réchauffer le sol herbacé. Un coléoptère, perché jusqu'alors sur une tige, s'envola au son de son premier mouvement. Ses yeux à présents ouverts, elle fixait un noeud dans la voûte arborée, au-dessus d'elle. La nuit précédente, elle s'était réfugiée dans l'une des anfractuosités d'un Erboas ; une cavité en hauteur nichée entre quelques épaisses racines sinueuses, rendue plus confortable par sa cape de plumes.
Inspirant doucement, sa main vint se poser contre le bois du Terrefeuille, cherchant du réconfort. Il y avait bien longtemps maintenant que ce cauchemar n'était plus venu hanter son repos, et cela la troublait. Car il y avait bien longtemps, aussi, qu'elle n'avait pas été aussi proche d'une des Cités. Cela la poussait à associer les deux éléments, refusant d'y voir une simple coïncidence. « Merci d'avoir veillé sur moi, » dit-elle malgré tout, à voix basse, comme une confidence. Sous ses doigts, l'écorce parut frémir en réponse à sa voix. La mélodie de l'arbre était ancienne ; emplie d'une sagesse plusieurs fois millénaire. Il y avait en lui un sentiment de familiarité rassurant, comme s'il la connaissait, et elle se demanda s'il n'avait pas parlé d'elle auprès des siens, tandis qu'elle dormait sous son égide. Une pensée qui l'égaya un peu, et l'encouragea à se lever.
Balançant ses jambes sur le côté, au-dessus du vide, elle regarda autour d'elle. La zone d'Anaëh où elle se trouvait était calme, et relativement isolée ; ce qui ne l'empêchait pas de prêter une oreille attentive à la Symphonie. Car elle ne souhaitait pas être prise de court par une patrouille, un groupe de chasseurs ou pire, un prédateur. Une fois certaine de son isolement, elle détacha sa bourse de sa taille et y piocha quelques baies pour un petit-déjeuner frugal, tout en s'imprégnant de l'atmosphère du nouveau jour. L'après-midi promettait d'être chaude pour la saison, à moins que le vent ne se lève, et elle devrait être prudente dans ses déplacements si elle voulait atteindre son but.
Son repas terminé, elle se laissa glisser au bas de son repère, atterrissant en douceur sur un tas de mousse ombragé, rendu humide par la rosée du matin. Inspirant plus profondément cette fois, elle s'avança sous une flaque ensoleillée, et joignit ses deux mains en une coupelle, bras tendus à hauteur de son ventre. Visage levé, ses yeux bleutés cherchèrent un fragment de ciel avant que les premiers mots ne franchissent ses lèvres :
« A Kÿria la Mère, Sévère et Bienveillante, Colèreuse et Confiante,
Que ton Arc guide ma main, Que ta Sagesse m'ouvre la Voie, Et que ton Amour me protège.
A Elenwë l'Enfant, Libre et Créatrice Changeante et Protectrice,
Que tes Ailes me portent, Que ton Souffle m'inspire, Et que ton Mutisme me berce.
A Naelhd, l'Insaisissable. Elusif et Mystique, Sauveur et Onirique,
Que sur chacun d'entre nous tu veilles, Et ceux dans le besoin assistes, Ici tout comme ailleurs. »
Prononcée entièrement en elfique, sa litanie, associant Kÿria et Elenwë, relèverait presque du blasphème pour certains des siens. Mais plus surprenant encore était son choix d'y inclure une créature qui, autrement que par son existence, n'était en rien associée aux Dieux. Une prière qu'elle savait devoir bientôt taire, tout comme le récit de ses années passées parmi les hommes et les femmes d'Ithri'Vaan, longtemps avant son retour en Anaëh. Une vie humaine presque complète, se remémora-t-elle, après une rencontre qui avait mal tournée.
A travers les méandres brumeux de sa mémoire, elle se rappelait du calme assourdissant ; du goût de fer dans sa bouche, et de la douleur dans ses membres ; du bourdonnement des nécrophores, et du croassement des charognards. Elle se rappelait avoir rampé, luttant contre l'évanouissement et l'envie de s'abandonner aux bras de Tari. Son tout dernier souvenir de ce jour fatidique, c'était celui d'un loup blanc s'approchant d'elle, au pelage à la fois de poils et de plumes... un loup qu'elle n'était pas certaine d'avoir simplement imaginé, hallucination d'un esprit rendu exsangue.
Elle s'était éveillée plus tard, tout en souhaitant que ce ne fut pas le cas. Une soif atroce la tourmentait, et une brûlure insupportable se répandait dans son corps. Gémissante et agitée, elle ne s'était calmée qu'au moment où on l'avait forcée à boire un liquide âcre, et empli d'amertume. Des moments qui suivirent, elle n'en gardait aussi que des bribes, rendue délirante par une fièvre insidieuse. Conversations en langue inconnue, ombres s'agitant tout autour d'elles, linge frais lui épongeant le front, il y eut d'autres moments plus confus encore : la sensation de flotter dans l'éther, ou de bondir sur des flots impétueux ; d'entendre des cris angoissés, qui étaient à la fois les siens et ceux d'une autre ; d'une chute vertigineuse, semblant sans fin, sans fin, sans fin... mais qui s'interrompit finalement sur une surface ouatée, confortable, d'où elle refusa de plus bouger.
Six ennéades s'écoulèrent avant qu'elle n'émerge à nouveau. Elle le découvrit plus tard, elle se trouvait à Thaar, hébergée chez une apothicaire novice et son maître qui l'avaient trouvée. La croyant d'abord morte, sa situation n'en était pas moins désespérée, et c'est à peine si leurs compétences avaient réussi à l'empêcher de s'éteindre. Tous deux appartenant à un cortège faisant route vers Naelis, ils s'étaient d'abord rendus chez un médecin de Baaz-Hima, dans l'espoir qu'il puisse l'aider d'avantage. Lorsque même lui se révéla impuissant face à son état, capable seulement de soulager ses souffrances, une décision dut être prise : se rendre en Anaëh, et espérer pouvoir la rendre aux siens (revenant plus ou moins à signer leur arrêt de mort), ou s'aventurer un peu plus loin vers l'occident, en quête d'un mage capable de manipuler la Vie. C'est cette dernière option qui fut retenue, et c'est celle qui la sauva.
A qui, ou à quoi devait-elle d'avoir survécu ? Sa seule volonté ? Une intervention divine ? L'opiniâtreté d'une paire d'humains ? Longtemps, cette question la tourmenterait, jusqu'à ce qu'elle décide simplement d'accepter cette seconde chance. L'homme qui l'avait soignée s'appelait Guisardo. Il était prêtre, l'un des guérisseurs de Néera. Affaiblie, isolée et en terres inconnues, il la prit sous son toit et sous son aile. A ses côtés, elle apprit les rudiments de la langue oliyane ; à appréhender la culture locale sous tous ses aspects, et de fil en anguille, à se familiariser avec les humains d'une façon qui, si elle n'avait pas quitté les murs de sa Cité, n'aurait jamais été possible.
Avec quelle intensité ils vivaient ! Quelle curiosité, quelle ambition et quelle fierté était la leur ! Se mêlant à leurs vies, elle assista à des pièces de théâtre, admirant les costumes bigarrés des acteurs et leur jeu stupéfiant ; courut sur les ponts de navires et se balança dans les gréements pour le compte de capitaines-marchands ; se faufila dans les ruelles de la ville, poursuivie par des bambins qui l'appelaient : " Sorelh ! Sorelh ! ". De chacun de ces moments, elle se rappelait avec intensité : et avec le recul lié à son âge, ne s'était formalisée que très peu de la corruption, des escroqueries, et de toutes les activités illégales qui foisonnaient en ces lieux, n'y voyant que les travers inévitables d'une race éphémère.
Au milieu de ce monde nouveau, Guisardo était une figure familière, toujours présente. Au fur et à mesure que sa maîtrise de la langue s'améliorait, les sujets qu'ils abordaient au cours de leurs conversations se complexifiaient. Le soir tombé, se promenant sur les quais à la période estivale, ou au coin de l'âtre à la période hivernale, ils échangeaient sur tout ; comparaient leurs peuples dans des domaines tels que la cuisine, la littérature, ou encore la religion. Inspiré, le prêtre aimait lui parler du culte pentien. Sans jamais faire preuve de prosélytisme, il l'entretenait d'Othar, de Tyra, d'Arcam ou de Néera, à qui il avait dédié sa vie. En retour, elle lui partageait ses connaissances au sujet de Kÿria, et ils s'étonnaient des similitudes entre certains de leurs dieux.
Au fil des années, leur relation se mua en un amour platonique profond ; basé sur le respect, et une compréhension mutuelle de leurs différences culturelles et raciales. Puis vint le moment où Guisardo, se sentant vieillir, choisit d'offrir à son amie la seule chose qu'il jugeait de valeur à ses yeux. Il lui proposa, si elle le souhaitait, de la former l'usage de la magie qu'il avait utilisée pour lui venir en aide. Elle accepta, et ainsi débutèrent-ils sa formation de Vitaliste. Sans surprise, l'approche du prêtre était intimement liée à sa foi. Mais avant qu'ils n'en arrivent à ce stade, le duo devait aborder les Fondamentaux de l'Art, ses forces et ses faiblesses, ses risques et ses dangers. Seulement lorsqu'il l'estima suffisamment informée, passèrent-ils à la pratique.
Il aurait été mal vu qu'une elfe, même intégrée, ne vienne s'entraîner à l'intérieur d'un temple pentien ; sinon interdit. Aussi les exercices auxquels il la confrontait, d'une simplicité enfantine au départ, se déroulaient-ils toujours à la maison. Mesure, discipline et répétition restèrent les maîtres mots tout au long de son enseignement. Même lorsqu'elle estimait avoir appréhendé tous les aspects d'une leçon, il lui demandait de recommencer, encore et encore, jusqu'à ce que ce fut comme une seconde nature. Pédagogue et patient, il trouvait chez elle une élève assidue, infatigable. Il n'était pas rare que, debout au petit matin, il la retrouvât en train de s'exercer au même endroit où il l'avait quittée, quand il rentrait le soir venu. Il n'hésitait pas alors à la réprimander, faisant fi de leur différence d'âge et d'expérience, la sermonnant le principe selon lequel le repos était primordial dans leur pratique.
Ses cheveux s'étaient depuis longtemps parés de blanc quand elle lança son premier sortilège avec succès, mais cela fut un moment de grande célébration pour tous les deux. A son image, son approche était hautement ritualisée, et elle puisait sa force arcanique dans sa foi envers le panthéon elfique. Parfois, au cours d'une session, alors qu'elle formulait une prière, Guisardo voyait passer sur son visage une ombre indicible. Même s'ils n'en avaient jamais parlé; il y voyait le reflet d'un vide, d'une absence d'avoir passé tant d'années loin de son pays. Dans ces moments, il lui prenait silencieusement sa main, et le regard qu'ils échangeaient alors étaient d'une intensité sans commune mesure. A travers la pratique de l'Art, leur lien s'était encore renforcé.
Occasionnellement, ils recevaient Cinzia, l'apprentie aujourd'hui apothicaire confirmée, et Oreste son ancien maître, le quatuor se réunissant au moins une fois par an. Hélas, dans toute leur beauté intrépide, les créatures de la Déesse muette restaient imparfaites. Tandis qu'elle demeurait la même, bloc monolithique épargné par le passage du temps, celles et ceux qui l'entouraient se consumaient, brûlant aussi vite que la chandelle d'une bougie. Les enfants bourgeonnaient, les adolescents fleurissaient, les adultes mûrissaient mais tous, éventuellement, finissaient par se faner. Une malédiction qui, hélas, finit par emporter Guisardo lui aussi. Sa vie, menée aux services des autres, fut récompensée par le départ le plus doux que l'on puisse espérer, s'éteignant paisiblement dans son sommeil.
Vel'yra avait déjà assisté à des funérailles par le passé, mais jamais elle n'y avait participé directement. La bénédiction du prêtre eut naturellement lieu au sein d'un temple de Néera, puis la procession se dirigea vers l'un des cimetières de Thaar, où les dernières prières furent incantées, et le corps mis en terre, l'une des cordes glissant entre les mains de la Taledehl. Elle se rappellerait toujours de cette journée particulière, ainsi que des enseignements que lui avait prodigués le guérisseur. Bien que cela ne représente qu'une goutte d'eau dans l'océan limpide de son éternité, avoir partagé ces quelques décennies avec lui l'avait marquée aussi profondément que les événements qui l'avaient menée jusqu'ici.
Elle ne sut à quel point Guisardo l'avait véritablement aimée qu'en découvrant la dernière surprise qu'il lui avait réservée. Dans son testament, le natif de Thaar lui léguait la demeure qu'ils avaient partagée, ainsi que tout ce qu'elle contenait : son atelier, sa bibliothèque, l'ensemble de ses bibelots et colifichets accumulés au cours des années, mais aussi des choses moins tangibles, les souvenirs qu'ils s'y étaient créés ensemble par exemple. Ainsi, expliquait-il dans la lettre qui accompagnait le parchemin, elle pourrait continuer à vivre ici aussi longtemps qu'elle le souhaitait. Conjecturant tout de même qu'elle souhaiterait éventuellement retourner auprès des siens, il l'encourageait à céder la maison au culte de la DameDieu, le cas échéant, pour que celle-ci ne tombe pas à l'abandon en son absence. Il la remerciait pour tout, pour la lumière qu'elle avait représentée dans sa vie, et souhaitait enfin que Kyria continue de veiller sur elle à jamais.
A sa façon, le temps passé parmi les Vaanis expliquait le regard unique que Lyra portait sur Elenwë, et la personne qu'elle était aujourd'hui. Au cours de son voyage de retour, elle ne s'était pas sentie triste ; mais au contraire heureuse d'avoir eu la chance de partager ces moments. Cette époque avait insufflé à sa vie un nouvel élan ; un souffle jadis perdu, lorsqu'on avait assassiné son souverain. Jeune Aigle alors choisie comme protectrice du palais royal, cet échec vécu comme personnel l'avait plongée dans une spirale de tourmente. Traumatisée, c'est à travers la violence qu'elle avait cherché à expier sa faute... jusqu'à ce que cela ne manque de lui coûter la vie.
Anaëh était telle qu'elle l'avait quittée ; et elle ne se rendit compte d'à quel point celle-ci lui avait manqué qu'au moment d'en apercevoir les premiers arbres. S'il ne lui pressait pas de retourner auprès des Cités et de leurs murs, renouer avec la Première Oeuvre ne lui avait jamais paru si primordial qu'après son absence. Succédant au perpétuel tumulte de Thaar, le calme de la forêt la rasséréna autant qu'il la déstabilisa. Envolés, le ressac des vagues de la côte, les annonces des crieurs, et le choc des roues de carrosses sur le pavé ; remplacés par le chant des oiseaux, les appels des animaux et le bruissement des feuilles. Mais il y avait autre chose encore.
Âgée alors de plus de 700 ans, elle redécouvrait le murmure de la Symphonie ; cette rumeur mélodieuse qu'elle percevait depuis ses plus jeunes années, sans jamais avoir réussi mettre le doigt sur sa provenance exacte. C'était comme surprendre soudain une conversation au sein d'une demeure que l'on supposait vide ; à la fois assez proche pour qu'on l'entende, et trop éloignée pour que l'on en saisisse le sens. Naguère, elle ne s'en était pas souciée, trop préoccupée par ses devoirs et ses obligations. Aujourd'hui, rien de tout ceci de l'entravait. Libre de ses mouvements, elle choisit d'embrasser cette indépendance, différente de celle d'Ithri'Vaan.
Depuis, le Xème Cycle s'était éteint. Le XIème avait vu le jour ; et entre temps, l'Eclipse avait eu lieu. Sans crier gare, un voile opaque était tombé sur le monde. Ni sa vie parmi les elfes, ni celle parmi les hommes n'avaient préparée Lyra à un tel bouleversement. Des semaines durant, les nuits s'étaient entremêlées les unes aux autres, confusément. La forêt avait perdu l'ensemble de ses couleurs. L'obscurité l'avait suivie partout, tel un cauchemar dont on s'éveillerait, uniquement pour se rendre compte qu'on était l'otage d'un deuxième mauvais rêve. Perdue, seule et horrifiée, elle s'était réfugiée dans les prières ferventes, ne se déplaçant plus que lorsque la faim la tenaillait.
Lorsque l'évènement prit fin, elle était encore plus farouche que les Noss. Et pourtant, celui-ci ne l'avait peut-être pas autant traumatisée que le reste des siens. Loin des Cités de pierres, de la population divisée, elle avait été aux premières loges pour assister à la transformation d'Anaëh. Comme le vagissement du nouveau-né, la Première Oeuvre respirait avec une amplitude nouvelle. Les racines épaisses de l'Estel défiguraient la terre ; les branches des arbres tendaient leurs griffes plus loin que jamais ; les fleurs sauvages coloraient le sol d'une palette inédite. En bref, la nature s'était sublimée, et face à ce constat, il eut été facile pour elle de poursuivre cette vie d'ermite, cette autarcie chère aux elfes. Or, après tout ce temps, son coeur lui insufflait enfin le désir de rentrer " chez elle ". Sans se l'expliquer vraiment, elle nourrissait le besoin de renouer avec ses pairs. Se souvenait-on au moins d'elle ? Restait-il une place pour une femme longtemps disparue, et qui avait vécu parmi les maudits " arïns " ? L'avenir le lui dirait.
HRP:
Dernière édition par Vel'yra An'duin Merethyl le Mar 21 Mai 2024 - 17:39, édité 6 fois
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Sujet: Re: Vel'yra'Ymiän An'duin Merethyl Ven 17 Mai 2024 - 21:10
Fiche déplacée pour modifs.
Ancienne fiche:
Possessions & Equipements : Un couteau fabriqué à partir d'un silex et d'un bois de Fanuë ; une cape de plumes diverses et variées, ainsi qu'une robe cousue à l'aide de pétales et de textiles animaux, maints fois rapiécée ; enfin une bourse en peau de Lepiscorni ; ce sont ses seules possessions à l'heure actuelle.
Apparence :
Taille : Relativement petite en comparaison des autres elfes de pierre, on pourrait de loin la confondre avec un noss.
Couleur des yeux : D'un bleu céruléen qui s'est éclaircit avec le passage des siècles, comme si l'astre solaire avait élu domicile dans ses pupilles.
Couleur des cheveux : De celle des blés.
Personnalité : Timide et en retrait, jugeraient les humains. Timorée et fuyante, assureraient les Drows. Mesurée et pensive, pondéreraient les elfes. Peut-être auraient-ils tous raison, à leur propre façon, mais la Lyra du XIème Cycle est assurément meilleure auditrice qu'elle n'est oratrice. Habituée à écouter les plantes et les arbres jouant de leurs instruments, c'est une femme douce mais sauvage, au sens littéral : ne s'étant confrontée qu'aux autres que de manière parcimonieuse depuis sa disparition. C'est peut-être parce qu'elle ne tolère plus que la violence d'Anaëh, celle prodiguée par les animaux cherchant à survivre ; et non celle des siens ou de leurs voisins, de politique et de conquête, de dissenssion et de méfiance. Ou peut-être est-ce simplement parce qu'elle a peur de renouer avec l'autre facette d'elle-même.
Capacités magiques :
Vitaliste, la sensibilité de Lyra à la magie lui a été acquise au cours d'une formation auprès d'un Guérisseur de Néera, celui-la même qui lui a sauvé la vie. Cette formation a duré plus de trente ans, à Thaar, et s'est caractérisée par une grande assiduité ainsi qu'une prudence circonspecte, n'hésitant pas à reculer d'un pas pour mieux avancer ensuite.
A ses yeux, l'Art n'est pas si différent de la Symphonie ; une façon d'entrer indirectement en contact avec les Dieux et, s'ils y sont enclins, recevoir leur réponse à travers la réussite du sortilège auquel on s'est attelé. Cette vision influe directement sur la façon dont elle aborde la magie.
Mesurée mais inspirée, elle à la fois ritualiste et pieuse. N'hésitant pas à appeler Kÿria, Tari ou Elenwë au cours de ses incantations, celles-ci sont une succession de litanies murmurées en elfique, ponctuées de mouvements des doigts et des mains selon la zone du corps à aborder.
Profondément influencée par son mentor et ses années en Ithri'Vaan, la façon dont elle officie peut être déroutante pour les elfes ; une sorte d'hybridation entre les deux cultures, qui trahit la façon dont elle s'est initiée aux arcanes, formée sans jamais avoir consulté le grimoire d'Elenmár.
De manière analogue, son apprentissage s'est d'abord focalisé sur la manipulation des pathogènes, avant de s'orienter vers celle des tissus. Si elle peut s'estimer relativement compétente dans ces deux domaines, ses connaissances envers le contrôle du métabolisme sont pour le moment lacunaires.
Enfin, si elle a continué ses leçons même après avoir quitté son maître, les presque deux siècles de solitude qu'elle a vécus ensuite, et l'absence de pratique qui en résultent, ont significativement impacté sa progression.
Histoire
Le tranchant de sa lame mordit profondément la chair, et la rage se substitua à la suprise au sein des yeux de son adversaire. Ses jambes se dérobant sous lui, il s'éteignit avant d'avoir touché le sol, éclaboussant l'herbe déjà poisseuse du sang de dizaines de victimes. Son frère d'armes l'enjamba sans s'y attarder, se précipitant à sa rencontre. Son bras déjà lourd, elle bloqua le premier coup à l'aide de son bouclier, terminant de réduire la distance entre eux d'un pas diagonal. Leur valse funeste ne dura qu'un instant. Une esquive, une feinte, une parade, une estocade... Par-dessus le tumulte des combats, son cri pourtant vibrant fut à peine plus qu'un murmure, tandis qu'elle plongeait son épée entre les côtes de l'elfe noir. Tel un maléfice, il fut aussitôt remplacé par deux autres Drows, deux ombres sorties de nulle part qui l'attaquèrent de concert.
C'était une succession de vagues scélérates qui tentaient de la submerger, encore et encore ; des coups de béliers incessants contre les remparts de sa volonté. Virevoltante au début de la bataille, ses mouvements s'étaient peu à peu ralentis ; ses réflexes émoussés ; ses coups alourdis. Ses poumons brûlants, ses muscles tétanisés, son corps lui suppliait de s'arrêter. Pourtant, elle continuait de se battre : frappant, s'inclinant, se retirant, s'effaçant pour mieux avancer l'instant d'après, et frapper à nouveau. Elle dansait avec une grâce mortelle sur le champ de bataille, et d'aucuns la voyant ainsi se mouvoir se demandaient si sa main n'était pas guidée par la Dame-Sauvage elle-même ; à moins que le Dieu Aveugle ne se soit emparé de son esprit.
La pointe de sa dague, surgie dans sa main, s'enfonça soudain dans l'œil et jusqu'au cerveau de l'ennemi à sa droite, surpris par sa soudaine rotation. Mais en se faisant, elle avait immanquablement exposé son flanc à l'autre, et s'en rendit compte trop tard. Son souffle la quitta d'un bloc au moment où l'extrémité de la lance entra en elle ; et ses genoux fléchirent, la précipitant au sol. Là, devant elle, il y avait une hampe brisée, ainsi qu'un morceau de tissu. Indifférente, la bannière de l'armée royale la contemplait silencieusement. Boueuse, piétinée sans distinction au milieu de la mêlée, elle avait été déchirée en deux endroits, séparant l'étoile à sept branches de ses trois feuilles dorées. Derrière elle, au loin, elle entendit une voix qui criait : " Tel'sorn ! Heri Ymian ! Tel'sorn ! ". Mais quand elle leva la tête vers son ennemi, prête à recevoir le coup final, c'est le visage de son roi mort qu'elle aperçut.
« Glorfindel. »
Le nom lui avait échappé, l'extirpant de son sommeil. Jaillit des méandres du passé, il lui sembla qu'il restait suspendu un instant dans les airs, la forêt frémissant à son énonciation. Comme si la nature elle aussi, aujourd'hui, se souvenait de lui. Au coeur d'Anaëh, la matinée n'était encore que peu avancée. Loin au-dessus du sol, une brise caressait doucement la cime des arbres, dont les feuilles se mouvaient avec la régularité d'un métronome, d'avant en arrière. Epars, quelques rayons de soleils perçaient timidement l'épaisse frondaison, peinant à réchauffer le sol herbacé. Un coléoptère, perché jusqu'alors sur une tige, s'envola au son de son premier mouvement. Ses yeux à présents ouverts, elle fixait un noeud dans la voûte arborée, au-dessus d'elle. La nuit précédente, elle s'était réfugiée dans l'une des anfractuosités d'un Erboas ; une cavité en hauteur nichée entre quelques épaisses racines sinueuses, rendue plus confortable par sa cape de plumes.
Inspirant doucement, sa main vint se poser contre le bois du Terrefeuille, cherchant du réconfort. Il y avait bien longtemps maintenant que ce cauchemar n'était plus venu hanter son repos, et cela la troublait. Car il y avait bien longtemps, aussi, qu'elle n'avait pas été aussi proche d'une des Cités. Cela la poussait à associer les deux éléments, refusant d'y voir une simple coïncidence. « Merci d'avoir veillé sur moi, » dit-elle malgré tout, à voix basse, comme une confidence. Sous ses doigts, l'écorce parut frémir en réponse à sa voix. La mélodie de l'arbre était ancienne ; emplie d'une sagesse plusieurs fois millénaire. Il y avait en lui un sentiment de familiarité rassurant, comme s'il la connaissait, et elle se demanda s'il n'avait pas parlé d'elle auprès des siens, tandis qu'elle dormait sous son égide. Une pensée qui l'égaya un peu, et l'encouragea à se lever.
Balançant ses jambes sur le côté, au-dessus du vide, elle regarda autour d'elle. La zone d'Anaëh où elle se trouvait était calme, et relativement isolée ; ce qui ne l'empêchait pas de prêter une oreille attentive à la Symphonie. Car elle ne souhaitait pas être prise de court par une patrouille, un groupe de chasseurs ou pire, un prédateur. Une fois certaine de son isolement, elle détacha sa bourse de sa taille et y piocha quelques baies pour un petit-déjeuner frugal, tout en s'imprégnant de l'atmosphère du nouveau jour. L'après-midi promettait d'être chaude pour la saison, à moins que le vent ne se lève, et elle devrait être prudente dans ses déplacements si elle voulait atteindre son but.
Son repas terminé, elle se laissa glisser au bas de son repère, atterrissant en douceur sur un tas de mousse ombragé, rendu humide par la rosée du matin. Inspirant plus profondément cette fois, elle s'avança sous une flaque ensoleillée, et joignit ses deux mains en une coupelle, bras tendus à hauteur de son ventre. Visage levé, ses yeux bleutés cherchèrent un fragment de ciel avant que les premiers mots ne franchissent ses lèvres :
« A Kÿria la Mère, Sévère et Bienveillante, Colèreuse et Confiante,
Que ton Arc guide ma main, Que ta Sagesse m'ouvre la Voie, Et que ton Amour me protège.
A Elenwë l'Enfant, Libre et Créatrice Changeante et Protectrice,
Que tes Ailes me portent, Que ton Souffle m'inspire, Et que ton Mutisme me berce.
A Naelhd, l'Insaisissable. Elusif et Mystique, Sauveur et Onirique,
Que sur chacun d'entre nous tu veilles, Et ceux dans le besoin assistes, Ici tout comme ailleurs. »
Prononcée entièrement en elfique, sa litanie, associant Kÿria et Elenwë, relèverait presque du blasphème pour certains des siens. Mais plus surprenant encore était son choix d'y inclure une créature qui, autrement que par son existence, n'était en rien associée aux Dieux. Une prière qu'elle savait devoir bientôt taire, tout comme le récit de ses années passées parmi les hommes et les femmes d'Ithri'Vaan, longtemps avant son retour en Anaëh. Une vie humaine presque complète, se remémora-t-elle, après une rencontre qui avait mal tournée.
A travers les méandres brumeux de sa mémoire, elle se rappelait du calme assourdissant ; du goût de fer dans sa bouche, et de la douleur dans ses membres ; du bourdonnement des nécrophores, et du croassement des charognards. Elle se rappelait avoir rampé, luttant contre l'évanouissement et l'envie de s'abandonner aux bras de Tari. Son tout dernier souvenir de ce jour fatidique, c'était celui d'un loup blanc s'approchant d'elle, au pelage à la fois de poils et de plumes... un loup qu'elle n'était pas certaine d'avoir simplement imaginé, hallucination d'un esprit rendu exsangue.
Elle s'était éveillée plus tard, tout en souhaitant que ce ne fut pas le cas. Une soif atroce la tourmentait, et une brûlure insupportable se répandait dans son corps. Gémissante et agitée, elle ne s'était calmée qu'au moment où on l'avait forcée à boire un liquide âcre, et empli d'amertume. Des moments qui suivirent, elle n'en gardait aussi que des bribes, rendue délirante par une fièvre insidieuse. Conversations en langue inconnue, ombres s'agitant tout autour d'elles, linge frais lui épongeant le front, il y eut d'autres moments plus confus encore : la sensation de flotter dans l'éther, ou de bondir sur des flots impétueux ; d'entendre des cris angoissés, qui étaient à la fois les siens et ceux d'une autre ; d'une chute vertigineuse, semblant sans fin, sans fin, sans fin... mais qui s'interrompit finalement sur une surface ouatée, confortable, d'où elle refusa de plus bouger.
Six ennéades s'écoulèrent avant qu'elle n'émerge à nouveau. Elle le découvrit plus tard, elle se trouvait à Thaar, hébergée chez une apothicaire novice et son maître demi-sang qui l'avaient trouvée. La croyant d'abord morte, sa situation n'en était pas moins désespérée, et c'est à peine si leurs compétences avaient réussi à l'empêcher de s'éteindre. Tous deux appartenant à un cortège faisant route vers Naelis, ils s'étaient d'abord rendus chez un médecin de Baaz-Hima, dans l'espoir qu'il puisse l'aider d'avantage. Lorsque même lui se révéla impuissant face à son état, capable seulement de soulager ses souffrances, une décision dut être prise : se rendre en Anaëh, et espérer pouvoir la rendre aux siens (revenant plus ou moins à signer leur arrêt de mort), ou s'aventurer un peu plus loin vers l'occident, en quête d'un mage capable de manipuler la Vie. C'est cette dernière option qui fut retenue, et c'est celle qui la sauva.
A qui, ou à quoi devait-elle d'avoir survécu ? Sa seule volonté ? Une intervention divine ? L'opiniâtreté d'une humaine et d'un hybride ? Longtemps, cette question la tourmenterait, jusqu'à ce qu'elle décide simplement d'accepter cette seconde chance. L'homme qui l'avait soignée s'appelait Guiscardo. Il était prêtre, l'un des guérisseurs de Néera. Affaiblie, isolée et en terres inconnues, il la prit sous son toit et sous son aile. A ses côtés, elle apprit les rudiments de la langue oliyane ; à appréhender la culture locale sous tous ses aspects, et de fil en anguille, à se familiariser avec les humains d'une façon qui, si elle n'avait pas quitté les murs de sa Cité, n'aurait jamais été possible.
Avec quelle intensité ils vivaient ! Quelle curiosité, quelle ambition et quelle fierté était la leur ! Se mêlant à leurs vies, elle assista à des pièces de théâtre, admirant les costumes bigarrés des acteurs et leur jeu stupéfiant ; courut sur les ponts de navires et se balança dans les gréements pour le compte de capitaines-marchands ; se faufila dans les ruelles de la ville, poursuivie par des bambins qui l'appelaient : " Sorelh ! Sorelh ! ". De chacun de ces moments, elle se rappelait avec intensité : et avec le recul lié à son âge, ne s'était formalisée que très peu de la corruption, des escroqueries, et de toutes les activités illégales qui foisonnaient en ces lieux, n'y voyant que les travers inévitables d'une race éphémère.
Au milieu de ce monde nouveau, Guiscardo était une figure familière, toujours présente. Au fur et à mesure que sa maîtrise de la langue s'améliorait, les sujets qu'ils abordaient au cours de leurs conversations se complexifiaient. Le soir tombé, se promenant sur les quais à la période estivale, ou au coin de l'âtre à la période hivernale, ils échangeaient sur tout ; comparaient leurs peuples dans des domaines tels que la cuisine, la littérature, ou encore la religion. Inspiré, le prêtre aimait lui parler du culte pentien. Sans jamais faire preuve de prosélytisme, il l'entretenait d'Othar, de Tyra, d'Arcam ou de Néera, à qui il avait dédié sa vie. En retour, elle lui partageait ses connaissances au sujet de Kÿria, et ils s'étonnaient des similitudes entre certains de leurs dieux.
Au fil des années, leur relation se mua en un amour platonique profond ; basé sur le respect, et une compréhension mutuelle de leurs différences culturelles et raciales. Puis vint le moment où Guisardo, se sentant vieillir, choisit d'offrir à son amie la seule chose qu'il jugeait de valeur à ses yeux. Il lui proposa, si elle le souhaitait, de la former l'usage de la magie qu'il avait utilisée pour lui venir en aide. Elle accepta, et ainsi débutèrent-ils sa formation de Vitaliste. Sans surprise, l'approche du prêtre était intimement liée à sa foi. Mais avant qu'ils n'en arrivent à ce stade, le duo devait aborder les Fondamentaux de l'Art, ses forces et ses faiblesses, ses risques et ses dangers. Seulement lorsqu'il l'estima suffisamment informée, passèrent-ils à la pratique.
Il aurait été mal vu qu'une elfe, même intégrée, ne vienne s'entraîner à l'intérieur d'un temple pentien ; sinon interdit. Aussi les exercices auxquels il la confrontait, d'une simplicité enfantine au départ, se déroulaient-ils toujours à la maison. Mesure, discipline et répétition restèrent les maîtres mots tout au long de son enseignement. Même lorsqu'elle estimait avoir appréhendé tous les aspects d'une leçon, il lui demandait de recommencer, encore et encore, jusqu'à ce que ce fut comme une seconde nature. Pédagogue et patient, il trouvait chez elle une élève assidue, infatigable. Il n'était pas rare que, debout au petit matin, il la retrouvât en train de s'exercer au même endroit où il l'avait quittée, quand il rentrait le soir venu. Il n'hésitait pas alors à la réprimander, faisant fi de leur différence d'âge et d'expérience, la sermonnant le principe selon lequel le repos était primordial dans leur pratique.
Ses cheveux s'étaient depuis longtemps parés de blanc quand elle lança son premier sortilège avec succès, mais cela fut un moment de grande célébration pour tous les deux. A son image, son approche était hautement ritualisée, et elle puisait sa force arcanique dans sa foi envers le panthéon elfique. Parfois, au cours d'une session, alors qu'elle formulait une prière, Guisardo voyait passer sur son visage une ombre indicible. Même s'ils n'en avaient jamais parlé; il y voyait le reflet d'un vide, d'une absence d'avoir passé tant d'années loin de son pays. Dans ces moments, il lui prenait silencieusement sa main, et le regard qu'ils échangeaient alors étaient d'une intensité sans commune mesure. A travers la pratique de l'Art, leur lien s'était encore renforcé.
Occasionnellement, ils recevaient Cinzia, l'apprentie aujourd'hui apothicaire confirmée, et Oreste son ancien maître, le quatuor se réunissant au moins une fois par an. Hélas, dans toute leur beauté intrépide, les créatures de la Déesse muette restaient imparfaites. Tandis qu'elle demeurait la même, bloc monolithique épargné par le passage du temps, celles et ceux qui l'entouraient se consumaient, brûlant aussi vite que la chandelle d'une bougie. Les enfants bourgeonnaient, les adolescents fleurissaient, les adultes mûrissaient mais tous, éventuellement, finissaient par se faner. Une malédiction qui l'aurait mortellement peinée, si elle n'avait pas fait le choix le plus sage... et aussi le plus difficile : se séparer d'eux. Afin que ses relations nées à l'aube ne connaissent jamais de crépuscule, elle prit la route vers le nord, emportant avec elles noms et visages.
A sa façon, le temps passé parmi les Vaanis expliquait le regard unique qu'elle portait sur Elenwë, et la personne qu'elle était aujourd'hui. Au cours de son voyage de retour, elle ne s'était pas sentie triste ; mais au contraire heureuse d'avoir eu la chance de partager ces moments. Cette époque avait insufflé à sa vie un nouvel élan ; un souffle jadis perdu, lorsqu'on avait assassiné son souverain. Jeune Aigle alors choisie comme protectrice du palais royal, cet échec vécu comme personnel l'avait plongée dans une spirale de tourmente. Traumatisée, c'est à travers la violence qu'elle avait cherché à expier sa faute... jusqu'à ce que cela ne manque de lui coûter la vie.
Anaëh était telle qu'elle l'avait quittée ; et elle ne se rendit compte d'à quel point celle-ci lui avait manqué qu'au moment d'en apercevoir les premiers arbres. S'il ne lui pressait pas de retourner auprès des Cités et de leurs murs, renouer avec la Première Oeuvre ne lui avait jamais paru si primordial qu'après son absence. Succédant au perpétuel tumulte de Thaar, le calme de la forêt la rasséréna autant qu'il la déstabilisa. Envolés, le ressac des vagues de la côte, les annonces des crieurs, et le choc des roues de carrosses sur le pavé ; remplacés par le chant des oiseaux, les appels des animaux et le bruissement des feuilles. Mais il y avait autre chose encore.
Âgée alors de plus de 700 ans, elle redécouvrait le murmure de la Symphonie ; cette rumeur mélodieuse qu'elle percevait depuis ses plus jeunes années, sans jamais avoir réussi mettre le doigt sur sa provenance exacte. C'était comme surprendre soudain une conversation au sein d'une demeure que l'on supposait vide ; à la fois assez proche pour qu'on l'entende, et trop éloignée pour que l'on en saisisse le sens. Naguère, elle ne s'en était pas souciée, trop préoccupée par ses devoirs et ses obligations. Aujourd'hui, rien de tout ceci de l'entravait. Libre de ses mouvements, elle choisit d'embrasser cette indépendance, différente de celle d'Ithri'Vaan.
Depuis, le Xème Cycle s'était éteint. Le XIème avait vu le jour ; et entre temps, l'Eclipse avait eu lieu. Sans crier gare, un voile opaque était tombé sur le monde. Ni sa vie parmi les elfes, ni celle parmi les hommes n'avaient préparée Lyra à un tel bouleversement. Des semaines durant, les nuits s'étaient entremêlées les unes aux autres, confusément. La forêt avait perdu l'ensemble de ses couleurs. L'obscurité l'avait suivie partout, tel un cauchemar dont on s'éveillerait, uniquement pour se rendre compte qu'on était l'otage d'un deuxième mauvais rêve. Perdue, seule et horrifiée, elle s'était réfugiée dans les prières ferventes, ne se déplaçant plus que lorsque la faim la tenaillait.
Lorsque l'évènement prit fin, elle était encore plus farouche que les Noss. Et pourtant, celui-ci ne l'avait peut-être pas autant traumatisée que le reste des siens. Loin des Cités de pierres, de la population divisée, elle avait été aux premières loges pour assister à la transformation d'Anaëh. Comme le vagissement du nouveau-né, la Première Oeuvre respirait avec une amplitude nouvelle. Les racines épaisses de l'Estel défiguraient la terre ; les branches des arbres tendaient leurs griffes plus loin que jamais ; les fleurs sauvages coloraient le sol d'une palette inédite. En bref, la nature s'était sublimée, et face à ce constat, il eut été facile pour elle de poursuivre cette vie d'ermite, cette autarcie chère aux elfes. Or, après tout ce temps, son coeur lui insufflait enfin le désir de rentrer " chez elle ". Sans se l'expliquer vraiment, elle nourrissait le besoin de renouer avec ses pairs. Se souvenait-on au moins d'elle ? Restait-il une place pour une femme longtemps disparue, et qui avait vécu parmi les maudits " arïns " ? L'avenir le lui dirait.
HRP:
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Sujet: Re: Vel'yra'Ymiän An'duin Merethyl
Vel'yra'Ymiän An'duin Merethyl
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