[Afflux] Un ardent retour (Harald)

Les paroles d’Harald semblèrent, aux premiers abords, plus retenues qu’auparavant. Enfin, il reconnait l’œuvre du Père dans ce que les dawis avaient vu dans le Grand Nord, mais il restait campé sur l’idée que la description faite des lieux étaient encore propres aux sentiments des deux qui se tenaient devant lui. Il était si persuadé de ça, qu’après avoir retrouvé sa place sur son trône, ses propos devinrent insultants et déshonorants, finissant même dans des menaces non dissimulées.

Ararün laissa alors Harald s’exprimer aussi, après tout, il avait pu le faire aussi. Dire qu’il avait été écouté était un autre sujet, mais en ce qui concernait l’officier, ses esgourdes étaient bien ouvertes à cet instant. Il entendait chacun des mots prononcés par le Groman-Rik, chacun des insultes à son honneur et laissait venir à lui chacun des reproches qui lui était fait. Immobile et silencieux, l’Officier resta de marbre, face à tout ça, ne laissant qu’un simple souffle las s’échapper de son museau.

« Si tu as… » Il s’apprêta alors à quitter les lieux, quand Braähm explosa à son tour. Le vieux Main-Ferme, lui, ne laissa pas passer les insultes et reproches en allant même des siens. Ararün retourna à sa place, observant l’échange de son unique œil, toujours silencieux.

Il était en parti d’accord avec le vieux Thane. Faire intervenir un Prêtre du Puissant serait vain, oserait-il dire que Ikthor n’a rien pu faire face à son Père ? Oserait-il confirmer au Groman-Rik les propos d’Ararün et Braähm ? Jamais. Jamais car, comme tous les Dawis, tous craignaient le Père et c’était compréhensible, mais certains plus que d’autres et ils se cachaient derrière de fausses vérités.

Finalement, ce fut le dernier coup de marteau. Main-Ferme invoqua son droit à l’Althinkalan. Ararün lui-même en fut surprise et son expression stoïque se para d’une surprise non retenue. C’était une décision forte et sans retour possible. Fiers-Marteaux dodelina de la tête à cette idée qui semblait néanmoins le contrarié quelque peu. Même si Harald venait de cocher toutes les cases pour que l’on invoque ce droit, ce n’était peut-être pas la meilleure des solutions à cet instant.

Aux vues de la tournure de la discussion, le soldat regarda son Roi assis sur son trône puis Mains-Fermes et finalement, se détourna d’eux. En s’éloignant il lorgna sur l’épée qu’il avait présenté à Harald et qui lui avait été offerte en souvenir. « J’te la laisse, Harald. Vu que je déshonore les morts, cette arme n’a rien à faire entre mes pognes. » Fit-il simplement en désignant l’arme en question. Une manière pour lui à la fois de marquer son mécontentement face à cette situation, mais aussi de ne pas s’embarrasser d’un fardeau qu’il jugeait bien trop lourd. Il se dirigea vers la sortie de la pièce.

La colère de Braähm ne reçu aucun écho de la part de Harald. Assis sur le trône qui lui fut confié voilà quatre années, il regardait le vieux Nain qui, s’il était honorable par l’âge et ses actions passées, se déshonorait de plus en plus par ses actions et ses pensées, passées… Mais surtout présentes.

Pourtant… Se rendait-il compte de ce qu’impliquerait un réel retour de « Barbe-Sanglante » ? Se doutait-il seulement de ce qu’Harald avait pu dire, faire, penser ou commettre, à l’époque où Mogar, en plus d’être le Père de tous les Nains, était la divinité référente, adorée et suivie par l’ancien capitaine ?

Non, définitivement non…

S’il avait toujours été « Barbe-Sanglante » comme dans les temps jadis, Harald aurait combattu Braähm lui-même lorsqu’il entendit, voilà seulement deux ans, qu’il tentait de rencontrer les thanes de certains clans de combattants de Lante, Thanor et Kirgan, afin de les convaincre de le suivre dans son entreprise : faire changer Harald d’avis quant à la paix avec les Humains. Quelques thanes Lantais, fidèles à Harald, l’avaient tenu informé : Braähm n’était pas d’accord avec cette paix en échange de la mort d’un seul noble, et désirait convaincre les thanes de sa vision, après quoi, ils viendraient tous ensemble convaincre Harald d’un changement de position… Sans doute pour la guerre.

Apprendre cela avait été un choc pour Harald, qui aurait cru sa décision indiscutable bien qu’impopulaire, même auprès de Braähm. Sans doute qu’en étant « Barbe-Sanglante » il cogné Braähm avec force et violence, pour nettoyer ce début d’affront. Du moins, d’affront selon Harald. Et aujourd’hui, alors que les mots dépassaient les pensées, il pourrait aussi le faire… S’il était encore « Barbe-Sanglante »

Mais, à la place, Harald laissa Braähm s’épancher à sa colère. L’ancien Gazanundi reconnaissait toutefois volontiers l’importance de ses propres propos qui, en effets, n’étaient point dénués d’insultes envers les deux Dawis qui, pourtant, avaient relevé leur mission avec force. Oui, il reconnaîtrait sans doute cette erreur…

Mais point aujourd’hui. Car, alors que Braähm s’énervait de l’attitude de Harald et du fait de ne point avoir eu raison, le voici, à nouveau, qui voulait faire pencher la balance en sa faveur… En invoquant l’Althinkalan. L’assemblée des thanes, autrefois commandée pour élire le nouveau souverain après la mort, l’abdication ou la vieillesse du précédent… Aujourd’hui, pour satisfaire la volonté de Braähm.

« Ainsi, tu convoques l’Althinkalan, afin que tous les thanes se rassemblent en cette salle. Car, selon toi, je n’ai ni l’honneur, ni le courage, de redonner au Père un semblant de place dans notre société. Ma décision ne te plaît donc pas, et, tel un marmot à qui on a retiré sa hache en bois, tu caprices pour pouvoir avoir ce que toi tu veux. » Dit Harald, dont la colère s’éveilla à nouveau à ses propres propos. Le temps de la réflexion l’avait atténuée… Mais répondre à Braähm relançait cette colère qui couvait comme la lave sous le toit d’un volcan. « Le fait que tu ne me fasses plus confiance est compréhensible. Saches que cela est réciproque aujourd’hui… J’avais autorisé ta présence au cœur de la cohorte vers la montagne, afin que la confiance puisse revenir, espérant que nos désaccords passés et notre entente d’antan, puissent nous revenir. Après tout… N’avons-nous pas combattu ensemble, dans les entrailles de Kirgan ? N’avons-nous pas failli mourir côte à côte ? » Dit Harald, se remémorant effectivement cette bataille contre une créature odieuse, qui avait failli tuer les deux protagonistes. « Lorsque j’ai appris, il y a deux ans, que tu tentais de rallier des thanes à ta vision des choses concernant la paix avec les Humains, pour ensuite défendre à nouveau ta position, renforcé par les soutiens que tu aurais pu avoir… Mon cœur s’est brisé. Si j’avais été Barbe-Sanglante, comme je l’ai longtemps été… J’aurais sans doute réagit avec violence, face à ce défi à mon autorité… » Lui dit-il, avouant donc qu’il en savait beaucoup sur les actions de Braähm. « Fort heureusement, tu as arrêté ton entreprise seul… Je n’ai jamais su pourquoi. Mais je t’en ai intérieurement remercié. Mais aujourd’hui, parce qu’encore une fois, ta volonté n’est pas satisfaite, tu tentes d’outrepasser la mienne en convoquant tous les thanes de notre peuple ? » Résumait-il, regardant Braähm. « Je ne t’insulterais pas à nouveau en te rappelant que tu as l’âge d’accepter les décisions de ceux qui dirigent au-dessus de toi, car tu vis depuis plus longtemps que moi. Mais je comprends enfin que, si tous nos frères et sœurs savent être têtus, bornés, et solides sur leurs appuis, toi, Braähm, tu ne sais pas accepter ce qui ne va pas dans ton sens. Hier déjà… Et encore aujourd’hui. » Conclut-il, quittant son trône, descendant à nouveau l’escalier pour faire face à Braähm. « Mais convoquer l’Althinkalan est dans tes droits. Aussi assumerais-je l’organisation de cette assemblée immense, afin que tu puisses me défier à nouveau face aux thanes de tout le royaume. La question du Père, TA question, sera alors laissée à la décision des thanes. Et je m’y plierais… »

Se retournant vers Ararün, il l’écouta abandonner le fardeau de l’épée graverunée… Avant de quitter la salle, visiblement irrité, sans se retourner. Il n’eut point le temps ni la possibilité de lui dire quoi que ce soit… Mais le Roi respecta la décision et la réaction de ce guerrier bien connu. Alors, il se tourna vers un garde, lui demandant de récupérer l’épée et de la mettre en lieu sûr. Il reporta alors son regard sur Braähm, pour la dernière fois.

« Si tu n’as pas changé d’avis d’ici 3 jours, sois assuré que les missives commandant l’Althinkalan en ton nom, seront envoyées aux quatre coins du royaume. Je dois ensuite me rendre à Lante, pour une affaire importante… L’Althinkalan aura donc lieu à la fin de l’été. » L’informait-il. « Je prierais Yaron qu’il puisse t’éclairer. Puissent les divinités te protéger. »

Puis il quitta la salle, sans retour.