Le crépuscule enveloppait l'horizon marin d'une palette de teintes chaudes, tandis qu'une brise légère agitait les voiles du bateau qui flottait sur les eaux calmes. Un embarcation relativement solide pour la pêche fendait silencieusement les vagues, dirigée par un homme portant des vêtement défraîchis. À ses côtés, un autre marin qui semblait en symbiose avec les mouvements que leur imposait les flots, et de l’autre côté un géant plus au moins confortable. Il avait troqué son armure poli par une armure de cuir, recouverte d’une cape de voyage - il n’avait guère l’allure qu’il avait la dernière fois qu’il avait rencontré le Rokvenha. Mais néanmoins, ce dernier avait une splendeur incontestable. L'acier poli de son épée était à la hauteur de la réputation qui précédait le chevalier, un homme de courage et d'honneur prêt à affronter les défis les plus redoutables. À mesure qu'il s'approchait du vaisseau pirate, ses yeux déterminés scrutaient la silhouette massive de l'embarcation. Le murmure de l'eau contre la coque de la barque se mêlait au grondement lointain des vagues frappant le vaisseau, créant une symphonie maritime qui soulignait l'importance de cet instant.
La barque du chevalier s'amarra avec un léger grincement, annonçant son arrivée imminente sur le vaisseau pirate. Le chevalier se leva avec une prestance royale, ajustant sa cape derrière son épaule, alors que le forban qui l'accompagnait grimpait sur le navire, puis ce fut à son tour d'agripper l’échelle de corde qu’on venait de lui lancer. L'air vibrait d'une tension électrique, chacun des regards croisés révélant la collision imminente de deux mondes, celui de l'ordre noble et de la liberté des flibustiers.
« Allez ch’rcher l’Cap’tain! » Commença le Mecan alors que le géant venait de mettre son pied sur le pont. L’air grave, le nordien détailla le moindre forban sur le pont, tentant de reconnaître ceux qu’il aurait pu voir à Bransat. Son regard croisa celui de la semie-elfe qu’il connaissait déjà, plissant instantanément du nez. Au moins, il venait d’avoir la confirmation qu’il était au bon endroit et qu’on ne lui avait pas totalement menti. Le mecan reprit, parlant à son camarade;
« Y connaît l’rose! » La rose… Adélina lui avait parlé de son surnom, un dérivé de celui qu’on lui avait donné à Lodiaker… Mais il avait la vague impression que les raisons pour lesquelles les Mecans lui avaient donné un tel nom n'étaient pas les mêmes que les alonnais. Aubry replaça sa cape de voyage sur son épaule. Dévoilant son épée à sa taille ainsi qu’un poignard. Il se doutait bien que cela n’effrayait pas les pirates, mais il n’était pas venu ici pour rigoler. Il jeta un regard au pêcheur alors que l’homme arriva à sa hauteur, semblant chercher du regard quelque chose ou quelqu’un…
Croqueuse, les oreilles pointues à la vue de tous, fixa le chevalier en gardant les bras croisés sous sa poitrine. Un léger sourire aux coins des lèvres s’étira lentement à mesure qu’elle le remarquait mal à son aise sur le pont. Les yeux de la demi-elfe glissèrent vers les armes alors montrées au reste de l’équipage et sa voix brisa son silence.
“Si tu comptes nous intimider d’la sorte, t’es mal tombé mon chou…” Le regard du chevalier se porta à nouveau vers la semie-elfe avant que ce dernier ne prennent la parole dans un oliyan parfait;
« Qui a dit que j’essayais d’intimider? » Il croisa ses bras sur son torse, fixant cette dernière.
« Je ne suis pas venu ici pour jouer. Là est la différence dans le message… » Croqueuse décroisa ses bras et s’avança lentement vers lui, d’une démarche féline.
“On te fera pas d’mal, détend toi, l’Rok’ devrait pas tarder.” Elle fit un signe à d’autres marins derrière elle qui se dirigèrent ensuite vers la cale. L’attention de la seconde se tourna alors vers le pêcheur.
“Et toi, alors… J’suppose qu’tu veux revoir tes p’tits gars ?” Le vieux pêcheur hocha vivement, joignant ses mains devant lui comme dans une supplique silencieuse. La jeune femme regarda alors derrière les nouveaux arrivants, ses sourcils se fronçant quelque peu.
“L’en manque un, là…” Elle n’eut pas le temps de poursuivre qu’une voix claqua de l’autre côté du pont, cinglante comme un coup de fouet.
“Qu’Eris l’emporte c’chien.” Le Rokvenha traversa le pont, glissant les mains dans les poches de son veston en observant le pêcheur et Aubry. En arrivant à proximité, il tapa sur l’épaule du pirate qu’il avait envoyé une ennéade plus tôt et le gratifia d’un signe de tête. L’homme avait gagné une bonne prime en réussissant sa mission. Puis, il porta son attention sur les deux étrangers à son équipage. Au pêcheur, le capitaine sourit et désigna alors en direction de l’entrée de la cale.
“Z’arrivent t’en fais pas, on leur a pas fait d’mal comme conv’nu, par cont’... J’pense qu’y’aura un p’tit changement dans l’programme, mais ça… Faut que j’vois avec mon ami ‘ci présent, hein ?” Il tourna alors la tête en direction d’Aubry.
“... J’vois qu’on a r’trouvé un aut’ chien sur l’route du r’tour, mais c’te fois-ci c’est un d’ceux qu’montent la garde… C’est quoi ton nom déjà à toi ?” Le capitaine regarda le chevalier, il le connaissait de vue car ses souvenir le ramenaient bien loin, à Bransat, mais il savait qu’il était lié de près ou de loin à Adélina et par ce fait, il était un allié sur le moment.
Le nordien reporta rapidement son attention sur le Capitaine, le reconnaissant rapidement. La dernière fois qu’il l’avait vu, ce dernier était sur un lit à moitié mort. Les bras toujours croisés, ce dernier reprit rapidement la parole;
« Aubry de Lourbier… Adélina est ma cousine et ma suzeraine. » Commença-t-elle avant d’hausser les épaules;
« Enfin.. Ma précédente suzeraine. » Aubry décroisa rapidement ses bras avant de reprendre la parole;
« Quant à l’autre chien - Je vais supposer qu’il s’agit du dénommé Holden… » Son regard devint acéré, il aurait bien voulu terminé ce qu’il avait commencé à celui-là.
« Mais non il est mort. Je vais supposer que vous ne travaillez pas avec ce traître… » Un long sifflement sortit de la bouche du Rokvenha quant Aubry évoqua Holden. On aurait dit un reptile prêt à mordre.
“J’l’avais fait v’nir car il avait des contacts ici, ça m’était bien utile, aye, mais maint’nant qu’j’ai ce que j’veux et qu’lui paye c’qu’il doit, j’vais pas l’plaind’...” Il sourit alors, en entendant revenir de la cale les deux hommes accompagnés des pirates.
Karl, le pêcheur reconnut son fils et son neveux et s’approcha rapidement d’eux. Les deux hommes semblaient en bonne santé, aucun mal ne leur avait été fait. Rokvenha fit un signe à Aubry, lui intimant d’attendre un moment et se tourna vers le pêcheur.
“En temps normal, j’t’aurai fait payé qu’un d’mes gars soit pas d’retour, mais comme j’en ai rien à fout’ d’celui là, j’te l’compte pas… Tu r’marqueras qu’j’ai pas touché à un ch’veux d’tes p’tits gars… Prend les et barre toi.” Il fit un signe de la main pour signaler que les deux jeunes hommes étaient de nouveau libre et revint à Aubry.
“L’cousin, aye. J’suis l’Rokvenha, mais ça tu dois t’en douter, car t’aurai pas suivit un mécan sans raison, dis moi donc… Pourquoi tu viens m’voir direct’ment ?” Il invita le chevalier à le suivre d’une main posée sur son épaule, amicale.
Au même moment, le trio péninsulaire quitta le pont et regagna sa barque, heureux de s’être retrouvé. Quand les trois hommes furent à bonne distance du Capitaine et qu’ils commencèrent à manoeuvrer pour se séparer du boutre, Caleb fit un signe de la tête à sa Seconde avec un léger sourire. En quelques secondes, plusieurs marins s’équipèrent d’arcs et de flèches et se placèrent près du bastingage, décochant une volée en contrebas. Du pont on entendit seulement les cris de douleur des trois marins qui périrent sur le coup.
Rokvenha, accompagnant toujours Aubry se justifia d’un simple haussement d’épaule.
“L’dure loi des ‘ffaires, hein ? héhé, ‘llez j’t’écoute.” Il le dirigea alors en direction de sa cabine, ouvrit la porte et l’invita à entrer avant lui. Aubry ne broncha pas alors que les pirates éliminaient les pêcheurs. Ce n’était guère l’acte le plus cruel qu’il avait vu et pour être honnête, vu les circonstances ce n’était pas une si mauvaise idée. Il entra dans la cabine - se penchant pour éviter le cadre de porte - avant de s’arrêter en plein milieu, laissant le Capitaine s’installer où il voulait. Pas nécessairement une preuve de respect pour ce dernier, mais plus l’habitude qu’il avait pris après ces années au service de différents nobles. Rokvenha s’installa sur son bureau, face à Aubry, le regardant pour l’écouter.
« Je sais qui vous êtes, je vous ai vu à Bransat, mais vous étiez dans un bien pire état. » Dit-il d’un air neutre, ce n’était pas une insulte, mais un fait.
« Je suis ici pour Adélina. Personne d'autre. Elle a de graves ennuis… » Son regard devint acérés;
« Grâce à ce salopard d’Holden d’ailleurs… » Aubry croisa ses bras sur son torse, alors qu’il fixait le Capitaine;
« Il y a quelques ennéades, Adélina et moi étions en Ydril incognitos pour le retrouver. Elle voulait vous revoir et Holden était sa façon de vous joindre. Mais il se trouve qu’il ait décidé de parler à d’autres gens de ce petit message. Pour commencer avec Louis d’Ydril et après avec Norbert d’Ydril… » Le Rokvenha pourrait sentir la colère chez le chevalier alors qu’il racontait son histoire;
« Avec cette information, Norbert a arrêté Adélina en l’accusant de piraterie il y a quelques jours et l’a gracieusement enfermée dans ses geôles en attendant l'arrivée du Duc. » Aubry soupira avant de reprendre;
« Je ne crois pas que je dois vous faire un dessin de ce qui arrivera à Adélina une fois que le Duc apprendra qu’elle a essayé de te contacter et les sen… » Il toussa, comme pour reprendre contenance;
« Et ce qu’elle lui a caché. Il aurait pu la tuer pour moins que ça, et je ne sais pas vers qui me tourner. J’ai besoin de quelqu’un qui peut la sortir rapidement de la péninsule. » Aubry redressa la tête avant de continuer;
« Selon ce qu’Holden m’a dit - vous seriez intéressé à l’aider... »Attentif à chaque mot, Rokvenha paraissait stoïque et perplexe aux propos d’Aubry, donnant l’impression de ne pas y attacher une quelconque importance et confiance. Quand le chevalier eut fini, le capitaine passa une main sur son visage, pinçant l'arête de son nez dans un geste d’agacement en grognant quelque peu.
“J’bien fais pas fout’ m’pieds à Siriac, hein ?” Il sourit à l’homme d’un air amusé comme si c’était là toute la conclusion qu’il en avait tiré.
“J’vais pas t’faire d’promesse l’Cousin, car j’sais pas trop comment ça va s’finir, mais aye, j’suis venu dans ces eaux pour l’aider … J’lui avais donné ma parole que j’ferai déferler l’Eris sur tous ceux qui lui f’rait du mal et me v’là.” Il écarta les bras, triomphal et souriant.
“J’peux pas poser l’pieds à terre donc va m’falloir plus qu’des simp’ choses qu’je sais déjà si t’veux que j’te file un coup d’pouce, par cont’...” Il pencha légèrement la tête sur le côté et offrit un sourire à Aubry.
“Ca va t’couter à toi et ta cousine que j’vous tire d’ce merdier là… ‘lors l’Rose j’en fais mon ‘ffaire, mais toi, on en r’discutera l’moment v’nu, bien clair ?” Il tapa dans ses mains comme pour se motiver et se redressa d’un bond.
“Alors, dis moi tout c’que tu sais mon bon Cousin !” Aubry n’eut guère de réaction alors que le pirate faisait son petit spectacle, Il débattait pendant quelques secondes, se demandant si il devait dire quoique se soit sur le fait que ce dernier n’était pas venu à Siriac. Puis, osa finalement dire;
« Je crois que tu ne réalises pas ce que cette absence à causer… » Une barrière venait de tomber, le noble ne vouvoyait plus le pirate. Il lui parlait comme son égal. Après tout, il respectait la soi-disant promesse qu’il avait faite à Adélina…
« Mais je le sais pour la promesse … C’est pour cela que je suis ici. » En réalité, il savait énormément de choses sur le pirate. Beaucoup plus qu’il devrait en réalité, mais il se retint d’en dire plus. Il toussota, avant de reprendre la parole, changeant définitivement le sujet;
« Quant aux prix, je m’en doutais bien. Dis-moi ce que tu veux, et nous pourrons commencer là… Mais je sais où est Adélina en ce moment, du moins je sais dans quelle ville la trouver. Elle aurait réussi à s’évader des gêoles ydrilotte. »Lentement, comme un prédateur jouant avec sa proie, le capitaine forban tourne autour d’Aubry en l’écoutant. Ce n’était pas une tentative d’intimidation, du moins, pas directement, mais il semblait avoir besoin de se mouvoir.
“L’prix va êt’ simp’ l’Cousin, à combien t’estime la vie d’la Rose … Voilà mon prix, pour sa part à elle, t’en fais pas, elle et moi on a p’tit arrang’ment déjà…” Il sourit de plus belle, visiblement, il a fait l’impasse sur l’épisode Siriac volontairement ou non, impossible à savoir.
“En c’cas, dis moi ou j’dois voguer et on va la chercher, par cont’ j’te préviens… J’veux pas d’tes conneries d’chevalier servant ou aut’, si j’dois caner hommes femme et chiards pour la récupérer, j’canerai qui bon m’semble bien clair ?” Le chevalier ne sembla guère impressionné par le pirate alors que ce dernier marchait autour de lui. Il fallait dire que le nordien devait déjà faire une tête de plus que le capitaine. Il le laissa parler mais son expression changea - de neutre il devint presque colérique. Ses sourcils se froncèrent, alors que son corps sembla se tendre. Néanmoins, Aubry le laissa parler avant de finalement se retourner vers lui, faisant un pas non sans planter son regard dans le sien.
« Il y a quelques choses que tu vas devoir comprendre, Rokvenha… Tu as peut-être passé un mois avec Adélina, mais je ne crois pas que tu comprennes la relation qu’on a dans notre famille… » Il se détendit légèrement, tentant de ne pas paraître trop agressif avant de reprendre la parole;
« Alonna a peut-être donné de l’argent pour retrouver sa baronne - tout comme Soltariel. Mais nous, on n'a jamais abandonné. On a remué terre et mer pour la retrouver et quand ce Garrick s’est pointé - c’est moi qui lui ait fait face. » Son regard devint acéré;
« La vie de ma cousine n’a pas de prix. Il n'y a pas assez de souverains, de trésors dans ce monde pour me retourner contre elle, ou pour représenter ce que sa perte représente. Je l’ai vu grandir Rokvenha… Je l’ai retrouvé quand Lodiaker était ravagé par la peste. C’est moi qui l’ai sauvé quand elle s’est fait poignarder par Prudence de Langehack… Je l’ai suivi à Soltariel parce que je la considère comme ma petite soeur. Pour nous, la famille est sacrée. Il n’y a rien qu’on ne ferait pas pour l’autre. Alors me demander le prix de la vie de ma cousine, est futile. » Son regard devint acéré;
« Tu n’es pas le seul qui remuerait mers et montagnes pour sa sécurité. » Le chevalier, fit un pas de reculons avant de reprendre la parole;
« Si des gens doivent mourir pour qu’on le récupère - soit - je ne t'arrêterais pas.» Aubry resta silencieux un moment avant d'ajouter;
« Elle est à Tylère.»Rokvenha grogna quelque peu avant de s’écarter vers son bureau, se penchant sur une carte nautique à la recherche de Tylère.
“T’parles beaucoup l’Cousin, mais t’as répondu toi-même à l’question, héhé… Tu connais donc l’prix à payer pour La Rose.” Sans quitter du regard la carte. Derrière lui, Aubry acquisçat, connaisant déjà ce que ce dernier insinuait par telle déclaration.
“On va r’partir direct’ment vers là-bas et aller l’chercher.” Il se lève et se dirige vers la porte de la cabine.
“A partir d’maint’nant, t’écoute Croqueuse et Rocaille, sur c’navire c’est eux qui commandent à ta place… Un mot d’travers, même si t’es un nobliaud ou tout aut’, j’te donne à manger aux poiscailles et ça m’ferait bien chier.” Il sortit enfin de sa cabine, s’assurant que le Chevalier soit derrière lui aussi et se mit à hausser le ton.
“Aller l’gars ! On r’prend’ la mer cap sur Tylère :!”