La lune sanguine précède l'aube dorée [ Eylohr ]

Vérimios, premier mois d'hiver, troisième jour de la première ennéade
An 21 du XIe Cycle

« Hey, ce soir, on s’en jette un ? J’ai vu que le fret de cet après-midi contenait des barriques bien pleines de jus en provenance d’Ydril. Et à ce qui parait, il tabasse le rouquin, héhé!

« Quoi ? Qui t’a permis de taper dans la marchandise, p’tit fot-en-cul ? »

« Euh, bah euh … Non, mais euh, on irait le demander ouais, j’veux dire… On irait en acheter quoi. » ânonna le pauvre mataf, l’air hébété par le revirement de situation. Le bougre s’était fort probablement attendu à plus de bonhommie du premier matelot qu’était Le Goff, mais au vrai, l’affreux s’était raffermit depuis les responsabilités nouvelles qui furent échues sur ses épaules.

« De toute façon, j’ai à faire ce soir. Alors ce sera pour une autre fois, mon gars. » Répliqua Le Goff, taciturne.

« Eh ben, ça te va pas du tout toi de prendre du galon. Tu tires la même tronche que Danlgorb quand il avait la chaude-pisse. J’voudrais pas voir la gueule que tu aurais si le Prince t’avait demandé de récurer les latrines. » Et il avait raison, Le Goff n’avait rien de plus pour lui que les bras et la volonté des marins les plus hardis, voilà bien pourquoi les missions qu’on lui confiâtes faisaient poindre en lui une anxiété qu’on ne lui connaissait pas. Pas le plus malin des hommes, mais doté d’une fidélité propre aux dogues les mieux dressés, sa mission -pour ce qu’il en savait- était somme toute assez simple et claire : il devait ratisser chaque recoin des bas-quartiers dans l’espoir de retrouver un homme aux multiples sobriquets. Le requin, l’Abysse ou plus simple encore, Le Rouge, voilà bien tous les nombreux noms de théâtre sur lesquelles Le Goff dût appuyer ses plus amples recherches. La renommée de ce dernier allégeât tout de même son labeur, car bien que ses deux dernières noctes furent couronnées d’insuccès, ses déplacements ne passaient que rarement sous le linceul de l’anonymat et les endroits qu’il fréquentait se targuaient bien de sa venue.

Par tans, après avoir vermillé les auberges et tavernes les plus fréquentées par le flibustier, à la tombée de la nuit, c’est directement dans les plus illustres tanières de croqueuses d’hommes qu’il voulu parachever ses recherches. La sorgue était fraîche, tout comme les autres d’ailleurs : la froidure de l’hiver se montrait plus opiniâtre que jamais, à la même mesure que la grosse vérole d’une puterelle suppurante. Et l’austérité du climat avait de son côté l’humidité de la mer ainsi qu’une brise de l’occident : aussi bien dire qu’au dehors, il n’y arpentait dans les rues que les plus misérables des âmes, riches de la plus ample des pauvretés ou encore, torchés de pieds en cap par le picrate et la vinasse bon marché. Engoncé dans une épaisse bardache sans frische et d’un pourpoint doublé, Le Goff souleva sa torchère en direction des maintes enseignes qu’il croisa, cessant son interminable périple lorsqu’il vit l’écriteau dont on lui avait narré la possibilité d’y voir l’écumeur.

« Bon, quand faut y aller… Soupira Le Goff, l’anxiété de l’incertitude commençant à le ronger de l’intérieur. Non, le batelier se faisait du sang d’encre et pour preuve, l’idée que derrière ce portail de bois se porte à lui le gracieux boléro de quelques mamelles pelées de toute pudeur, n’arrivait pas même à rider son visage d’un simple sourire. Ahhh et puis merde! Dans le pire des cas je me fais casser la gueule, dans le meilleur je pourrai tremper ma cuillère dans la soupe, le jeu en vaut largement la chandelle, pensa le gabier, en franchissant finalement les portes de l’établissement.

Il n’eut à compter l’entièreté de ses dix doigts pour qu’une alléchante courtisane vienne l’accueillir chaleureusement en l’embaumant du parfum propre aux coureuses de remparts.

« Je peux te réchauffer, peut-être ? Avec moi, il y a peu de chances que tu aies froids… » Lança la jeune donzelle aussi subtilement qu’elle avait de vêtements sur les épaules.

« Euh… Oui, euh… D’accord, dans un premier temps, mais en fait… » Balbutia Le Goff, comme si la vue de la sirène lui fit momentanément oublier sa mission première. « Je suis à la recherche d’un homme qu’on nomme Le Rouge. Il aurait visité les lieux récemment, peut-être ? Ou mieux, oui mieux, il serait pas dans les environs, à tout hasard ? » Et suite à sa question, le marin posa sa grande paluche ornée de corne sur la frêle épaule de la gouge, glissant tout doucement vers la chute de ses reins pour la quitter et cueillir dans sa propre poche, quelques écus qui pourraient, possiblement, lui délier la langue, qu'elle fusse oui ou merde propre de ses derniers clients.

« Bordel, ramène la p’tite sœur avant que j’m’énerve ! »

Frappant deux fois de son épaisse pogne sur le bois rendu frêle par les années de service au sein de ce bouiboui sombre et humide, Eylohr faisait montre de toute son impatience et de sa promptitude à… Effrayer quiconque se montrerait face à lui. C’est que le Capitaine de l’Abyssale avait bien des choses à boire aujourd’hui : depuis le début de l’hiver, il était l’envoyé spécial du capitaine – ou devrions nous dire Amiral maintenant – le Rokvenha dans cette partie du monde. Son rôle était simple : préparer de-ci, de-là, une base arrière pour la flotte pirate qui ne faisait que grandir. Premier d’une vague qui semblait ne point pouvoir s’arrêter, Eylohr était maintenant le Lieutenant de la flotte. Et ces responsabilités étaient… Quelque peu effrayantes pour le marin aux muscles noueux et à la violence notoire. Mais cela éveilla des choses… Des idées… Des… Envies, chez l’ancien marin Vaanie aujourd’hui flibustier pirate voguant auprès de la plus grande menace sur mer !

Le Langehack. Voilà ce que désirait Caleb. Pourquoi ? Eylohr n’en savait rien, et à dire vrai, il n’avait pas réellement envie de savoir le pourquoi du comment. Sa seule et unique motivation, il l’avait exposée au fameux capitaine qui-vogue-avec-le-Wagyl : l’aventure, l’or et la gloire. Il voulait voir du monde, et naviguer sur toutes les eaux ! Il voulait rencontrer les Elfes, voler les plus riches de ce monde, abattre les plus grandes crapules et coucher avec les plus belles femmes… Quoi qu’en dise Ariana.

Sa première mission, donc : le Langehack. Les ordres du Rokvenha étaient clairs : fonder une base arrière à Thaar, ou dans les environs du territoire Vaanie, afin que la flotte puisse vendre les matériaux et fournitures négociées ça et là par Adélina, volées ou pillées par les pirates, mais aussi, pour pouvoir effectuer les recrutements, les réparations, en eaux neutres et profondes. Et, dès qu’il le pourrait, attaquer le Langehack par tous les moyens possibles et imaginables !

Alors, parfois, il fallait bien faire descendre la pression. Et si les soirées endiablées avec Ariana étaient ô combien passionnantes et efficaces, sortir du navire pour pouvoir faire la fête, boire jusqu’à plus soif et rencontrer les plus belles femmes de Thaar n’était jamais quelque chose qu’il refusait. Oh non !

« Faut que j’la brasse moi-même c’te foutue binouze ou quoi ?! »

Comme si son dialecte ne trouva oreilles pour en déchiffrer les mots, la femme de petite mœurs tua la distance qui la sépara du marin, entrelaçant son index dans les premiers lacets de sa chemise. Elle singeât la suavité des femmes les plus lascives, laissant sous-entendre dans sa protestation muette qu’elle n’avait aucune fichtre idée de sa question précédente. Ah, et puis merde ; qu’il aille se faire encorner ce fot-en-cul de pirate! J’ai bien mérité de me faire peler le jonc, j’ai les couillons aussi lourd que l’est cette mission, pensa-t-il à mesure que la succube continuait à le dévêtir, bouton par bouton, lacet par lacet…

« Moi, je l’ai vu! » Interrompit une gamine si jeune, qu’il était à se demander si la gueuse était en âge de se torcher le fion.

« Ahem… Oui ? » trouva-t-il simplement à ajouter, décontenancé par la plantureuse paillarde.

« Je vous le dit, monsieur! Il boit là-bas, enfin, boire : il dévalise tout ce qu’il peut avaler oui… » Le Goff se trouva bien en mal d’attrister la pute de son départ ; elle devrait hélas, se trouver un autre débile à qui ponctionner LES bourses.

Il replaça à peu près les crevets de sa cotte, puis serpenta au travers la foulée de gens qui s’adonnaient, ci et là, à toute sorte de dépravation sans vergognes. Cet endroit, où pudeur n’avait de sens dans la bouche des gens, exhibait au tout venant des paysages bien hétéroclites. On pouvait y admirer du coin de l’œil le déhanchement chaloupé des plus adroites séductrices, ou la bite molle d’un sexagénaire qui râlait face à son impuissance. Du lot, dans tous les cas, un homme se démarquait. Droit comme un roc, une musculature qui mettait à l’épreuve le tissu de ses affublements, des tatouages zébrant son derme hâlé de part et d’autre et une charpente d’ogre : cela ne pouvait être que lui. Par le cul lunaire de la Néera, faites qu’il ne m’en colle pas une d’amblée! Le Goff s’enquit à la tenancière de deux bières noires fermentées en barrique de rhum : elles avaient pour elle un caractère à en faire grimacer les plus dur à cuir. Encore dotées de leur col mousseux, Le Goff s’approcha du pirate et glissa sous son nez la bibine.

« Tu serais pas le célèbre Requin, à tout hasard ? »

« Ah ! Enfin ! D’puis l’temps que j’l’attends l’binouze ! Eh, tavernier ! Met d’jà deux tonnelets en perce maintenant, avant que j’m’énerve ! Ça évitera d’attendre aussi longtemps bordel ! »

S’il s’attendait à pouvoir reprendre sa guindaille sans faire attention ni aux bruits ni aux atours monstrueux et ô combien difficiles de sa personnalité, une nouvelle arrivée changea tout, absolument tout. Un homme, l’air solide mais gringalet en comparaison d’Eylohr et d’Ulysse, son second, s’approcha et, sans demander quoi que cela soit, déposa sous le tarin pointu du pirate sanguinaire, une pinte de bière sombre exhalant des volutes d’alcools. Oh, elle devait être forte, et sans doute pleine d’alcools au point de pouvoir faire tourner de l’œil un pachyderme à peine fatigué. Regardant cela, Eylohr arqua un sourcil… Puis reporta son attention sur l’homme face à lui.

Le requin ? Le célèbre requin ? Eh bien, les nouvelles ne tardaient pas à se répandre dans cette population frauduleuse, pleine de criminels, de marins violents, de mafieux patentés, d’alcooliques notoires et de petites frappes et escrocs à la petite semaine. Il était déjà connu… Il fallait dire que les tavernes qui avaient été retournées par Ariana sur une crise de jalousie s’en souviendraient des années durant…

« Nah. C’pô moi. J’suis qu’son s’cond. C’lui qu’tu cherches. »

Sitôt, Eylohr pointe du doigt celui qu’il fait passer pour lui-même : Christophe, nommé « Œil-Griffon ». Quartier maître d’armes, marin intelligent, malin, patient et versé dans la stratégie fourbe plutôt que dans la violence, il était l’être idéal dans son équipage – et parmi ses officiers – pour pouvoir jouer le double jeu. Le but ? Protéger Eylohr, qui pourrait être recherché par un assassin, tueur à gage, ou un Prince-Marchand – véritables menteurs sur pattes – en le trompant sur l’identité. Christophe – alias Eylohr – autrement moins impressionnant physiquement, se tourna alors vers le nouveau venu. S’il buvait une bière, il était autrement plus dans le contrôle de ses faits et gestes, et bien plus sobre, que le colosse musculeux mais trop audible.

« Qu’est-ce que tu veux au Requin ? T’as l’air trop propre pour être un criminel, et trop fourbe pour être honnête. J’te préviens : j’ai pas confiance. Si je soupçonne que tu m’entourloupe, j’demande aux deux molosses derrière toi… » Il désigne Ulysse et Eylohr, le vrai « De t’ouvrir en deux et de te service en carpaccio. »

Reconduisant son attention sur le simulacre Requin, le regard du bateleur se crispa d’un air dubitatif. Il est vrai que les racontars et les qu’en-dira-t-on avaient pour eux qualité d’être souventefois amplifié. C’était là toute la superbe de la chose, que d’embellir la réalité pour la rendre plus mielleuse, plus somptueuse en bouche! Car du Requin on racontait que ses muscles faisaient ombre au soleil, que son affreuse tête faisait conchier les braies des plus hardis soudards et qu’il pouvait par dix fois ingérer son poids en bière sans même sourciller! Là! Même la drille la plus abêtie pouvait comprendre que de ces affabulations, il y avait autant de vrai que de richesse dans les bas-quartiers. Pour autant, parmi ces boniments il devait y avoir une part de véritable. Le Requin devait être assurément fort d’épaules et plus râblé que la moyenne. Il devait être grand et avoir une tête à qui on ne cherche pas des noises. Des trois, le véritable Requin était assez aisément identifiable. Mais qu’à cela ne tienne s’il devait s’exprimer à un homme de paille, du moment que les esgourdes visées étaient libres de toute cire et pouvaient entendre ce qu’il avait à dire.

Le Goff se dédouana de toute fourberie en levant les mains, comme s’il n’avait rien à se reprocher. Après avoir essuyé les comminations des flibustiers, il reprit parole en empoignant l’anse de sa propre chopine. « M’est d’avis que mes entrailles sont bien là où elles sont, je vous assure, dit-il d’un ton bonhomme, comme si son métier de marin sembla lui avoir octroyé une proximité déjà gagnée avec les écumeurs des mers. Je ne vous traînerai pas dans quatre chemins et irai droit au but ; j’ai du travail pour vous, bien propre et surtout, bien lucratif. Il guetta leurs réactions, plus particulièrement du coin de l’œil celles du véritable meneur d’homme. Vous venez peut-être à peine de mettre pied en terre, mais ce travail semble tout désigné pour vous et je pense que je peux me permettre de dire que vous semblez être fait du bon bois, de celui qui pourrait mener à bon terme ce genre de boulot. » Avant d’aller plus loin, il sonda derechef l’attitude du trio, à savoir s’ils semblaient au moins captés par les prémices de ses promesses de gloire. Après tout, la méfiance mêlée à cagnardise qui pouvait les avoir gagnés suite à un long périple en mer avait tout pour étouffer leur envie d’en écouter davantage. Quant à la curiosité, qui menait par trop souvent les intrépides, eh bien … peut-être qu’encore une fois, elle saurait jouer en sa faveur.

Un petit sourire en coin étira les lèvres du plus malicieux de tous les flibustiers corrompus qui naviguent sur l’Abyssale. Il appréciait qu’Eylohr lui laisse cette partie de la… Lumière, qu’amène le fait d’être un capitaine recherché. Là où Eylohr excellait dans la menace, l’impression de puissance et le fait de laisser une première impression… Souvent extrême, Christophe, lui, désirait l’ombre, la manipulation, les coups bas et la réflexion. C’était donc lui qui avait soufflé aux oreilles du capitaine, l’idée de tromper autrui sur sa véritable identité. Chose qu’Eylohr avait mit un peu de temps à comprendre, car il préférait que tous sachent qui il était pour éviter… Disons… Tout malentendu.

Lorsque l’homme face à lui, lui indique vouloir éviter à tous ici, un chemin désagréable – ou plutôt quatre chemins – Christophe lui en sait gré, d’un geste de la main décrivant quelques circonvolutions et autres platitudes de la main droite dans les airs, comme pour moquer les habitudes de quelques artistocrates point présents. Il pousse même le vice en s’inclinant légèrement du buste, écoutant ensuite ce qui pouvait se tramer dans cette caboche que les mots prononcés par cette bouche ne sauraient réellement dire. Lire entre les lignes… Déchiffrer les pensées… Tenter de percer les nuages opaques de quelques esprits manipulateurs.

« M’est avis que tu cause un peu trop bien pour un marin. C’est quoi donc ton travail qu’il mérite un genre bien spécifique de bois pour être mené à bien ? »

Le Goff illumina sa bouille mal rasée, aux poils huilés par la saleté, d’un sourire avenant. S’il n’avait pas piqué d’intérêt les flibustiers, c’est qu’ils feintaient et jouaient le jeu aussi bien que les racoleuses les plus manipulatrices. Le tenancier lui apporta également un godet inondé de la même bière que son commensal. Dense, aux arômes d’avoine et de chocolat, une liqueur évidemment pas conçue pour les moindres hommes, Le Goff s’y trempa la moustache pour épancher sa soif immédiate. La nervosité masquée, peut-être, avait-elle asséchée son gosier au point qu’il s’en trouva obligé d’en descendre la moitié du calice. Il torcha ses lèvres du revers de la manche et pourlécha ses lèvres, requinqué de plus belle par sa bibine. Il fit crisser les pattes de son tabouret en le rapprochant légèrement du groupuscule de flibustier, puis leur confiât dans un ton qui prêtait à la confidence :

« D’ici le mois prochain, avant que la merde blanche qu’ils appellent neige nous enterre vivant, trois navires quitteront les docks, tous alourdis de juteuses marchandises. J’ai moyen d’avoir leur itinéraire, leurs heures de départ et les gens qui assureront leurs défenses. Il laissa planer un petit silence, qu’ils comprennent et saisissent l’étendue réelle de ces capitales informations. Ce que je vous demande, c’est de mettre ces navires en déroutes. Je me gratterai bien les couillons de ce que vous ferez d’eux ; épargnez-les, volez-les, vendez-les, tuez-les, du moment que le propriétaire de ces navires perde au change. Faites cela et vous aurez droit, en plus des richesses que vous récolterez sur les navires, une prime substantielle. Encore une fois, il prit temps de regarder aux alentours, démontrant à la fois les risques qu’il prenait à leur dévoiler le propre de leur embauche prochaine, mais aussi, du sérieux de sa démarche. Ça peut paraitre louche, là, comme ça, servit sur un beau plateau d’argent. Mais l’idée derrière, c’est que vous vous en mettiez plein les mouilles et ce, à petit risque. » Le Goff retrouva l’aplomb de sa posture, comme s’il avait achevé de se confier, puis reprit une autre gorgée de bière qui lui arracha malgré lui, une petite grimace. Moindre homme, non il ne l’était pas, mais par la double trique d’Arcam, c’était quand même bien dégueu.

Derrière l’hominiens, frêle en comparaison des deux mastodontes, Eylohr souriait tel un monstre en embuscade dans une grotte sombre et humide. Ses yeux pétillant d’une étincelle malsaine n’en finissaient plus d’aller et venir entre cette pâle nuque frêle et fragile, et l’arrière du crâne de cet apprenti flibustier. Il pourrait détruire cette nuque d’une simple étreinte de ses mains, enfoncer l’arrière de ce crâne, d’un simple coup de coude. Mais il attendait… Car l’autre avait des choses à dire, et des choses intéressantes.

Le temps des confidences terminé, Christophe se redresse lui aussi. D’un sourire narquois, il se gratte la barbe dans une fausse réflexion, regardant derrière lui comme pour s’assurer du soutien de ses acolytes. Feignant l’interrogation, le sous-pesage d’idées dans ce qui venait de se dire… Il s’arrête. Et même se renfrogne. Dans son assise, il s’enfonce, croise ses bras sur son ventre puis…

Puis la lumière disparaît. Derrière l’homme, une sombre masse, imposante, lourde et opaque, cache la lumière d’une lanterne à huile, plongeant le petit homme dans une ambiance pesante. A sa droite dépasse Ulysse, gigantesque et impressionnant. A sa gauche, Eylohr… Et sur ses épaules, la main de l’un et de l’autre, appuyant fermement mais sans force sur le relief fin d’un trapèze peu travaillé par une vie peu forcée.

« Et pourquoi qu’tu nous veux nous ? Pourquoi qu’tu n’veux pas un aut’ équipage ? C’pas c’qui manque ici pourtant… Non ? Qu’est-ce qu’t’y gagne toi ? »