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 Yzsjara'eri Szsor'drin, Grande Prêtresse de Zhak'Bar

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Y'zsjara'eri Szsor'drin
Drow
Y'zsjara'eri Szsor'drin


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Âge : 123
Date d'inscription : 13/04/2024

Personnage
:.: MANUSCRIT :.:
Âge :  638 ans
Taille
: 1m82
Niveau Magique : Maître.
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MessageSujet: Yzsjara'eri Szsor'drin, Grande Prêtresse de Zhak'Bar   Yzsjara'eri Szsor'drin, Grande Prêtresse de Zhak'Bar I_icon_minitimeDim 14 Avr 2024 - 0:09

Identité
Nom/Prénom : Y'zsjara'eri Szsor'drin. Plus communément appelée Jatha'la yatharil Zhak'Bar, Grande Prêtresse de Zhak'bar. Parfois Qa'tal-Mir'han, Lame-Mère Exaltée.

Âge/Date de naissance : 638 ans (An 382 du Xème Cycle)
Sexe :  Féminin
Race :  Drow
Faction : Puy d'Elda
Langue parlée :  Drow
Alignement : Loyal Neutre
Liens notables :  Membres du clergé, militaires (en particulier ceux du IIème Ost), mages élémentaires & habitués des fosses de la Fernerie.

Particularité : - Le corps d'Y'jzsara'eri  est couvert de scarifications artistement sculptées. Présents de son père, lui-même membre du clergé de Kiel, chacune d'entre elles illustre les grandes étapes de sa vie de Puysarde. Le Clor d'Vlos, le Clor d'Dormagyn, le Clor d’Manor et le Clor d’Beannaighil, mais également ses débuts en tant que prêtresse de Zhak'Bar ; son ascension au rang de Grande Prêtresse, les batailles auxquelles elle a participé, ou encore le destin connu par son premier enfant, et la naissance de son deuxième.

- N'étant encore qu'une jeune membre du clergé lorsqu'elle participa à la bataille de Nelen, le traumatisme de la défaite et une noyade évitée de justesse développèrent chez elle une thalassophobie extrême. Les visions dont elle a été la victimes lors de ses instants passés sous la surface l'ont convaincue que l'océan est le royaume des blasphémateurs, des déserteurs et des Faux-Dieux. Des convictions qu'elle n'hésite pas partager avec le reste des Drows : seul la ruine les attend s'ils décident jamais de naviguer à nouveau.

- Conséquence de cet événement, la haine qu'elle éprouve envers les humains dépasse presque celle que les siens vouent aux elfes d'Anaëh. Sa soif de punir s'élargit aux membres du IVème Ost et aux Doeb Lodias, à ses yeux des traîtres impardonnables qui ont tourné le dos à leurs frères, leurs sœurs, et leurs Dieux.

Métier : Grande Prêtresse de Zhak'Bar
Classe d'arme : Distance (fouet et dagues de lancer), magie (pyromancie, géomancie)


Possessions & Equipements :  - Un long fouet métallique, forgé de mailles robustes et hérissé d'épines tranchantes comme des rasoirs. Un chef d'œuvre de l'artisanat Drow né dans les Forges de Lave, qui lui sert tant à dompter les bêtes les plus récalcitrantes qu'à encourager les prêtres dont la foi n'est pas assez manifeste à son goût.

- Une pléthore de dagues de lancer, rangées dans des étuis dissimulés à l'intérieur de ses diverses tenues : accrochés à ses hanches, au bas de son dos, le long de ses cuisses, dans ses bottes ou dans ses manches.

- Un anneau d'argent d'une extrême simplicité, lisse et sans défaut. Il y est inscrit le nom du Dieu qu'elle sert, et n'apparait qu'après avoir été soumis à la chaleur d'une flamme. Il s'agit également de son focaliseur.

- Une fiole contenant son placenta séché puis réduit en poudre, pour lui rappeler le premier échec personnel de son existence.

- Une demeure de taille raisonnable située au sein du Labyrinthe, héritée de ses parents depuis longtemps partis pour l'Elghinyrr. Elle la partage avec son frère, Veldruk du IIème Ost, et la femme de celui-ci, Jabbuk d’Iloun du même corps d'armée, ainsi que leurs esclaves. Ces derniers ont interdiction formelle d'entrer dans les quartiers d'Y'zsjara.

Apparence :
  • Taille : 1m82.
  • Couleur des yeux : D'un orange vif captivant, aux nuances rougeâtres.
  • Couleur des cheveux/pilosité : Blancs.

L'apparence d'Y'zsjara n'est en rien remarquable, en cela qu'elle correspond aux normes de la société Drow. En tant que prêtresse, sa musculature n'est pas aussi développée que celle et ceux vouant leur vie à l'armée, mais elle y substitue des formes aussi généreuses que sensuelles. Ronde et ferme, sa poitrine est suffisamment pleine pour tendre en deux vallées concupiscentes les robes élaborées dont elle a l'habitude de se parer. Les textiles souvent proches du corps de ses vêtements subliment ses hanches harmonieuses et creusent la chute de ses reins, fière et ciselée ; quand le galbe de ses cuisses, lui, n'a d'égal que celui de ses mollets. Sa silhouette, ainsi, ne saurait être décrite que comme résolument féminine, pleinement assumée, et souvent exposée au regard.

Son visage, lui, est aussi fier que ne l'est personnalité. Sa mâchoire est anguleuse, ses pommettes sont hautes ; ses sourcils légèrement incurvés à leur extrémité – sinon tracés d'une ligne régulière – ne suffisent pas à obombrer un regard acéré, composé de yeux attentifs où brûlent intensément des pupilles de la couleur du magma en fusion. Son nez, court mais délicat toise des lèvres à la fois charnues et charnelles, elles-mêmes au seuil d'un menton en pointe arrondie. Ses traits sont durs, et ses expressions rigides, témoins des exigences sévères qu'elle requiert tant des autres que d'elle-même.

Personnalité : Y'zsjara est l'incarnation même du fanatisme drow. Sculptée et raffinée par plus de six siècles d'existence, sa foi envers le panthéon eldéen est aussi infaillible que son zèle n'est prononcé. Prompte tant à la flagellation qu'aux orgies, aux dons de magie pure et aux sanctifications, les actes de dévotion à l'adresse du Panthéon sombre rythment l'entièreté de sa vie.

Au sein de son temple, plus d'une fois les prêtres ont goûté au métal de son fouet ; lorsque leurs prières n'étaient pas scandées avec assez de ferveur, qu'ils ne tranchaient pas assez profondément leurs chairs, ou perdaient le contrôle d'un animal dans les fosses. Guidant par la violence, elle guide aussi par l'exemple : n'attendant rien de plus de ses ouailles que ce qu'elle-même est capable d'accomplir.

A cet égard, jamais la Jatha'la yatharil n'a fait preuve d'injustice (à ses yeux, en tout cas), et se montre même encline à récompenser les plus appliqués, n'hésitent pas à les inviter dans ses chambres personnelles pour s'unir sous le regard d'Isten.

Il existe en revanche chez elle un paradoxe que peu de Drows la connaissant ont jamais véritablement appréhendé. A contre-courant de la méritocratie extrémiste dirigeant leur société, et des complots fréquemment ourdis, la Grande Prêtresse estime que la fin ne justifie pas toujours les moyens. Cette conviction se traduit surtout par l'idée selon laquelle le meurtre ne devrait être utilisé qu'en ultime recours, y compris envers leurs ennemis extérieurs.

Tout comme chaque animal peut être dompté avec les méthodes adéquates, Y'zsjara'eri juge que l'anéantissement des autres races de Miradelphia ne serait pas tant un accomplissement en soi que leur assujettissement et leur conversion ultérieure, cela dusse-t-il demander des siècles de torture, de manipulation et de mensonges.

Enfin, comme beaucoup, elle convoite l'utopie selon laquelle les fidèles de Kerhel seraient vaincus de la plus belle des façons sin plutôt que d'êtres passés au fil de l'épée pour s'étouffer dans leur propre sang, ils renonçaient de leur plein gré à la Traîtresse, et suivaient à sa place le Père des Batailles, agrandissant le nombre de ses fidèles et la taille de ses armées.

Capacités magiques

« Un jour viendra où le Magma Primordial jaillira de nouveau des entrailles du volcan originel ; où les portes du Nahali s'ouvriront aux Portes-Flammes pour ne plus jamais se fermer, et où la Braise de chaque Drow se consumera d'une ardeur mille fois renouvelée.

Le sol se morcellera, et de son coeur jaillira le Feu Divin, prêt à incendier le ciel ; à assécher les rivières, les fleuves et les océans ; à réduire les arbres en cendres, le sable en verre, et la pierre en cristaux.

Alors, les enfants du Père des Batailles se répandront comme une coulée de lave sur le monde ; et à leurs côtés, jouissant du spectacle, sera le Dieu Zhak'Bar, riant de la fin de ce monde, et du début d'un nouveau. »


Cette certitude religieuse est au coeur des aptitudes magiques dY'zsjara. Se jugeant destinée depuis toujours à servir le Prime Dragon, sa pratique de la pyromancie – et plus tard de la géomancie – lui apparut comme la plus naturelle des évidences, brûlant de s'illustrer à ses yeux par l'incarnation de ce qu'il représente : le cataclysme purificateur.

Très tôt, les prêtres du clergé éponyme surent déceler son affinité envers l'Art arcanique, et ne cessèrent alors de la nourrir comme on alimenterait un feu en y jetant du bois, et dans son cas, de l'huile. Sans aucune originalité ainsi, la Grande Prêtresse puise la force de ses incantations dans sa foi envers son Dieu tutélaire. Mais pour elle, il n'est jamais question de se précipiter, et elle le reprocherait aux prêtres-mages aujourd'hui sous ses ordres.

Blasphémateur serait celui qui, capable de mieux, se contenterait d'une boule de feu quelconque pour se défendre. L'irruption de Zhak'Bar sur le champ de bataille ne peut qu'être la source d'un chaos sans commune mesure. Ses ailes invoquent des tornades dévastatrices, ses griffes labourent profondément la terre, et son souffle brûlant submerge, dévore et engloutit ses ennemis jusqu'à ce qu'il n'en reste plus rien. Ainsi, faire appel à lui ne peut être que synonyme d'une destruction d'envergure.

Dès lors, Y'zsjara est spécialisée dans les incantations à moyenne ou longue durée, celles où l'on accumule peu à peu de la puissance pour la libérer, le moment venu, avec la pleine puissance d'un ouragan. Préférant manipuler seule, elle n'hésitera toutefois pas à s'entourer de fidèles triés sur le volet pour procéder à un rituel, et à apporter d'avantage de poids à son attaque imminente.

Son focaliseur illustre parfaitement la singularité de son approche : sans ornements, passant tout à fait inaperçu, il est cette étincelle insoupçonnée qui embrase un tas de paille, un rideau ou une branche trop sèche ; ce feu qui gagne en envergure au fur et à mesure qu'il consume. Rampant, grimpant, hurlant, il est finalement ce brasier incontrôlable, contre lequel les efforts sont vains lorsqu'on aperçoit enfin sa fumée... trop tard.


Dernière édition par Y'zsjara'eri Szsor'drin le Mar 21 Mai 2024 - 15:38, édité 9 fois
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MessageSujet: Re: Yzsjara'eri Szsor'drin, Grande Prêtresse de Zhak'Bar   Yzsjara'eri Szsor'drin, Grande Prêtresse de Zhak'Bar I_icon_minitimeMer 1 Mai 2024 - 20:53


I.

Aqua.


Le vent gonflait les voiles de leurs navires tant que leurs cœurs de fierté. Lancés à vive allure sur la mer Olienne, leurs étraves fendaient les eaux scintillantes, évoluant avec une célérité qui n'était pas sans rappeler celles de ces poissons dont les nageoires leur permettaient de planer au-dessus de l'onde. Chaque vague nouvellement fendue soulevait des milliers de minuscules gouttelettes qui, une fois capturés les rayons du soleil, agrémentaient l'air d'arcs-en-ciel aussi somptueux qu'éphémères, se dissipant dans l'éther aussi vite qu'ils étaient apparus.  L'air sentait l'iode et le chanvre mouillé des cordes enroulées sur le pont, et l'eau fendue à cette allure mouchetait les visages des Drows les plus proches du bastingage. Pour nombre d'entre eux, évoluer au sein d'un tel environnement relevait jusqu'à présent du domaine de l'inimaginable, et encore moins nombreux étaient ceux qui apprécieraient pleinement cette nouveauté.

Bannières et oriflammes avaient été levés. Des tambours de guerre battaient la mesure de chants guerriers qui s'entendaient d'un bateau à l'autre, enhardissant les soldats. Du sang coulait déjà abondamment sur les ponts, celui d'esclaves sacrificiels que l'on avait soit éventrés, soit égorgés ; et plutôt que d'être jeté par-dessus bord, il servait aux prêtres pour dessiner des runes archaïques sur les visages des guerriers. Au milieu de ces scènes de tatouages, des corps s'entremêlaient, en plein acte sexuel, et les cris et grognements des protagonistes se mêlaient aux derniers actes liturgiques, invoquant les noms des Dieux ancestraux pour les guider dans la bataille à venir. L'affrontement était inévitable ; aucun ne l'ignorait au moment d'embarquer, et il n'y avait dans leur esprit aucun doute permis quant à son issue. Même lorsque les mâts des premiers navires ennemis apparurent à l'horizon, leur moral resta le même, une flamme inextinguible que les elfes noirs portaient en chacun d'eux.

Quelques heures plus tard, leurs rêves de victoire et leurs ambitions de conquête s'étaient envolés. D'épais panaches de fumée noire obscurcissaient le ciel nocturne, s'amoncelant en un smog épais où se jetait les lueurs dansantes des incendies ravageant ça-et-là les embarcations. Le bois craquait et gémissait sous la chaleur émise ; le textile des voiles sifflait en se consumant, et à intervalles irréguliers, des mâts se brisaient après un long gémissement, allant terminer leur course dans l'eau d'un noir d'encre, d'une chute aussi brève que violente. Certains navires, éventrés au début de la bataille, dévoilaient les membrures incurvées de leurs entrailles, comme la cage thoracique d'un squelette abandonné, noircie par le feu. D'autres renversés sur leur bordé, flottant miraculeusement  encore, rappelaient une baleine échouée, ou l'animal qui se couche sur le flanc dans l'espoir qu'un prédateur l'épargne.

A la surface, les cadavres d'humains et de drows flottaient aussi indifféremment que les débris navals, planches et tonneaux qui les entouraient. Que ce soit pour échapper au feu vorace ou au naufrage d'une coque percée, ils étaient nombreux à avoir sauté dans l'eau, mais bien peu à avoir survécu. Happés par les flots tumultueux, abattus d'une flèche scélérate ; alourdis par leur armure impossible à enlever seul, ou n'ayant tout simplement jamais appris à nager, la mort les avaient emportés aussi sûrement que s'ils étaient restés les pieds au sec, offrant à leur espoir de s'en sortir un bien cruel destin. Quelques rares malheureux tentaient encore de survivre aux éléments hostiles ; et Y'zsjara était l'un d'eux.

Au milieu du chaos, le navire de la jeune prêtresse s'était vaillamment défendu. Grâce aux membres du culte de Zhak'Bar présents à son bord surtout, et à la maîtrise de la pyromancie de certains d'entre eux, il avait su tirer son épingle du jeu pendant quelque temps, repoussant tout bâtiment ennemi qui s'approchait de trop près. Mais tôt ou tard, la magie et ses utilisateurs découvraient leurs limites. Au fur à mesure que la bataille n'avançait, et que le nombre d'alliés diminuait alentour, sa défense enfiévrée avait attiré l'attention en même temps que les arcanistes ne s'étaient épuisés. L'un d'eux déjà s'était effondré de fatigue, et ils n'étaient plus assez nombreux pour dissuader la caraque s'approchant à grande vitesse de les éperonner.  

Le choc avait été terrible. Propulsée contre le bastingage, la violence de l'impact sur son dos avait anesthésié ses sensations, juste avant que le bois ne cède, et qu'elle ne bascule irrémédiablement. Son corps ne lui appartenait plus ; chutant comme une pierre, le monde s'était assourdi alors que l'eau se refermait sur elle, et toute lumière avait soudain disparu. Tournée vers l'abysse, l'irréalisme de la scène qui s'était présentée à ses yeux ne saurait être décrite. Tout autour d'elles, des corps inanimés paraissaient figés dans le temps, immobiles, plus ou moins remués par les vagues selon leur profondeur. Les jeux d'ombres et de lumière, au-dessous d'elle, cumulés à la détresse de sa situation et au manque grandissant d'oxygène, créaient des scènes dont elle ne pouvait discerner l'authenticité.

Les restes de navires morcelés se muaient en arbres maladifs et tordus, aux écorces ruisselantes ; leurs branches rappelant des varices violacées courant sous une peau émaciée. Des récifs indiscernables s'élevaient comme des murs miasmatiques, s'amoncelaient en cataractes puis s'enroulaient sur eux-mêmes, formant des bâtiments à la géométrie absconse et sans cesse changeante. Il y avait là toute une ville odieuse et suintante, pleine d'à-pics affûtés et mortels, auxquels se succédaient subitement des cavités sculptées comme des tombeaux, prêts à tous les engloutir. Une cité mortifère, née d'une civilisation primordiale qui attendait son éveil depuis d'interminables éons, et au fond de celle-ci, Y'zsjara aurait juré que quelque chose se tapissait dans l'obscurité, patient et attentif.

Une sensation d'horreur indicible et un sentiment d'urgence impérieuse l'avaient submergée. La raison menaçant de lui échapper, elle avait tourné son visage vers les hauteurs et battu des bras et des jambes avec l'énergie d'un désespoir fou ; criant sa folie sans personne pour l'entendre, jusqu'à crever la surface où par un quelconque miracle, on avait pu la récupérer. La prêtresse ne saurait jamais si ce qu'elle avait aperçu était réel. Elle ne souhaitait pas le savoir, et aurait volontiers occulté l'événement, si sa psyché ne lui avait remémoré par le biais de cauchemars qui longtemps la hantèrent. Quoi qu'il en fut, elle resterait à jamais muette sur cette journée, et pour le restant de ses jours, refuserait catégoriquement de s'approcher d'une étendue d'eau dont le fond lui demeurerait invisible.



____________________________

II.

Sanguis.

 
Son monde n'était que souffrance. Ni les coups de fouets sur sa chair à nue, ni les scarifications à vif, ni les séances de torture ne l'avaient préparée à la douleur qu'elle éprouvait en cet instant. Elle lui fouaillait les entrailles ; lui agrippait l'abdomen et lui serrait le coeur, ôtant toute capacité de raisonnement. Ses doigts et ses orteils en proie à des flexions incontrôlables, ses ongles s'étaient cassés sur la table de pierre, cherchant en vain une prise secourable. Entre ses paupières mi-closes, par-delà ses yeux convulsés, les arches et les pierres de la demeure n'étaient plus que des colonnes de lumière aveuglante, anesthésiant son nerf optique. Réunies en conclave autour d'elle, les prières incantées par les prêtresses de Natha ne lui parvenaient que de très loin, comme à travers une nappe de brouillard infini ; encore atténuées par les gémissements pitoyables dont elle nierait toujours être l'auteur.

Son corps tétanisé, sa peau luisant de sueur, il y avait une part de divin dans le hurlement qu'elle poussa, au moment où le nouveau-né quitta enfin son utérus, les deux pieds en avant. C'est comme si Kiel s'était momentanément jointe à elle, usurpant la place de la Déesse Créatrice au point culminant de son oeuvre. Leur cri fusionnel s'élança jusqu'au plafond, descendit en courant le long des murs, rampa sur le sol granithique, puis s'éteignit en même temps que leur voix, aussi subitement qu'il était venu. Ce dernier effort lui avait coûté sa conscience, et un silence sépulcral tomba sur les lieux ; un calme assourdissant que nul vagissement ne vint déranger. Aussi lourd qu'il n'était étouffant, c'est à peine si l'on entendit le froissement de l'étoffe, de celles des révérendes qui vint saisir le nouveau-né, à bout de bras.

Ce furent les premiers pleurs de l'enfant qui l'ôtèrent à sa léthargie, mais les murmures autour d'elle ce qui retinrent son attention. Un sentiment d'urgence ou de malaise inexplicable s'empara d'elle, et Y'zsjara tenta de rouler sur le côté pour se lever, mais ne fut récompensée que par une douleur pulsante qui lui donna envie de vomir. « Donnez-le moi, coassa-t-elle, en peine perdue. Solliciter la parole lui en avait coûté d'une façon qu'elle n'imaginait pas possible. Ignorant si on l'avait entendue, elle effectua une deuxième tentative, avec un succès moins mitigé. Sa cuisse basculant dans le vide, la deuxième poussa son placenta en suivant le mouvement, qui émit un son visqueux en s'écrasant au sol. A sa plus grande honte, ses jambes traîtresses refusèrent de la porter quand ses pieds touchèrent le sol, et elle s'effondra sur le sol.

Elle ne se souvenait pas avoir pleuré, mais il y avait des larmes aux coins de ses yeux quand elle poussa sur ses avant-bras pour se redresser. Elle sentait en même temps une colère sourde grandir en elle, envers son état et cette situation qui lui échappait. - Donnez-le moi, répéta-t-elle en serrant les dents et les poings. Lorsqu'on lui répondit, un frisson désagréable courut le long de son échine. - Il ne vous appartient plus, Szsor'drin-Yatharil. Son esprit, dans une tentative de dissociation protectrice, s'attarda sur le liquide épais et chaud qui souillait son entre-jambe : elle saignait. Ignorant cet état, elle se hissa enfin jusqu'à être debout, la pièce ne tanguant qu'un court moment autour d'elle. Elle connaissait les mots proférés, et ne s'était jamais attendue à ce qu'ils lui soient adressés. L'échec, jusqu'alors, lui demeurait inconnu. - Il sera sacr...

Le coup partit en un éclair. Porté du revers de la main, ses phalanges percutèrent l'os malaire, précipitant la prêtresse à terre et lui entaillant la lèvre. C'était elle qui portait l'enfant, et il lui échappa dans sa chute, glissant sur les dalles en braillant pitoyablement. Créature sans défense encore enduite du liquide amniotique,  il était en tous points normal dans sa physionomie, à un détail près. En lieu et place de son bras gauche, était un membre rabougri et tordu, d'une couleur grisâtre peu naturelle, même pour un Drow ; semblable à l'écorce d'un arbre mort, pourrie et inutilisable. C'était un amas de chair inutile, corrompue, et qui ne porterait jamais une arme, ni quoi que ce soit d'autre. Un fardeau pour leur société.

Les filles de Natha l'avaient déjà compris, et face à l'agression qui venait d'avoir lieu, des dagues jaillirent de sous leurs toges, d'un geste terriblement beau et poétique dans sa spécularité, comme si on avait tiré en même temps les fils de quelque marionnette. Percevant l'acte comme un refus tant que comme un blasphème mortel, une seule chose les retint d'attaquer sur-le-champ. Jusqu'à présent immobile au fond de la pièce et n'osant bouger, un molosse s'était soudain levé, poussant un grognement d'avertissement à l'égard des intruses. Venu du fond de ses entrailles, il était ainsi que le tonnerre, ou le grondement de rocs dévalant une falaise ; et de sa gueule émanait la lueur d'un foyer ardent, des flammes léchant littéralement ses babines.

- SILENCE. Y'zsjara regretta aussitôt d'avoir crié, un vertige s'emparant d'elle qui menaça de la précipiter à genoux. Son éclat eut toutefois l'effet escompé, car le Fern se tut et recula dans l'ombre, ce qui en d'autres circonstances, l'aurait emplie de fierté. Le félin était le premier né de la dernière portée : trop fier et trop violent pour être dompté, le Grand-Prêtre l'avait condamné à mort. Elle avait joué des pieds et des mains auprès du Jatha'la m'thain pour qu'il consente à lui céder son éducation, et il avait accepté, à condition qu'elle en débarrasse la Fernerie. Depuis, il vivait chez elle. Temporairement.

- Ne me sermonnez plus jamais dans ma demeure, siffla-t-elle en tentant de maîtriser sa voix. Puisant dans sa volonté, la Drow se dressa tant bien que mal face aux prêtresses écarlates, aussi droite et digne que possible. L'adversité qu'elles représentaient comprenait mal ses intentions, et l'aurait taillée en pièces en l'absence de la bête.  Intérieurement, Y'zsjara adressa une courte prière à Zhak'Bar, le remerciant de l'avoir acceptée en son clergé, et demanda qu'il ne lui prête un peu de sa force. Elle en aurait besoin pour l'épreuve à venir. Un regard sur le nourrisson, toutefois, suffit à la convaincre de cette décision qu'elle venait tout juste d'envisager, et sa voix ne trembla guère quand elle s'exprima de nouveau. - Je le sacrifierai moi-même. »


____________________________

III.

Umbra.


Le Cycle touchait à sa fin. Près de quatre siècles avaient passé depuis cette journée, mais elle se souvenait encore de son déroulement avec une clarté stupéfiante. De l'angoisse qui l'avait saisie, lorsque l'accouchement avait débuté, chez elle, et beaucoup trop tôt. La prêtresse qu'elle avait frappée s'était relevée, et après l'avoir ramassé le nouveau-né, lui avait confié sa garde dans un geste lourd de signification : à partir de ce moment, il lui incombait la tâche de sacrifier l'enfant imparfait et, si elle décidait de se soustraire à ce devoir pour une quelconque raison, elle serait déclarée blasphématrice et condamnée à mort. Y'zsjara n'y comptait pas, sa résolution déjà ferme, et s'était mise en marche sur-le-champ.

Le trajet de sa demeure jusqu'au temple de Natha n'était que d'une distance toute relative, mais il lui parut interminable. Lentement mais sûrement, elle sentait le sang qui continuait de s'écouler entre ses cuisses et avec lui, son énergie s'amenuisant. Le sol inégal, rocailleux et parsemé de cendres du Labyrinthe la vit trébucher de nombreuses fois. S'accrochant au nourrisson plutôt que de se rattraper, elle s'y écorchait les genoux un peu plus profondément à chaque fois, mais se relevait toujours, quoi qu'avec un poids sur ses épaules qui allait en s'alourdissant. A deux reprises, le monde s'était mis à tanguer tout autour d'elle, et elle s'était sentie un peu mieux en acceptant enfin de rendre son repas.

Les filles de Natha marchant sur ses pas, le conclave qu'elles formaient ensemble ne pouvait passer  inaperçu, – sans même compter sur les pleurs – et certains Drows curieux choisirent de se joindre à elles. L'événement qu'ils présumaient sur le point de se dérouler n'était pas unique dans l'histoire du Puy, mais il restait rare, et ils formaient une procession de taille importante au moment d'entrer dans le temple dédié à la déesse de la fertilité. Une foule qui s'agrandit encore lorsque s'y joignirent les serviteurs des lieux, et les fidèles venus faire acte de foi. Tous se réunirent dans la pièce riche de symboles dédiée à l'acte sacrificiel.

Y'szjara connaissait le rituel et son importance pour y avoir déjà assisté. En récupérant la place de maîtresse de cérémonie, il lui revenait seulement de modifier adéquatement les gestes et les incantations. Et elle s'y conforma, à deux détails près. Juste avant que la dague ne s'abatte sur l'enfant, et que ses vagissements se soient enfin tus, elle se mit entièrement à nu devant l'assemblée ; et plutôt que de récupérer les quelques millilitres de sang dans une coupe, comme le voulait la tradition, elle tint le corps meurtri à deux mains, comme présenté en offrande, juste au-dessus de sa poitrine, pour qu'il ne s'écoule directement sur elle, jusqu'à la dernière goutte.

A cet instant, un silence monacal était tombé sur le temple, de ferveur et de contemplation mêlés. C'est l'une des Gardiennes du Sang Eldéen qui le rompit. « Qa'tal-Mir'han ! » dit-elle à haute voix. Un murmure avait parcourut les rangs des spectateurs, avant que l'un d'eux ne reprenne l'appellation, puis plusieurs, jusqu'à ce qu'elle ne soit sur toutes les lèvres :  Qa'tal-Mir'han. Lame-Mère Exaltée. La récompense d'une foi infaillible, la suppression d'une progéniture jugée imparfaite, et sur les lèvres d'Y'szjara, un sourire aussi fervent qu'épuisé.

D'autres événements avaient ponctué son existence à la suite de celui-ci, d'une importance au moins égale. La bataille d'Uraal, la naissance de son deuxième enfant – en excellente santé celui-ci –, et bien sûr sa nomination en tant que Jatha'la yatharil. C'était cette position en particulier, à l'aube du nouveau millénaire, qui l'avait mise dans une situation délicate. Les aboutissements récents avaient pourtant tout pour la réjouir, elle et les siens. La prise du fort d'Ellyrion et le massacre de milliers de Darthiiri était une victoire substantielle, qu'ils avaient célébrée à grands renforts de libations, d'orgies et de sacrifices de prisonniers. Jusqu'à ce que le Voile ne tombe sur le monde.

Jugé comme divin, c'était à elle et aux autres membres du clergé présents en Varasthr qu'il revenait d'interpréter ce signe. Hélas, il existait au moins autant d'avis sur la question qu'il n'y avait de temples dans le Puy. Les différences d'opinion dégénérant peu à peu en désaccords plus ou moins violents, leur progression au sein des terres elfiques s'interrompit, paralysée. Les quelques rares rapports reçus d'Elda n'arrangeaient les choses en rien , parlant d'étranges monolithes de pierre surgissant du sol, de morts revenant à la vie dans une démonstration de la La Dame aux Ombres , et de Drows millénaires s'éteignant dans leur sommeil.

Au cours de la Longue Nuit, nulle voix ne parvint à s'élever au-dessus de celle des autres, et le couperet tomba enfin lorsque les Hauts-Prêtres ordonnèrent un repli de leurs positions. Alors même que pour la première fois depuis 500 ans, ils progressaient au sein des territoires de leur ennemi juré, cela fut vécu par Y'zsjara et par bien d'autres comme une terrible trahison. L'assassinat du roi, incapable de guider leur peuple à travers cette épreuve, fut en revanche reçu comme une délivrance, et le culte de Zhak'Bar se rangea volontiers aux côtés de celui d'Uriz lorsqu'il fut décidé de creuser des galeries menant jusqu'à Eraison. Il était temps pour la guerre de se poursuivre.


____________________________

IV.

Ignis.


Le chaos, dans tout ce qu'il avait de plus pur et de désordonné. Le vacarme métallique des armes et des boucliers s'entrechoquant ; les projectiles sifflant au-dessus des têtes, et les souffles coupés lorsque  celles-ci trouvaient leur cible ; les ordres jetés pêle-mêle par-dessus la mêlée, perdus dans la cohue ; les cris de douleur de ceux jetés à terre, trop grièvement blessés pour espérer se relever un jour.  Ce n'était rien, en somme, qu'Y'szjara n'ait déjà vécu dans son passé de femelle Drow. Mais cette scène se superposait aujourd'hui à une vision plus sublime et plus réjouissante que toutes celles qu'elle avait pu imaginer : tout autour d'elle, Varasthr brûlait.

Les arbres se noyaient dans un brasier gigantesque, qui gagnait en ampleur à chaque instant. Leur ramure éclatait sous une chaleur infernale ; leurs feuilles se désintégraient avec la vitesse d'un parchemin que l'on aurait soudain jeté dans l'âtre rugissant d'une cheminée. Portées par le souffle des langues de feu qu'attisait un vent propice, des cendres tombaient en une pluie ininterrompue, telle une abondante neige estivale. Cette désolation s'inscrivait sur les pupilles dilatées par l'excitation de la prêtresse, et qui la galvanisait au combat, refusant d'écouter les cors sonnant la retraite. Happée, subjuguée, son regard ne s'en détacha qu'avec un regret mêlé d'une colère flamboyante au moment où des cavaliers hostiles contournèrent leur position. La suite se déroula en quelques battements de coeur à peine.

L'un des chevaux alla s'empaler sur une pique, qui s'enfonça de dix pouces dans le poitrail de l'animal et lui ôtant la vie avant que la hampe ne se brise, propulsant ses échardes alentour. La Darthiiri ainsi désarçonnée terminait à peine sa chute qu'un Sargtlin vint réduire la moitié de son visage en une bouillie sanglante, lui assenant un formidable coup de Morgenstern. L'instant d'après, la pointe en acier d'une flèche saillait de sa gorge, le condamnant à mort. L'arrachant pourtant d'un geste enragé, il se tourna dans la direction du responsable, juste à temps pour qu'un berserk ne l'éviscère d'un coup de griffes. Hors de contrôle, la goule poursuivit sa course et se jeta sur l'escouade d'équidés, la taillant en pièces sans que cela ne la ralentisse plus que cela. Partout ailleurs, des luttes d'une intensité similaire se déroulaient, à la violence aveugle.

Un Drow dont la mâchoire inférieure pendait sous son visage, partiellement arrachée par un javelot, s'échinait à découper le scalp d'un homme bloqué sous ses genoux. Un elfe aux prouesses martiales exceptionnelles, repoussant seule trois Ilythiiri à la pointe de son épée, reçut soudain un caillou issu d'une fronde au visage, avec assez de puissance pour lui fracture le nez et expulser son oeil hors de son orbite. Protégée par un Kyorl et le reste de son escouade exsangue, Y'szjara terminait une prière rituelle au moment-même où l'ennemi effectua une percée, non loin de sa position. La trame magique vibrant au bout de ses doigts frémit en même temps que son corps, d'un plaisir extatique. A cet instant, le monde lui appartenait, et ses mouvements étaient presque sensuels lorsqu'elle invoqua Zhak'Bar.

Seul un changement brusque de l'air avertit les enfants de Kÿria, trop vif pour qu'ils puissent espérer réagir. Leurs cris ne durèrent qu'un instant tandis qu'un maëlstrom de flamme les engloutissaient. Le métal de leur armure se mit à fusionner avec leurs peaux, elle-même fondant comme la cire d'une bougie, aux côtés de Drows qui avaient eut le malheur d'être trop proches. La Grande-Prêtresse, exaltée par la scène, s'était soudain mise à rire, pour une raison qui échappait aux siens, si ce n'est que le Dieu des Cataclysmes marchait à ses côtés. A cet instant, en voyant les corps carbonisés sur fond d'un incendie inarrêtable, elle s'était soudain rappelé les formes curieusement tordues des navires, au fond de la mer Olienne. Elle s'était ensuite rappelé le bras maladif de son premier enfant, inapte et indigne, qu'elle avait elle-même sacrifié. A cet instant, dans un éclair de lucidité, elle avait vécu une épiphanie.

Diminuant son contrôle et guidant la tornade vers les lignes ennemies, elle riait encore lorsqu'on la tira en arrière, cette partie de l'armée battant enfin en retraite, sous le couvert de la panique qu'elle venait de provoquer. Tandis que la forêt agonisait, et qu'on abandonnait les terres si durement conquises, elle se réjouissait de sa révélation : le Dieu des Cataclysmes avait toujours été derrière elle. C'était lui qui lui avait envoyé tous ces signes, ainsi que toutes ces épreuves. Pour Elda, cette journée représenterait une défaite. Pour elle, peut-être la plus belle des victoires.



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Artiön Laergûl
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