Nombre de messages : 103 Âge : 28 Date d'inscription : 19/09/2022
Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : 109 ans Taille : 2m Niveau Magique : Non-Initié.
Sujet: Une raison à tout cela Jeu 2 Mai 2024 - 18:32
Troisième ennéade de Verimios, An 21 du Cycle XI, Thaar
Un sourire énigmatique se dessina sur son visage. Mais qu'est ce qui ne l'était pas le concernant ? Sa nature ainsi exposée n'en devenait que plus chaotique et imprévisible, la compréhension ou du moins sa tentative se perdait dans les méandres d'actes incongrus et de paroles loufoques à l'excentricité exacerbée. Azralith aurait-elle pu cependant qualifier son existence d'illogique ? Elle n'en était pas certaine. Car il lui semblait bien percevoir quelque chose sous cette anarchie apparente, un esprit malin se dissimulant impeccablement, comme le ferait un acteur sous son masque.
Mais peut être s'agissait-il simplement des ruines d'un esprit autrefois fort aiguisé et désormais ravagé par la folie ? La frontière était fine, la source à n'en point douter de la confusion inhérente à la quête de compréhension de cet homme fort étrange. En était-il seulement conscient ? Peut être en jouait-il, mais peut être se pensait-il aussi sain que ses pairs ?
Azralith croisa les bras, les sourcils froncés, plongée dans une intense réflexion. Qui était-elle après tout, pour définir ce qui était normal de ce qui ne l'était point ? On le lui avait enseigné jadis, mais elle avait appris que la norme dans le monde vaani était bien différente de celle qu'elle connaissait. Combien d'autres peuples, d'autres cultures possédaient et enseignaient une vision différente de ce que représentait le fou, cet individu à l'esprit perdu qui reniait les valeurs et les principes admis par le reste ? N'en était-elle point une, de folle ? Aux yeux de ceux qui avaient toujours vécu en ce monde, eux qui ne pouvaient comprendre l'importance qu'avaient les préceptes du Père à ses yeux, eux qui ne partageaient pas l’irascible impulsivité de son sang.
Elle n'en portait point le costume et encore moins les accessoires, mais certains devaient voir en elle une silhouette similaire à celle du fou dansant sur scène, dénué de la moindre raison, se nourrissant du chaos pour donner une consistance à son existence autrement irrationnelle. Auraient-ils tort ? Comment pourrait-elle apporter à autrui les enseignements du Créateur, elle qui ne parvenait même pas à complètement les appréhender ?
Le Jivven pencha abruptement sa tête sur la gauche, presque à l'horizontal avant de prendre à nouveau la parole. « Elle peut déjà s'envoler sur de courtes distances, je gage que ce gain facilitera l'abolition de vos remontrances ? Trop de travail à fournir, canards à lire, poissons à frire, mots à maudire. Rester à nos côtés, je crains bien qu'il soit impossible de le réaliser. » Il se redressa promptement, joignant ses mains devant lui. « Elle y serait plus en sécurité pourtant. » Répondit Azralith. « Je doute que ce soit le cas si elle venait à me suivre. »
« Et que fais-tu de sa volonté ? Nous en approcher fut d'une grande difficulté, j'ai bien peur qu'elle ne cherche que ta présence, ton nom fut le seul mot à traverser ses lèvres en ton absence. » Était-ce réellement le cas ? Elle n'avait jamais entendu sa voix et encore moins prononcer son nom. Mais cela signifiait que malgré son comportement, elle avait écouté et surtout retenu. « Et cette cité n'est pas sa terre, son destin n'est pas qu'elle y erre. »
Silence. Les implications d'une telle phrase, Azralith en avait pleinement conscience. Pourrait-elle aller jusque là ? Serait-elle même simplement capable de le faire ? Ramener cette créature sylvestre jusqu'à son foyer, une entreprise particulièrement périlleuse. Elle ne lui devait rien à cette fée, pourquoi devrait-elle suer et saigner pour elle, pour éclairer son avenir qu'elle avait déjà rendu meilleur par un acte désintéressé ? Elle n'aimait pas les cages, mais une fois émancipés, ils ne tenaient qu'à eux de s'endurcir et de suivre les voies du Père pour survivre, pour devenir meilleur, ce n'était pas à elle d'intervenir.
Désignant d'une main le rideau épais menant à l'une des loges, le Jivven ajouta, « La liberté, tu lui as à nouveau octroyée. N'est-il pas de ton ressort de poursuivre ce que tu as commencé ? Tu ne l'appréciais pas en bocal, pourquoi le ferais tu alors qu'elle risque d'y retourner au moindre acte un peu trop orchestral ? »
Azralith montra soudainement les crocs, un grognement s'échappant de sa gorge. Elle n'appréciait pas cette réflexion. Ce n'était pas là son rôle que celui d'apporter son aide à ceux incapables de se défendre. Elle souhaitait conserver sa neutralité, préserver cette loi dictant la survie des méritants et la perte de ceux qui échouaient. Il ne pouvait en être autrement. Et pourtant, bien qu'elle le réprimait, elle en ressentait parfois l'envie, cette envie folle et irrationnelle d'aider là où ce n'était pas nécessaire. Libérer cette fée en était l'expression la plus tangible. Et même si elle reportait ce cas sur sa condition de créature enfermée, privée de sa liberté, elle ne pouvait s'empêcher de penser qu'elle l'avait fait simplement car il lui avait déplu de voir cette faible créature dépérir, hors de portée de la moindre aide.
Elle posa une main sur son visage. N'était-ce pas ainsi qu'elle se considérait également ? Reportait-elle le désir de ce qu'elle souhaitait voir lui arriver sur les autres ? Fulminante, la guerrière écarta le rideau d'un bras et passa en dessous, pénétrant dans la petite loge. Au milieu du chaos de costumes colorés et de maquillages en tout genre, elle avisa rapidement la petite fée. Sa chevelure blanche partiellement recouverte d'une poudre écarlate, elle leva vers elle de grands yeux verts, une paire d'ailes semblables à celles d'un papillon apparaissant dans son dos. « Azra ! » Prononça t-elle soudainement d'une voix très étrange avant de sauter dans les airs, portée par quelques battements timides qui l'amenèrent jusqu'à l'une des épaules de l'imposante guerrière. Elle se faufila alors sous la fourrure comme elle l'avait fait lors de leur première rencontre, ne laissant dépasser de l'obscurité que l'émeraude brillant de ses prunelles.
Le Jivven n'avait pas menti quant aux capacités de sa troupe, la fée semblait bien plus vivante qu'auparavant, sans compter qu'il lui était désormais possible de voler. Récupérer ses ailes la rendait bien plus mobile, mais aussi beaucoup plus vulnérable. Azralith ne put retenir un soupir. Était-ce là ce que ressentait Viliam lorsqu'il libérait des esclaves ? Cette soudaine responsabilité qui en émergeait, requérant d'apporter en plus de la liberté une stabilité assurée pour apaiser une conscience bien trop bruyante. Et bien que ce n'était pas là son rôle, elle ne pouvait s'empêcher de ressentir un besoin, celui de la protéger, de la préserver. Elle aurait pu se dire que c’était la première fois qu'elle ressentait quelque chose de similaire, mais n'était ce pas déjà le cas envers Viliam ? N'affronterait-elle pas tout le Guet s'il le fallait pour le protéger ?
Paprika sortit alors sa tête, fermant les yeux et affichant un large sourire. Les traits de son visage étaient semblables à ceux d'une elfe, fins, raffinés, provenant d'un monde bien éloigné de celui qu'elle connaissait. « Mélämar ? » L'intonation supposait une question, mais Azralith était bien incapable de la comprendre. La fée tendit alors l'un de ses bras vers l'extérieur, pointant du doigt l'une des peintures représentant une forêt. « Mélämar. » Affirma t-elle alors.
Son foyer. Elle, elle avait quitté le sien de sa propre volonté, mais la petite fée ne l'avait sans doute jamais désiré. Sans encore réussir à pleinement comprendre pourquoi, la guerrière sentait qu'un acte tel que celui ci ne pouvait être que juste. Son pèlerinage, les réponses, une justification, sans doute parviendrait-elle à tout obtenir au cours de son voyage. Alors, Azralith croisa le regard de Paprika et lui fit un hochement de tête, ses mots portant en eux une promesse, un serment qu'elle ne pouvait briser. « Mélämar. »