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 Noble virtuosité [Libre]

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Gweddry Isadanrel
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Gweddry Isadanrel


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Date d'inscription : 26/11/2007

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MessageSujet: Noble virtuosité [Libre]   Noble virtuosité [Libre] I_icon_minitimeMer 26 Déc 2007 - 20:51

Mademoiselle Baonn et l'androgyne se trouvaient assis en face l'un de l'autre dans l'un des appartements situés dans les chétives ruelles, dans une aile repliée de la cohue générale. C'était une salle à manger, vaste et sonore, dans laquelle ils achevaient silencieusement de diner. La sage favorite, en robe de soie grise, buvait du thé dans de la porcelaine avec autant d'indifférence qu'elle eût avalé du poison. Elle était décidément malheureuse. Elle ne croyait plus à ce marchand de peintures à l'huile et quoiqu'elle eût la discrétion de ses douleurs, cette incrédulité, née de tant de doutes, avait pourtant transi ce qui leur restait d'intimité tiède encore. Ils s'aimaient et ils restaient froids... Gweddry, dont l'âme agitée retombait aussi sur lui-même, avait ouvert devant lui une de ces cassettes en racine de buis, qu'on appelle caves, toute pleine de flacons de cristal de roche tailladé, à bouchons d'or. Depuis une heure, il versait à cette dame, avec cette âpre avidité que comprendront ceux qui souffrent, de ces essences parfumées dont un alcool meurtrier est la base et que tous les êtres tourmentés par leur pensée adorent, parce qu'elles ennivrent et qu'elles tuent, deux bonheurs toujours à la portée de main !

Cette salle à manger, pavée de marbre ardoise, avec ses deux fontaines, aux vasques profondes, eût été glaciale par le temps qu'il faisait si un grand poêle de céramique immaculée n'eût été allumé et n'eût répandu à l'entour la chaleur mate et alourdissante du charbon dans la tôle rougie. Rien de plus triste que cette salle bâtie pour une vingtaine de convives et dans le désert de laquelle, ce soir-là, on en comptait deux. Les murs, blancs comme ceux d'un sépulcre, étaient verdis aux angles par la bise qui avait soufflé dans les jointures des fenêtres de ce palais si longtemps délaissé... Ils étaient couverts de quelques cartes de géographie et de portraits de famille, noirs, austères, enfumés de vétusté, restes d'une magnifique galerie, détruite par une vague de bourgeois au sang elfique n'ayant plus toutes leurs parures pour s'en prendre à de telles icônes... Cette lèpre qu'était le conflit, qui ne se contentait pas de couper les mains à des milliers d'hommes, les coupait de même à des portraits et à des statues. Il avait donc déchiré ces archives peintes de la famille et faussé d'une barre homicide le blason impérial. On avait fait transporter les toiles. Revenants majestueux du passé, ils étaient là, plusieurs encore, avec leurs mines hautaines, les uns vêtus de daim, les autres d'acier, la poitrine ornée de ces ordres qui représentaient de si grandes choses, la main à l'épée ou sur le bâton orné de pierres précieuses... Par un hasard singulier, deux extrémités d'une ligne ancêtre brisée se rencontraient à nouveau. Gweddry déposa ses innocentes pupilles sur un garçon, peint sûrement à douze ans comme le voulait la coutume, dans un cadre ovale et sur un fond bleu ciel, en habit blanc, poudré de rose, les cheveux épars, joli comme un coeur et déchirant à beaux ongles les pages de son catéchisme, faute digne du fouet et qu'on peignait parce qu'on la trouvait charmante et qu'elle était bien plus la faute du siècle que de l'écolier.

Ils étaient donc là, nos deux inconnus, dans cette large salle, imposante de tristesse, avec ses hautes poutres et ses briques verdies dissimulées soigneusement derrière des trophées de gibier. Ils y étaient, sous l'oeil fixe de ces sombres visages, moins obscurs qu'eux. Qui les eût vu ainsi, similaires à deux amants, séparés par la table ronde, préoccupés, sérieux et mornes, l'un s'occupant généreusement à boire son thé d'une lèvre inerte et la flamme d'un rhum, aurait compris que leur lune de miel était finie.

Les domestiques s'étaient retirés, leur service achevé sur un signe de leur maître. Des deux fenêtres de la pièce, on pouvait prolonger son regard sur une mer de vent, des vagues houleuses semblant plus glauques par le contraste de toutes les blancheurs sur lesquelles déferlaient la brise en silence. Ces formes blanches n'étaient que le masque de la lune et de ses nobles astres de nuit... La salle à manger, ainsi que les faces des deux privilégiés, était frappée de cette espèce de clarté blafarde venant du ciel et qui éclaire les objets par en dessous. Ils n'entendaient que le bruit du feu comprimé dans l'âtre et de temps en temps, quand le vent les leur apportait, les sons douloureux d'une cloche lointaine qui sonnait pour les morts...

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Baonn avait rompu la première le silence après avoir vider son verre. Elle avait bien raison d'aimer ces liqueurs qui nous réchauffent et qui nous soulèvent... Mais elle retomba bien vite dans sa lourde rêverie. L'apothicaire Isadanrel avait bien compris cette clameur d'une âme qui étouffe et qui saigne et qu'elle venait de lancer. Ce qu'elle avait bu embrassait sans doute ses songes, mais il n'y avait pas en elle que les misérables ferments des breuvages matériels... Il y en avait d'autre, qu'elle puisait silencieusement depuis une heure à la source vive du passé. Oh ! Qui a touché à ces nectars terribles a avalé la soif elle-même, comme les damnés en buvant leur feu liquide dans leur coupe de feu solidifié ! Pauvre vieille femme ! Gweddry voyait bien qu'elle souffrait et il n'y pouvait rien. De tous les rois qui perdent leur couronne, celui qui doit en souffrir le plus, c'est l'Amour... Abattu par les abîmes du souvenir, il baissa la tête et ne répondit pas. Il se versa cette fois-ci une larme de cette liqueur forte et pourtant perfide qui, pour l'oubli qu'on y cherche, teint de son or toutes les perspectives de la vie qui n'est plus afin que nous les aimions et les regrettions davantage. La vieille institutrice fut frappé au coeur par ce geste muet...
Par un mouvement de céleste délicatesse masculine, contraste de la gent féminine, Gweddry se leva et gagna les pavés à l'extérieur, les yeux irrités d'une grossière colère...


Qu'elle le pleure, se dit-il, car elle meurt pour lui. Mais je ne veux pas qu'à cause de moi elle dévore ses larmes, si elle en a encore à donner ! Ah ! Je l'ai bercé sur mon cœur et je sais qu'elle a une âme généreuse. Ce qu'elle me cache, ce qu'elle éprouve, tous les silences, toutes les dissimulations de sa vie actuelle ne le le prouvent-ils pas ? Je ne suis pas plus aimé à avoir apaiser ses maux fourés d'alcool...

Une fine cape masquait avec peine les douces épaules de ce prince des végétaux, ses mains se joignaient à la naissance d'un torse, le visage tourné vers les astres... Alors que tout semblait éteint et accablé de fatigue, une plainte surgit, un son guttural déchirant ce voile de silence, une exaltation qui s'ajouta à l'irritation de l'homme. Surement les nuées d'alcool ayant atteintent les consciences... Son souffle pétrifiait l'onde glacée des ombres nocturnes, ces dernières veillant sur l'océan qui inondait ce regard unique...


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