Elle avait besoin de calme. Assise, là, tout près de l’eau, elle cherchait le calme. Après un meurtre, enfin, après avoir ainsi poussé quelqu’un à la mort, elle avait besoin de calme. Parce que tout en elle était chamboulé, comme à chaque fois, et que tant de questiosn refaisaient surface en elle. Après tout, tuer ainsi n’était pas facile pour elle. C’était se confronter à sa propre mort. Et à la potentielle mort de son fils. Et si le drow qu’elle venait d’assassiner avait été son fils? Non, certainement pas, elle l’aurait reconnu… mais si son cœur de mère lui avait fait défaut? Si…
Elle poussa un long soupir pour faire le vide dans sa tête. Elle disposa autour d’elle ses armes et ses sacs de voyage, gardant à porté tout à porté de main, ne laissant que le long couteau et la petite épée accrochés à son dos. Elle ferma les yeux et entreprit de retrouver le calme en elle, se concentrant à trouver le vide. Elle aurait pu sembler faible ainsi. Mais ce aurait été la sous-estimé. Elle était connectée à tout ce qui l’entourait, chaque petit bruit s’amplifiant en elle, jusqu’au moindre souffle d’une quelconque autre vie.
Elle était en territoire elfique, là où elle avait été conçue. Les circonstances restaient nébuleuses, et elle ne tenait pas à en savoir trop. De tout façon, elle n’était qu’une erreur de parcours dans l’histoire de deux races aux antipodes l’une de l’autre, elle n’avait pas de raison d’exister. Sinon pour être elle-même, au-delà du sang.
La femme n’était ni vieille ni jeune. Elle n’avait pas les traits d’une adolescente, ni ceux d’une vieille femme, mais il aurait été difficile de lui donner un âge entre ces deux tournants de la vie. Peut-être que son air froid et inaccessible la rendait vieille, peut-être que son charme oeuvrait comme une fontaine de jouvence pour elle, elle ne le savait pas. Elle ne s’était pas regardée devant un miroir depuis bien longtemps. Du moins, observée. Tout ce qu’elle savait, c’est que la pluie avait dû effacer le rouge sang de ses cheveux et la fatigue devait creuser ses traits, lui donnant un air misérable. Elle devait sembler faible, mais elle ne s’en souciait pas.
C’était la première fois depuis plusieurs jours qu’elle se retrouvait enfin seule. Elle avait en permanence été près de sa victime, se glissant dans sa vie pour mieux la détruire. Et maintenant qu’elle se retrouvait seule, elle ne savait plus quoi penser. Était-ce mieux ainsi? Devrait-elle songer à se rapprocher des autres? Elle chassa la question de sa tête, sentant l’amertume naître au fond de sa gorge. Il ne fallait pas penser à cela. Il fallait rester seule, vivre seule, ne jamais connaître personne. Tout le monde veut abuser de tout le monde. En ce bas monde, on ne peut compter que sur soi.
Soudain elle prit conscience d’une respiration autre que la sienne, plutôt proche. Elle releva les yeux, redressant la tête, observant autour d’elle. Elle ne remarqua qu’une silhouette, pas trop loin. D’une voix posée et sans émotion, elle lança :
« Qui est là et que faites-vous ici? »