Un peu de chaleur [Terminé]

La nuit était tombée sur Diantra, depuis maintenant une petite heure. Les rues s'étaient soudainement vidées, laissant le terrain libre aux chats, et autres animaux nuisibles tels que les rats. La lune se reflétait sur les pavés, polis par le temps et le passage, baignant d'une lumière froide les méandres de la capitale silencieuse. Dans l'obscurité, la ville devenait le théâtre d'actes plus ou moins reprehensibles, et il était bien souvent deconseillé de s'aventurer seul dans les petites ruelles sombres. Ae' n'était certainement pas capable de mettre en déroute une petite bande de malfrats, c'est pourquoi elle recourait à la discretion, et ne quittait pas les grandes artères de la cité.Son ombre furtive glissa, et poussa une porte, ce qui, l'espace d'un instant projeta sur la rue la lumière chaleureuse d'une taverne bruyante. L'instant d'après, les éclats de voix n'étaient plus qu'un murmure, guerre plus bruyant que le sifflement du vent.

A son entrée dans la taverne, Aewyl plissa les yeux, aveuglée par la lumière soudaine. La joyeuse salle produisait un vacarme assourdissant, et chaque client tentait de parler plus fort que le voisin pour se faire entendre. Personne ne se retourna sur le passage de la jeune femme, qui se faufila jusqu'au comptoir. L'air était lourd, dans un coin de la salle, des nains crachotaient des ronds de fumée tandis que d'autres clients bourraient leurs pipes régulièrement. Sur un tableau d'ardoise, on avait inscrit à la pierre blanche le menu du jour, un ragout de moutons, agrementé de pommes de terres.. La jeune femme avait faim, et l'odeur qui venait à elle lorsque s'ouvrait la porte des cuisines était alléchante. Elle s'installa donc à une petite table ronde, et on lui apporta son repas, avec une petite cruche d'eau froide, au goût amer. Elle mangea rapidement, et la nourriture chaude lui fit du bien. Les discussions actives créaient une sorte de bourdonnement appaisant qu'elle écoutait distraitement. Cependant nulle d'entre elles ne retint son attention. Ormis les ragots de quartiers, et les dernières acquisition d'un petit bonhomme jouflu, aucune information interessante ne parvint aux oreilles de la jeune femme. Elle soupira, fatiguée, mais peu encline à retrouver le froid mordant de l'hiver dans lequel elle passerait la nuit. Elle songea qu'il lui faudrait un jour trouver une maison, ou du moins une planque fixe, autant par souci de sécurité que par confort. Elle aurait très bien pu se payer une nuit dans une taverne, mais elle avait peur d'y prendre goût, et sa conception des économies était drastique. Il fallait tout d'abord qu'elle achète un cheval, mais là encore se posait le problème de l'écurie, celle qu'elle n'avait pas. Elle ferma les yeux, et chassa ses préoccupations de sa tête, elle y repenserai plus tard. Pour l'instant, elle souhaitait passer une agréable soirée.

Elle devait cependant reconnaître qu'elle s'ennuyait. Cela faisait maintenant quelques jours qu'elle était à Diantra, mais peu d'évenements étaient venus contrarier le cours de sa vie. En raison de cela, elle escomptait partir des le lendemain de cette ville. Pour aller où? Elle l'ignorait encore, mais elle était certaine que ses pas sauraient la guider. Quoiqu'il en soit, la soirée s'annonçait tout aussi fade. La jeune femme suivait des yeux le ballet des serveurs, qui sillonnaient entre les clients. Aucune petite dispute, pas de bousculade.. Et puis la musique manquait. Il aurait fallu quelques instruments pour voir s'élancer dans la salle, transformée en piste, un couple de danseurs. Mais personne ne tappait dans ses mains pour donner le rythme. C'était malheureux. Un frisson parcourut l'échine de la jeune femme: la porte venait de s'ouvrir dans son dos. Lasse, elle ne se retourna pas pour voir qui entrait, et garda les yeux rivés sur le manège des serveurs.

"-Par les Dieux ! Veuillez m'excuser m'sieur l'baron, mais c'est foutre grand !
-Diantra...capitale des hommes, métropole, plaque commerciale où va d'ailleurs la majorité de notre vin Aldruss...je t'avouerais que je suis même passablement étonné. "

Rien ne le laissait en revanche transparaître dans le visage imperturbable du baron de Hautval.Le baron et son valet, perché sur une carriole tandis que son seigneur était sur un ronçin, continuèrent donc de descendre la route principale vers la grande ville, environnée de marchands par dizaines qui poussaient leurs boeufs pour faire entrer leurs marchandises dans la ville. Marchandises qui seraient âprement vendues, avant que les susdits marchands ne retournent en chercher encore et encore. Une fourmilière somme toutes.

L'on passa néanmoins de l'étonnement au dégoût. Car Diantra puait. A Hautval, on était au milieu des vignes, l'air était pur et sain. Mais ici, les relents des cuirs de tannerie accompagnait une agressive odeur de sueur qui recevait la compagnie de senteurs d'urines et de vomi. L'air était vicié et totalement puant !

Cette affliction passée (Aldruss se vidant corps et âme sous le regard de glace du baron), Charles décida de trouver où gîter. En effet, la nuit tombait fort rapidement et il savait fort bien qu'il valait mieux se trouver en intérieur une fois le soleil couché.

Mais les bouges qui tenaient lieu d'auberge rebutait en nombre Charles, qui, sans vouloir un confort absolu, voulait du calme et de la propreté. Une demi-heure de recherche plus tard, l'on tomba enfin sur une enseigne un peu moins branlante que les autres.

Charles poussa la porte, et fut assailli par une concentration acide et puante de chaleur, de gras et de bruits. Hum...il décida tout de même d'entrer : Aldruss passait par la cour, dormirait dans l'écurie en veillant sur le chariot : il contenait pour des centaines de souverains en vin, et c'était tout de même la grande majorité de la boisson du mariage qui s'annonçait.

Le baron, les traits méprisants face à toute cette gueusaille, plein de morgue et de froideur, s'approcha du comptoir. Il s'imposa tout de suite, écartant un ivrogne tout en le fixant d'un regard qui laissait plutôt...glacé.

"-Du lard, du pain et du vin tavernier. Et vite."

Il jeta une pièce sur le comptoir tout en se retournant, pour fixer dans le blanc des yeux tous ceux qui s'offusquaient de sa présence plutôt intrusive. Le tavernier, notant le visage de l'homme et aussi la lame qui avait élu domicile à son côté, préféra ne pas faire de scandale, même s'il avait grande envie de mettre un pain dans la gueule de cet arrogant. Mais c'était un noble, et on se retrouvait si vite au bout d'une corde pour avoir touché à ces sales types.

Charles prit sa commande sous les bras pour aller s'installer à une table vide. Un sourcil offusqué se haussa sur son visage. Tiens. Une femme habillé en homme ? Du moins, il n'en voyait que les cheveux, qui semblait bien être féminin, tandis que le reste de la vêture de la personne lui tournant le dos était totalement masculine...la décadence des mœurs n'était plus à prouver...

Pensant à tout cela, il ne fit pas trop attention où il mettait les pieds, et passant devant l'inconnue, Charles trébucha sur un vieux chien plein de puces affalé au sol, rongeant un os.

Et patatra.

Les vêtements de la femme prirent une teinte violacée à cause du vin qui ruisselait par dessus le bras du baron. Celui ci s'arrêta à peine, lançant juste un "Désolé pour cet incident...", n'accordant pas un regard à la gueuse.

Les deux coudes posés sur la table, et les mains jointes, doigts croisés devant sa bouche, Aewyl somnolait. La chaleur du lieu attenuait ses sens, et, plongée dans un demi-sommeil, entre le conscient et l'inconscient, la jeune femme laissait le temps s'écouler. Il était bientôt minuit, dehors, la lune était sans doute déjà monté bien haut. L'homme qui était entré se dirigea d'un trait vers le comptoir. La jeune femme scruta le nouvel arrivé d'un oeil qui se faisait juge. Il apparaissait que cette homme, dans la trentaine environ, devait être un noble. Du moins, son attitude laissait penser ainsi: port hautain, air froid. On eut dit qu'il mettait une barrière entre la populace et sa propre personne. Aewyl esquissa un sourire en songeant que cet homme plein d'orgueil saurait sans doute provoquer un incident. Sans doute ignorait elle qu'elle serait au coeur même de cet accident, aussi se contenta-t-elle de détourner son regard de lui, et de se concentrer sur une partie de carte qui se déroulait à quelques pas d'elle. Les voix grasses des joueurs crachaient des jurons lorsqu'ils perdaient la main, et en dépit de son allure masculine, Ae' les trouvait plutôt vulgaires..

Un chien couché sur le parquet usé de la taverne grogna de contentement. Il avait deniché un os et s'en régalait. Le spectacle n'avait rien d'affriolant, et la jeune femme, lassée, estima qu'il était temps pour elle de quitter l'établissement. Elle s'étira doucement, et repoussa son assiette vide, dans laquelle elle avait croisé ses couverts. On l'aurait sans doute jeté dehors pour cela: dans bien des lieux, croiser couteau et fourchette était bien souvent synonyme de malédiction, mais dans ce lieu, personne ne s'interessait suffisemment à elle pour faire remarquer l'outrage. Soudainement cependant, un liquide froid se deversa sur l'épaule de la jeune femme, coulant tout le long de son chandail, le tachant de vin pourpre. Le visage de la jeune femme se transforma en une moue outrée lorsqu'elle releva les yeux et qu'elle ne découvrit nul coupable. Ils se balladaient tous avec une bierre à la main, et peu d'entre eux se payaient le luxe d'un vin.

Aewyl posa finalement ses yeux sur le Noble. La voix grave qui avait proferé les excuses nonchalantes venait donc de cette homme à la calvitie fort avancée. Une lueur de colère traversa le regard de la cavalière. Ainsi, sous pretexte qu'on était un de ces nobles prétentieux et égocentriques, on pouvait faire fi des clients d'une sombre taverne, et les considerer tels des gueux? Si c'était bien là la pensée de cet homme, c'est qu'il oubliait certainement que dans l'éternel conflit qui opposait la communauté de la lumière aux tueurs de l'ombre, ils était définitivement égaux. Quoiqu'il en soit, la réaction de la jeune femme ne se fit pas attendre. Elle se leva d'un bond, grogna un juron et s'avança de la table du Noble, à laquelle il venait de s'assoir, seul, et se planta devant lui, les mains à plat sur le bois ancien.

" Dites moi Monsieur.. La clientèle de cette taverne est elle si crasseuse à vos yeux que vous préferez l'ignorer? Dois je mettre votre impolitesse sur le compte de la Noblesse, ou sur celui de la mauvaise éducation? " Elle toisa l'homme. Elle n'était pas sans savoir que sa reflexion pourrait bien lui coûter cher: la Noblesse avait de l'influence, et les disparitions inexpliquées étaient fréquentes à l'époque. Cependant, la tache sombre gagnait encore du terrain sur le tissu d'un blanc cassé. Dans la salle, personne n'avait encore porté les yeux sur la silhouette fine, penchée par dessus la table d'un noble indifférent à ceux qui l'entouraient.

Tiens. La gueuse parlait ! En fait, il mit un instant à comprendre qu'on s'adressait à lui. Mais quand le baron de Hautval entendit le terme de "noblesse" il saisit qu'il était l'individu visé. Charles en fut un instant choqué. Ce vermisseau insignifiant lui demandait des excuses en bonne et dûs forme ? Mais...c'était du délire total !

Un rictus moqueur vint se figer sur ses lèvres, accompagnée d'un regard méprisant au possible. Charles se débarrassa rapidement de ce qu'il avait sous les bras à la table d'à côté avant de fixer l'impudente. Comment osait-elle ?

Charles de Hautval ne se cachait pas. Sa voix décidée, martiale, répondit au tac-au-tac :

"-Si j'étais vous je ne me ferais pas remarquer ainsi...attifée comme ça...pas très glorieux..."

Le baron prit un peu de recul avant de continuer, haussant le menton plus que jamais :

"-Je n'ai aucun doute sur le fait que l'exotisme doit plaire à vos clients, mais il y a d'autres lieux pour pratiquer votre profession..."

Cela semblait aller de soi ! Pourquoi donc une femme viendrait dans un tel bouge, seule de surcroît, si ce n'est pour rabattre les soudards en manque d'exercice ? Le plus vieux métier du monde était assurément une plaie à Diantra, et cette...chose...devait sûrement espérer qu'un accoutrement masculin aguicherait quelque habitués en manque d'originalité.

Le visage du baron reprit une consistance proche du marbre avant d'achever :

"-Bref, vous m'excuserez, mais je n'ai que faire de politesses avec les gens de votre espèce."

Le reste de la populace n'osa pas alors intervenir : il est vrai qu'il ne connaissait ni la jeune femme ni le baron, et surtout le titre de noblesse de ce dernier empêchait toute action prématuré...

Sa bouche forma alors une fente réduite à sa plus simple expression, pour glisser entre ses dents :

"-Sale putain."

Il était de ces faits qui déclanchaient des réactions typiques. Ainsi, le regard empli de mépris que lui adressait le noble outra la jeune femme, en quête d'excuses. Elle se contenait, s'empecher d'exploser à la figure de cet homme, sans savoir qu'elle n'était pas au bout de ses surprises. Elle le laissa parler, débitant selon elle une quantité de bêtises auxquelles elle trouvait à répondre. Si tous les nobles étaient aussi rustres et vulgaire que lui, Aewyl n'emettait aucun regret à s'en tenir éloignée. Elle écouta, muette, incapable de placer un mot entre ces bribes de phrases dégradantes qui blessaient son égo. A travers ses mots, il lui faisait clairement comprendre qu'il ne la considérait que comme une fille de joie, rien de plus. Pensait il que Diantra était si peu fiable pour qu'une catin arbore une épée au côté? Elle souffla doucement, et entreprit d'une voix calme, tant que sévère: " Cela n'est pas moins glorieux que la manière dont vous parlez ".

Il n'y avait rien à en tirer. C'était un bougre d'homme, cloisonné dans ses préjugés, et duquel on ne pouvait gagner que le mépris. Malgré son âge mur, la sagesse semblait ne pas faire partie de ses capacités, ainsi jugeait-il et condamnait-il de son oeil orgueilleux ceux qui avait l'audace de se manifester, sans doute un peu trop à son goût. La jeune femme, consciente qu'elle ne gagnerait rien à essayer de lui faire entendre raison abandonna la partie. Elle lui adressa un dernier regard qui dissimulait un étrange mélange d'exaspération et de frustration, puis elle tourna les épaules. Avant qu'elle n'ait pu faire un pas, l'insulte s'echappa des lèvres de son adversaire. L'enchaînement de réactions d'Aewyl fut rapide. Tout d'abord, elle se figea, et son visage pâlit. Elle hésita un instant et fit volte-face, se retrouvant nez-à-nez avec le malapris. Quelques clients s'étaient déjà tournés vers eux, observant d'un air curieux la scène: une femme, accoutrée comme un homme, et qui paraissait sans le sou portait un regard menaçant sur un noble assis, à l'allure tranquille. Les éclats de voix qui s'ensuivirent achevèrent d'interpeller les derniers indifferents, et la partie de carte qui se déroulait à quelque pas cessa.

" Espèce de.. Peste soit du noble, à la fière apparence, mais au piêtre coeur. Aveuglé par votre orgeuil et votre amour-propre, sans doute manquez vous de discernement!" En dépit de ce que son esprit lui déconseillait de faire, elle tendit une main rageuse, et giffla d'un trait l'importun. Le gesta fila droit, claqua sec. C'en était encore trop peu pour la jeune femme, qui jugeait son outrage bien en dessous de ce qu'il méritait. Alors, en rajoutant dans l'excès, elle cracha à la figure de l'homme. " Là, au moins, vous avez des raisons de penser que je ne suis qu'une paysanne." Silence dans la salle.. chacun attendait la réaction du noble, homme tout puissant dans cette taverne à l'ambiance voilée. Ae' n'avait que faire de ce qu'on penserait d'elle: demain, elle aurait quitté la ville, et les racontars n'étaient que des rumeurs que l'on oublierait bien vite.

" Espèce de.. Peste soit du noble, à la fière apparence, mais au piètre cœur. Aveuglé par votre orgueil et votre amour-propre, sans doute manquez vous de discernement!

Le baron n'eut cure des paroles de cette gueuse. Elle était du peuple, et ses paroles était comme du vent pour lui. Elle appartenait à un monde, lui à un autre. Son sang faisait de lui un être supérieur.

Mais il fut alors un peu surpris. Pas choqué non. Étonné surtout.

La gifle laisse un court instant une marque rouge sur le visage de Charles. Ce dernier ne frémit à peine. Le genre de Charles n'était pas aux réactions colériques, sur l'instant. Il en avait déjà fait les frais durant sa vie...la vie de son père en étant l'exemple le plus concret.

La face bronzée du baron redevint uniforme au bout de quelques instants qui passèrent pour une éternité. L'auberge le fixait, lui et l'impudente. Ses yeux semblèrent se resserrer sur eux même. Un froncement imperceptible vint troubler son visage à l'immobilité de glace.

Mais un soufflet restait un soufflet, même si celui de la jeune femme était un peu plus violent que la moyenne utilisée pour déclencher un duel. Tiens. Le mot avait traversé son esprit.

Le baron n'était pas à Hautval. Là bas, le guet aurait fait fort de s'emparer de la rebelle, et la mettre au carcan pendant quelques jours. Voir la brancher. Enfin, il était à Diantra, et il se doutait bien que la garde avait d'autres chats à fouetter que de faire respecter la hiérarchie sociale en place depuis des siècles.

Charles remarqua alors l'épée longue qui reposait sur une chaise à côté de la jeune femme. Tiens donc, les catins se promenaient armés maintenant ? Si tant de gloriole lui plaisait, elle allait être servie.

Le baron tonna alors d'une voix forte :

"-En tant normal j'aurais fait en sorte qu'on vous donne le fouet dans les plus brefs délais mais je vous avouerais que je m'ennuie un peu en cette cité...puisque vous vous affichée avec cette lame, pourquoi ne pas faire montre de vos prouesses ?"

Il se détourna un instant, et écartant la gueusaille silencieuse qui bouchait son passage par sa seule présence, reprit :

"-Je vous attends dehors..."

Ecarlate allait se dérouiller un peu apparemment. Enfin non, puisqu'il la huilait chaque soir avec soin...il savait qu'elle serait aussi parfaite qu'à sa naissance...Le baron sortit de l'auberge, ricanant intérieurement. Elle allait regretter son affront sous peu. Ou peut être ne viendrait-elle pas ? Ça semblait être la solution la plus logique...comment une personne aussi jeune, femme de surcroît, pouvait-elle espérer rivaliser avec la lame bâtarde ancestrale d'un homme formé, en termes simples, à tuer depuis l'âge de sept ans ?

L'attente avait laissé Aewyl de glace. Elle patientait, droite, quelque chose d'arrogant dans l'attitude qui laissait présager que quoique fasse le noble, la jeune femme ne se laisserait pas faire. Elle nota le coup d'oeil de l'homme sur son épée, et fronça les sourcils. Elle n'avait pas pensé à cette issue, et l'idée d'un combat à l'épée, bien que grisante, la faisait frémir intérieurement. Les paroles de l'homme, dont elle ignorait encore tout, ormis sa classe sociale et son orgueil vinrent confirmer ses doutes. Il la provoquait en duel. Sa remarque à propos des coups de fouets lui fit grincer des dents. Si c'était là sa seule manière de soumettre les effrontés qui s'en prenaient à lui.. Elle hocha la tête, tandis que son esprit s'affairait. Elle pouvait toujours refuser.. Mais non, elle irait combattre cet homme. Bien sûr, face à lui, elle n'avait pas de grandes chances! Il était plus costaud qu'elle, plus âgé, plus experimenté, sans aucun doute, et ses racines devaient faire de lui un adversaire de taille. Cette pensée fugace disparut comme lui dans l'encadrement de la porte. Bien, il l'attendait dehors.

Comme elle s'emparait de son épée, arme peu onéreuse mais avec laquelle elle faisait preuve d'agilité, elle remarqua que de nombreux regards s'étaient posés sur elle, attendant sa décision. Un vague sourire vint s'échouer sur ses lèvres pâles, et ses mains ramenèrent en arrière ses longs cheveux bruns. Elle disparut à son tour dans la noirceur de l'exterieur.. Le froid mordant la fit frissonner. En quelques pas, elle s'était placée a trois mètres du noble, la main droite fermement enroulée autour du manche de sa lame. Sur sa gauche, la taverne projetait des rais de lumières, éclairant leur deux visages d'une lueur jaunâtre. Aux fenêtres, les clients s'entassaient afin d'assister au duel. Les plus courageux s'étaient dispersés en rond autour des combattants, affrontant le froid hivernal, et traçant ainsi une sorte d'arène.

Ae' se concentra. Elle tacha tout d'abord d'ignorer leur public, et leur voix enrouées lançant des paris. Ils étaient tous persuadés qu'elle perdrait, et que l'inconnu lui laisserait de jolies cicatrices sur sa peau blanche. Elle prit enfin la parole, créant dans l'air un nuage de fumée opaque: " Devons nous combattre à mort, ou dois-je m'arrêter avant de répandre votre sang fumant sur les pavés? " C'était là des paroles bien arrogantes, et la demoiselle ne doutait pas un instant que tuer cet homme serait difficile, voire impossible. D'autant plus que la justice aurait tôt fait de la condamner pour avoir osé tuer un noble. A cette pensée, un rictus tordit ses lèvres: encore une fois, il y avait bel et bien deux poids deux mesures dans la justice. Si l'homme en face d'elle la tuait, nul doute qu'il n'aurait subi aucune représailles. Decidée, elle avança de quelques pas, et brandit son épée, attendant qu'il vienne croiser sa lame avec la sienne.

Charles sortit donc dehors. Il tâta légèrement le sol de ses bottes cloutées de voyage qu'il n'avait pas encore quittées. Du pavé bien gelé. Ça pouvait faire l'affaire. Il se frotta un instant les mains pour les réchauffer. La température extérieure n'était en effet pas très élevé.

Le baron de Hautval entendit légèrement amusé un brouhaha derrière lui, suivit d'un mouvement de foule : la femme acceptait donc le duel finalement ? Étonnant ! Les badauds s'assemblait entre les deux murs de la rue peu large, mais tout de même assez pour permettre quelques manœuvres. Un homme lança, suivit ensuite par des dizaines d'autres :

"-Deux écus qu'il la met au tapis !"

Apparemment, personne en releva le pari. Pas très étonnant non plus...Mais le peuple était content : l'hiver d'inactivité leur pesait sur les nerfs, et un duel comme ça, gratuit en plus, était totalement le bienvenu !

Charles, poings sur les hanches, regarda son adversaire sortir de l'auberge, se courbant au passage de la porte basse, lame au poing. Au moins elle savait par quel bout ça se tenait...

L'impudente se plaça à une demi douzaine de pas de lui. Charles n'avait toujours pas dégainé. Il était légèrement étonné qu'elle accepte le combat, mais il avait aussi un certain sens de la mise en scène qu'ont les nobles dans leur vie quotidienne. C'était précisément cela qui les rendaient un peu uniques...vivre la vie comme une grande pièce de théâtre. Ou un drame pour d'autres. Quant à Charles, il jouait cette pièce comme un sinistre farce depuis quelque temps déjà, dans le rôle de l'innocence désabusée...

Ainsi, le baron lança en réponse à la pique précédente, d'un ton plutôt posé, cynique :

"-J'ai déjà eu l'occasion de voir mon sang...il n'est pas du genre bouillant voyez vous ? Plutôt épais, un peu goudronneux comme ça....mais étant l'offensé je décide que nous ferons ça au premier sang. Quant aux armes je vous laisse garder votre épée. Je prendrai ceci de mon côté."


Ecarlate sortit lentement de son fourreau. La lune jetait des éclats laiteux sur la lame bâtarde ancestrale des Hautval. Le propriétaire serra un poing ganté avant de se mettre en garde. Beaucoup moins railleur et orgueilleux tout d'un coup. Il était à ce moment là ce pour quoi il était né : brandir une épée et l'utiliser. Il n'appartenait pas à la noblesse de cour, mais celle de la boue, du sang, des tripes qui s'accrochent à la garde et à la cervelle qui gicle après le coup de marteau en pleine tête. Charles de Hautval était clairement martial et déterminé.


Campé de flanc, une main sur le pommeau, une autre sur le manche, le fer pointant au niveau de la tête d'Aewyl, Charles montrait bien que la science de l'épée ne lui était pas étrangère...

La lame de la jeune femme ne le serait plus pour Ecarlate pour longtemps, car le baron murmura au milieu du silence relatif qui s'était installé autour d'eux, le début du combat sonnant :

"-Mori potius quam feodari"

...avant de se fendre immédiatement d'un revers sur la gauche, faisant pivoter sèchement son bassin. Le faux tranchant de la lame sifflait déjà vers l'épaule d'Aewyl, annonçant le début d'un combat qui devait s'avérer, selon toute vraisemblance, bref et sans difficultés pour le baron.

Les termes du duel étaient arretés: ils n'iraient pas plus loin que le premier sang. Aewyl inclina doucement la tête, acceptant la règle. Celle ci lui convenait, elle avait au moins une chance d'en sortir vivante. Cette pensée la froissa. Où s'était donc enfuie sa confiance en elle? La jeune femme n'avait pourtant jamais douté de sa valeur à l'escrime, et ce n'est pas quelques muscles en plus qui feraient la différence. Il fallait compter sur sa rapidité, la force n'avait rien à voir là dedans. Dans un bruit léger, un glissement métallique, Aewyl découvrit enfin la lame de son adversaire. C'était là une épée qui n'avait plus à prouver la place qu'elle tenait au creux de la main de son maître. En effet, le noble avait cette attitude particulière qu'ont les hommes élevés depuis très tôt dans l'art du maniement de l'épée. De son côté, Aewyl avait apprit à se battre sur le tas, non sans un certain talent, certes, mais ne disposant pas des codes d'un duel en bonne et due forme. Nonobstant, elle ferait de son mieux, comme elle avait toujours fait, sans écarter ses chances de victoire.

L'homme en face d'elle pronnonça un murmure que le sifflement de son arme vint interrompre. Aewyl volta, dégageant son épaule gauche du trajet de la lame adverse. Ainsi, il menait l'offensive, et la jeune femme constata que ses gestes étaient aussi rapides que decidés. Elle devait garder son sang froid, et se laisser guider par ses reflexes. Fixant le baron, elle se décala de quelques pas vers la gauche, suivant la courbe de la piste, et prenant soin de maintenir sa garde à bonne hauteur. Le froid n'était plus, autour d'elle: l'adrénaline avait prit le pas sur son engourdissement, et son sang était comme de l'huile en fusion dans ses veines: chaud, vif. La meilleure défense étant l'attaque, la jeune femme fit une brusque passe en avant, et feinta sur la gauche, avant de poursuivre le mouvement sur une attaque à droite, où elle rencontra la lame adverse. Le bruit du choc résonna dans les ruelles, et la jeune femme reprit son souffle..

Pour gagner, pour espérer atteindre l'homme, une seule solution s'imposait: il ne fallait lui laisser aucun répis. La lame de la jeune femme devait harceler celle du baron, se porter ça et là, parer, riposter, feinter, faire varier le rythme du combat. En clair: il lui fallait mener la danse, faire preuve d'endurance et rester constante. A chaque instant, Aewyl devait rester alerte, maître de soi. L'emportement ne vainquait jamais. Brisant à nouveau le cercle que formait ses pas, Aewyl entra dans la longue valse du duel.

[HJ:C'est un peu court, mais décrire le duel tout en ne jouant que ses actes, c'est un peu compliqué ^^ Je te laisse rédiger la suite, ne t'inquiete pas de décrire les actions de mon personnage ]

Le bal s'était ainsi engagé, les deux danseurs se lançant dans une valse endiablée ! Les lames tournicotaient, se saluaient, s'embrassaient avant de repartir pour un tour, et, enfiévrées, s'élançaient pour s'étreindre de nouveau dans une vive et brève passion !

Charles pensait qu'il avait déjà eu son compte d'étonnement ce jour là, mais il n'était parvenu au bout de ses peines en fait : la femme se montrait clairement comme étant une escrimeuse de talent. Certes, le baron avait déjà eu des adversaires plus coriaces, où il avait dû mettre toute sa hargne pour sortir vivant de ce type d'affrontement. Certes, il se battait plutôt posément, observant avec intérêt les attaques d'Aewyl.

Mais elle se battait rudement bien, pour une personne de son âge et sexe ! Ses coups manquaient peut être un peu d'assurance, son style un peu brouillon, mais quelle verve dans la fente, quelle hargne dans la pointe ! Elle était assurément fort agile, bondissant lestement à droite et à gauche, tournant autour du baron qui se contentait de parer les coups sans bouger, ne cherchant pas l'offensive.

Charles était un bloc, et la jeune femme tentait de tailler dessus, avec une vivacité de plus frappantes. Dans la foule, la populace n'était que trop étonnée de cette situation. Quelques personnes faisait même maintenant mine de parier sur la jeune femme.

Alors que l'escrimeuse se fendait vers lui, le baron enveloppa alors avec aisance la lame de son adversaire, pour couler par battements vers la garde. Ainsi agencé dans une prise de fer, il lança à Aewyl de l'autre côté du barrage des deux tranchants glissant lentement l'un contre l'autre :

"-Je m'avoue surpris, vous ne manquez pas de talent...mais finissons en voulez vous ?"

Il tendit alors ses muscles noueux, pour relever la lame de l'épée longue de la jeune femme, la repoussant en arrière du même coup. Charles esquissa un sourire après la prise, avant de s'avancer à pas décidés vers Aewyl, Ecarlate contre son flanc, pointant vers le ciel.

Aewyl s'évertuait à attaquer, tandis que son adversaire restait presque immobile, parant ses moindres coups. La jeune femme avait beau se débrouiller, il lui semblait clair qu'elle se fatigait beaucoup tandis que lui même était stoïque, et ne fournissait que peu de réels efforts. A ce rytmhe, il l'aurait à l'épuisement, et le ballet de la jeune femme aurait été vain. Elle voyait clairement chacune de ses attaques se briser sur la lame du baron comme la mer sur les rochers, sans trouver la parade qui lui offrirait la victoire. Ce n'était pas faute d'essayer, pourtant, mais l'homme en face d'elle avait des années d'entrainement, la force et l'experience de plus qu'elle. Finalement, elle changea de tactique. Depuis le début du combat, elle usait maintes attaques, parades et bottes, afin de surprendre son adversaire. Ainsi se battait elle plus contre les reflexes de l'homme que contre sa force. Cependant, cela s'était révélé inefficace, aussi abandonna-t-elle cette technique, destinée à noyer l'adversaire sous la diversité. Elle s'enferma alors dans une certaine répétition, attendant le moment propice pour fondre sur l'homme, et lui arracher la victoire.

La voix grave de Charles résonna dans la ruelle. Un sourire s'accrocha aux lèvres d'Aewyl à ces mots, c'était pour elle une première victoire, la preuve pour un noble qu'une personne du "bas-peuple", femme de surcroît, ne méritait pas que le mépris. Cependant, cette phrase lancée entre deux coups d'épée annonçait également un revirement dans le duel. En effet, l'homme en face d'elle reprenait l'offensive. Les efforts qu'avait déployé Aewyl jusqu'alors n'étaient rien comparé à cette nouvelle phase. La lame adverse était partout, cherchant son flanc, sa poitrine, ses jambes. Le poignet de la jeune femme était endolori par la pression qu'exerçaient l'une sur l'autre les deux armes. Aewyl devait se replier sur la défense, au risque de laisser une ouverture assurant sa défaite. A mesure qu'elle tentait de repousser la lame de ses côtes, elle se rendit compte que la répétition recherchée l'instant d'avant s'était à nouveau mise en place, et qu'elle avait encor eune chance. Brisant sa propre défense, elle se fendit sur la droite, et fit siffler sa lame en direction du bras de Charles.

Malheureusement pour elle, elle n'avait pas tendu assez son bras, et la pointe de son épée n'atteignit pas les chairs, se contentant de couper net la manche droite de l'homme. Cepepdant, ce n'est pas ce raté qui la glaça d'effroi, mais bien la tache blanche, légèrement circulaire qui se détachait de la peau de son adversaire. Elle recula d'un pas, tandis que son cerveau alliait la lèpre et la contagion à cette horreur. Malheureusement pour la jeune femme, cet instant d'absence avait laissé une ouverture sérieuse à l'homme, et dans un reflexe prompt, elle tenta de se reconcentrer sur le combat..

Donc Charles avança, son épée bâtarde partant à l'assaut. Il ne laissa plus alors de répit à la jeune femme faisant pleuvoir les coups de part et d'autre, laissant une grêle de coup ininterrompue que son adversaire contenait tant bien que mal, ayant néanmoins totalement perdu l'offensive.

Petit à petit, Charles gagnait du terrain, repoussa son adversaire vers le mur, la foule dans son dos. La victoire était proche. Elle se fatiguait c'était sûr. Moins vive maintenant. Ainsi, il enchainait les coups machinalement, de façon répétitive, comptant sur l'épuisement de son adversaire pour mettre un point final au combat.

Ce fut une grossière erreur. En son for intérieur, le baron devint sûr qu'elle n'attendait que ça. Un éclair, et la jeune femme se fend violemment contre toute attente. Seul ses instincts de combattants permirent au baron de reculer violemment du bassin pour se dérober à l'attaque. Déchirement net de la manche. La lame ne touche pas la chair mais fend allègrement les bandages.

Lèpre.

La foule ne voyait rien, seul Aewyl avait put entrapercevoir l'infamante marque. Non. Elle avait vu. C'était clair : son regard qui se voila un instant de terreur, de dégoût avant de se focaliser de nouveau sur le combat.

Charles songea alors sérieusement à la tuer. On ne devait pas savoir, sous aucun prétexte, pour des raisons autant politiques que d'honneur, que la lèpre avait fait son domicile en lui.

Au cours d'une estocade, il se maudit intérieurement d'être tombé dans ce duel : rien de tel pour attirer l'attention sur lui. Il fallait clairement en terminer. Le baron de Hautval recula d'un pas, froidement déterminé, saisissant le tranchant d'Ecarlate de sa main libre.

L'attaque de son adversaire arriva. Il écarta la lame adverse vers l'extérieure, et faisant pivoter ses poignets plaça le fil de la sienne sur la gorge d''Aewyl, pommeau vers le ciel.

Un souffle rauque sortit de sa bouche lorsqu'il lança à la jeune femme dont le visage était quasiment collé au sien:

"-Nous avions dit premier sang...mais j'espère que vous comprendrez que je suis en position de vous fendre la gorge pour expulser plus qu'un "premier sang" ?

Dans la foule, on commençait déjà à échanger les piécettes, mais les gens continuaient tout de même de regarder pour voir comment tout cela se terminerait.

Par chance, l'ouverture laissée par la jeune femme se referma aussitôt, et le combat repartit. Aewyl était consciente de deux choses: pour commencer, le duel tournait clairement en sa défaveur, et elle le perdrait d'une minute à l'autre si elle ne se ressaisissait pas dans l'insant. En second lieu, elle savait pertinemment qu'elle avait découvert là de quoi jeter l'infâmie sur cet homme, ce baron pour qui l'honneur était plus qu'une necessité. Il fallait faire avec ces deux élements, et tandis que son esprit filait à vive allure, elle tentait de garder le cap, de parer les coups, marquant cependant une certaine fatigue. Tentant le tout pour le tout, elle abandonna sa défense et réïtera une attaque, la première tentative ayant été plutôt convaincante. Cette fois ci cependant, son adversaire devait y être préparé puisqu'il détourna sa lame, puis plaqua le tranchant de la sienne contre le cou d'Aewyl. Tout cela semblait signer la fin du duel, et les voix de la foule se reveillèrent. Elles furent tues par celle du baron. La jeune femme laissa passer une seconde, un sourire pendu aux lèvres, et une lueur pleine de victoire brillant dans ses yeux. En dépit de sa mauvaise posture, elle déclara d'une voix relativement assurée: " J'aurais fait de vous un eunuque avant même que vous ne me tranchiez la gorge. " Elle porta son regard sur le bas ventre du baron, l'incitant à faire de même: la pointe de son épée aurait tôt fait de mutiler l'entre-jambe du noble. Dans la foule, certains échangeaient de petits rires, d'autres restaient de marbre, curieux du dénouement, tandis que d'autres reprenaient déjà leur monnaie.

A nouveau, la jeune femme scruta le visage impassible du noble. Elle souffla alors dans un murmure: " Une honte suffit. Vous subissez déjà la lèpre, faites ce qu'il faut pour conserver votre virilité. " La fin de ce combat n'était pas faite pour lui déplaire, elle n'était pas en si mauvaise posture, mais ce qu'elle avait découvert au cours de ce duel la dégoutait néanmoins. Et il fallait l'avouer, elle avait peur: la lèpre, plus qu'une infâmie pour elle, était présage de mort et de souffrances, et la jeune femme n'était absolument pas encline à la contracter. Elle déglutit. Savoir qu'elle avait escrimé avec un homme condamné avait une saveur étrange.. Et il fallait au plus vite écarter ce bras maudit. " Lâchez moi, vous n'aimeriez pas qu'on découvre ce que chachent ces bandages.. Monsieur le baron de Hautval. " Certes, l'homme ne lui avait jamais mentionné son nom, mais, par une certaine chance sans doute légèrement exagerée, la jeune femme avait entr'aperçu les armes de la baronnie sur le fourreau de la lame menaçant sa gorge. Et ses allées et venues sur le territoire des hommes lui garantissaient une certaine conaissance de ces choses là.

[HJ > J'espère que le coup des armes sur le fourreau sera pas trop.. inadapté, faux, ou un truc du genre XD]

Le baron scruta intrigué les yeux assurés de la jeune femme. Avait-elle quelque chose en réserve dans son sac ? La réponse vint assez vite et Charles constata calmement la situation actuelle : elle avait en effet profité de son petit discours pour se placer en bonne position...

Charles relâcha un peu sa prise, mais pas entièrement, avant de répartir rauquement :

"-Eussiez vous été une Sombre je vous aurais tranché la gorge à l'instant même...mais joli coup tout de même. Vous vous débrouillez plus que bien avec une épée. Enfin..."

Le baron de Hautval recula de quelque pas, un regard embêté vers la jeune femme. Qu'allait-il pouvoir faire ? La situation était plus que problématique. Mais il fallait éviter une nouvelle catastrophe. Il ramassa rapidement son manteau dont-il s'était délesté au début du combat, et le mit sur ses épaules pour dissimuler ce qui ne devait pas être vu.

Lorsque son adversaire reprit en avançant sur le sujet de l'honneur, il eût un rictus cynique. Une honte...pas réellement. Une punition plus. Les moeurs des humains l'obligeait à dissimuler cette marque, mais il ne la voyait que comme une saine et juste justice.

Le duel s'était un peu fini en queue de poisson. Quelques disputes éclataient pour savoir qui avait gagné. Mais Charles s'en fichait complètement à ce point. Il rengaina enfin Ecarlate alors que la foule se dispersait, et se tourna vers Aewyl, encore légèrement interdite après ce qu'elle avait vu.

Il s'approcha d'elle à grands pas, lui prit le bras doucement, mais avec une certaine fermeté, l'entraînant dans un coin plus sombre de la ruelle. Arrivé à un certain niveau, et sûr que personne ne pouvait les voir ou les entendre distinctement, Charles commença, légèrement soucieux :

"-Je ne vous cache pas que vous êtes la première personne à apercevoir...cela. Il est crucial, vital même, que le bruit ne s'en divulgue point. Ça n'est pas seulement une question d'honneur mais aussi de politique. Je ne m''appesantirais pas dans des détails lourds mais que je sois clair : vous n'avez rien vu."

Charles se détourna un instant avant de reprendre, nerveux :

"-Quel sera le prix de votre silence ? J'ai une bonne bourse sur moi..."

L'étreinte du baron se dessera quelque peu, et Aewyl inspira longuement. Le combat semblait s'être arreté ici, il n'y avait pas d'autre issues. Elle apprécia l'espace de quelques secondes sa condition d'humaine qui l'avait sans doute gardé en vie ce soir, et le compliment de l'homme. Elle souffla un remerciement et écarta son épée. Elle n'ignorait pas qu'elle en savait un peu trop, et que cela jouait contre elle. Une fois liberée de la lame de son adversaire, elle l'observa silencieusement, cependant qu'elle restait immobile, en proie au doute. Dans les yeux du baron semblait se dérouler un débat, une décision devait être prise quant à la jeune femme. Lorsqu'il l'a prit par le bras, elle se laissa entraîner. Il ne lui ferait aucun mal, et de toutes façon, lutter n'aurait servi à rien. Les sourcils froncés du baron laissait entendre son inquiètude. Comme elle s'en doutait, il lui demanda de ne rien réveler de ce qu'elle savait. Il était baron, il avait une place importante et il ne pouvait pas se permettre une telle accusation. Il lui proposa même une compensation de l'ordre financière. Aewyl partit d'un rire léger. " Ne vous inquietez pas, personne n'en saura rien. Plus qu'un adversaire, vous avez été ce soir un divertissement. " Elle se détourna de l'homme. L'heure était tardive, il était temps pour la jeune femme de quitter ces lieux. Avant de disparaître, elle ajouta néamoins: " Vous dénoncer ne m'apporterai rien. Tachez au moins de vous souvernir que la gueusaille n'est pas si insignifiante ". Simple précision, le baron tirerait ou non des leçons de cette soirée, et de ce duel. Duel qui, s'il s'était déroulé avec quelqu'un d'autre, aurait bien pu lui couter une réputation.

De la même manière qu'Aewyl était entrée dans cette taverne bruyante, elle disparut furtivement dans la nuit après avoir récuperé le fourreau de sa lame, qu'elle plaça à son côté. Il lui fallait maintenant dormir, le lendemain, elle partirait pour Ydril et la route à pied pourrait se révéler fort longue. Ce soir, officiellement, elle n'avait rencontré personne, encore moins quelqu'un atteint de la lèpre.

[HJ > Je pense qu'on peut dire que ce topic est terminé ^^]

HRP : Yup en effet. Ce fut un plaisir !

Le baron fut quelque peu interdit lorsque Aewyk commença à rire. C'était en effet très étonnant : un membre du peuple qui n'acceptait pas un peu d'argent ! Le peuple courait pourtant derrière n'importe quelle piécette et voilà qu'elle refusait...

Charles ne pipa plus un mot, content de voir que tout s'arrangeait. Enfin...quel crédit pouvait-il accorder à la parole d'une inconnue ? Pas beaucoup à vrai dire. Mais s'il fallait se contenter de cela, tant pis !

Il resta sur place, regardant la jeune femme rentrer dans la taverne qui avait repris son ronronnement de beuveries et jeux d'avant le duel. Le monde tournait. Judicieusement, le baron se dit qu'il devrait garder un œil sur cette femme. Des espions la retrouverait en quelques instants, les femmes armées et habillées en homme ne courait pas les rues...

L'adrénaline du combat retombée, il fut repris par la lourde fatigue qui suivait le long voyage accomplis les jours précédents. Aldruss devait déjà dormir, feignant qu'il était. Aussi, Charles rentra à l'intérieur de l'auberge et monta directement dans la chambre qu'il avait payé auparavant. Simple mais propre, c'est ce qu'il lui fallait. Le valet avait disposé quelques de ses effets sur la table.

Il en profita donc pour refaire soigneusement ses bandages, et se jura de remettre en place sa gaine de cuir pour éviter de nouveau ce genre de désagrément. Le baron se coucha finalement sur sa paillasse avant de tomber dans un profond sommeil.

Une longue journée à la cour l'attendait le lendemain.