Une rencontre heureuse…ou pas [PV Dédale]

Elon fit une moue de dégoût alors que les effluves nauséabonds de l’immense Cité assaillaient ses sens, lui faisant froncer les sourcils et plisser le nez. Les pavés désordonnés et mal taillés de la rue obscure et étroite qu’il arpentait, manquaient de faire trébucher le Drow qui prenait grand soin de ne frôler aucune des personnes à l’aspect pouilleux qu’il croisait sur son chemin. Il était impensable que sa noble personne établisse un quelconque contact avec ces miséreux en loques. Le noble Drow avait déjà visité les cités humaines mais il devait avouer que ce lieu rassemblait les pires spécimens qui lui avait été donné de voir : des voleurs, des tueurs, des brigands, des criminels. Le lieu parfait pour ce qu’il était venu chercher mais également un endroit des plus dangereux dans son état. Son corps entier était en proie à une douleur atroce et chaque pas était un martyr, il s’efforçait cependant de cacher sa souffrance derrière un masque impassible. Faire preuve de faiblesse aurait signé son arrêt de mort.

Il baissa les yeux vers son avant-bras qui était entouré d’un chiffon sale tâché de son sang. Les plaques d’armures avaient été arrachées et pendaient mollement, laissant sa blessure à l’air libre. Il grimaça de douleur en essayant de lever son membre blessé et se rappela ce qui lui avait infligé ça. La haine se refléta dans son regard alors que l’image de l’immense loup lui revint à l’esprit. Aussi surprenant que cela avait été, la bête c’était mise à parler et dans un pari insensé Elon avait accepté son aide, l’aide d’un sous-être ! Il avait été blessé dans son orgueil plus profondément que jamais. Néanmoins peu de compromis s’offrait alors à lui. Accroché à son encolure, l’animal l’avait mené jusqu’aux portes de la Dross. Le voyage avait été des plus inconfortables et des plus étranges qu’il n’eut jamais fait. La tentation de trancher la gorge du loup l’avait accompagné à chaque instant et il ne s’était accordé aucun temps de sommeil.

C’était dans un épuisement complet qu’il avait quitté son étrange compagnon de voyage pour s’engager bravement dans les dédales de la Dross. Il pouvait entendre des personnes murmurer autour de lui, tout en le fixant de leurs yeux torves. On pouvait être sur qu’ils avaient déjà la main sur leurs lames mais le noble Drow n’était pas encore une proie assez facile à leurs yeux. Son armure sombre et sa longue épée qui pendait dans son fourreau de cuir à ses côtés était largement dissuasif. S’il y avait bien une qualité qui faisait défaut aux humains c’était le courage et le simple fait de les défier du regard suffisait à les éloigner, cependant ce stratagème ne durerait pas très longtemps.

Il butta contre un pavé et manqua de s’étaler sur la chaussé. Il se releva in extremis et étouffa un juron alors que ses articulations et ses muscles douloureux lui criaient de se reposer. Il ne pouvait plus décemment continuer de la sorte. Son regard embué de fatigue croisa la silhouette d’une enseigne…Une taverne, le lieu parfait. Il continua sa route jusqu’à la porte en chêne de la gargote, ne prêtant aucune attention aux œillades provocantes d’un groupe de prostitués qui vendaient leurs charmes à deux pas. Elon devinait sans mal le genre de clients qui devait fréquenter cette taverne mais ce n’était pas plus mal. Il poussa faiblement la porte de l’établissement et rentra à l’intérieur avant d’être immédiatement assailli par une cacophonie insupportable.

L’auberge était pleine à craqué et l’animation était à son comble. Des voyageurs mangeaient avidement des plats d’origines douteuses tout en buvant goulument un étrange liquide jaunâtre qui pouvait passer pour de la bière pendant que des hommes en guenilles parlaient entre eux d’une voie forte, jouant aux cartes et polluant la salle de la fumée de leurs pipes. D’autres clients se faisaient plus discret et consommait tranquillement leurs commandes au comptoir derrière lequel était debout un homme à la corpulence assez importante qui nettoyait des verres sales avec un chiffon qui l’était encore plus. Les nombreuses bougies de suif fournissaient un éclairage tamisé et le Drow s’habitua en un instant à cette relative obscurité avant de se déplacer vers le comptoir s’attirant quelques regards curieux.

Il prit un tabouret et s’affala dessus. Il appela le patron d’une voix sèche et obtint un grognement en guise de réponse. Il devait bien avoir de quoi le soigner ici, quelque chose ou bien quelqu’un :

-J’aurais besoin de l’adresse d’un guérisseur ou d’un prêtre, vous en connaissez un ? Apportez-moi également un bol d’eau chaude, des chiffons propres et n’importe quel onguent cicatrisant.

Au vue de la mine étonnée de l’homme Elon su qu’il venait de manquer à une règle élémentaire du genre humain. On n’avait rien sans argent. Race vénale par nature il n’égalait cependant pas les nains. Le soldat Drow n’avait aucune envie de déballer sa bourse aux yeux et vue de tous mais il n’avait pas d’autre choix. Il fouilla dans une sacoche en cuir et en sortit une pièce d’argent.

-Je pense que se sera largement suffisant.

Celui-ci fit un signe affirmatif de la tête et disparut afin de lui rapporter ce qu’il avait demandé. Le Drow commençait à espérer qu’il arriverait à tirer quelque chose de cette espèce de tas de graisse lorsque soudain il sentit une présence à côté de lui et se tournant brusquement il se retrouva nez à nez avec une Drow.

En ce soir de Verimios, le froid hivernal et habituel à cette époque avait poussé un être à l'esprit empli de vices, de haine et de douleur dans une taverne très mal fréquentée. L'atmosphère était bruyante et tendue. Ici, la plupart des personnes réunies autour des tables se haïssait, même quand les visages ne le laissaient pas paraître. Tout le monde -ou presque- avait été payé pour tuer l'autre, et chaque main se tenait crispée sur le pommeau d'une épée, d'un sabre, sur la flèche d'un arc ou sur le manche d'une massue déjà couverte de sang. L'air, humide, prenait place dans les narines avec l'odeur de sueur des ivrognes, de l'urine et de l'alcool.

Les Hommes, Nains et Drows, buvaient et braillaient avec un entrain vulgaire, ne se retenant pas de lancer à la cantonnade des histoires qui devaient leur paraître drôles, une main sur la fesse généreuse et peu habillée d'une prostituée, l'autre sur leur arme, tout le temps. D'autres étaient seuls à leur table, face à leur verre, le regard triste, embué par les vapeurs du vin qu'ils ingurgitaient sans retenue. Ils ne voyaient rien autour d'eux, seulement leur malheur, leur honte ou leur mort prochaine.
D'autres encore regardaient cet être installé sur sa chaise, les pieds sur la table, vidant sa choppe de bière avec un air indifférent.

C'était une Drow. Sublime et d'allure élancée, son regard pour le moment vide de toute expression était fixé sur le parquet vermoulu et noirci, sali par des crachats, de l'alcool et de la boue. Elle avait déjà observé chaque être de la salle avec ces mêmes yeux faussement hagards, tous ces assassins, voleurs et espions qu'elle avait jugé sales, répugnants...immondes. Bien que cruelle et sauvage, cette Drow était toujours propre, même si elle avait à se dénuder sous la pluie pour décrasser sa peau grisâtre. Son nom était Dédale. Ce jour-ci, elle avait arpenté des kilomètres, sans but précis, et avait fini par arriver dans la ville de Dross, où elle voulait trouver un peu de repos. Cela risquait d'être difficile.

La porte de la taverne laissa passer un courrant d'air froid en s'ouvrant lentement. Alors que les buveurs continuaient à hurler sans se rendre compte de rien, Dédale murmura d'une manière inintelligible, le regard toujours cloué au sol :

" Qui que vous soyez, fermez cette putain de porte. "

Elle leva enfin les yeux quand le nouvel arrivant exécutait son ordre par réflexe. Le battant de bois claqua et laissa apparaître un Drow à l'allure puissante et musclée, bien qu'il portait sur son visage la douleur physique de ceux qui avaient besoin de soins.
Dédale retira les pieds de la table, attrapa sa choppe pour aller se servir encore un peu de cette boisson à base de houblon et commença à traverser la salle, un peu vacillante pour être restée trop longtemps assise. Slalomant entre tous ces êtres laids et repoussants, elle arriva jusqu'au comptoir et s'appuya contre celui-ci, sans bruit. Son métier de voleuse lui avait appris à ne pas se faire voir, ni entendre.
En revanche, Dédale entendit très bien la demande d'une personne capable de soigner, provenant des lèvres du Drow qui venait d'arriver. Elle le regarda fixement, comme à son habitude...L'inconnu se retourna et laissa apparaître ses blessures et son visage. Il était plutôt beau, mais Dédale s'interdit brusquement de penser à cela.

" T'as mal hein ? "

La jeune Drow avait jeté ses mots plus qu'elle ne les avait prononcé, pourtant, ils restaient compréhensibles, puisque simples. Sa voix était sèche, froide. Pourtant, elle possédait cette expression un peu timide quand elle parlait, qui donnait envie d'écouter ce qu'elle avait envie de dire. Souvent rien.
Dédale jeta un coup d'oeil au bras du guerrier, il était couvert de sang. Un léger sourire traversa son visage dur et barré de maquillage bleu métallique.

Elon dévisagea la Drow avec insistance, sans prendre la peine de savoir comment pourrait être perçut son comportement. En ces lieux il n’avait de compte à rendre envers personne. Sa peau sombre tirant sur le gris caractéristique de la race des Drows était striés de bandes d’un bleu froid qu’on aurait pu assimiler à un quelconque maquillage ou un tatouage tribal. Ce n’était cependant pas vraiment du goût du noble Drow qui détailla rapidement le reste du corps de la jeune femme aux formes avantageuses et aux membres allongés et délicats bien qu’il remarqua sans peine les muscles sous la mince couche de ses vêtements. Le soldat Drow avait déjà croisé ses compatriotes lors de ses nombreux voyages, il savait que certains s’adonnaient sans remords à des pratiques d’humains tel que le vol ou le mercenariat, de plus le talent d’assassin des Drow n’était plus à refaire et il était courant, et très cher, de recourir à leurs services.

Le seigneur Drukh vomissait ce genre de personne. Des traîtres à leur race qui vendaient au plus offrant les avantages naturels que leur conférait leur statut de race supérieur. En outre l’air insistant et curieux, teinté d’un sadisme qu’elle ne cherchait aucunement à cacher, avec lequel elle le fixait le révoltait. De là où il venait les faibles avaient au moins le bon sens d’éviter à chercher des noises avec ceux qui leurs étaient supérieur. Sa lèvre se retroussa en guise de mépris lorsque soudain la voix irritante de la femme lui parvint aux oreilles. Il la fixa droit dans les yeux : furibond. Elle osait s’adresser à lui ? Sa question était à la limite de l’insolence et la familiarité avec laquelle elle venait de lui parler le faisait frémir. Il ne se jeta pas pour autant à la gorge de la jeune femme. Il était fort possible qu’elle puisse posséder des complices dans la salle et dans son état elle serait plus prompte que lui à dégainer.

La paranoïa instinctive d’Elon reprit le dessus et il fit montre de prudence. Il savait ce que ceux de sa race était capable au combat. Nul besoin de provoquer une émeute dont il n’était pas certain d’en sortir vivant. Il ravala sa fierté et lui adressa un sourire carnassier avant de déclarer d’un ton abrupt dépourvu de politesse :

-Plutôt oui ….Et à moins que tu ne sois versée dans l’art du soin je te prierai de garder tes remarques pertinentes pour toi.

Il n’était vraiment pas d’humeur à jouer à ce genre de jeu. Le patron de la taverne arriva enfin et déposa gauchement l’eau chaude que contenait un bol ébréché ainsi que plusieurs chiffons à la propreté douteuse mais qui ferait amplement l’affaire. Elon s’empara de l’eau chaude où il y trempa un morceau de tissus qui ferait office de pansement. Il enleva le mouchoir souillé de sang qui épongeait jusqu’alors le sang qui sortait de sa blessure, révélant une vilaine entaille aussi longue que large qui montrait d’ors et déjà des signes d’infection. Il prit le pansement qu’il avait préparé et l’appliqua sur sa blessure pour nettoyer son bras.

Après cinq minutes passé à éponger le sang qui s’était remit à couler il commença à s’interroger sur l’efficacité de son traitement. Il se maudit une fois de plus de n’avoir aucun guérisseur à proximité, il ne pouvait plus décemment rester comme ça. Il remarqua avec énervement que sa voisine ne cessait de le fixer d’un air d’envie. Elon connaissait l’excitation qui prenait les membres de sa race à l’odeur du sang et il mit la main gauche à porté de la garde de son poignard et d’un ton sans appel il lui dit :

-N’y pense même pas… Ou se sera la dernière chose que tu feras dans ta vie.

Aussi fier et menaçant qu’il pouvait se montrer, le noble Drow se savait en position de faiblesse.

Elon fut interrompu dans sa tâche par la voix horripilante de sa compatriote aux tatouages d’argent. Sa remarque acide l’atteint en plein visage de par son impertinence et sa grossièreté, celle-ci avait sans doute du être banni du Puy d’Elda après avoir manqué de respect à un quelconque personnage haut placé. Néanmoins il ne pouvait dénier à ces paroles une certaine vérité. Il n’arriverait à rien par lui-même et encore moins avec le pathétique matériel dont il disposait. Au mieux il arriverait à stopper l’hémorragie et au pire il infectait davantage sa blessure et risquait l’amputation, dans les deux cas il n’arrangeait pas son cas. Il maudit une nouvelle fois la sinistre bête qui le forçait à vivre une telle humiliation. De toute évidence la jeune Drow semblait connaître son affaire pour l’interpeller de la sorte.

Soudain la cacophonie ambiante qui régnait jusque là s’éleva à un vacarme des plus bruyants. Certains hommes s’étaient emparés de chopes vides ou de tessons de bouteilles et commençaient à se taper dessus joyeusement. Les ivrognes n’y allaient pas de mains mortes et de plus en plus de personnes attirées par l’odeur du sang tel un troupeau de charognard se joignait à la bagarre. Encore une autre qualité qui faisait défaut aux humains : le sang-froid. Le Drow fronça des sourcils de dégoût et de mépris en entendant une mâchoire se briser et en voyant plusieurs corps roulés sous les tables.
Ils étaient réellement irrécupérables.

Sa comparse nullement inquiété par ce genre d’événements auquel elle semblait visiblement habitué se contentait de finir de boire sa boisson. Elle s’adressa soudainement à lui, lui proposant carrément son aide. De l’aide ! Comme-ci le seigneur Drukh membre de la première cohorte acceptait de l’aide ! Alors qu’il s’apprêtait à répliquer avec force il ressentit une nouvelle fois une douleur cuisante dans son bras qui se répandit dans son corps. Il grimaça de douleur, plissant sa peau brûlée et l’irritant un peu plus. Il se résigna enfin, après tout il n’était pas vraiment en position de discuter. Il suivit du regard la jeune Drow qui de sa démarche souple esquivait avec agilité les soudards avant de se débarrasser prestement d’un assaillant d’un coup d’arbalète.

Le noble Drow hocha un sourcil et se leva péniblement de son tabouret. La main accroché à la gaine de son poignard comme si c’était un quelconque talisman, il tituba plus qu’il ne marcha pour rejoindra sa compatriote. Le sang qu’il avait perdu lui faisait tourner la tête et il luttait pour esquiver les corps mouvants. Il la rattrapa enfin et déclara d’un ton abrupt et sans appel :

-C’est d’accord ! Je vais te suivre, je ne suis pas encore assez fou pour accepter de rester dans un état pareil. Fichons le camp d’ici.

Se préparant à poursuivre sa route il s’arrêta et lui dit :

-Au fait, c’est quoi ton nom ? Pour ta part tu peux m’appeler seigneur Elon Drukh. Un nom que je te conseille d’oublier une fois tout ceci terminé, je ne voudrais pas qu’on m’associe à une racaille de ton genre.

Aussi mal en point qu’il pouvait être, Elon se gardait le droit de se défendre verbalement. Il s’agissait de ne pas montrer à quel point il était faible.

L'air frais de l'extèrieur emplit les poumons de Dédale. Elle inspira jusqu'à ce que sa cage toracique ne puisse plus accueillir un seul brin d'oxygène, puis laissa ressortir doucement entre ses lèvres entrouvertes, tout ce qu'elle avait aspiré pour laver l'intèrieur de son corps, souillé d'alcool. La jeune Drow regarda aux alentours et poussa un soupir. La rue était sale, de pauvres gens étaient allongés par terre, grommelant des mots incompréhensibles, noyés dans leur misère. Elle n'avait même pas pitié.
Une pluie fine commençait à tomber lentement, déposant quelques gouttes sur la chevelure de Dédale. La couleur argentée de ses cheveux faisaient luire les perles de ciel ; pour une fois, son visage dur et grossièrement maquillé révélait une beauté profonde mais incertaine. Elle se retourna vers le guerrier et le dévisagea une nouvelle fois. Mais sa façon de faire avait changé, s'étant même inversée. Elle ne le regardait plus de cette façon arrogante et dominante mais très posément, sans aucune expression particulière.

" Seigneur Elon Drukh, mon nom est Dédale. Je ne vous dirai pas que je suis enchantée, le coeur n'y serait pas. "

La jeune Drow eut un sourire bref et triste, puis recommença à parler, tout aussi tranquillement :

" Contrairement à ce que vous pensez, je ne fais pas partie de cette "racaille" dont vous parlez. Mais je fais attention, tout simplement. En étant vulgaire, comme eux, on passe inaperçu. Continuez à vous comporter comme vous le faites ici, dans deux jours à peine, vous êtes mort. Ces êtres n'ont de cerveau qu'à l'alcool, le sexe et le sang, ils haïssent les gens comme vous. "

Le temps passait, la pluie redoublait de violence. Dédale poussa un grognement d'exaspération et se déplaça vivement vers un porche de pierres noires, aux formes aigues et agressives. Au moins, il y faisait sec. Elle observa le Drow, encore sous la pluie. Blessé ainsi, son armure détruite par endroits, il lui semblait faible, abbatu. Si l'hémorragie continuait, il allait se vider de son sang.
Dédale lui fit un signe de sa main osseuse pour venir se réfugier sous le petit toit.

[HS: Désolée, pas trop d'inspi v_v ]

Une fois dehors le vent mordant le fit frissonner une fois de plus alors que les pans de sa cape se gonflait à cause du vent accompagné d’une fine bruine qui soufflait sur la cité endormie…Enfin c’est ce qu’on aurait pu croire. En un certain sens la rue était pleins d’activité, les miséreux jonchaient les pavés et étalaient sans aucune honte leur faiblesse, se vautrant dans les derniers restes de leur dignité. Elon s’extirpa de ses pensées haineuses pour se concentrer sur Dédale, puisque c’était ainsi qu’elle se nommait, qui restait debout sous la pluie s’accordant un temps qu’il n’avait pas. Néanmoins il ne se répandit pas en réflexions sarcastiques et cruel, sa dernière remarque lui avait effectivement fait comprendre qu’elle n’était pas de n’importe quelle racaille.

Ce n’était pas pour autant qu’il allait s’accorder un répit et baisser sa garde. La main toujours sur son poignard il n’hésiterait pas à s’en servir pour trancher la chair délicate de sa gorge. Elle semblait toutefois avoir une espèce d’honneur et c’était une valeur que le noble Drow respectait. Il pouvait trahir, tuer ou encore mentir mais il respectait l’honneur des guerriers, bien qu’il lui soit arrivé d’en faire fi une fois sur le champ de bataille. La jeune femme ne jeta aucun autre regard en arrière et se mit à l’abri de la pluie sous un porche à l’aspect rude mais solide.

De sa main délicate elle lui fit signe de venir. Elon pesa le pour et le contre avant de prendre une quelconque décision. C’était un lieu idéal pour une quelconque agression après tout : l’obscurité pouvait aisément cacher une arme et d’autres acolytes pouvaient être cachés tout prêt. Il secoua la tête et se maudit intérieurement. Même si sa prudence lui avait sauvé la vie un nombre incalculable de fois il devait se rappeler qu’il n’était plus vraiment en position de faire des compromis.

Il s’employa donc à rejoindre Dédale d’une démarche qui se voulait assurée tout en gardant la main sur son poignard. Il s’employa ensuite à détacher les plaques d’armures qui cachaient sa plaie. Il n’était pas guérisseur mais il pouvait deviner que sans visibilité on ne pouvait pas faire grand-chose. Son action lui coûta une grimace de douleur, la plaie n’était pas vraiment très belle à voir : du sang mêlé à ce qui pouvait ressembler à du pu s’en échappait. Le soldat Drow avait déjà vu des blessures plus hideuses ou graves mais jamais sur son propre corps. Il montra son bras à sa comparse abaissant ses dernières murailles. Il s’autorisa à parler :

-Ainsi…Que fais-tu dans ce trou à rat ? Tu es en mission ou quelque chose du genre ?

Le Drow se surprit lui-même du ton avec lequel il venait de poser sa question d’autant plus qu’elle était dépourvu d’insultes.

[HRP:T'inquiètes ça me convient amplement ^^]

*Des années…*
Au vu de l’espérance de vie des Drows cela pouvait aussi bien signifier des jours que des siècles. Elon décida de ne pas creuse davantage la question, après tout il n’allait pas se mettre à chasser les bannis de sa race. Il se contenta de fixer sa comparse absorbé dans l’exercice de son art, si l’on pouvait qualifier ce qu’elle était en train de faire comme un art. Le Drow sourcilla lorsqu’il l’a vit arraché un morceau d’étoffe sombre de sa robe et faillit reculer lorsqu’il s’empara d’un carreau d’arbalète. Le tranchant de l’arme semblait trop aiguisé à son goût et sa main se resserra sur sa dague qu’il sortit à demi de son logement. Ses craintes s’évanouirent lorsqu’elle frotta le métal contre la pierre noire, faisant naître une pluie d’étincelles.

Intrigué il l’observa entrain de frotter sa flèche contre le mur. Le raclement sourd du métal contre la roche provoqua un fourmillement désagréable au niveau de sa nuque. Il porta son regard vers le visage de Dédale, guettant le moindre signe d’hostilité. Totalement absorbé par sa tâche elle ne semblait nullement prêter attention au guerrier. Elon sentait une certaine lassitude de sa part au vu de son comportement mais rien d’hostile.

Enfin elle arrêta ses va et vient pour lever le fer du carreau quasiment chauffé à blanc. Les mouvements avaient du être d’une rapidité remarquable pour chauffer ainsi le métal. La pointe rougissante était comme un éclat de lumière aveuglant dans l’obscurité de la nuit. Le regard inquiet il guetta le tison ardent. Soudain une douleur atroce lui agita le bras d’un spasme incontrôlable. La Drow avait entrepris de nettoyer sa blessure et nettoyer ses chairs de son sang coagulé qui tombait en large croûte fine. La plaie était tiraillé par un traitement aussi rude, cependant il serra les dents et n’émit aucunes plaintes.

Elle s’arrêta et leva le carreau d’arbalète qu’elle avait préalablement chauffé sur la pierre avant de clamer d’un ton froid :

" Il faut faire cicatriser cette mauvaise plaie. Le fer chaud est très utile pour ça. Vous risquez d'avoir mal. "

Elon partit d’un petit rire nerveux. Il avait déjà fait l’expérience de la douleur et savait parfaitement ce qu’elle s’apprêtait à faire. Un fer chauffé à blanc était idéal pour fermer une blessure ouverte mais la douleur plongeait généralement la pauvre victime dans un état d’inconscience. Le noble Drow n’appréciait pas beaucoup qu’un autre que lui n’appose sa marque sur sa chair mais il était conscient qu’il lui fallait endurer cette nouvelle épreuve. Son visage se fendit d’un large sourire cruel alors qu’il lançait sa bravade :

-Je ne suis pas arrivé au poste où je suis sans subir la douleur…N’hésite pas.

Le fer brûlant commençait à réchauffer les mains de Dédale. Cette sensation était douce et réconfortante, face à la pluie ardente et froide. Elon Drukh n'avait pas l'air d'avoir peur de la douleur, il avait l'air de s'en être fait une compagnone de vie. La Drow soupira. Son père et ses soi disant camarades de jeunesse l'avait beaucoup trop torturé pour que la douleur la gêne encore. Souffrir était normal. Celui qui ne souffrait pas était un être pompeux, gâté, comme un Elfe. Une lueur haineuse et brève passa dans le regard de Dédale et s'éteignit aussitôt. Elle se reconcentra aussitôt sur son carreau d'abalète qui commença sèrieusement à lui faire mal aux mains. L'infirmière improvisée ne s'était même pas rendu compte que la peau de ses doigts avait viré au violet, par la brûlure. Une nouvelle fois, elle regarda le guerrier dans les yeux, une nouvelle fois, elle prit cet air indifférent en posant dans le même temps le tison ardent sur la vilaine blessure de l'inconnu.

Dédale entendit le son ignoble de la peau qui crépitait légèrement, accompagné de l'odeur alléchante de la chair brûlée. Sa mémoire la trahit. D'horribles visions revinrent à ses yeux, les tortures qu'elle connaissait si bien revivaient, avec le son, l'odeur du corps d'Elon Drukh. Ces affreux chatiments qu'on infligeait à ceux qui avaient le malheur d'être nés différents. La cruauté qu'elle n'avait pas comprise dès sa venue au monde la tua avant même qu'elle grandisse.

Son maquillage continuait de couler. Elle n'avait plus le droit de pleurer. Pas devant lui, pas devant cet être qui n'aurait aucune pitié pour elle. Dédale essuya rageusement ses larmes sur son épaule recouverte de l'étoffe épaisse et noire de sa robe et revint à la plaie d'Elon Drukh. Elle appliquait machinalement le carreau brûlant à différents endroits en pinçant les morceaux de peau séparés pour les remettre parfaitement en place, jusqu'à ce que ce soit complètement refermé.

" Voilà c'est fait. "

La jeune Drow lança un regard inquiet au guerrier, se demandant si elle allait découvrir un être inanimé ou tellement en colère qu'il la tuerait sur le champ.

Il fixa son regard sur le visage de sa comparse, espérant guetter un vestige de sentiment mais alors qu’il lui semblait entrevoir quelque chose son esprit fut plongé dans l’obscurité lorsqu’il sentit la morsure cuisante du fer entrer en contact avec sa peau. Elon avait déjà lui-même brûlé des personnes et n’avait jamais été indifféré par cette odeur si particulière qui se rapprochait du porc grillé mais les relents âcres et écœurant de sa propre chair grésillant lui provoqua un haut le cœur. Il n’aurait pas cru que la douleur serait aussi intenable cependant sa fierté lui refusait d’émettre la moindre plainte. Fermant les yeux il refusa de s’abandonner à la douleur, ses dents entaillèrent bientôt sa lèvre et un mince filet de sang sombre coula sur son menton.

Plus que l’odeur il pouvait entendre le crépitement répugnant de sa peau se pliant au pouvoir du feu qui modelait son corps et refermait la plaie. Quelques souvenirs fugaces de son enfance passés sous le joug de ses frères lui revinrent en mémoire et il eut un brusque élan de haine qui lui fit refouler cette douleur qui menaçait de le submerger. Lors d’un combat on pouvait aisément oublier la douleur, l’excitation du moment retardant le moment où l’on payera forcément le prix de nos actions. Ici il s’agissait d’une tout autre situation.

Enfin il s’autorisa à rouvrir les yeux pour se retrouver nez à nez avec le visage humide de…Larmes ? Non impossible…Le visage barbouillé de maquillage coulant se trouvait face au noble Drow qui leva un sourcil interrogateur avant de faire une rapide conclusion. La pluie avait tout simplement dû faire son œuvre, rien de bien extraordinaire. Le fait qu’il puisse pleuvoir à l’abri sous un solide porche de pierre ne l’intéressa pas plus que ça, il y avait certaines questions qui devaient parfois rester sans réponses. Dédale se remit à l’œuvre et sculpta de nouveau dans sa chair. Une fois les soins terminés il s’autorisa à un bref relâchement.

Son corps tendu à l’extrême se retrouva immédiatement en proie à une immense fatigue et il se sentit plutôt faible et hormis la douleur atroce qui fourmillait dans son avant-bras il ne ressentait à présent plus que le besoin de dormir. Les autres blessures il en faisait son affaire. Vacillant il ramassa sa plaque d’armure et quitta le manche de son poignard pour tendre un index sombre vers le visage de la jeune Drow. Il lui caressa la tempe doucement, à présent qu’est-ce-qui le retenait de la tuer ? Il n’éprouvait pas vraiment de gratitude et n’aurait aucuns remords à l’exécuter, de plus il n’était pas dans ses habitudes de laisser en vie quelqu’un qui aurait pu colporter des rumeurs gênantes sur lui…

Il sourit brièvement et retira sa main avant de s’adresser d’un ton le plus neutre ou transpirait tout de même la douleur :

-Tu as tenu ta parole…Et il n’est pas dit qu’Elon Drukh oublie si facilement ceux qui l’on aidé…J’ai une dette envers toi…Tu pourras un jour réclamer ton dû en te rendant à ma demeure.

Nul besoin d’indiquer où il résidait cela ne faisait pas l’ombre d’un doute. Il lui tourna le dos et commença à quitter les lieux avant de rajouter :

-Du moins si tu es encore en vie…

Il leva la main en signe d’au revoir et disparu dans les ombres.

[ Je dois supposer que le RP est fini ? =P ]