° La fragilité des roses ° ~ [PV Roi Ultuant]

Sujet: ° La fragilité des roses ° ~ [PV Roi Ultuant] Mar 29 Jan 2008 - 16:33

Les hâbleurs n’avaient pas cette apparence que tout homme se devait de maîtriser… De laborieux mots ébruitaient la venue d’une femme, elle qui avait exempté cet exemple d’allure sous les brides d’un crépuscule naissant… Les croyances étaient pourvues de l’excavation du savoir, d’une vérité masquée qui pouvait bien cultiver les plus sages, si eux-mêmes avaient engagé ce pouvoir dans les simulations de révolutions… A être excédée par les fourberies de tout être savant, les vils songes d’un extrait de gent féminine avait creusé les abolitions… Elle savait que pour toute conquête, il était important d’ériger toutes les combines contentant de toutes parts l’affut cherché…
Mais dans ces gerbes d’idées, il n’y avait que des torts pour médire…

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Croire en ce récit n’était que chimère encore plus illusoire sous les éclats lunaires… Délivrée des cris aliénés des digestifs, la jouvence de Winaeassa s’édulcorait dans les voiles de l’élémentaire vent du sud, véhicule de lourdes notes qui avait un arrière-goût notoire des eaux pigmentées de sel. Ydril, dans sa lointaine situation, se trouvait pourtant jumelée aux soucis de la grande ville… Maintenant, dans l’air épuré, passaient seulement des vols légers de nuées blanches, nageant avec lenteur, ainsi que des flottilles de voiles que le vent gonflait. Quant aux nuages, ils libéraient le présage de tous ceux qui possédaient la crainte de la peau noire des elfes, brèche bien bestiale de ce peuple si souvent confronté aux sciences naturelles et morales… Ce ciel se couvrait d’une voute orangée, protestation indigne de l’astre du jour qui se meurt aux horizons dépassés. C’était dans cette prochaine nuit que s’aveuglait la femme, hybride de nom et de statures, elle qui n’avait jamais assez d’air pour lui rendre la régularité et la paix de son existence…

Pendant quelques temps, elle resta là, éperdue, dans cette crise qui la tenait toute entière. C’était, en elle, comme un grand ruissellement de sensations et de pensées pourtant peu confuses, dont le murmure l’empêchait de se comprendre et d’écouter au lointain paysage… Pourtant, dans son évocation, Winaeassa gardait la conscience des vastes étendues qui s’étaient déroulées sous elle.

De ci de là, une voix haute montait, des ondes vivantes s’élargissaient et l’enveloppaient. Les bruits, les odeurs, jusqu’à la clarté lui battaient le visage, malgré les mains fébrilement serrées sur la gemme plombant l’allure de son épée de volonté… Par moments, de brusques lueurs semblaient percer ses paupières closes ; et, dans ces halos, elle croyait voir les monuments, les flèches et les dômes se détacher sur le jour diffus du rêve. Dame Dwend’Asean sombre et sèche, effacée dans la buée des pavés…
C’était une ville d’un ton uniforme, du gris bleuâtre de l’ardoise le soir à l’imbibé d’ocre le jour que quelques seuls filets pâles d’arbres tachaient de noir, très distinctes cependant avec les arêtes vives des monuments.

Les vitraux flambaient avec l’éclat terni des vieux ligots d’argent… Dans cette jeune soirée, la suie badigeonnait tout, prenant cet ensemble comme un profil d’ombre, parfois mangé de rouille. D’une mélancolie rêveuse, au milieu du deuil crépusculaire qui drapait la cité, les plans manquaient… Voilée d’un nuage, Wina’ se charbonnait, pareil à un fusain colossal et délicat, très vigoureux sous le ciel timide et limpide.

Winaeassa, devant cette ville morne, songeait qu’elle n’avait posé mot sur l’héritier Fiiram. Une révolte poussait les ennemis à nier cette possession qui, en quelques jours, avait empli Miradelphia…

Alors, elle vit fixement les tours de Notre-Dame de Deina… Elle avait la tête lourde, trop pleine des idées tumultueuses qui s’y heurtaient. Le soleil, encore en son déclin, fit craquer la course succédée de talons forgés… La lune brillait intensément. Winaeassa s’en retournait vers le domaine sain des dirigeants dardant plus ou moins en ce monde. Alors, les quartiers s’entendirent dans une bigarrure d’ombres et de lumières, les enjambées gonflant les froissements d’habits pompeux… Un moment, toute la ruelle fut d’un gris de plomb, tandis que des lueurs rondes tigraient les façades, déroulées à la manière d’une gigantesque peau de bête.

Les murs se fondirent dans le mouvement… En un cornet de temps, Diantra avait dévêtu ses ouvertures… Sur une terrasse, Winaeassa se déchargeait de la vitesse et de la distance laissée derrière elle... Le château de Diantra...

Puis les formes changeaient et se déplaçaient, au gré de la brise qui emportait les nues. C’était, sur le ton doré des toits, des nappes noires voyageant dans le même sens, avec le même glissement doux et silencieux. Il y en avait d’énormes, nageant de l’air majestueux d’un vaisseau amiral, entourées de plus petites gardaient des symétries d’escadre en ordre de bataille. Une ombre immense, allongée, ouvrant une gueule de reptile, barra un instant cette enceinte, qu’elle semblait vouloir dévorer. Et, quant elle se fit perdue au fond de cette sphère nocturne, rapetissée à la taille d’un papillon, un rayon, dont les rais jaillissaient en pluie de la crevasse d’un nuage, tomba dans le trou vide qu’elle laissait. On y voyait la poudre d’or filer comme un sable fin, s’élargir en vaste cône, pleuvoir sans relâche sur le royaume qu’elle éclaboussait d’une clarté dansante. Longtemps, cette averse d’étincelles dura, avec son poudroiement continu…

Une robe claire passait, se mêlait, au milieu des tâches sombres des atouts de pétales ; tandis que le bel éclat de la nuit, sur la houle des têtes des habitants nonchalants de l’heure avancée, des éclairs de bijoux et un frémissement de plumes se fondirent dans la floraison de lilas et de roses. Ardente était encore l’atmosphère, un parfum pénétrant montait de ces tulles légers, de ces chiffonnages de satin et de soie, où les épaules nues pâlissaient sous les portées vives d’un orchestre de lierres lézardant sur le palier de pierre, cette avancée de château qui préservait l’aura rayonnante de la flore odoriférante. Le souffle meurtri par la dernière promenade regagnait en profondeur dans la sylve fraiche…

Les reflets des vitraux l’attirèrent dans une allée baignée de rosiers et tapissée d’un lit de fins graviers. Par les portes béantes, au fond des pièces voisines de cet espace, Winaeassa observait des rangées de femmes assises, avec l’éclat discret de leur sourire, une lueur des yeux, une moue de la bouche, que battait le souffle des éventails. Et des invités arrivaient toujours, un valet lançait des noms, tandis que, lentement, au milieu des groupes, des messieurs tâchaient de caser des dames, embarrassées à leurs bras, se haussant, cherchant de loin un fauteuil libre. Les jupes se tassaient avec un petit bruit, il y avait des coins où des nappes de dentelles, de nœuds et de sièges de velours, bouchait le passage, dans la résignation polie de toutes, faites à ces cohues éblouissantes, gardant leur grâce.

Cependant, au fond du jardin, sous la lueur rosée des lanternes qui ressemblaient à des ganses d’or, dont les mailles régulières allaient s’ajouter aux étoiles à peine levées, des couples s’enfonçaient. Des ombres de robes filaient au bord de la pelouse, comme rythmées par la musique, qui prenait, derrière les arbres, une douceur distante…

Ultuant s’était esquivé du banquet habituel qui se tenait tous les soirs, dans la salle de bal, pour que les nobles exhibent leurs derniers apparats obtenus dans la journée. Parfois ils étaient allés les chercher dans les villes voisines pour être sur d’avoir des habits exceptionnels, se démarquant des autres; parfois, c’était seulement des habits de seconde mains soigneusement reprisés par les couturières pour les faire passer pour neuf, ce qui était, soit dit en passant, un sérieux gain d’argent pour un effet visuel parfait.

Ultuant s’enfonça donc dans les couloirs éclairés par quelques lanternes crépitant dans la musique tamisée des violoncelles et des mandolines qui émanait de la salle. Le repas était fini, le bal s’était ouverts et les jeunes se pavanaient à n’en plus pouvoir.
Ultuant n’avait pas la tête à s’amuser ce soir, il était beaucoup plus préoccupé par des questions plus importantes.

L’air des couloirs était saturé de l’odeur de soufre et de la chaux, matière dont les murs étaient enduits pour leur donner un aspect lisse et chaleureux, mais avec la chaleur des lanternes, l’odeur devenait presque suffocante.

Se laissant guider par ses pieds, il arriva devant la baie vitrée donnant sur la cour intérieure du palais, ou plutôt le jardin, car il fallait bien l’avouer, la cour avait plus des dimensions de labyrinthe que de simple manège rond.
Lorsque le roi ouvrit la porte, une odeur fleurie et fraiche sauta à ses narines pour lui faire le plus grand bien. La musique était comme un fond sonore lointain qui berçait l’esprit plus qu’elle ne l’excitait à cette distance.
Ultuant referma les vitres, croisa les mains dans son dos puis avança lentement dans l’herbe recouverte d’ombres dansantes.

L’esprit en ébullition, le regard tourné vers ses pieds, il avançait sans regarder où il allait et percuta par deux fois de petites haies de buis, taillé avec une précision draconienne. Pas la moindre petite feuille ne dépassait les autres. Elles étaient toutes à la même hauteur, de quelque angles qu’on le regarde.

Non loin, un rosier grimpait paresseusement sur le mur rugueux conduisant à une tour. Ultuant approcha de son pied et cueillit une rose rouge comme un rubis. Son nez se plaça au dessus des pistils pour profiter pleinement du parfum ambré exceptionnel de cette fleur soyeuse comme la soie.

Replongeant dans ses pensées, Ultuant se remit en marche tout en caressant les pétales de la fleur amoureusement.
Comme toujours il ne regarda pas où il se dirigeait et percuta une jeune femme gracieuse. Il lâcha la rose qui s’envola pour retenir la personne qu’il avait défoncé avant qu’elle ne tombe. Ses mains, par le plus grand des hasards tombèrent sur son postérieur. Une fois la femme rétabli, Ultuant se précipita de retirer ses doigts de cet endroit plus que indélicat pour une personne telle que celle qui se tenait devant lui.

Après avoir décrit une parabole, flottant comme une toile tendue, la rose retomba nonchalamment et s’accrocha aux cheveux de la courtisane pour parer ses longs cheveux d’une teinte rouge splendide.

"Je… je m’excuse pour ce regrettable incident. Je ne regardais pas, une fois de plus, où j’allais. Tout va bien ? Vous n’avez pas eu trop mal ?"

Il examina son visage. Il ne la connaissait pas. Ce n’était pas une noble du palais, ni de la région. De plus, elle n’était pas humaine, plutôt un sang-mêlé.
De toute façon, comment aurait-il pu oublier un visage si resplendissant de perfection et de beauté immaculée ? Ultuant se prit à rougir du délice de l’observation.

"Puis-je me permettre de vous demandez votre nom ma chère ? Je n’ai pas connaissance de vous avoir déjà vu par ici. Peut-être pourrais-je vous faire visiter."

C’était pourri de chic, se disait Winaeassa en examinant la tente de pourpre, tenue sur des lances dorées. Elle se croyait à une foire aux douceurs fruitées et aux essences de cannelle… Oui, cette salle affectait une blague continuelle posant pour la jeune femme ayant abusé du regard et ne trouvant plus rien digne d’être pris au sérieux, lorsque cette vraisemblance prenait l’illusion d’une confiserie chaude… Et voilà encore un qui se mettait le doigt dans l’œil, si le quidam avait cru épater son public avec le jonglage intuitif de ses yeux vitreux… Séduire était un verbe qui ne montrait qu’une once imposante de futilités et le souci ingrat de satisfaction de sa fierté… Deux autres l’écoutaient, bouche béante. Enfin, ils se mirent à rire. Lui, enchanté, se trouvai très fort. Dédaigneusement, elle aurait pu reprendre que c’était un raté…
Les fils d’untel passaient, et alors entre hommes, on causa du mariage… Des plaisanteries faciles égayèrent la conversation, donnant en confession des conseils pour une première nuit. Rien de bien alléchant… Puis, ils revinrent devant l’une des portes vitrées du salon, où une valse emportait les couples, dans un balancement qui mettait un sillage au milieu des aristocrates restés debout. Sous les souffles venus du dehors, les bougies brûlaient très hautes. Quand une robe passait, avec les légers claquements de la cadence, elle rafraichissait d’un petit coup de vent la chaleur braisillante tombant des lustres. Tous leurs yeux clignaient au retour des ombres mystérieuses du jardin et se montra un vieux duc elfe, isolé, dominant de sa haute taille les épaules nues qui l’entouraient. Il avait une face pâle, très sévère, un air de hautaine dignité sous sa couronne de rares cheveux blancs. Scandalisé par la conduite des dépensiers charnels, il venait de rompre publiquement, il affectait de ne plus mettre les pieds dans la cour. S’il avait consenti à y paraître ce soir-là, c’était sur les instances de son peuple dont il désapprouvait d’ailleurs l’union, avec des paroles indignées contre la désorganisation des classes dirigeantes par les honteux compromis de la débauche actuelle : un affrontement singulier entre ethnies…
Jadis, Winaeassa se serait follement grandie pour avoir une conscience nette sur l’interrogation et gouverner par le négatif de l’impuissance… La passion enragée l’avait fréquemment guidé lors des scandales public, prenant tout le luxe s’entretenir l’habit de la noblesse. En sa lassitude distraite, elle se perdit à nouveau derrière les jupons autres sylphides au cœur empoisonné par le sang et la vanité, une scène diabolique pour les valeurs anciennes de l’opinion royale… Ces dames assistaient à l’intolérance d’une validation de pouvoir entre Diantra et Alëandir ; mais comme pour se désintéresser, elles fermaient toutes les paupières, songeant à leurs liaisons d’un jour et à la société où se coudoyaient de grands noms et de grandes hontes, dans le même appétit de jouissance…
Une fille, décolletée, à la broderie de perles de jais, suivait les vitres qui plantaient une ambiance symétrique et cadencée pour les jardins tus… Ses yeux collaient sur cet avatar, pourris par un chignon tiré d’une tige d’or. La chaleur augmentait, de même pour les indignes intrus… Le voyeurisme déroulait son rythme de polissonnerie railleuse, il était temps de mettre un court terme à cet immobile aperçu.

Winaeassa s’assujetti donc d’une aventure dans les haies végétales, proposant le panel contemporain de toutes les possessions florales d’un souverain : tulipes, œillets, myosotis, amaryllis, hortensias, iris, capucines, pivoines ; comme les senteurs juchées des arbres fruitiers, le cassis et le cerisier manquant pas d’en faillir… Ils pénétraient invinciblement l’être et partageaient un magnétisme secret, proclamant le douceâtre empire de la nature et des intimités les plus voulues, des résistances désavouées avec des vainqueurs aux lèvres pliées de cires colorées… On prédisait si bien les amours fendus de baisers et de caresses interdites…
En ces mots, la jeune femme porterait éternellement la marque de son origine : catin à l’épée…

Jusque dans l’intimité la plus profonde, ce choc soudain de deux âmes les firent ennemis armés l’un contre l’autre… L’homme en point communiqua quelque chose d’horriblement fauve aux caresses dont il repassait sur l’âtre de soie rose… Seulement, la quête, ordinairement si meurtrière, la vivifiai, l’accroissait au lieu de l’anéantir. Il n’avait pas les langueurs rêveuses ni les contemplations muettes que prennent les amants rassasiés et les rejettent ensuite, entre deux bouchées de caresses. Mais c’est que les sens ne voulaient pas s’éterniser dans ces voluptés délirantes… Ce convive méritait sentence, mais la dame passa tête à tête avec lui…

Aucun mal, le pardon vous sied bien… Moi-même, j’étais inconsciente du chemin que j’ai pris !

On n’analysait point de telles folies, surtout lorsqu’on épargne le destin d’une rose égarée dans les boucles blondes comme les blés… Peut-être était-ce une dangereuse imprudence de leur part, à cet homme et à ces pétales écarlates… Mais Winaeassa fut bientôt perdue dans l’abime des sensations nébuleuses de l’action passée. Le courtisan avait du la trouver bien fessue après cette tentative vaine d’excuses sempiternelles. L’étiquette approuvait de bonne grâce les braves questions de cette altesse, qu’elle n’aurait su dire autrefois…

Winaeassa conviendra à notre bousculade… Car je n’ai pas raison de ces dédales de murailles de pierres et de plantes…

Ses menottes chavirèrent lentement vers les vagues de sa crinière domptée, dans la clémence et l’envie de voir de plus près ce joyau des rosiers. Beaucoup auraient payé rubis sur ongle l’un de ces pieds ornés de teintes et de parfums ravissants… Les roses, oui… Elles ne possédaient pas de prix…
L’impétueuse fleur prit aussitôt la voie du vide, sitôt chassée par le reflexe de la femme. Certes, elle était madrée, mais cette attitude fut alliciante par les flots abondants des anneaux et les diamants diaphanes. De cette façon, Wina’ opta pour rendre cette fleur à son maître qui avait dû la cultiver avec bonheur… La main tendue, elle quémanda le fait qu’il reprenne son dû, l’œil miroitant l’éthérée sagesse…

Et vous ? N’êtes-vous plus adepte des jeux qui se déroulent en salle ? Pourtant, la fête semble convenir aux grands…

"Winaeassa ? Quel nom peu commun mais tout de même magnifique ! Serait-ce d'origine elfique ?"

Ultuant le regardait avec circonspection comme pour découvrir toutes ses qualités et défauts tout en sondant son âme. Il se rendit compte que son regard devait peut-être la déranger. Il se reprit alors.

"Hum... hum, je m'excuse, peut-être ne voulez-vous pas me répondre. Je peux comprendre. On me dit souvent que je parle pour ne rien dire ou que je parle trop. Cela dépend de qui j'ai en face de moi et ce qu'ils veulent me soutirer. Dites le moi si jamais je commence à inonder vos chastes oreilles par trop de paroles abondantes et interminables. Je ne sais jamais m'arrêter, c'est étonnant, on dirait que les mots sortent tout seul."

Le roi s'arrêta enfin de parler pour la dévisager encore une fois. Il en prit de nouveau conscience et se concentra sur une haie de buis qui poussait juste à côté. Il s'approcha et les caressa distraitement.

"Vous a-t-on déjà dit que votre beauté éclairait même la plus sombre des nuits ? Je dois vous paraître un peu trop aventureux pour mon rang, mais c'est seulement pour que vous ne soyez pas gênée et pour vous expliquer pourquoi je vous dévisageais si intensément. Il est vrai que c'est une nuit de débauche et de folie mais je ne voulais pas vous faire peur. On ne sait jamais à qui on a affaire."

Ultuant regarda les mains fines de la jeune femme alors qu'elle lui tendait la rose. Il ne bougea pas d'un pouce.

"Ne me rendez pas cette rose. Elle est à vous maintenant ! Elle vous allait si bien dans votre chevelure d'or et de diamants."

Le roi poussa un soupir résigné. Il se tourna un instant vers la salle d'où montait encore quelques bribes de musique. La chanson était en train de finir et les troubadours allaient surement laisser les gens se ravitailler avant d'entreprendre à nouveau une ballade rapide et légère.

"Oh la musique commence à me percer les tympans malheureusement. Et puis les danses effrénées me font tourner la tête plus qu'autre chose. Je préfères, et de loin venir me ballader dans les jardins. Il y a tellement de fleurs magnifiques à découvrir ou redécouvrir. L'air nocturne est revivifiant qui plus est tandis que dans la salle, nous étouffons bien vite avec la chaleur et les vapeurs d'alcool. Je préfères de loin, vous l'avez compris me promener tranquillement en écoutant seulement la musique de loin. Et vous ? Puis-je me quérir de ce que vous faites ici ? Une dame de votre classe se promenant seule, ce n'est pas réel. Je dois rêver. vous attendez peut-être votre amant et je vous dérange ? Veuillez m'excusez si c'est le cas."

Ultuant esquissa un pas en arrière, attendant tout de même sa réponse.

Depuis des décennies, la dame aux tissus d’apparat ne s’était pas démentie. Elle n’avait pas cessé d’envisager avec mécontentement et avec défiance l’amour d’autrui, qui grandissait de plus en plus dans cette intimité de jour, couverte des ailes de ses appointements aliénés… L’amabilité avait échoué contre elle. Tout avait glissé sur cette âme, lissée de préjugés et qui avait la force de retenir ses préventions. Moins sensible par l’esprit que son amie de lutte, restée plus jeune sous ses filets dorés et les ruisseaux de gemmes, elle se préoccupait davantage des idées communes. Il y avait en ce monde quelque chose qui l’épouvantait…
N’ayant d’abord contre cet homme, d’une influence si prodigieuse sur la femme, que des impressions personnelles et des bruits du salon, Winaeassa s’était trouvée presque heureuse d’avoir mis la main sur des faits positifs… Comment si jeune avait-il aimé cette beauté inspirée et résonnante de factice ? La douce fureur invisible connaissait l’étendue de ces approuvés… La gent féminine en savoura les félicités, prenant un regard suspendu aux yeux marron vis-à-vis des siens. La rose semblait connaitre un peu de l’énigme qui s’était déjà révélée, pétrie de couleur chaude entre les doigts à la fluidité du lait…

Je m’en vais de bonne heure dans ce château, et je rencontre l’entité qui refuse sa propre cueillette… Vous êtes pudique dans un sens, mais je conçois votre doux geste. Prématurée en tout, fleur et fruit en même temps, j’écoute avec bonheur vos paroles. Ma coiffure libertine ne mérite pas plus d’accessoires… Mais vous avez habilement décrit une fraicheur grâce aux pétales qui s’endorment dans ma paume. C’est pour cela qu’aucun tort de conduite n’est dirigé sur vous… Je bois votre éloquence.

Les jardins… Les jeunes gens qu’ils y virent passèrent sous leurs yeux et ne les fixaient pas. Au milieu de ces hommes sans beauté vraie et sans élégance qui forment le fond commun des festivités, la personnalité fortement accusée de Winaeassa devait nécessairement les frapper et les captiver… Et d’ailleurs, elle les aimait même avant qu’eux-mêmes l’aient vu, tant qu’il y a des affections qui ont tous les caractères de la destinée, à savoir : l’ignorance. Par un hasard de circonstances assez peu remarquable en soi, ils étaient seuls, une connivence presque parfaite de leurs existences… Mais Wina’ avait vécu, pour ainsi dire, dans l’air contagieux d’une réputation qui fera toujours sur les filles l’effet enivrant des substances euphoriques…

Mon prénom n’est que le semi-aspect que j’approuve extérieurement… Je suis l’ainée et unique d’un humain et d’une elfe sylvaine, Anaëh est mon domaine. S’occuper en soi, en bien ou en mal, c’est déjà une force ; et les femmes aiment la force comme tout ce qu’on n’a pas et ce qu’on désire d’un désir vain… Ma mère n’avait pas l’épouvante de la naissance, jusqu’à mon temps. Loi formidable et éternelle, que toutes les poésies du cœur la fassent incliner à sa chute… Mais elle m’a élevé dans l’abondance, ce rôle surmontant les ébats conjugaux.

Avant que l’amour ne l’eût saisie dans sa griffe de flamme, Winaeassa avait été le type d’un de ces genres de beauté évidemment prédestinés au malheur, en raison même de la sublime délicatesse de leur essence et de leur forme. Grand viol et locations...

Des odeurs étranges et douceureuses émanaient de partout et de nulle part à la fois pour venir chatouiller l'odorat du roi. Des épices par-ci, du parfum soporifique par-là ainsi que des senteurs fraiches et printanières. Tout se mélangeait pour créer une fragrance unique et délicate qu'Ultuant se délectait à humer avec envie, essayant de trouver la source de cet extase. Après un long moment, il crut déceler, grâce à une brise invisible, une senteur forestière provenant de Winaeassa. Il sourit.

"A quoi servirait donc qu'on ceuille de si jolie fleurs si ce n'était pas pour les offrir à des dames aussi belles qu'elles ? Les laisser faner sur une table est inhumain, mais les faire périr au creux des mains d'un ange est pardonnable... Il est vrai que de toutes manières, votre coiffure, si complexe et simplissime est tout une panoplie d'accessoire à elle-même et d'autres en plus ne ferait que surcharger et amoindrir votre teint. D'ailleurs, je suis amoureux, depuis toujours, des boucles flottant dans les coiffures. Cependant, malgré mon amour quasi-dévoué, il m'est toujours resté un doute et une interrogation. Je n'ai jamais compris la nature exacte de cette beauté. Est-ce naturel ou un artifice soigneusement élaboré après plusieurs heures de travail ? C'est fout ce qu l'on peut faire avec un travail méticuleux mais je ne vois pas comment, n'y avec quoi, on pourrait transformer des cheveux lisses, digne d'un chérubin, en ondulations ronronnantes de fraicheur telle une toison de déesse. Peut-être mes mots vous paraitront-ils étrange, mais je me plais à comparer l'apparat essentiel dans notre monde, à toute sortes de musiques et de rythme. Chaque fois que je vois une parure, elle m'inspire automatiquement une partition complexe de différents bruits, odeurs et sons splendide ou sinistre. C'est excquis bien qu'une étrange capacité me direz-vous. Je répondrais à cela, que vous avez parfaitement raison, mais en quoi est-ce plus étrange que de savoir manier des mots, des armes ou seulement des gestes ? Nullement semblable mais pourtant nullement différent je trouve. Toute la complexité des définitions s'impose à cela pour se fondre au plus profond de la terre et devenir inextricable."

Des jeunes gens passèrent, hommes comme femmes, à proximité d'eux pour se diriger dans différents endroits connus seulement par eux. Peut-être pour faire de mauvaises choses, ou simplement interdites. Peut-être même pour assouvir leur amour de l'aventure ou de la nuit. Ultuant ne se préoccupait pas d'eux de toute façon, son vis-à-vis accaparait toute son attention dans cette nuit de pleine lune.

"Ah ! Donc j'avais bien raison, il y a une origine elfique dans votre nom. Cette sonorité ne pouvait que venir de ces êtres si charmants. A la fois quasiment impossible à prononcer mais lorsqu'on y arrive correctement, les mots deviennent d'une limpidité inexplicable pour ne plus que donner des sensations vous tenaillant au plus profond de votre être. Fascinant cette langue.
Dure est la vie d'une femme de nos jours, je puis comprendre les inclinaisons de votre mère bien que je me dois de les désapprouver. Pour manger, beaucoup font ce qu'ils peuvent avec ce qu'ils ont. C'est malheureux mais inévitable. Mais vous n'avez pas l'air trop traumatisé et je me réjouis d'avoir pu vous contempler ne serait-ce que lors de notre bref échange."

C’est le palabre de la vie et les querelles des différences, toutes autant habillées de conceptions et de manipulations… Ce sont nos caractères qui forment les peuples, la palette élaborée du peintre et les boyaux tendus de la harpe mélodieuse… Quoiqu’il en advienne, cette force est la relique de la vie, mais aussi de la mort… En jouant par le principe des goûts et du sujet, il en va de soit que multiples réponses s’en suivent. Mais la Nature a les bons mots pour en faire toute une charade, auxiliaire des questions, de l’admiration ou de la déplaisance. Ces fleurs sont les créations éphémères de la flore, mes cheveux le semblant d’un métissage agencé… Les pétales offrent la couleur d’un cœur épanoui, ma teinte innée la décence d’une entité qui prend grâce des synonymes de l’attirail attitré à la naissance. J’aime la matière qui reflète le beau, mais aucunement l’arrangement qui maquille l’extérieur… Se parer, sans vouloir se masquer… Ce serait comme maquignonner le merle à la réelle tenture d’ébène, c’est l’édifiant aspect des aristocrates aux décrets soulageant… Les rouges ne sont pas à moi, encore moins la poudre qui pleut sur les cils.
C’est le libre-arbitre de chacun, le choix d’une destinée qui paradoxalement n’est est pas un… Dorénavant, comprenez que le lys fleurit avec la brume, mais tâche la main qui veut l’attraper… Je vois par là une imitation en pléthore ; nos sens sont bien présents pour nous faire valoir cela.
Humer, écouter, palper, que d’infinitifs à l’oreille et que de qualificatifs pour œuvrer le monde. Imagination et gestes complètent cet ensemble élogieux. En tant que représentant du beau masculin, vous pourrez comprendre le concept de la discréditation de certaines, dénuées de leurs despotiques habits… J’en conjure l’inverse pour mon mannequin de porcelaine. J’ai vécu dans les bois, mes atouts chers ne sont que là pour dissimuler ce qui est censuré… Par ailleurs, en réponse tardive à l’une de vos questions, personne ne m’attend…

Ainsi, ils emmagasinaient avantageusement leur approche, plus ou moins furtive et éméchée… Qu’est-ce qu’il pouvait être gai, cet homme ! Sa nomination semblait l’égayer, comme sa pauvre silhouette sur les parcelles verdoyantes… Les paupières battaient la surface invisible de la complicité et du partage dans le méconnu… Winaeassa en déclara même un léger rictus sur son angélique faciès.

Oui ! Cette personne maternelle m’a grandement appelé à condisciple, et les années n’ont pas jugé de son valoir ! Mon prénom est l’essence de sa certaine instruction et je le porte aussi en un fait…

"Que d'admirables métaphores que vous me servez comme un dessert répondant parfaitement au plat de fruits exotiques que je vous ai dévoilé. Métaphores mais pourquoi pas, par extension, vérité dissimulé sous un voile de brume, accessible seulement aux plus initiés et uniquement eux profitent des extatiques orgies que peuvent provoquer de futils mots jetés entre deux battements de cil et de coeur. Certains ne se contentent que de respirer un air, leur assurant ainsi une survie pour faire toute sorte de choses, d'autres, préfèrent quant à eux, se nourrir exclusivement de la beauté qui est émise à chaque parole de leur confrère et soeur. Je vous classerais plutôt dans la deuxième catégorie, sans vouloir présager nullement de votre penchant naturel pour l'un ou l'autre, mais il est doux, je pense que vous l'avez remarqué, pour l'homme de classer tout ce qui lui tombe sous la main, comme une sorte d'emprise sur ces objets qui n'en deviennent que des serviteurs de sa volonté. Alors qu'il est extrêmement dur de ne pas juger, laissant ainsi à ces sentiments solides leurs propres choix du chemin qu'ils veulent mener sans plus de limites...
Je comprends totalement votre conception de votre sexe et les discréditations auxquelles elles sont sujettes à chaque instant, agissant de façon totalement opposé suivant leur partenaire de danse et de couche. Mais elles s'imaginent que la nuit, plus personne ne voit rien et tout le monde devient aveugle, cependant il n'en est rien et elles se fourvoient seules en croyant le contraire et en s'en persuadant tellement profondément qu'elles en deviennent elles-mêmes aveugles au point de ne plus se rendre compte de ce qu'elles donnent comme vu et à quoi elles s'exposent. Mais je ne doute nullement que vous, vous soyez différentes, rien que par cette conversation j'en suis persuadé au plus profond de ma chair, comme si je fus marqué au fer dans ma plus tendre enfance et que vous réveillez une cicatrice délectable que j'avais oublié depuis longtemps... Oh ! ... personne ne vous attend ? C'est à la fois une mauvaise nouvelle et une intangible satisfaction. En effet, que personne ne réclame votre présence m'outrage comme je ne saurais le dire, une si charmante et angélique femme maniant les mots comme personne. Ce n'est nullement compréhensible pas mon cerveau si petit soit-il. Mais en même temps, je n'ai pas à m'arrêter de m'abreuver de vos charmes physiques et oraux. C'est pourquoi cela est également une nouvelle merveilleuse. Cependant, je crains que ce ne soit moi qui doivent ainsi briser notre danse intemporelle parmi un univers fantomatique. Je n'espère qu'une chose, que personne ne vienne me réclamer pour rester le plus longtemps possible votre cavalier du moment, mais je désespère ce moment futur où un de ces nobles viendra m'extraire de votre compagnie."

C’est le portique de la divergence et de la complémentarité… Il faut mordre les grandes conceptions de la pensée tout en se parant des clichés qu’on nous promet dans le dédale subtil de la socialisation primaire… Je me fonds dans cette seconde épreuve que vous jugez par l’apparence et le maintien du souci d’exigence. Oui, je m’abreuve à la fontaine du salut oral et de la bienfaisance de la communication, exhumant aussi le patrimoine qui m’est dû : la rigidité de la lutte, dans l’écrin des flirts et la magnanime connaissance qui peut s’échapper des mœurs transpirants… C’est le méfait de nos parents, descendance d’ancêtres et amants surpassés par les temps immémoriaux… C’est la relique profane de notre existence, qui nous permet pourtant la considération de nos actes. Sans quoi, nous ne serions que le portrait proscrit des volontés et de l’intelligence… Mais l’attestation ne fie pas seulement à l’attitude grotesque de la chose : les ethnies se trouvent alors fraternelles dans cette parenté sobre, et nul ne doit léser cette ampleur commune… La guerre caricature la désillusion et la bêtise libertine ; vertueuse est donc la vérité… Je suis la ferveur neutre qui abrite bien des lots de nos enveloppes actuelles, c’est la sagacité qui pénètre au mieux la béatitude de la vie… Les erreurs n’ont pas de manies et elles s’emmitouflent d’atermoiements à leur heure d’agonie. En profitant de ma fonction de nomade oisive et de la vestale que je ne montre guère, je pastiche la rencontre avec les peuples et j’y plagie l’intérêt pour une plus importante mansuétude… Parce qu’il n’y a que des délinquants dans l’épilogue qui se rédige en ce moment, y comprit le pudique aux haillons de lin gisant dans l’incrédule purin des cités… Procréer, c’est l’infinitif des obscènes et la malléable subtilité de tous. Les accidents parviennent alors par les entrailles badigeonnées de cyprine… Et que soient parents ou bambins, personne n’ira pourchasser l’aléa qui s’étend entre les elfes, les hommes et la communauté naine… On veut tendre au détournement, et c’est bien irascible…

Ce heurt… Cette persécution maintenue ici… C’était l’échange doux des sages, la cotisation des avis dans la méticuleuse verdure d’un royaume de pierres… aux jointures qui aspiraient les secrets…

Ce salut ne parviendra pas tant qu’une jolie sentinelle s’occupe de vos avancées… Je n’ai vu qu’indolence dans la salle, les gens s’exercent à ladite cérémonie conjugale qui se prépare. Tels sont les phrases qui se sont plantées dans les abysses de mon ouïe. Je me gratifie de silence quant à votre hermétique adoration pour une femme analogue aux dames de soutien… Je m’égaye de votre sourire si franc en ce jour chutant.

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