Dans l'armée du nord | Kastelord

Aetius faiblissait mais le Serpent également. Il était difficile de savoir lequel des deux en sortirait vainqueur mais le tueur à gages savait que face à un combattant frais comme l’était Hanegard, ses chances de survie avoisinaient le zéro absolu. Déposant son arbalète, il dégaina son épée et s’approcha pour en finir lorsque leur adversaire jeta au sol une bouteille qui éclata en dégageant un épais nuage de fumée.

Espèce de bâtard !

Lorsque la fumée se dissipa, le Serpent avait disparu. Maudissant les dieux qui lui jouaient ce mauvais coup, Hanegard se rua vers la sortie, enjambant le cadavre de deux de ses hommes. Quelqu’un courrait derrière lui, mais il n’avait pas le temps de vérifier qui. Aetius ? Khaar ? Un de ses hommes ? Peu importait. Dérapant à l’angle d’un couloir, le capitaine vit plus loin une porte se refermer. Accélérant sa foulée, il l’atteint, tourna la poignée… f

…fermée…

Et merde !

Furieux d’être retardé par ce contretemps, Hanegard se jeta sur la porte, et comme souvent dans ce genre de cas, ce fut le moins têtu des deux qui céda.

La porte… vous vous y attendiez un peu non ?

Une odeur nauséabonde assaillit ses narines. Le Serpent s’enfuyait chez les rats. Enfin par les égouts. Ce vaste réseau qui serpentait (sic !) sous le quartier des abattoirs servait à charrier le sang et les morceaux de carcasses inutilisables. La puanteur insoutenable l’empêchait presque de respirer, mais pas d’écouter. Tendant l’oreille, le capitaine entendit plus loin des bruits de pas.

Un sourire naquit sur ses lèvres. Le Serpent avait été entrainé par les meilleures guildes d’assassins du royaume, mais dans les montagnes, un chasseur doté d’une mauvaise ouïe rentre bredouille. Oh non, cette fripouille ne s’en tirerait pas comme ca. Dut-il le poursuivre d’un bout à l’autre de la ville, il l’aurait ! Adrian pourrait gérer la fin de l’assaut contre le bastion du Syndicat, que soit dit en passant Hanegard avait complètement oublié, obnubilé par la traque.

Son épée à la main, le capitaine reprit la poursuite.

Les artifices du Serpent firent long feu face à Aetius. Ce dernier, rompu par l’intensité du combat, avait repris combat en voyant son adversaire s’éclipser au profit d’une lancée de poudre d’escampette. Ne se laissant pas leurrer par le nuage de fumée déployée pour empêcher les traqueurs de se lancer immédiatement à ses trousses, l’assassin de la guilde pensait pouvoir s’échapper sans plus d’embarras. C’était sans compter sur la pugnacité d’Aetius, certes ponctuelle mais essentielle.

Revigoré par la fuite de son assaillant, il se précipita dans la direction qu’avait dû probablement suivre son ennemi, celle qui se trouvait libre de tout obstacle. Balayant d’une bourrasque légère la fumée qui lui faisait écran, il put apercevoir les jambes du Serpent qui bondissaient vers une échappatoire salutaire, au prix d’un nouvel essoufflement suivi d’une odeur âcre qui vint torturer sa gorge déjà mise à rude épreuve. S’élançant sans plus attendre, aspirant d’immenses goulées d’air, il tenta de frapper son adversaire lorsqu’il dépassa l’embrasure d’une porte branlante. Ce geste désespéré ne fit que provoquer un toussotement qui n’avait plus rien de bénin. Interrompant un instant sa poursuite, le chevalier se laissa choir à terre, tentant de reprendre tant bien que mal sa respiration. Une fois sommairement remis sur pied, il ferma la porte, trop orgueilleux pour laisser à quiconque la possibilité de s’approprier sa proie et s’enfonça dans les boyaux de Serramire.

Il pleuvait du sang des trous creusés dans la pierre suintante des égouts. Rats et carcasses d’animaux vivaient dans l’eau croupissante où venaient s’enfoncer les pas des deux individus fatigués. L’air lourd et nauséabond de l’endroit arracha à Aetius un haut le cœur provoquant un quasi-évanouissement chez le jeune homme brisé. Il n’en continua pas moins à traquer le Serpent, qui se faufilait aux hasards des recoins, pour disparaître et réapparaître dans la pénombre offerte par les souterrains. Malgré l’hémoglobine qui tigrait le sol sale des couloirs, le sang que laissait la blessure, grave, il semblait, du Serpent continuait à produire un fil d’Ariane fort utile au chevalier, qui essayait de le déchiffrer dans l’obscurité ambiante.

La poursuite s'était engagée dans les sous sols tortueux et pourris de carcasses d'animaux. Ceux-ci étant depuis très longtemps le repère des brigands et autres trafiquants, ils les connaissaient tous par coeur, contrairement aux fidèles soldats du marquisat.
A droite ou à gauche ? En haut, ou tout droit ? A chaque embranchement, il y avait encore plus de chance de perdre la piste du serpent, son sang se mellant à celui des carcasses, rendant la traque de plus en plus difficile.

Hanegard finit par perdre la trace du serpent au bout d'un moment de poursuite... Il avait même rencontré plusieurs de ses hommes en chemins, qui avaient eu l'ordre de bloquer ces issues, mais ils n'avaient vu passer personne. Il s'était volatilisé... Comme s'il s'était réellement transformé en reptile pour disparaitre dans l'un des nombreux toyaux dégueulasses.
Il ne lui restait plus qu'à sortir...

Aetius quant à lui n'avait pas assez pris soin de son état avant de partir à sa poursuite... La pourriture ambiante n'aiderait pas ses blessures à cicatriser, ni à récupérer de la perte de sang conséquente dont il était encore victime, chacunes de ses plaies menaçant de s'infgecter à chacuns de ses pas, le menaçant de gangrène. Ce fut un des soldats de la légion qui l'arrêta de force pour le reconduire à la surface.

"Si vous voulez finir bouffé par une gangrène continuez comme ça !"

Lui avait-il dit en le reconduisant de force vers le toubib de campagne qui entamma de le désinfecter à l'alcool, sans autre forme de procès et surtout sans aucun ménagement.

Les combats étaient terminés. Peu de prisonniers, seulement 2 qui étaient solidement attachés entre eux, dans un chariot recouvert de toile.
Adrian quant à lui avait été sortit et attendait patiemment le rapport des évènnements avec ses deux hommes. Il ne manquait plus que le retour d'hanegard pour le bilan de l'opération ou déjà les rapports des autres interventions arrivaient de toute part, comme étant des réussites avec de jolies prises.

[hrp : non non :p pas le choix, le serpent s'enfuit :p
Hanegard, je te laisse faire le bilan de l'opération.]

Hanegard dut bien finir par admettre que la poursuite était vouée à l’échec. Le Serpent connaissait ces boyaux mieux que lui et avait fini par le semer. Maudissant ce coup du sort, le capitaine revint sur ses pas et sortit à l’air libre, non loin de l’entrée de l’abattoir qu’ils avaient assaillis. Respirer un peu d’air frais lui fit le plus grand bien après les miasmes infects des égouts.

Regardant autour de lui, il vit Aetius en train de se faire soigner par un médecin. Le chevalier n’avait apparemment pas rencontré plus de succès que lui dans sa traque. Un peu plus loin, deux prisonniers étaient étroitement surveillés. Deux seulement ? Les hommes du Syndicat ne se laissaient décidemment pas facilement prendre. Un sergent de la légion vint lui faire son rapport. Dans toutes les autres cellules attaquées par les forces de Serramire, le bilan était quasiment le même : les agents de Khaar étaient vivants, peu de prisonniers…

Enfin, tout n’était pas sombre, loin s’en fallait. Les agents d’Adrian avaient pu être extraits à temps des cellules du Syndicat, plusieurs bases de cette ténébreuse organisation étaient détruites, leurs membres morts ou prisonniers… et peut être plus important que tout, plusieurs hommes, dont Hanegard, avaient pu voir le visage du Serpent. Là où quelques heures plus tôt seul l’égorgé aurait été apte à le reconnaître, désormais Adrian, Aetius, Hanegard et quelques autres le pouvaient également.

Cette perte d’anonymat constituait pour le tueur une véritable catastrophe, lui qui avait bâti toute sa réputation sur sa capacité à ne jamais laisser le moindre témoin derrière lui. Sans nul doute sa carrière allait elle être affectée par ce semi-échec, le premier qu’il subissait. Hanegard se fit la réflexion qu’il y avait maintenant une personne de plus qui désirait le voir mort. De fait, le Serpent risquait sans doute de vouloir éliminer toute personne pouvant l’identifier… la prudence serait donc de mise à l’avenir.

L’allure du chevalier ralentissait à chaque pas. Trébuchant sur les carcasses de tonneaux et d’animaux putréfiés, il haletait à la recherche du Serpent. Sa vue s’affaiblissait, l’obscurité aidant à cet aveuglement progressif dû à la fatigue comme au manque de sang, sans oublier les cataractes de sueurs qui ruisselaient sur le visage d’Aetius. Son armure paraissait toujours plus lourde, ses jambes plus fragiles. C’était deux branches de bois mort qui portait un corps qui se faisait plus dense qu’une dalle de marbre.

Bientôt, sa détermination laissa place à l’exténuation. Il fit une halte, aspirant goulument l’air nauséabond que dégageait ce cloaque souterrain, malgré les brûlures que provoquait chaque bouffée volée. Combien de temps resta-t-il ainsi, immobile et misérable ? Quelques secondes ? Des minutes ? Une bonne heure ? Aucune idée, il ne pouvait se fier ni à la lumière du soleil, inaccessible dans ce dédale pollué, ni à sa respiration, plus irrégulière que jamais. Bientôt, des cris et des bruits de botte se rapprochèrent, lui faisant reprendre conscience de la situation. La traque, le Serpent ! Il fallait le saisir avant qu’il ne soit trop tard. Trop tard… trpo tr…

Ses paupières papillonnaient tandis que la course reprenait, plus lente que jamais. Rattrapé par un soldat de l’armée du nord, ralenti puis stoppé par ce dernier, Aetius était dans une semi-conscience funeste. De ses plaies sourdait un sang rendu noir par la pénombre et le poison. Sa peau était plus pâle que jamais, ses yeux sortaient de ses orbites tandis que ses lèvres gercées continuait à avaler avidement l’air de l’égout, irritant sa gorge déjà mise à rude épreuve le sulfure qui semblait la râper à chaque aspiration. Il fallait rebrousser chemin, disait le soldat. La gangrène le menaçait !

Fariboles ! Aetius, dans un dernier geste d’orgueil bouscula le soldat, qui tomba par le truchement d’un déchet traînant traîtreusement derrière l’homme. Poursuivant son chemin, le chevalier fit de nouveaux trois pas hardis avant de s’arrêter avant de se laisser happer par la douce et réconfortante pesanteur. Rejoignant le soldat tombé par sa faute, l’Ivrey s’évanouit dans les ordures.

Il se réveilla une journée plus tard, provoqué par les rayons du soleil matinal. Entouré de deux guérisseurs, couché dans des draps propres et un lit des plus confortables dans cette maison de Néera, il avait joui d’un certain luxe durant sa convalescence. Il fallait bien avouer qu’on ne pouvait pas se permettre de perdre l’un des seuls témoins pouvant identifier le Serpent. Soigné pendant des heures par les maîtres guérisseurs, il avait recouvré beaucoup de son sang et de son énergie, cependant, il ne put s’empêcher de constater que des vers s’étaient installés sur ses plaies, grouillant d’une manière bien sinistre. Prenant un air horrifié, craignant la gangrène, Aetius fut tranquillisé par l’un des guérisseurs.
« Ne vous inquiétez pas, ces vers sont vos meilleurs amis. Ils mangent la gangrène et empêche la plaie de s’étendre. Comme nous n’avons pu vous refermer et vous garder en vie en même temps, nous avons laissé vos petits compagnons vos régalés des chairs corrompues. »
« Sor… Sorcellerie ! »
« Certes, certes, on peut le voir ainsi, et je risquerai sûrement des soucis si on découvrait vos petits compagnons, mais leur voracité sauve trop de vie pour que je m’en passe parce qu’une poignée de religieux trouvent la pratique peu ragoûtante. »
Une conversation s’engagea entre les deux guérisseurs et le chevalier sur ces biens étranges petits vers. On lui parla longuement de ceux-ci et le pria de se repose. Plus tard dans la journée, et après avoir promis de se ménager le plus possible pendant les jours à venir, il put errer dans les jardins de Serramire ainsi qu’à la forteresse. Vêtu de vêtements simples et propres, sans armes mais accompagné d’une poignée de soldats qui avaient pour mission de veiller sur sa personne, il allait s’enquérir des nouvelles.

Hanegard avait eut à gérer avec Adrian un nombre incalculable de rapports, ceux des assauts indiquant la résistance ennemie, les pertes infligées et subie ainsi que le bilan complet de ce qu'ils avaient rapportés. Mais aussi ceux de l'infiltration, tels que des pseudonymes tous aussi farfelus les uns que les autres, des descriptions physiques, les nouveautés dans les gestion des cellules et surtout les relations qu'elles avaient entre elles. Il fallait regrouper toutes les informations pour trouver le mode de cheminement de chacunes des prises... Pour ensuite couper les voies de transport de ces trafics.

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Les nouvelles étaient allées bon train au sein de la caserne suite à l'opération de grande envergure qui avait été menée la veille. Les prises étaient énormes, et il fallait maintenant gérer ce stock... De l'or, des armes, des armures, des vivres, des oeuvres d'art et même des esclaves venant des quatre coin du monde. Les prisonniers quant eux avaient été ceux qui étaient traités en priorité, enfermé directement dans leurs petits cachots respectifs, à bouffer du poisson périmé et du pain dur.
Oui, la plus grande partie du réseau avait été détruit dans le marquisat, ou tout du moins la majorité des petites cellules d'approvisionnement et les antennes relai. Mais il restait encore la tête pensante, les organisateurs, la majorité des contacts qui étaient toujours dans la nature, ainsi que le fer de lance de l'organisation qu'était le Serpent. Personne ne savait ce qu'il était devenu, mais il était encore vivant, c'était sûr et certain, il reviendrait pour sa petite souris.

Aetius entra avec sa petite escorte dans la caserne, ou les soldats en patrouille s'attardèrent à peine à son cas, celui-ci étant déjà suffisemment surveillé. Tout autour de lui ca s'agitait, ca déchargeait des chariots, ca en chargeait d'autre pour distribuer les biens aux autres camps de base de l'armée, ou encore les revendre pour faire du bénéfice. Après tout, il aurait été bête de tout jeter... Mais le plus gros de l'emménagement avait été les tentes montées à la va vite pour accueillir les nombreux réfugiés, victimes des pratiques de prostitution ou d'esclavagisme du Syndicat... Beaucoup aidaient au camp : monter les tentes, nettoyer, transporter, distribuer...

"Hey !" Une voix venait d'interpeller le petit groupe d'Aetius qui pu reconnaitre très facilement l'égorgé. "Vous vous êtes bien rétablis à ce que je vois. Venez voir ce qu'on a accompli !"

Il attrapa Aetius par le bras. Visiblement il était heureux, comme s'il venait de retrouver une partie de la lumière qu'il avait perdu durant toutes ces longues années. Un bonheur qui était peut-être éphémère, mais qui au moins était là, bel et bien là... Il l'emmena à l'arrière des tentes après avoir congédié l'escorte du chevalier errant, des gens... Certains pleurant, d'autre riant, souriant. Ceci ressemblant à des retrouvailles de membres du même famille, d'amis... Oui ils avaient réussis quelque chose de grand, ils pouvaient en être fier. Le moindre coup d'épée, la moindre petite personne, même présente une heure ou deux avait permis d'avancer vers cette situation, et la récompense était encore plus grande pour les hommes d'Adrian qui se battaient contre ça depuis des années et qui avaient enfin la récompense pour leurs sacrifices.

"Pour ces gens, c'est finit, cette histoire va pouvoir retourner dans le passé..."
"Père !" Une voix féminine venait de l'interrompre, c'était la jeune femme qu'Aetius avait rencontré dans l'infirmerie et qui cherchait le Capitaine Khaar. L'égorgé l'attrapa par la taille.
"Aetius, je vous présente ma fille. Je ne l'avais même pas reconnu tellement elle avait changée ces dernières années."
"On s'est déjà croisés" Dit-elle en souriant.

Ces scènes étaient une récompense pour tout ceux qui s'étaient battus, qui étaient morts ou avaient survécus d'une manière ou d'une autre, pour ceux qui avaient été détruits moralement ou qui avaient un sentiment de culpabilité énorme. leur permettant de trouver un peu de la rédemption qu'ils recherchaient

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Mais les choses ne se terminent toujours pas de manière aussi belle... Tout ceci n'avait été qu'une partie visible de l'iceberg. Et pour le moment seuls Adrian et Hanegard pouvaient en mesurer la portée. Le syndicat s'était répendu, tel un poison ou plutôt un fléau dans le royaume humain. Implantant ses premières cellules dans la plupart des grandes villes et il continuait à s'accroitre... Lentement, mais sûrement. Il était encore discret, mais peut-être qu'un jour il pourrait devenir une menace beaucoup plus importante. Ils n'avaient fait que le ralentir, tout ne faisait que commencer...