L'annonce du tournoi royal [Arnhild, Harnyll]

Depuis peu, des messagers parcouraient la péninsule humaine pour y délivrer des missives provenant de la capitale. Un cavalier portant un message arrive en pleine après midi dans notre belle cité d'Ysari. Le message cacheté en main, il le remet au majordome qui va de ce pas le donner à qui de droit, mon époux, le baron d'Ysari.
De ma fenêtre j'ai pu observer cette scène. Une fois le message remis, je m'empresse de rejoindre le bureau de mon seigneur et maitre afin de connaître la nature de cette missive. Son bureau est fermé et je n'ose pas le déranger.
Derrière la porte, je l'entends s'exclamer. Visiblement cette lettre est une invitation officielle pour le tournoi royal qui se déroulera prochainement. Un tournoi? Mon coeur se serre à cette écoute discrète.
Lors du tournoi d'Arcani, mon époux avait failli mourir qu'en serait il cette fois. Il est vrai que j'aimais beaucoup les tournois mais je détestais quand il y participait. J'avais alors toujours peur pour sa vie. Cette fois, il n'en serait pas autrement car il répondrait à cette invitation.

Je commençais à avoir peur pour lui, pour nous. C'est alors avec beaucoup de craintes et d'appréhension que je quitte le couloir. J'ai à ce moment perdu ma joie et mon entrain. Cela se lit sur mon visage que quelque chose me tourmente.
J'ai besoin de changer d'air, de me changer les idées. Passant par le grand salon, je me rends sur la terrasse. Arnhild se trouve là, debout et regarde le jardin. Je m'approche alors d'elle. Le bruit de mes pas trouble sa quiétude et elle peut alors me voir désemparée.
Tombant dans ses bras, je lui parle comme à une amie. Camille n'est pas là à ce moment et la mercenaire a su prendre une place spéciale dans mon coeur d'autant plus que je lui fais confiance et que je lui suis redevable pour le service qu'elle m'a rendu à Arcani, même si la suite n'a pas vraiment été comme je l'avais désiré.

Arnhild, c'est affreux... Un grand tournoi royal va avoir lieu sous peu à la capitale. J'ai peur qu'il ne se déroule comme le dernier et que mon époux ne se voit blesser voir même diminuer. Que puis je faire? Je sais qu'il acceptera de jouter même si je lui demande de ne point le faire.
Je ne veux pas qu'une même catastrophe se reproduise...

Depuis l'enlèvement de Lucrèce et son sauvetage aux mains des pirates la mercenaire Nisétienne avait obtenue une prolongation gracieuse de son contrat de protection. Cela n'allait pas durer longtemps et elle devrait bientôt reprendre la route mais la jeune femme n'avait pu s'empêcher de demander à protéger Lucrèce pour quelques temps encore. Après l'épisode de Morphaie, elle n'aimait pas s'en aller en laissant une affaire en plan derrière elle. Cette fois elle souhaitait remplir son rôle jusqu'à ce que la Vicomtesse décide d'elle-même qu'elle n'avait plus besoin de sa protection.
D'ici là, la mercenaire restait vigilante sur la santé de Lucrèce. Elle n'aimait pas refaire les erreurs qui ont conduites à l'enlèvement de la jeune vicomtesse, cette dernière avait connu trop d'événements bouleversants au cours des dernières semaines. Et même si elle était moins bien payé que la première fois la Nisétienne remplissait son rôle du mieux qu'elle pouvait.
La rencontre avec Arnhild, le tournoi d'Ysari, l'enlèvement par le Fossoyeur .. Il fallait plus d'événements plus joyeux dans la vie d'une très jeune fille se retrouvant à l'aube de sa vie dans un monde de noblesse et de responsabilités.
La vie de noble apparaissait comme difficile aux yeux de la mercenaire. Elle-même avait était poussée sur une vie simple mais dangereuse, où la voie de l'épée et l'or étaient les seules raisons d'exister. Elle savait s'en contenter mais trouvait la vie des nobles tout aussi périlleuse que la sienne, même si ces deux conditions n'induisaient pas les mêmes dangers.

Postée sur la terrasse du palais et observant les jardins au dehors, la Nisétienne fut attirée par du mouvement derrière elle. Se retournant, elle vit Lucrèce venir à elle. Elle eu à peine le temps de remarquer la détresse de la jeune fille que cette dernière se jetait dans ses bras, en pleurs. Cette situation prit Arnhild au dépourvu, la femme qu'elle devait protéger venait de se jeter dans les bras de sa protectrice et l'étreignait en pleurs. Inconsciemment la Nisétienne regarda aux alentours pour vérifier s'il n'y avait pas de témoins de la scène.
Mais elle reprit ses esprits et se demanda ce qui avait amené à cette situation. Lucrèce venait elle à nouveau de craquer ? ou alors se sentait elle seule après tout les événements marquants qu'elle venait de vivre ?
Les mains de la mercenaire se posèrent sur les épaules de Lucrèce mais ne la firent pas reculer, elle la laissa pleurer contre son corps, Lucrèce se sentirait sans doute apaissée pour parler par la suite.
La raison de ces pleurs ne tarda pas, Lucrèce annonça le courrier du Roi pour le Grand Tournoi de Chevalerie.
Les souvenirs du tournoi d'Arcani étaient encore vifs et l'image du Baron se faisant jeter à terre par la lance de Arnhild faisait craindre le pire à venir si le Baron décidait de concourir à nouveau.
Lucrèce était terrifiée à l'idée de voir son mari endurer un sort plus violent que la dernière fois et il était naturel qu'elle posséda ce genre de craintes.
Elle avait besoin de conseils .. et c'était à Arnhild qu'elle les demandait, ce qui embarrassait la Nisétienne.
Comment empêcher le Baron de jouter ? il refuserait catégoriquement d'écouter si on lui demandait une telle chose. La mercenaire avait été témoin de l'importance de la joute chez le Baron, il allait participer et rien ne l'en empêcherait.

Dans ses réflexions, elle serrait Lucrèce contre elle et la berçait doucement. Son esprit était en ébullition pour déterminer une solution acceptable. Elle en trouva finalement une mais elle était dangereuse, surtout après le tournoi d'Arcani.
Se décollant un peu de Lucrèce, elle lui sécha ses larmes avant d'affronter son regard.

J'ai peut être une solution Vicomtesse .. Laissez moi jouter également à ce tournoi. Vous ne pouvez vous contenter d'observer passivement depuis la tribune. Il vous faut quelqu'un dans la lice.
Laissez moi reprendre le rôle du Chevalier d'Adamantine. Je tenterais de protéger le Baron en le faisant abandonner au cours des lices de qualifications. Ainsi donc il ne joutera pas contre les plus puissants chevalier et ne risquera pas d'être blessé.
Mais pour cela il me faut votre accord. Faire ressurgir le Chevalier d'Adamantine risque d'être mal vu par votre époux. Réfléchissez bien à ma proposition Lucrèce.

Alors que je pleurai dans les bras de la mercenaire qui était restée à Ysari depuis notre retour et que je venais de lui confier ce qui me rongeait, elle me recula un peu de cette étreinte dans laquelle nous nous étions enfermée. C'est alors qu'elle m'annonça sa solution. Concourir lors du tournoi et défaire mon époux le plus tôt possible avant qu'il ne rencontre pas les chevaliers les plus entrainés.
Arnhild prenait un énorme risque que de se présenter à ce tournoi même sous le couvert de mon nom. Mon époux avait très mal pris le fait qu'il y ait un chevalier d'Adamantine lors de ce tournoi baronial qui l'a ainsi humilié devant tous alors qu'en serait il devant tous les grands de ce royaume.
Un bref instant, cette idée me parut insensée et totalement stupide mais alors que mes larmes coulaient toujours à flots sur mes joues, je dus me rendre compte de l'évidence. Cette idée pourrait effectivement fonctionner.
Néanmoins il faudrait être des plus prudents pour que tout se passe le mieux du monde cette fois.

Je crois que je n'ai pas le choix... Que le destin peut être cruel...

Alors que je séchais mes larmes ruisselantes, j'acquiesçai d'un signe de la tête. Je n'avais pas besoin de plus de temps de réflexion pour donner mon approbation à cela.

Dans ce cas, vous porterez une nouvelle fois mon nom et mes couleurs, Arnhild. Si ce que j'ai entendu est exacte, il vous faut un fief à représenter. Vous représenterez donc le fief de Féoda, région se situant au nord de la baronnie. Puissent les dieux être de notre côté cette fois...

Un bruit se fit entendre. C'était une servante qui passait par là et vit l'étrange scène. Nous étions toujours à même le sol. Je ne vis pas de quelle servante il fut question mais d'un ton froid, trahissant un sanglot, je dis.

Ce n'est rien, j'ai trébuché sur cette dalle! Retournez à vos tâches!
Bien, madame!

La servante disparut alors sans demander son reste. Il ne fallait pas rester ainsi à la vue de tous sachant que quelqu'un d'autre pourrait nous surprendre ainsi et notre conversation par la même occasion.
Une fois remise debout et de mes émotions. Je laissai alors Arnhild sur la terrasse.

Je me charge des détails mais je ne pourrai lui cacher la présence d'un autre chevalier de la baronnie. Il ne saura que le strict minimum.

Sur ce, je m'en retournai à l'intérieur du château. Prenant mon temps pour traverser le grand salon puis monter les escaliers. Mes pas m'avaient guidée devant la porte du bureau de mon époux. Sans doute était ce le moment de lui parler avant qu'il ne soit trop tard.
Frappant à la porte, j'attendis son invitation à entrer. Ouvrant alors la porte lentement, je m'avançai vers son bureau où il était assis derrière une pile de dossiers et la missive encore ouverte en face de lui. Il put voir que mon regard était un peu rouge.
Une fois lui faisant face, je déviai ma route pour aller à la fenêtre et regarder vers l'extérieur. Je ne voulais pas qu'il me regarde, qu'il lise dans mon regard toute ma peine et mon désarroi.
Si j'étais venue le déranger c'est que j'avais une raison car jamais je ne l'aurai fait sinon. Un raclement de gorge montra qu'il s'impatientait que je donne la raison de ma venue. Une main sur la vitre, le regard vers l'extérieur, lui faisant dos, je dévoilai alors la raison de ma venue.

J'ai ouïe dire qu'un grand tournoi allait avoir lieu à la capitale... Je suppose que vous aller jouter, mon ami.
Si tel est le cas, j'aimerai y inscrire une personne à qui je suis redevable. Il n'a point de fief et si cela ne vous dérange pas je voudrai qu'il représente la province de Féoda.

Le baron d’Ysari travaillait à son bureau, relisant les derniers rapports sur les finances d’Arcani. Un léger sourire aux lèvres, il constata avec plaisir que la nomination de Gregor de Hautetour avait grandement arrangé les choses dans cette partie de sa baronnie. Alors qu'il s’apprêtait à annoter un document, un coup frappé à la porte lui fit relever les yeux.

Entrez

Le garde en faction ouvrit la porte à un jeune messager aux armes de Diantra qui rentra, salua le maître des lieux et lui tendit une missive

Monseigneur, une lettre pour vous.

Remerciant d’un signe de tête le messager, Harnyll fit sauter le sceau apposé au document et l’ouvrit pour le lire. Il s’agissait d’une invitation à un grand tournoi qui allait être organisé sous peu à Diantra.

Un tournoi ! Magnifique !

Se renversant dans son fauteuil, le baron réfléchit à ce que cette nouvelle impliquait. Un tournoi de grande ampleur constituait un événement majeur pour les nobles et chevaliers du royaume qui afflueraient tous vers la capitale. Bien entendu, le baron d’Ysari ne pouvait rater un tel événement, un amateur de joute tel que lui se devait d’être présent.

En parlant de joutes… Harnyll se massa un peu la jambe pour en ôter l’engourdissement qui le prenait. Plus d’un mois s’était écoulé depuis ce jour à Arcani ou le baron avait frôlé la mort en affrontant un mystérieux chevalier d’Adamantine, champion secret de sa femme. Cet « incident » laissait un goût amer dans la bouche d’Harnyll. Non pas à cause du fait qu’il ait été battu, de cela il ne pouvait s’en prendre qu’à lui-même. Cette troisième passe inutile qu’il avait exigé sous le coup de la colère constituait une erreur dont il devait porter seul la responsabilité.

Non, ce n’était pas la défaite qui le dérangeait. Le problème était tout autre : le baron d’Ysari ne savait toujours pas qui était ce mystérieux chevalier d’Adamantine, ce champion qui avait défendu les couleurs de Lucrèce contre celles de son époux, qui de plus était vicomte d’Adamantine. Depuis lors, les doutes taraudaient le baron : sa femme avait-elle une liaison ? Le trompait-elle en allant chercher son plaisir dans les bras de cet inconnu ? Enfin, il fallait espérer qu’elle lui dirait un jour de qui il s’agissait.

La porte du bureau du baron s’ouvrit de nouveau et Lucrèce justement, y entra. Une légère rougeur sur les joues de la jeune femme indiqua au baron qu’elle ne se sentait pas à l’aise. S’approchant de la fenêtre, elle regarda à l’extérieur, paraissant hésiter à prendre la parole comme si elle avait peur. Un raclement de gorge discret de la part de son époux la décida à se jeter à l’eau.

J'ai ouïe dire qu'un grand tournoi allait avoir lieu à la capitale... Je suppose que vous aller jouter, mon ami. Si tel est le cas, j'aimerai y inscrire une personne à qui je suis redevable. Il n'a point de fief et si cela ne vous dérange pas je voudrai qu'il représente la province de Féoda.

La demande surpris un peu Harnyll, qui ne s’attendait pas à cela. Pour l’instant, seul Ysari même serait représentée, et par le baron en personne, les autres fiefs de la baronnie n’ayant pas désigné de champion. Certes, nommer un chevalier ne venant pas du fief pouvait être considéré comme une attitude limite, mais souvent utilisée pour permettre à des nobles sans terres de participer.

Eh bien, ma foi, je suppose que cela peut s’arranger en effet. Qui est ce chevalier ?

Il fallait se douter que cette demande allait susciter des interrogations. Je ne pouvait révéler l'identité de ce mystérieux chevalier à mon époux. Aussi, je pris sur moi de ne rien lui dire et de tout lui cacher. Mais à première vue, il ne semblait pas contre qu'un chevalier sans terre représente le fief de Féoda. Maintenant, il fallait jouer finement pour ne pas trahir Arnhild.

Je suis contente que cette idée ne vous déplaise point. Je craignais un refus de votre part, je dois avouer. En ce qui concerne l'identité du chevalier, je ne peux vous en dire plus pour le moment. Ce chevalier est preux et vertueux. Il m'a sauvé la vie déjà une fois.

Cette indication était vraie mais à la façon dont je l'avais tourné on pouvait comprendre qu'il s'agissait d'Aloys de Sangpierre. La réalité était tout autre car c'était une femme, ce preux chevalier. Arnhild, une nisétienne mercenaire qui lui avait également sauvé la vie mais jamais le baron d'Ysari n'aurait pensé à elle, en aucun cas.

Je vous prie mon tendre ami de ne point me questionner sur son identité qu'il désire conserver secrète. Vous pouvez me faire confiance. Je ne vous trahirai point sur ce point.

La voix un peu hésitante.

Néanmoins, j'aurai une autre faveur à vous demander si vous n'y voyait nul inconvénient. J'aimerai durant le tournoi lui offrir mes faveurs quand il me présentera sa lance.
N'y voyait nulle fourberie de ma part en cela mais sa tendre mie ne pouvant se rendre à ce tournoi, j'aimerai pouvoir l'encourager en remerciement d'un service rendu, il y a peu.
Mon coeur vous appartiendra durant tout le tournoi aussi je prie d'accepter.

A cette instant, je me retournai pour lui faire face, en relevant mon regard qui était encore un peu rougi par les larmes de l'instant précédant. Harnyll s'était levé de son bureau et se tenait à présent dans mon dos aussi quand je me suis retournée, je me suis heurtée contre son torse.
Le regard plongé dans le sien, il pouvait y lire tout mon amour pour lui et toute la franchise que je venais d'avoir. Il est dur d'avouer à son époux que l'on va offrir ses faveurs à un autre lors d'un tournoi officiel. Il l'est encore plus quand il faut lui cacher que ce chevalier est le même que celui qui l'a envoyé à terre lors du tournoi d'Arcani. Espérons que les dieux soient cléments et calmeront les ardeurs de mon époux quand il découvrira la supercherie.

Un chevalier lui ayant sauvé la vie ? La jeune femme parlait-elle d’Aloys de Sangpierre qui s’était porté à sa rescousse à Diantra l’hiver précédent lorsque des brigands avaient attaqués son carrosse ? A part lui, Harnyll ne voyait personne qui aurait pu être ce chevalier inconnu, où alors il s’agissait de quelqu’un que Lucrèce avait connu dans son enfance, avant qu’elle ne vienne à Ysari. Mais s'il s’agissait d’Aloys, pourquoi ne pas le lui dire ? Décidemment, il y avait là un bien étrange mystère.

Si cet homme vous a sauvé la vie, alors soyez sure qu’il a toute ma gratitude

La voix de Lucrèce se fit hésitante lorsqu’elle demanda non seulement que ce chevalier ne révèle pas son identité au baron, mais en plus qu’il reçoive lui aussi les faveurs de la baronne lors du tournoi. Lucrèce n’était pas une menteuse, cela Harnyll le savait. Toutefois, la jeune baronne pouvait mentir par omission, en ne distillant les informations qu’au compte-goutte. De ce point de vue, elle s’avérait une redoutable manipulatrice et savait jouer sur l’amour que lui portait son époux pour obtenir ce qu’elle désirait. Et ce jour là, Harnyll sentait que sa femme lui cachait un élément important.

Qu’une femme apporte son soutien à plusieurs chevaliers était déjà arrivé, car parfois une noble pouvait donner ses faveurs à un allié de son époux ou à un ami de longue date. D’autres fois, un champion était mis au service d’une gente dame par son époux pour qu’elle puisse être directement représentée lors de la joute. De par leurs positions, ces champions se devaient d’être de véritables paladins de vertu, des hommes en qui leur seigneur pouvait avoir toute confiance. Si Harnyll avait du nommer un champion pour sa femme, il aurait sûrement choisi Gregor de Hautetour, qui malgré son âge restait un jouteur redoutable. Mais là, il lui faudrait avancer en aveugle, et à cause de cela le baron se sentait mal à l’aise.

Plongeant son regard dans celui de son épouse, Harnyll tenta d’y lire plus d’informations. Mais les yeux de Lucrèce ne rayonnaient qu’un amour sans faille envers lui, et le baron d’Ysari était incapable de résister à ce genre de regard. Que sa femme et lui n’aient toujours pas consommé leur mariage, bien que Lucrèce ne redouta désormais plus les caresses de son époux grâce aux bons soins de la baronne d’Olyssea n’avait en rien affaiblit l’amour profond qu’Harnyll lui portait.

Non, décidément, le baron ne croyait pas que sa femme puisse avoir un amant ni qu'elle puisse vouloir le trahir… mais encore faudrait-il se montrer prudent pour éviter que ce genre de rumeurs ne se mettent à courir la ville. La serrant contre lui, Harnyll répondit à la demande de sa chère et tendre :

Offrir vos faveurs à quelqu’un d’autre que moi ? Cela va faire jaser si nous n’y prenons pas garde. Mais je vous fais confiance ma douce mie, je veux croire que vous ne feriez rien qui puisse nuire à mon honneur que je remets entre vos mains. Je vous donne donc mon accord pour que ce chevalier inconnu représente le fief de Féoda.

La joie illumina le visage de Lucrèce, joie qu’Harnyll prit soin de tempérer par sécurité :

Pour éviter les ragots, la version officielle que nous présenterons sera que ce chevalier est un ami de notre famille que je tiens à remercier de ses bienfaits envers nous en l’autorisant à concourir comme votre champion. Dès lors, que vous lui apportiez votre soutien ne choquera personne. Je vous prierai toutefois lors du tournoi d’être très attentive sur la manière d'accorder vos faveurs. Je n’ai pas besoin de vous expliquer que suivant qu’une femme accorde son soutien au chevalier de son cœur ou à un champion mis à son service par son mari, son attitude n’est pas la même. Je vous demanderai donc un effort particulier à ce niveau et de ne pas être trop… enthousiaste et expansive… vis-à-vis de lui. Quand à ce chevalier dont vous voulez me taire le nom, qu’il se comporte en lice comme si j’étais son seigneur et maître, nul ne se doutera alors que j’ignore en réalité tout de lui.

Sans le savoir, Harnyll donnait en plein dans le piège que sa femme et Arnhild lui tendaient…

A cette annonce des plus surprenantes, mon époux eut le reflex immédiat que l'on se mette de concert sur la raison qui ferait que ce chevalier représente Féoda. Il fut donc décidé que l'on ferait ainsi même s'il ignorait toujours l'identité de mon chevalier. S'il savait que c'était Arnhild qui plus est sous mon nom, je pourrai courir à ma perte. Non pas que le problème soit que ce soit une femme mais qu'il découvre mon nom, le même nom que lors du tournois d'Arcani.
Suite à sa réponse, je fus soulagée qu'il accepte et qu'il me fasse suffisament confiance pour ne point demander plus de détails. Je le graciai alors d'un sourire puis d'un baiser pour lui montrer toute ma reconnaissance.

Sur ce, je vous laisse mon tendre ami à vos affaires. Je ne veux point vous déranger outre mesure.

Ceci étant fait, j'avais retrouvé le sourire, enfin un semblant de sourire car j'avais toute fois néanmoins peur qu'il arrive quelque chose à mon époux face aux autres concurrants qu'il rencontrera en cours de lice. Redescendant, je me dirigeai alors vers la terrasse où j'avais laissé Arnhild un peu plus tôt. M'approchant d'elle, je lui pris la main et lui souris en lui disant.

Et bien tout est arrangé. Vous représenterez la province de Féoda et je vous accorderai mes faveurs lors du tournoi. Le baron est d'accord avec cela même s'il ignore que le but final est de l'éliminer le plus tôt possible et que vous porterez une nouvelle fois mon nom.
J'espère que la mascarade ne sera pas dévoilée. Il faudra redoubler de vigilance car je crainds que quelques chevaliers peu scrupuleux ne cherchent à percer votre mystère et à vous faire éliminer le plus tôt possible.

Arnhild était restée sur la terrasse pendant que Lucrèce allait prévenir Harnyll de la présence d'un nouveau chevalier pour le Tournoi Royal. La manoeuvre était risquée car le Baron pouvait être suspicieux depuis les événements du tournoi d'Arcani. Le risque qu'il posa des questions et exigea l'identité du mystérieux jouteur était grand. La mercenaire ne pouvait pas épauler Lucrèce dans cette confrontation. D'une part ce n'était pas son rôle et cela aurait pu amener le doute sur l'identité du chevalier, être présente pour l'annonce d'un nouveau participant dont on ne pouvait pas révéler l'identité aurait pu faire un lien trop évident.
La mercenaire attendait donc le retour de Lucrèce dans ses appartements, surveillant le dehors depuis la fenêtre. Intérieurement elle était assez inquiète car le plan comportait beaucoup d'aléas mais c'était la seule solution qu'elle ait pu trouver pour calmer les craintes de Lucrèce. D'ici le retour de la vicomtesse elle n'avait qu'à espérer que tout se déroulait bien.

Lucrèce revint après quelques temps, même plus tôt que prévu. La Nisétienne ne pensait pas que le Baron avait été convaincu après si peu de temps mais lorsque Lucrèce lui prit les mains elle comprit que Harnyll avait marché et qu'il acceptait qu'un Chevalier concoure pour le Tournoi Royal. Elle en fut soulagée, les choses s'étaient présentées mieux qu'elle ne se l'était imaginé. C'était donc décidé : Arnhild allait donc concourir afin d'éliminer Harnyll des joutes le plus tôt possible.
Mais Lucrèce souligna le fait que le tournoi royal était dangereux pour eux-mêmes. En effet les implications politiques étaient totalement différentes du tournoi d'Arcani. Il faudrait donc rester le plus discret possible et garder l'identité de Arnhild secrète à tout prix. Le retour du Chevalier d'Adamantine allait de pair avec les ragots qui circulaient à son sujet. Et cette fois la pression serait énorme de la part des nobles qui chercheraient à découvrir la personne qui se cachait sous l'armure. La mercenaire en avait eu un avant-gout lorsque les valets du Baron cherchaient par tout moyens à découvrir qui elle était, cette fois ce serait pire.

C'est une bonne nouvelle Lucrèce. Ne craignez rien je ferais tout mon possible pour que personne ne découvre la vérité.
Je représenterais donc Feoda, j'espère jouer contre votre mari le plus tôt possible. Nous pouvons d'hors et déjà commencer les préparatifs pour que nous soyons prêtes pour le tournoi. Savez vous quand le départ aura lieu ?

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