Dans les tunnels sombres du quartier des détentes

Une fois n'était pas coutume et, en ce début de soirée, la Da'ron de la Garde du temple quitta l'enceinte du Grand temple pour se rendre dans les bas-fonds du Puy.
Elle ne s'y rendait pas pour son propre plaisir mais pour vérifier certaines rumeurs qui disaient que certains membres de sa garde fréquentaient assidûment les bordels du Puy au point de manquer à leur tâche de garde. En tant que Da'ron elle ne pouvait se permettre que certains de ses hommes et femmes se dépravent continuellement au lieu de remplir leurs obligations envers Uriz. Une fois de temps à autre n'était pas pour la mettre en colère mais pas une fréquentation répétée et systématique.

La Da'ron se retrouva donc dans un endroit où elle ne s'y rendait que très peu, le fameux quartiers des détentes. L'arrivée d'une telle Drow, imbue d'elle-même et de sa position, était à faire tourner les regards et à poser des questions mais elle avait d'autres chats à fouetter qu'à faire taire des ragots.
Elle ignorait encore dans quel établissement les fautifs qu'elle recherchait pouvaient être. Elle ne pouvait pas se permettre non plus de défoncer la porte de chaque établissement qu'elle croisait sur sa route.
Le mieux était de marcher tranquillement et d'écouter les rumeurs. Beaucoup de personnes ou d'esclaves avaient la langue bien pendue parfois et il suffisait de capter la bonne discussion.
Cela lui donna en tête l'impression qu'elle aurait du se changer d'abord avant de venir dans ce quartier. En effet, arriver ici uniquement vêtue de son armure et d'une cape de fonction n'était pas pour taper dans la discrétion. Mais comme elle était partie plutôt précipitamment elle n'avait pas pris la peine de se changer. Quelle plaie.
La Da'ron prit dont la décision de s'envelopper dans sa cape afin de masquer son armure, une armure qui montrait beaucoup de son corps néanmoins. Silencieuse, elle commença à arpenter les tunnels du quartiers des détentes.

On entendit soudain la porte de l'entrée du tunnel claquer, quelques pas, un appel. Passa à toute vitesse dans le quartier des détentes un jeune drow visiblement inquiet portant des chaînes et une cape... Des pas résonnèrent dans le couloir. Un autre appel, plus près et plus distinct.

"Aktaaaaar !"

Voix caractéristique, légèrement ironique même lorsqu'il ne s'agissait que d'un mot, exigeante, et en fin de compte, très amusée. C'est qu'en marchant Naïm s'était enfin souvenu de ce qu'il voulait absolument raconter à Aktar, qui lui avait même fait traverser le quartier des plaisirs qu'il aimait tant... Depuis son retour au Puy, Naïm n'avait pas fait grand chose d'autre que se détendre, d'ailleurs, étonnant non?

Il était rentré dans un salon de détente et s'était servi une tasse de liquide jaunâtre qui était posé sur une petite table. La boisson était froide, mais Naïm avait soif, et il commença à boire sans s'arrêter de marcher... Il était arrivé derrière les portes d'une salle, et ne remarquant pas qu'elles étaient en train de s'ouvrir, il les tira brusquement pour se trouver nez à nez avec Haeldra.

"Oh... Une femme..."

Son ton disait de façon extrêmement clair ce qu'il pensait de la chose. Le mot était tombé de ses lèvres comme une injure. Mais il n'en resta pas là, et se redressant, il s'adressa à Aktar par dessus la Da'ron (dont il ignorait encore le rang).

"Ce que je te disais, Aktar, c'est qu'en Aduram je me suis tapé une Elfe super b..."

Mais soudain quelque chose dans l'air de Aktar, une surprise sur son visage... et puis le visage de la femme devant lui, qui ressemblait... Il s'arrêta, pencha la tête vers la créature, regarda d'un côté de l'autre... Son ami esclave vint lui confirmer qu'il s'agissait bien de...

"Oooh… mais n'est-ce pas là la femme du temple... Celle qui a l'air d'une guerrière... la dame Valsharesh !"

Et sans aucun doute (car qui pourrait imaginer autre chose ?), ce n'est absolument pas à cause du nom qui venait de franchir les lèvres d'Aktar, mais bien de la chaleur du breuvage, que Naïm s'étouffa brusquement en avalant de travers lorsque le nom de "Valsharesh" fut prononcé. Ses épaules se voûtèrent encore plus alors que tout son corps était pris d'une quinte de toux. Il se détourna et fit quelques pas vers la porte tenant toujours sa tasse entre les mains. Entre le rire, les larmes et l'étouffement total, il tenait sa tasse en équilibre.

Lorsqu'il se fut enfin à peu près contrôlé, il regarda Aktar avec un sourire ironique, dirigé cette fois contre lui-même, et dit avec une simplicité qui dans sa matérialité brute frisait l'indécence :

"Avalé de travers..."

Là il marmonna quelque chose, s'inclina légèrement devant Haeldra... et s'adressa cette fois directement à elle.

"Et vous faites un tour chez les pauvres? N'est-ce pas absolument charmant..."

Il préféra ne pas en rajouter, car il savait que provoquer un supérieur, ou lui parler de cette façon pouvait lui attirer des ennuis, et il préférait éviter de mettre la Da'ron en rogne, surtout qu'elle paraissait préocuppée, à la recherche de quelque chose, ou quelqu'un... Enfin… Aktar était une des rares personnes à prendre ses paroles pour ce qu'elles étaient réellement : des paroles vraies, mais qui n'était pas socialement correctes...

"Vous avez besoin d'un renseignement ? C'est qu'en tant qu'assassin royal, j'ai beaucoup de contact vous savez... Naïm Arjah, pour vous servir. C'est un honneur de vous rencontrer, même dans un lieu si... spécial."

Il se laissa tomber dans un fauteuil non loin, n'ayant pas l'intention de continuer une conversation debout, peu importait si une dame présente n'était toujours pas assise...

Curieux, de plus en plus curieux. L’air de la ville ne cessait jamais d’être oppressant et pourtant il regorgeait encore de surprises. Malgré ses deux siècles dans le Puy, Xsa’Us Rosa parvenait toujours à trouver un détail intéressant. Une boutique magique complètement hors normes, un marchand d ‘esclaves de qualité incomparable ou même un cadavre dans une ruelle fraichement massacré. Cependant la petite surprise de ce jour se montra plus étonnante encore. La chance était du côté de la nécromancienne, toujours en quête de savoir. Cette faim dévorante ne semblait jamais assouvie. En effet alors qu’elle regardait d’un air calme les articles de marchands des quartiers populaires, une source magique attira son attention. Curieusement, la Phord’ur avait tendance à tomber sur les adeptes magiques ces temps ci. Un signal très restreint, minutieusement dissimulé mais qui ne pouvait échapper à la vigilance constante de Rosa.

Celle ci s’écarta d’un rayon d’alchimiste pour s’engouffrer dans un chemin menant aux ruelles les plus malfamées d’Elda. Voleurs et assassins, catins et arnaqueurs, vermines grouillantes dans cette route pavée fumante, l’odeur n’avait rien à envier aux pires cadavres en décomposition, néanmoins le nez de la jeune drow en connut d’autres. Son teint pâle attira les regardes des clients malfamés en quête d’exotisme, mais la plupart reconnaissait son rang d’officier au sein de l’armée, dans l’une des branches les moins appréciées, celles des cruels mages. Rosa soupira, elle venait de s’aventurer dans les quartiers les plus méprisables pour une sorcière de sa catégorie. Des rues où tous les soldats fatigués de leur sale besogne pouvaient engrosser à tout va, où les prêtres pêchaient de bon cœur, luxure et décadence. Une chanson à faire vomir plus d’un ermite… Mais la curiosité valait toujours plus que les dangers que la nécromancienne risquait de braver, ce qui allait lui causer de tristes scènes par la suite.

Elle s’arrêta à une terrasse d’un établissement plus distingué que les autres. L’écho magique semblait ici, mais impossible de le trouver dans cette foule. Rosa préférait observer avec un thé plutôt que de dévisager chaque passants et oppressée par la foule. La sorcière prit un siège à l’intérieur d’un salon, sur une fenêtre qui donnait une vue satisfaisante de l’ensemble du quartier. Un serveur lui demanda sa commande, juste un thé, il lança si celait était tout, Rosa répliqua d’un oui calme et sec puis le mâle s’éloigna quelque peu perplexe. Par chance un lampion de couleur rouge sang pendait juste au dessus de l’emplacement où se trouvait la sorcière, son teint blanc ne lui rameuterait plus de mauvaises rencontres.

Une seule altercation obscurcit la surveillance de la nécromancienne, un drow peu charismatique qui beuglait ses récits de chair, la seule chose légèrement amusante, c’était qu’il venait de s’attirer des ennuis avec ce qui semblait être la Da’ron de la garde du temple. Qu’est ce qu’une personne si importante, si prestigieuse faisait dans cet endroit corrompu ? Une bonne question, surement un motif aussi invraisemblable que le sien. Rosa but tranquillement son thé. Ses oreilles fut alors attirées par la voix désagréable du drow peu délicat, un assassin royal, elle sourit.

« Il semblerait que notre vénéré roi dispose d’un petit personnel des plus efficaces. Vous indisposez les figures religieuses et vous vous découvrez aux oreilles de n’importe quelle cliente en train de siroter son thé… Curieux. »

Rosa s’exprimait d’une voix assez forte pour que ce mâle puisse l’entendre sans pour autant plonger la salle dans un blanc pesant. Elle commanda un autre thé, avec un peu de chance cette histoire finirait rapidement, la source magique se montrerait et la vue de se spectacle se dissiperait. Il s’agissait de rester attentive et de ne pas trop s’occuper avec cette triste et ennuyeuse altercation.

Il lui fallait renouveler sa marchandise si on peut s'exprimer ainsi. Les clients étaient de plus en plus exigeants et voilà que la veille, on lui demandait si elle n'avait pas une naine. Les goûts évoluent avec le temps mais quand même. Le seul moyen de se procurer une naine au Puy était de s'enfoncer dans les bas fonds de la ville pour dénicher des vendeurs d'esclaves peu scrupuleux qui n'auraient nullement l'intention de refuser de lui en procurer une face à une belle somme d'argent.
Aussi Felynda s'engouffra dans les rues mal famées de la cité dans un but des plus simples. Aller voir l'un de ces vendeurs. Elle n'avait pas peur de se rendre dans ce genre de quartier seule, car elle savait se défendre, elle le prouvait déjà dans sa maison close.
A force de marcher, ses pas la conduisirent inexorablement aux quartiers des plaisirs. Elle eut un rictus devant les bordels miteux de ce quartier. La Lanterne Rouge n'avait rien avoir avec ces simples maisons de passe pleine de vermines.
Un petit groupe s'était rassemblé non loin d'ici. Deux femmes qui à voir leurs vêtements n'étaient pas des professionnelles de la luxure, puis deux hommes assez banals en soit. Elle aurait pu alors prendre une autre route à ce moment là ou faire demi tour mais cela l'intéressait grandement aussi elle tendit l'oreille pour capter des brides de conversation.
Quelle idée de venir boire un thé ici. Et surtout quelle idée de venir s'encanailler ici au risque de chopper quelques maladies vénériennes. Elle poussa un soupire avant de dire à haute voix sans adresser ses mots à quelqu'un en particulier.

Ka dos ssinssrin ulu gre'as'anto, ol zhah naut wun nindol valyrin d' k'lar ulu alu whol drital a ujool d' Tea, lu' stath ulu tyav ulu l' vith!

Si vous cherchiez le calme ce n'est pas dans un endroit pareil qu'il fallait venir boire votre thé et encore moins gouter à la luxure...

Ces dernières paroles étaient en direction des hommes. Les femmes n'avaient pas besoin d'aller dans ce genre d'endroit pour se trouver un amant ou une maitresse. La sexualité chez les femmes étaient les plus libérées de tout Miradelphia. Aussi il était plus que courant de voir l'inceste se développer dans une même famille. Ca avait été le cas pour elle.

Dans ce genre de quartier on pouvait faire des rencontres .. bonnes ou mauvaises. Et c'était plus le coté mauvais qui prédominait lorsque la Da'ron se retrouva nez à nez avec Naïm. Enfin mauvais, disons plutôt désagréable car elle crut se retrouver en face d'un guignol accompli. Le voir simplement la dévisager et dire "oh une femme" puis s'adresser par dessus son dos sans s'écarter du chemin montrait la piètre qualité d'esprit de ce Drow qui devait avoir passé le début de soirée à s'énivrer.
Cette image la conforta dans ses pensées : le type de Drow qui trainait dans ce quartier n'était guère plus digne que la plus bassesse du monde. Et si certains de ses hommes se complaisaient dans la fréquentation de cet endroit alors leur jours étaient comptés.
Variment cela la répugnait, elle qui était la descendante directe d'une des familles fondatrices du peuple des Drows, elle n'aurait du jamais venir ici pour se retrouver nez à nez avec des personnes qui avaient perdus toute noblesse d'esprit.

Haeldra allait s'apprêter à passer son chemin, quitte à bousculer sans ménagement le Drow au passage lorsqu'elle entendit son nom quitter les lèvres de cet impudent. Allons donc, voilà que cet imbécile l'avait reconnue et hurlé son nom à toute l'assistance. Il lui montra alors ensuite un flagrant manque de respect en ironisant sur sa présence dans ces lieux puis en allant s'affaler dans un fauteuil. Pour un peu, la Da'ron aurait sortie son arme et l'aurait passée au travers du corps de Naïm mais elle avait d'autres chats à fouetter plutôt que de tuer un mâle de très basse catégorie.
Seul un regard noir intima à Naïm l'ordre de rester assis sur son fauteuil sinon il lui en couterait.

Toi un assassin royal ? La Royauté semble être tombée bien bas pour qu'elle embauche des saltimbanques dans ton genre. Reste donc assis là à cuver ton breuvage plutôt que de m'importuner.

Les paroles de la Da'ron trouvèrent un écho dans celles d'une autre Drow qui était assise non loin. Haeldra observa cette personne un court instant mais n'y prêta guère attention. Elle venait de reconnaître l'uniforme d'une mage du C'nros. Pour une guerrière comme elle, habituée au combat au corps à corps, elle dénigrait la magie, lui donnant une image peu gracieuse. Elle ne voulait pas donner le nom de "guerrier" à un membre des Sombres qui avait choisi de se battre à distance, loin de la mêlée. Même si le C'nros était dédié à Uriz, il n'en restait pas moins qu'il était assez mal vu en réputation face à des combattants aguerris.
Mais Haeldra n'allait pas pour autant porter sa mauvaise humeur sur la Drow assise dans son fauteuil. Après tout la situation faisait que les deux femmes pensaient la même chose de l'intervention du pseudo assassin.

La situation évolua encore avec l'arrivée d'un quatrième participant. Encore une Drow que Haeldra ne connaissait pas mais elle put reconnaître sur ses vêtements le symbole d'une des maisons de passe de luxe de la cité. Après le joyeux guignol, la mage assise à son thé, voilà qu'une maquerelle s'était invitée à la situation. Cette compagnie était des plus insolites pour une Da'ron portant le nom réputé des Valsharesh. Elle aurait préférée éviter cela mais, dans ce genre de quartier, cela relevait de la mission impossible.
La Da'ron écouta un instant les paroles de Felynda mais n'y prêta guère d'attention, elle était dans ce quartier ni pour la détente ni pour la luxure. Mais elle ne put s'empêcher de répondre sur un ton ironique.

Il est vrai que ce quartier est une lie pour notre société. Mais il est parfois des situations qui vous y emmènent. J'imagine que vous-même n'êtes pas venue en ces lieux pour trouver repos ou réconfort.

Quand la da'ron lui répondit férocement, Naïm ne put s'empêcher de ricaner, au risque de se voir gifler dans la seconde par cette guerrière qui ne semblait pas vouloir rire du tout avec lui... L'attitude de Valsharesh ne fut pas sans inspirer de l'estime au mâle brûlant. Chaque fibre d'elle-même sembler s'étirer, s'alonger, afin de prendre possession de ces murs encore inconnus. C'était toujours ainsi que les haut placés procédaient. Les choses devaient les accepter et se plier devant eux. Les êtres aussi, pour la plupart... Mais Naïm ricanait, se foutant de la hiérarchie et toutes ces conneries, il n'obéissait qu'à lui-même depuis que Tebryn n'était plus, ce n'était pas cette vulgaire femelle qui allait le faire plier.

Très vite une autre drow un peu maniérée intervint, une inconnue qui sirotait son thé et qui à priori n'avait rien à faire dans la conversation... Naïm se retourna d'un mouvement fluide, mettant sa tasse dans les mains de Aktar, l'esclave qui l'accompagnait. Voilà quelque chose qui ne changerait pas. A Puy d'Elda, tout le monde se sentait pousser des ailes dès qu'il s'agissait de rabaisser quelqu'un qui l'ouvrait un peu trop... Et même si la phrase de la drow n'était pas profondément méchante, Naïm répondit un peu sur la défensive:

Que veux-tu, femelle? Je n'ai rien à cacher, à personne. Je suis Naïm Arjah ! Même les prostitués connaissent ma vie ! Même cet abruti d'esclave connait ma - foutue - vie ! fit-il en ponctuant sa phrase de petits coups de poings sur l'épaule de l'esclave drow qui semblait lui-même s'en amuser.

Au fil du temps, on s'était habitué à ce que Naïm transgresse les lois strictes de la politesse et tutoie ses interlocuteurs, qu'ils soient de n'importe quel rang. C'était une autre caractéristique qu'on appréciait chez cet assassin: sa marginalité. Il déterminait lui-même les règles du jeu et les autres n'avaient qu'à s'y adapter, sans cela ils subissaient ses railleries, sort peu enviable pour les âmes sensibles. Toujours affalé dans ce vieux fauteuil troué qui avait du servir à tout sauf à receptionner les fesses des clients, le drow tourna la tête lorsqu'une voix féline vint lui titiller l'ouïe...

La maquerelle qu'on appellait Felynda s'en mêlait aussi... Eh ben, c'était du propre ! Non mais sérieusement c'était un festival ou quoi ? Naïm savait qu'il était séduisant, mais de là à attirer trois femelles dans ses filets un soir où il comptait se reposer et s'offrir quelques luxes sordides bien mérités. Aux mots de Felynda, Naïm arqua un sourcil et plongea son regard de braise dans celui de la maquerelle.

Qui a dit que je cherchais le calme?
"Tu m'as dis tout à l'heure que... Aie!"
Ce serait égoïste de ma part que d'ignorer trois ravissantes créatures telles que vous. Cet endroit est le plus animé que je connaisse, tant de mixité sociale, de festivités, et de charmes encore inexplorés.

Clin d'oeil mutin en direction de Felynda. Il s'amusait comme un fou. Plus pour longtemps peut-être...

La vie est une fête. Hein Aktar ? Qu'importe le flacon, pourvu qu'on ait l'IVRESSE !

Sa tasse vide vola à travers le couloir et vint percuter le visage d'un esclave qui poussa un gémissement de douleur. Naïm explosa de rire et s'applaudit lui-même.

En plein dans le mile ! Allons Sanghar, c'est une caresse à côté de c' que tu vas subir dans les cachots d' Arkashell.
Ahaha !

La tasse de thé devint plus délicieuse encore lorsque sa cible vint directement à elle ! Une femme, peut être une bonne chose, une drow d’apparence très jeune et dont l’attitude trahissait un âge qui dépassait à peine un siècle. Rosa l’avait trouvée, une fois encore le Puy lui donna un petit contentement aux lieux des horreurs habituelles. Ton hautain et condescendant, un physique mis en valeur, cette magicienne avait pourtant l’apparence de n’importe quelle personne de la gente féminine du peuple sombre. Il y avait une certitude, celle ci ne faisait en aucun cas partie du C’nros. La nécromancienne aurait reconnu son aura des ombres car en effet, sa magie se reconnaissait aisément pour une connaisseuse de cette école. Ses cours se concentraient non pas que pour les nécromanciens car les mages des ombres occupaient une place toute aussi importante or elle les avait bien observés et étudiés. Son attention fut contre son gré attirée par l’altercation entre la Da’ron et l’assassin royal. La première , sans surprise, prit assez mal le comportement intolérable de ce Naïm. La participation de Rosa dans la conversation semblait vue d’un mauvais œil, des deux personnages, le tueur peu silencieux répliqua sèchement, après tout c’était son droit de justifier ses exploits de chair, ce qui laissa la buveuse de thé de marbre :

« Vous nous avez fait une démonstration des plus raisonnables cela ne fait aucun doute, je ne douterai pas une seule seconde de la cohérence de vos propos. Mais si l’assassin veut noyer sa gloire dans les bordels, c’est compréhensible. Mais si le corbeau pouvait changer de croassements, de plus agréables et je suis sure que notre assassin pourra continuer à s’amuser. »

Le compliment bien que jeté en l’air passa très mal aux oreilles fragiles de Xsa’Us Rosa, jeter des fleurs même pleines d’épines équivalait à une froideur de mauvaise augure. La drow n’allait pas s’attaquer à un employé du Roi, peut être efficace voir important mais ses amusements, elle ne voulait pas les connaître, ni les entendre. La Phord’Ur posa sa tasse pour s’avancer vers les trois autres drows. Sur cette rencontre, son seul intérêt visait la magicienne. Les figures religieuses, elle les évitait comme la peste, quant à l’assassin rester trop près de lui risquait de donner une mauvaise tournure à l’heureuse rencontre. Pour peu que dans son ivresse, une main approche de trop près le corps de la nécromancienne. A combien elle risquait d’une telle bavure ? Sa carrière voir sa vie… Il fallait donc prévoir les emportements du mâle plein d’ intempestives ardeurs. Rosa observa la mère Maquerelle, bien jeune pour l’intéresser mais le temps se moquait de ces choses.

« La tasse de thé n’était qu’un prétexte pour mon observation, je crois avoir trouvé ce qui m’a amenée ici. Le puy nous apporte toujours des surprises, en tant que membre du C’nros la magie m’attire. Vous avez là un talent des plus intéressants, trop peu ordinaire pour une citoyenne ordinaire. J’aimerai que vous m’accordiez un peu de votre précieux temps pour parler un peu. Peut être pas ici… »

La Phord’Ur s’arrêta pour se mordre la lèvre puis se tourna vers la Da’ron :

« Simple curiosité… Qu’est ce qu’Uriz a avoir dans les bordels du Puy ? Non pas que mes propos soient blasphématoires mais je doute que votre importante fonction ne vous demande de garder ces lieux… Alors que fait la Da’ron de la garde du temple ici ? »

Cela était dit, restait à savoir si elle répondrait. A son regard, Rosa devinait que la guerrière ne la portait pas dans son cœur. Si la nécromancienne importunait, elle se contenterait de l’intéressante magicienne.

Les propos de la maquerelle ne restèrent pas sans réponse. Elle avait touché un point sensible et visiblement la guerrière lui répondit d'un ton ironique, posant à la fois une pseudo question à laquelle elle répondit avec une pointe de sarcasme.

Nau, dos ph' ditronw, Usstan tlun ghil whol chaon...
Non, vous avez raison, je suis ici pour affaire...

Le seul homme de la situation sauf si on prenait en compte l'esclave qui le suivait tel un chien, prit la mouche visiblement. Défiant son regard, il voulut comme dire quelque chose mais son esclave à la langue bien pendue se prit un coup. Apparemment, il ne disais pas toute la vérité... Avait il quelque chose à cacher ?
Maintenant voilà des compliments sur le fait qu'il nous trouvait toutes les trois divines. C'était du grand n'importe quoi . Il n'y a pas un instant, il était à moitié entrain d'insulter la Da'ron et là, un compliment.

Ji constancy wun dos, ol zhah stre...
Que de constance en vous, cela fait peur...

La nécromancienne qui sirotait sa tasse de thé dans cet endroit des plus étranges pour boire le thé, il faut l'avouer avait perçu quelque chose qui l'intéressa grandement chez la maquerelle. Comment pouvait elle le savoir ? Quand elle parla du C'nros, la réponse était trouvée. Elle avait déjà rencontré un aut membre de ce groupe de mage des ténèbres. Il avait du en parler ou alors les rumeurs circulaient bien vite au Puy.

Lu'oh xun dos zhaun ? Udos wlalth ol mzild gajen ka dos ssinssrin...
Comment savez vous ? On en discutera plus tard si vous le voulez bien...

Ce n'était ni le lieu ni le moment de parler de cela. Surtout au milieu de cet andouille d'assassin et de cette mégère. Le regard de Rosa était plus qu'insistant sur elle. On dirait qu'elle lui plaisait. Elle ou ses talents?

Il était totalement inutile de chercher à continuer de discuter avec un déchet pareil. Naïm avait pu être un assassin certes mais il n'était plus rien depuis le changement de Roi. Cela valait mieux car elle n e voyait pas un bouffon pareil au service d'un roi, si le Drow passait le clair de son temps dans les bordels miteux du Puy alors elle n'avait qu'à le laisser s'y prélasser et à se morfondre sur son chômage.
La Da'ron profita du fait que le Drow semblait plus s'occuper de la mage du C'nros pour songer à quitter cet attroupement, elle était là depuis trop longtemps et ce n'était pas sa place.

D'ailleurs personne ne semblait s'intéresser à sa présence, les trois Drows étant plus attirés entre eux plutôt que par la figure importante de la Da'ron d'Uriz. Un répit, une ouverture, elle n'attendait que cela. Mais elle se ravisa en pensant qu'elle était là pour une raison et, dans le lot de joyeux lurons seule Felynda pouvait lui apporter les réponses qu'elle cherchait. La voici donc condamnée à subir encore le comique de ce pseudo-assassin sans gêne qui jouait avec son esclave et la présence d'une vulgaire mage.

Elle s'apprêtait à s'en aller pour parler de manière plus privée avec la maquerelle lorsque la mage ne put s'empêcher de lui demander pourquoi elle était là. Par la peste, cette petite effrontée ne se gênait pas. Même si elle était Phord'Ur elle n'en restait pas moins qu'une simple mage d'un corps d'armée sur le déclin. Certes la magie pouvait avoir son rôle sur le champ de bataille mais il ne fallait pas que ses utilisateur prennent la grosse tête face aux vrais guerriers.
La réponse à la mage fut donc accompagnée d'un regard perçant, il y avait des questions qui se posait de certaines manières.

Je ne suis ici nullement pour le plaisir ou de me détendre. Ce que je vois en ces lieux me répugne plus qu'autre chose. Je m'assure juste que certains Drows sous mes ordres ne viennent trop goûter au spectacle misérable de ce quartier très mal coté.

Ce monde-là lui plaisait. Un monde de confrontation, de bavure, d'insultes et de petites guerres. Puisque la soirée semblait prendre une tournure distrayante, Naïm oublia l'idée de quitter cette pièce au plus vite pour s'en aller à ses occupations. D'autant qu'il ne craignait plus que certains n'en viennent à se demander qui il était, il s'était dévoilé, il ne se voyait donc plus répondre qu'il était un simple rôdeur des bas fonds, un drow quelconque et déchu qui était venu à la soirée afin d'oublier sa dure vie de labeur. Nul ne se serait douter de ce qu'il était en vérité s'il ne l'avait pas clamé haut et fort. Il se tourna vers la mage qui parlait bizarrement.

Pourquoi me parles-tu de corbeau et de croassement? Les détours me font mal à la tête.

Sur ces paroles franches, il se leva de son fauteuil et fit signe à son esclave de le suivre, pour se placer entre la da'ron et la maquerelle. Et, d'un ton sec, il lâcha :

Vous vous croyez au-dessus de tout mais vous n'êtes que des femelles frustrées, et vous le resterez toute votre vie.

Avant d'exploser de rire et de taper l'épaule d'Aktar qui semblait effrayer par l'attitude de Naïm. Au diable les convenances, la franchise était de rigueur, la provocation, l'amusement, tout ça faisait parti intégrante de son être et il esperait vivement susciter une réaction de rage de la da'ron. Qu'allait-elle faire au milieu de tout ce monde, le tuer? Les langues se déliaient et ce n'était pas plus mal. Il ne la quitta pas des yeux, se mettant le poing dans la bouche pour ne pas rire.

Je croise des drows sous vos ordres chaque jour ici ! Ce spectacle misérable comme vous dites, permet à vos hommes de se détendre et de se faire plaisir avant de retourner obéir aux ordres d'une vieille harpie. Ahaha !

( Hihi ! OHHH OUI FOUETTEZ MOAAA )

La Phord’ur avait visé juste, sa cible se démasqua d’elle même. La surprise se lisait dans ses yeux, restait à savoir si elle prenne la nécromancienne comme une menace pour sa couverture. Elle ne voulait pas en parler ici, très bien, le monde ne rendait pas la conversation des plus agréables et Rosa n’aimait pas tendre l’oreille. Elle appréciait encore moins que ses discussions ne soient entendus des autres citoyens trop curieux, trop imbéciles ou trop brutaux d’esprit. Peut être que cette magicienne des ombres mystérieuses allait la conduire dans son repère ou dans un endroit plus discret. La sorcière du C’nros la laisserait agir. Si il y avait bien un point où les trois femmes semblaient d’accord, c’était l’impertinence de l’assassin. Ce dernier se faisait de plus en plus irritant.

Ah il ne comprenait pas les mots de la nécromancienne ? Elle ne s’abaisserait pas à lui expliquer, tant pis. D’ailleurs la jeune drow ne voulait pas instruire un ivrogne, autant le faire avec une pierre. Des femelles frustrées ? Ah que voilà un argument de poids ! Les trois interlocutrices ne pouvaient que rester ébahies par tant de répartie ! Il les avait clouées sur place avec sa logique à toute épreuve, peut être pas à l’abri de la boisson. Rosa ne se mettait pas systématiquement supérieure à son entourage mais face à de telles loques, elle retenait mal son orgueil. Naïm s’en prit alors à la Da’ron, Rosa comprit grâce à cela la présence de cette guerrière. Ainsi donc certains membres du culte s’adonnaient aux plaisirs de la chair, à un tel point qu’ils s’écartaient de leurs devoirs. Amusant mais pas étonnant, les puristes n’existaient pas au Puy. Rosa parvint à retenir son sourire mais la Da’ron parviendrait-elle à retenir sa colère ? L’assassin cherchait-il à se faire assassiner ?

« Vous devriez choisir d’autres gens à importuner, vous risqueriez d’y laisser quelques dents et votre approche chez la gente féminine serait sérieusement compromise. Bien que cette dernière soit déjà bien atteinte.»

Difficile de retenir son venin pour pareil mâle. La veuve noire se tenait prête à le ronger. S’il continuait, elle plaiderait sa cause pour nuisance et non respect de la hiérarchie. Son grade bien que peu élevé pouvait lui permettre de se défouler de temps en temps. Or Naïm semblait la cible idéale. Elle attendait de voir les réactions des autres drows mais cela ne la dérangerait pas d’agir en première. La nécromancienne en revint à sa première cible :

« Comment vous appelez vous ? Si vous avez un meilleur endroit pour parler, je suis preneuse. Dépêchez vous car sinon je risquerai de m’occuper de ce petit vers qui nous incommode toutes les trois. »

La Da'ron semblait vouloir discuter avec la maquerelle quand la Poh'dur demanda pourquoi elle était là. Trop tard visiblement. Elle était prise au piège avec la magicienne et cet imbécile de drow qui avait le QI d'une moule. Haldra annonça alors la raison de sa présence en ces bas fonds. Comme c'était curieux. Quatre personnes que rien ne destinait à se rencontrer se parlaient là dans une ruelle des plus glauques du Puy d'Elda.
Il n'y a pas à dire mais à force d'écouter cet andouille, Felynda en eut la migraine. Se massant les tempes avec ses doigts, elle ferma quelques secondes les yeux pour se concentrer. Il lui tapait sur le système nerveux. Et pas qu'à elle visiblement. La goutte d'eau qui fit déborder le vase arriva enfin quand il les insulta toutes trois de femelles frustrées.

Zu'tour phor !
La ferme !

Ses paroles dépassèrent ses pensées au moment où Rosa lui fit part de ses griefs. Petit à petit, elle se concentra un peu plus. Prenant forme alors doucement, lentement, le pire ennemi qui soit pour une personne soit même, ou plutôt un autre soi même. L'ombre de Naïm venait de se matérialiser derrière lui.
Contrôlée par la pensée de la drow qui fixait son oeuvre, l'ombre s'attaqua à son possesseur. Le baillonant, l'empêchant de dire le moindre mot pour un instant. Ce qu'elle ne voulait pas dévoiler fut mis en lumière. Felynda était mage en plus d'être maquerelle.

Décidément cet assassin "royal" à la retraite s'enfonçait toujours plus dans l'irrespect envers ceux qui étaient puissants dans le royaume. Pourtant la simple évocation du nom des Valshareshs, descendants direct des familles fondatrices des Drows aurait enfermé n'importe qui dans un silence sans nom. Mais ce drow était visiblement fou et osait même insulter la Da'ron de la garde d'Uriz en personne. Haeldra avait déjà tué des insolents pour bien moins que cela et porta la main à son arme d'un mouvement ferme.
Mais elle n'eut pas à intervenir que la maquerelle avait prit de vitesse les autres participants en invoquant une sorte d'ombre qui ligota l'assassin ivre..

Je vous remercie de cette intervention ..

Ainsi donc Felynda était une mage. La Da'ron ne faisait que peu de cas de ce genre de pratique mais il fallait avouer que cette intervention magique était opportune pour elle.
Sans dire un mot de plus, la Da'ron faucha les jambes de Naïm qui s'effondra au sol, son ombre le ligotant toujours.
Devant cette violence, l'esclave qui tentait de protéger son compagnon de beuverie récolta en retour un violent coup de coude directement dans son appendice nasal, ce qui le fit reculer de plusieurs pas à moitié sonné par le choc.
Haeldra posa ensuite son pied sur la mâchoire de Naïm, appuyant de tout son poids afin de lui faire bien mal et pour l'empêcher de parler à nouveau. Puis, le plus calmement du monde, la situation reprit.

Son attention se porta à nouveau sur la maquerelle. La mage du c'nros semblait aussi s'y intéresser mais elle devra attendre un peu. D'ailleurs la Da'ron lui indiqua de se tenir un peu en réserve le temps qu'elle en ait terminée.

Les affaires concernant le C'nros ne sont pas à être évoquées en ce genre de lieu en effet. Mais avant que vous ne preniez partie à notre interlocutrice j'aimerais l'interroger en premier sur les raisons qui m'amènent en ce quartier.
Ne pensez vous pas de même, mage du c'nros ?

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