Ballade dans la forêt de Féoda

Aurore était la femme la plus épanouie d’Ysari et peut-être même de toute la péninsule. Elle partageait des désirs coupables, avec le Baron depuis le voile et comme si les dieux lui laissaient la chance d’aimer un homme, ils avaient éloigné Lucrèce, loin du Baron. Pour le reste, elle devait patienter, écouter les précautions d’Harnyll, mais surtout attendre cet enfant qu’elle portait en son sein.

En se réveillant, elle se retourna et vit Harnyll, endormi. Elle se leva mit sa robe de chambre. Elle embrassa le baron sur le front et rabattit la couverture sur lui

En descendant, elle salua les gens qu’elle avait pour habitude de croiser et prit son petit déjeuner. Gérald lui amena son emploi du temps et elle soupira. Elle avait autre chose à faire.

- Envoyez deux ou trois soldats, pour l’inspection.

- Non Aurore. Ton père le faisait, et Fredérich l’a fait. Ton père connaissait l’état de son territoire de chasse, avant même que le baron lui en parle.[/b

]- Gérald, je vous en pris.

[b]- Aurore ! Un peu de bonne volonté. Amenez le baron avec vous. Vous pourrez prendre l’air, dans les forêts.

Elle le foudroya du regard, mais Gérald savait comment négocier avec cette gamine. Elle avait toujours eu ce qu’elle voulait, car elle avait toujours pris soin de son père. Avec lui, la souplesse n’existait pas.

- Que je ne vous vois jamais répéter cela. La réputation de Sinlieh …

- Elle est assez tâchée ! Vous croyez que personne ne le sait ? Ne me faites pas croire cette fois que vos cauchemars sont de retour.

- Ce n’est pas ce que vous croyez. Je l’aime

- AURORE !

- Je sais, il est marié. Je l’aime, et il m’aime. Sinlieh nous permet de nous do….

-Non, je ne veux pas savoir.

-Adèle, préparez moi le déjeuner du baron.

- Aurore, il a une femme.

- Et moi, je n’ai que lui.

Le temps de se retourner, elle prit le plateau et monta aux appartements du baron. Elle ouvrit doucement la porte et remarqua qu’il dormait toujours. Ah ! Il ronflait aussi. Amusée elle ôta sa robe de chambre et laissa tomber sa chemise de nuit. Elle se glissa sous les couvertures et vint se placer sur son amant.

-Harnyll ?

Elle l’embrassa dans le cou

- Harnyll?

Elle laissa ses mains caresser le torse de son amant et remarqua les yeux entrouverts du baron et sourit.

-Votre déjeuner est servi …

Non ce n’était pas elle. Elle n’était pas le petit déjeuner en question .Il avait assez profité de la nuit pour abuser du corps de sa maitresse.

Il fallait admettre que se faire réveiller par les caresses d’une jolie femme comme Aurore se classait dans ce que le baron d’Ysari appelait les réveils «　agréables　». Une nouvelle nuit d’amour et de plaisir, une nouvelle nuit auprès de son amante, et un câlin dès le réveil, que demander de plus ?

Désormais, ils ne tentaient même plus de se dissimuler et les serviteurs à Sinlieh devaient bien se douter qu’il se passait quelque chose entre la châtelaine et son seigneur. Il devenait évident qu’Harnyll ne dormait pas dans les appartements qui lui était réservés… aussi deviner où il passait ses nuit n’était guère compliqué.

Mais franchement, le baron s’en fichait royalement. Pour la première fois depuis longtemps, il était heureux. Ni sa femme ni Denys n’étaient encore revenus d’Assar, mais depuis la fin de l’éclipse les troubles se calmaient à travers Ysari. Un peu d’agitation religieuse continuait près d’Arcanie, mais tout semblait à peu près sous contrôle, alors Harnyll en profitait pour passer plus de temps à Sinlieh.

Oh certes le dernier rapport reçu du chantier de fouilles du mont chauve l’inquiétait. Le fait que cette bande de fanatiques s’intéresse aux résultat des fouilles, et en particulier à un ancien culte aujourd’hui disparu ne manquait pas de l’inquiéter. Si le soi-disant prophète et ses fidèles avaient du se replier loin de Dyriet après y avoir été quasi exterminés, il restait encore apparemment une cinquantaine d’entre eux perdus dans la nature près d’Orfédie.

Bah, tout se réglerait sans doute avec le temps. Les dieux étant repartis, la folie de ces dernières semaines se calmerait et s’estomperait peu à peu.

Ainsi donc, lorsque le baron se réveilla, se fut pour trouver une Aurore nue, à califourchon sur lui, et lui indiquant avec un sourire taquin que son petit déjeuner était servi. Joueur, Harnyll la saisit par les poignets et la plaqua sur le lit, l’enlaçant tendrement. Lui mordillant l’oreille, il demanda à la femme de ses rêves :

Qu’avons-nous de prévu au programme aujourd’hui ?

Elle s’amusait beaucoup. Elle n’avait jamais autant rit ou sourit de sa vie. Lorsqu’elle se sentit plaquée les cheveux s’étalant sur son lit, elle éclata de rire.

Elle aimait quand il sortait la bête de l’homme. Quand il la dominait. Non, elle ne détestait pas être soumise. Elle appréciait même la manière qu’il avait de la faire frissonner. Elle n’arrivait pas à expliquer comme il faisait. Aurore se mordit la lèvre et sourit. Il avait le don de lui faire oublier ses principes. Plus elle le côtoyait de près, plus elle croyait que sa place était à ses cotés. Peu lui importait si elle n’était qu’une maitresse, elle l’aimait comme une épouse.

J’hésite toujours, mon baron. Rester sous les draps, au chaud, dans vos bras est très tentant.

Elle rit et embrassa son baron.

Elle n’était pas une femme qu’on séduisait comme l’on voulait. Elle avait tout pour elle et non. Kathleen avait plus. Sa cousine avait un mari qui se trouverait chaque nuit dans son lit. Aurore avait un amant, qui un jour retournerai à Ysari. Son enfant ne pourrait pas être un héritier et Lucrèce n’aurait pas le choix un jour de laisser Harnyll lui donner un enfant. Ysari avait besoin d’un fils. Elle était une femme seule, qui passait ses nuits avec le baron. Non pour lui soutirer des avantages, mais bien parce qu’elle l’aimait et que son corps désirait le sien.

Gérald avait un peu tort sur sa protégée. Elle était un peu volage, mais responsable. S’occuper de son père l’avait fait oublier qu’il la quitterait un jour. Quant au baron et sa femme, la relation était au plus mal. Ce n’était pas un secret, pour les gens d’Ysari. Par contre, Aurore savait qu’il craignait pour elle. Elle n’Avait pas l’étoffe de passer pour une maitresse ou autre terme que l’on pourrait lui associer. Il espérait uniquement que jamais Lucrèce ne saurait cette fâcheuse histoire. Surtout celle qu’il y avait des possibilités qu’elle soit enceinte. Le conseiller le savait pertinemment, il avait parlé avec le médecin, qui associait les symptômes d’une éventuelle grossesse. Cependant, il avait laissé présager que la jeune femme était aussi chaste que l’avait été sa mère. Mauvais mensonge qu’il se ferait pardonner un jour.

Le conseiller de mon père aimerait que je fasse un tour dans la forêt. Mon père y allait toujours au début de la saison d’automne. Il a toujours aimé regardé les créatures qui grandissaient dans sa forêt. Je me souviens à ma première visite dans la forêt, il y avait un attroupement de jeune cerf et il m’avait annoncé que je chasserais avec vous et lui. Je n’étais qu’une gamine à l’époque et j’ai menacé mon père. S’il tuait les cerfs en votre compagnie, il ne me verrait plus de la semaine. Je l’ai ignoré, surtout lorsque j’ai entendu de votre bouche que la chasse avait été fructueuse. Il a fallu du temps pour que je comprenne.

La référence à son père et la position dans laquelle elle était la firent réfléchir. Elle s’était toujours cru incapable de parler au baron, lorsqu’il était vivant elle n’aurait certes pas pu se donner aussi ouvertement au baron. Sortant de ses pensées, elle caressa le visage de son amant.

Harnyll, je veux votre avis et pas celui de mon amant. Est-ce que j’ai entaché la réputation que mon père a crée ?

La remarque de son conseiller était allée droit au cœur de la jeune femme. Elle ne voulait pas détruire ce que son père avait construit

La tentation de rester au lit, Harnyll la ressentait aussi. Pourtant on aurait pu croire qu’après une nuit d’ébats le corps demande grâce et mettes bas les armes, mais pas du tout. Il suffisait qu’Aurore se glisse nue à côté de lui pour qu’aussitôt le désir rejaillisse en lui. Il fallait admettre que la jeune femme se révélait une amante intrépide, et que pareille à une tornade rien ne semblait pouvoir arrêter son désir charnel. Elle rendait son amant fou de désir et de plaisir, et il ne souhaitait rien tant que recommencer leurs étreintes.

Mais Aurore était aussi une châtelaine, et il lui fallait se comporter comme tel. Dans un pays de chasse où le gibier était abondant comme Ysari, les nobles célébraient souvent l’arrivée de l’automne en effectuant une tournée dans les forêts pour y repérer leurs futures proies. Cela se révélait d’autant plus important à Sinlieh que les chasses d’automne s’y dérouleraient quelques semaines plus tard… qu’Aurore veuille vérifier que les invités auraient de nombreuses cibles semblait tout à fait logique.

Mais la question suivante fut plus grave, plus triste aussi. Son amante mit sur le tapis la réalité de leur relation, celui entre une jeune châtelaine et un seigneur marié. Quels que soient les rapports au sein du couple régnant d’Ysari, Lucrèce restait sa femme. Oh, non pas que l’adultère soit interdit, car sinon il aurait fallut condamner la majeure partie des barons d’Ysari, mais ces liaisons se devaient de rester discrètes.

Aurore, vous pourriez avoir de telles pensées si votre but était de profiter de votre position pour en tirer bénéfice. Mais je sais que tel n’est pas le cas, et que seul l’amour dicte notre conduite.

Roulant sur le dos, le baron croisa les mains derrière la tête et fixa le plafond. Était-ce vrai ? Ne disait-il pas ce qu’il voulait entendre, ce qu’elle voulait entendre ? Trahissait-il Lucrèce ?

Non, cent fois, mille fois non. Harnyll avait aimé Lucrèce du fond du cœur au début de leur mariage. Il avait su attendre qu’elle s’offre à lui, l’entourant de soins et d’attentions malgré ses refus de consommer leur mariage. Après le tournoi, il lui avait pardonné, après ses rebuffades, il lui avait pardonné, après la perte de leur enfant il lui avait pardonné. Mais le départ avec Denys de la Vallière… cela il ne pouvait admettre qu’elle le quitte pour s’amuser avec son amant.

Si encore elle avait su rester discrète…

Le baron sentit sa maîtresse se rapprocher de lui, désireuse d’entendre la suite.

Vous avez une liaison avec un homme marié, c’est vrai. Mais toute Ysari sait qu’entre ma femme et moi, les liens se sont distendus à un point que nous faisions chambre séparés depuis plus d’un mois avant que nous ne couchions ensemble pour la première fois.

Par les cinq dieux, ils étaient heureux ensemble ! Ils s’aimaient, et ce don que Néera venait de leur faire lorsqu’Aurore était tombé enceinte prouvait que la déesse ne désapprouvait pas leur conduite. Alors que les défenseurs des bonnes mœurs s’en retournent à leurs jérémiades.

Comment expliquer ce qu’elle avait à dire? Si elle avait voulu profiter de la situation, elle était certaine qu’elle aurait déjà fait envisager à Harnyll de répudier Lucrèce. Elle avait tous les motifs valables. Elle était baronne et se permettait de mettre le Baron dans une position fâcheuse, avec son amant. Elle ne lui avait pas donné encore d’enfant. Elle était le ventre d’Ysari. Cela faisait partie de son devoir de baronne et de femme. Aurore avait pris sa mission. Elle donnerait naissance et ferait tout pour mener a terme sa grossesse en restant vivante.

Elle se rappelait que la mère de sa mère avait donné un fils à son mari et était morte quelques jours après. Sa mère avait eu le temps de donner naissance à sa propre fille qu’elle n’aura jamais connu. Puis elle avait quitté son père, pour un monde meilleur.

Aurore grimpa sur son baron et sourit. Elle l’aimait tant. Elle avait besoin de son appui dans ce qu’elle entreprenait. Elle avait besoin de quelqu’un pour souligner ses bons et mauvais coups. Aurore avait soigné son père pendant cinq ans. Elle avait été sa princesse et regrettait les jours qu’elle aurait pus vivre aussi libre que sa cousine.

J’ai toujours été jalouse Lucrèce. Depuis mes treize ans, que je vous regardais chasser avec énergie. Quand il m’a offert à Frederich, je lui en ai voulu. Il a renoncé à moi quand je lui ai dis que je vous préférais

Elle l’embrassa sur le front.

Je serais toujours la pour vous réconforter. Sinlieh vous appartient, autant qu’à moi. Mes bras ne pourront jamais serrer d’Autre corps que le votre. Je vous serai fidèle jusqu’à ce que la mort nous sépare. Il y aura toujours des bras prêt à vous accueillir.

Elle ne pouvait pas garder le baron pour toujours, à moins que Lucrèce s’enfonce encore plus. Aurore ne voulait pas devenir baronne. Elle ne voulait pas de titre prestigieux, elle voulait la place de la femme aimée. Elle ne voulait pas le baron. Elle voulait l’homme. L’homme tendre et aimant, comme il était.

Je n’ai jamais cherché des avantages politiques, en couchant avec vous. Je n’ai même jamais voulu le baron. Je voulais et j’eus que l’homme derrière ce titre.

Elle s’approcha de lui et vint pour l’embrasser, lorsqu’elle décida de se retirer en riant.

Habillez-vous. J’ai pris le soin de faire sceller nos montures.

Elle se retira et empoigna sa robe. Une chance, la robe lui faisait encore, elle était encore à sa taille. Elle s’admira dans la glace, se demandant combien de temps poussait cette petite chose dans son ventre. Elle brossa ses cheveux pendant que le Baron s’habillait. Elle passa un ruban à ses cheveux avant de l’ajuster.

Elle se regarda de nouveau et eut une envie d’éclater en sanglot. Un choc l’assaillait. Depuis sa mort c’était la première fois qu’elle remettait cette tenue. Wilfrid avait toujours gâté sa princesse, sans qu’elle ne demande rien. Chaque saison de chasse, il lui offrait un cadeau. Cette fois-ci, il lui avait offert sa mort.

La belle amazone échappa à son étreinte et sortit de la pièce en riant et en lui disant de s’habiller. Une petite ballade en forêt avec elle serait fort agréable… dans un sens, ce serait leur célébration de la fin de l’éclipse et du retour à la normale. Se grattant la tête, le baron se rendit compte que leur liaison avait commencé la nuit même du Voile. Un mois déjà ! Un mois que Lucrèce était loin et qu’Harnyll pouvait se sentir heureux.

Comme quoi lorsque l’on est heureux, le temps file à une vitesse folle.

Se levant, le baron passa se rafraîchir dans la salle d’eau avant de s’habiller. Une promenade en forêt impliquerait un bon décrassage au retour, mais après ses activités nocturnes, un peu d’eau fraîche le revigorerait. S’ébrouant, il se sécha et regarda d’un air navré ses vêtements de la veille jetés un peu partout dans la pièce au gré des ébats avec Aurore. Heureusement, sa présence régulière à Sinlieh avait nécessité qu’il y garde plusieurs tenues de rechange.

En quelque sorte, Sinlieh devenait presque son petit pavillon de chasse pour les moments où il cherchait à s’éloigner de la tension d’Ysari. Quelques jours plus tôt, il avait d’ailleurs donné des ordres pour que le chemin menant de Sinlieh à la grande route entre Féoda et Ysari soit refaite à neuf. Officiellement afin de permettre aux carrosses des invités des chasses d’automne de venir sans cahots, en réalité pour lui faciliter sa venue jusque chez sa maîtresse.

Sortant sur le perron, il y retrouva sa charmante hôtesse en tenue de chasse. Une légère rougeur près des yeux, qui ne peut se cacher à un amant, indiquait qu’elle avait pleuré. Ne voulant pas l’interroger à ce sujet en face de la domesticité, le baron sourit et indiqua :

Je suis près ma chère.

Aurore essuya ses yeux, pour ne rien laisser remarquer. Elle avait honte d’elle. Elle voulait être forte, montrée au baron que rien ne pouvait l’entraver. Elle voulait se prouver qu’elle n’avait pas besoin de mari. Elle n’en voulait pas. Elle voudrait davantage élever son enfant dans la paix de sa maison.

En voyant le baron, elle ne put que sourire et lui prit la main. Cette balade ne serait pas si pénible. Le soleil les réchauffait, il avait retrouvé sa place, dans le ciel.

Je n’ai pas monté à cheval depuis des mois.

Par règles de convenances et parce qu’elle s’occupait de son père. En entendant la voix de sa maitresse, sa jument piaffa au sol. Elle caressa le flanc de sa jument et lui caressa la tête. Arabelle appartenait à la châtelaine, depuis l’âge de treize ans. Cadeau de son père pour sa première chasse.

Je sais ma belle. Je t’ai un peu abandonné.

À l’aide du palefrenier, elle monta sur sa jument et attendit gentiment que le baron en fasse autant.
En route.

La gamine ressurgissait. Avec son père, elle avait toujours eu l’habitude de faire un jeu. Les cavaliers partaient en course et le premier arrivé gagnait la première prise. Cela lui manquait un peu. Elle avait grandi, mais son cœur était toujours le même. Un peu plus mature, mais elle n’oubliait pas les jeux qui avaient traversé son enfance.

Traversant la mince bande de terre séparant, Sinlieh des forêts, Aurore soupira d’aise. Elle avait la chance d’être en compagnie de Harnyll. Elle retrouvait ce bon air qu’était cette enchanteresse forêt.

À priori, tout était correct. Les cerfs étaient présents, les mères louves avaient mis leurs petits au monde, et ils avaient de quoi se nourrir. Tout allait bien dans la vie des forêts. Elle amena donc le baron vers le sud de ses forêts, lorsqu’elle s’arrêta. Elle descendit de sa monture et marcha en direction du couinement.

Lorsqu’elle vit le louveteau et la biche étendue morte, Aurore pesta contre elle-même. Il lui avait fallu cinq bonnes années pour qu’elle accepte les buts de la chasse, mais de la à transgresser.

Je croyais qu’Ysari ouvrait les chasses qu’à la fin de l’automne.

Elle défit les liens qui tenaient le bébé loup prisonnier et se releva. Elle fit un pas en direction du baron et vint pour déposer l’animal lorsqu’elle se laissa glisser sans bien le désirer, dans un trou profond.

Harnyll ?!

Mais quelle brute avait arrangé un trou de la hauteur d’un humain.

La forêt était magnifique à cette période de l’année, et les deux amoureux purent constater sans peine que les chasses d’automne se présentaient bien. Les invités qui se rendraient à Sinlieh allaient pouvoir s’en donner à cœur joie : cerfs, loups, renards et autres grouillaient dans la forêt et bientôt deviendraient de superbes trophées dans les manoirs et les castels. Grand amateur de chasse, Harnyll repéra près d’un étang un grand dix-cors qu’il se promit de tuer et d’empailler dans la salle d’arme d’Ysari.

Un couinement non loin les alerta, et Aurore fit volter sa monture afin d’aller aux nouvelles. Lorsque le baron la rejoignit, il la trouva auprès d’un bébé loup prit dans un filet près d’un cadavre de biche. Pas de traces de sa mère… sans doute le chasseur l’avait-il déjà tué et emmené, et comptait-il revenir chercher le louveteau, d’une valeur marchande plus faible, ensuite. Le braconnage rapportait beaucoup, bien que le père du baron ait édicté des lois fort sévères à ce sujet.

Alors qu’Aurore s’apprêtait à libérer le louveteau, le sol s’effondra sous elle et elle tomba dans une fosse trop profonde pour pouvoir en ressortir seule.

Mais que…

Sautant à bas de sa monture, le baron s’approcha afin de la sortir de cet étrange piège. Trop étroit pour y capturer un ours, trop profond pour un loup, à quoi diable pouvait-il bien servir ? Ce moment d’inattention causé par cette réflexion fut de trop, car Harnyll ne réagit pas assez vite en entendant craquer une brindille derrière lui. Alors qu’il se retournait, la main sur le pommeau de son épée, il vit une silhouette sombre encapuchonnée… deux yeux emplis de haine… le gourdin qui s’abattait vers sa tête…

Assommé net, le baron tomba au sol, inconscient.

Aurore avait atterris sur son pied et avait poussé un cri de douleur. Le louveteau qui l’avait accompagné dans sa chute s’énervait. La jeune châtelaine, le prit dans ses bras et commença à le flatter pour le calmer. Elle-même commençait à avoir peur . La terre était trop fraiche, pour que ce trou ait été fait depuis des jours.

Harnyll s’il vous plait sortez moi de là.

La jeune femme était du genre claustrophobe et anxieuse, restée ainsi la rendait nerveuse. En plus, elle avait mal à sa cheville qu’elle avait surement fêlée et non cassée. Elle arriverait à glisser du bas, si le baron de Hetalia l’aidait. Mais ce trou n’était pas destiné à un animal.

Harnyll?

À quoi jouait-il ? L’impatience de la châtelaine la rendait anxieuse. S’amusait-il à lui faire peur ? Si oui, il avait bien réussi. Il le regretterait.

Harnyll je vous en supplie …

En voyant une main ganté, soit celle du baron, Aurore poussa un gémissement de peur. Elle appuya sa main contre sa bouche et se terra, les larmes aux yeux. Elle ne devait rien à personne. À moins qu’un deuxième psychopathe avait décidé de la tuer.

** Nééra , je t’en supplie. Il doit se réveiller. **

Aurore tremblait de tout son corps. Jamais, elle n’avait tenu sa garde loin d’elle. Sauf aujourd’hui. Oui, elle avait voulu être seule avec le baron. Ils étaient toujours enfermés, et le voile avait complètement disparu. Elle espérait que Gérald avait transgressé la règle.

Tout était envisageable. Quelqu’un voulait les empêcher de s’aimer. Elle espérait si fort que le Baron ne se fasse pas tuer. Non, elle ne se ferait pas pardonner ce geste. Elle prendrait une partie de sa garde. Bon sang, elle voulait tant que Gérald ait envoyé deux hommes les espionnés. Elle se fichait qu’ils découvrent la relation entre elle et le baron.

Alors qu’elle se tenait silencieuse, le louveteau se mit à hurler.

Non, silence !

L’homme se pencha vers le trou et offrit un sourire à la châtelaine. Une proie de taille. Il attrapa la châtelaine par le bras et la sortit du trou. Aurore laissa filer l’animal et s’approcha du baron inconscient.

-Vous êtes malade !

Aurore se précipita auprès de Harnyll. Elle lui causait encore du tort. Le pauvre, qu’avait-elle fait. Elle devait faire une inspection de ses forêts
.
Je suis désolée, je ...

La jeune femme se débattit de nouveau. Elle n’allait pas recommencer avec des histoires de meurtres. Pour éviter les coups de la jeune femme, il l’assomma et elle tomba dans les bras de l’homme. Il la hissa sur sa monture et laissa le Baron inconscient.

Péniblement, le baron ouvrit les yeux et aussitôt, la douleur qui avait profité de son évanouissement pour faire une pause revint au triple galop. Grimaçant, il se passa une main dans les cheveux et l’en ramena tâchée de sang. Par les cinq dieux, il ne l’avait pas raté.

Il…

Il qui d’ailleurs ?

Et si… Aurore !

Se mettant péniblement à genoux, le baron regarda la fosse, désormais vide, puis les alentours.

Aurore ? ..... Aurore !

Mais seul le silence répondit à son appel. Seul dans la clairière, près de la fosse et du cadavre de la biche, Harnyll dut se rendre à l’évidence : quel qu’ait été l’inconnu masqué, il était parti avec son amante. Se remettant debout non sans mal, il se força à respirer calmement pour reprendre ses esprits.

Le constat était évident, on les avait attiré là volontairement, mais pour une raison qui lui échappait encore. Nul doute que ses allées et venues à Sinlieh étaient épiées et que quelqu’un de très patient et de très déterminés avait préparé ce piège. Et pourquoi avoir seulement enlevé Aurore ? Pourquoi l’avoir laissé là ? L’avait-on cru mort ?

Et surtout : où était désormais la jeune femme ?

Un renâclement derrière lui le fit se retourner, mais ce ne fut que pour retrouver Bayard. Son grand destrier de guerre avait du refuser de se laisser emmener par les kidnappeurs, et son caractère ombrageux empêchait quiconque sauf Harnyll ou un excellent cavalier de le monter.

Montant en selle, le crâne traversé par des éclairs de douleur, le baron reprit aussi vite que son état le lui permettait la direction de Sinlieh.

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