Les cheveux couleur de Blé... [Aarnis/Glinaina]

Aarnis voyageait depuis déjà une bonne semaine, errant sans but véritable sur les routes du continent. Son cheval actuel lui plaisait bien et lui avait plu dès leur première rencontre. Il faut dire à son sujet que ce cheval n'était pas du genre calme loin de là, mais plutôt du genre caractériel, fougueux bref tout ce qui fait la différence entre un cheval de trait et une bête magnifique. Ce n'est pas là la seule différence d'ailleurs : le prix fut négocié âprement et tout le monde y perdit des plumes. Mais l'un dans l'autre Aarnis était plutôt content de lui. Il ne lui avait pas donné de nom préférant attendre de trouver un représentant du peuple Sylvestre qui aurait l'amabilité de lui révéler le véritable nom de l'étalon. Autant dire que ce ne serait pas de sitôt.

Aarnis n’errait pas vraiment sans but réel : il devait retourner à son château en Ack pour refaire gonfler sa bourse et s'assurer que tout va bien. Mais il n'empruntait pas pour ainsi dire la route la plus directe préférant faire durer le plaisir des rencontres que procurait la vie de vagabond. Oh bien sûr il avait essuyé quelques attaques de malandrins et autres brigands mais... Comment dire? Trop facile! Voilà c'est le mot : FA-CILE. Rein ne pourrait égaler la baston monumentale qui l'avait opposé à Altiom. Les brigands qui l'avaient jusque là attaqué étaient rentrés chez eux (pour ceux qui avaient eu la chance de s'en sortir vivant) avec moult ecchymoses et diverses fractures, Aarnis préférant se battre pieds-poings plutôt que de souiller sa précieuse lame. Il avait récolté dans le lot une ou deux coupures mais rien de bien méchant ni de visible.

C'était déjà le 3è jour qu'Aarnis empruntait la route qui le ramenait chez lui... Il commençait à reconnaître les différents paysages et certaines personnes qu'il croisait sur la route faisaient de même le saluant. Il commençait aussi à sentir le parfum si particulier du chez-vous... Mais aussi autre chose rappelant vaguement une forêt. Quoi de plus banal lorsque vous voyagez sous le couvert des arbres me direz vous. Eh bien je vous rétorquerais que cette forêt là était loin d'être banale (celle de l'odeur bien sûr). A travers cette simple odeur il retrouvait l'odeur du pin, du chêne le tout avec une impression de fraîcheur vivifiante, de celles qui vous met du baume au coeur.

Puis vint le 2è enchantement de la journée : une voix pure et cristalline l'emmena dans une langue inconnue, vers des rivages et des contrées qui ne l'étaient pas moins (inconnues mais vous l'aviez déjà deviné n'est-ce pas?). A près on odorat et son ouïe, Aarnis perdit la vue. Le 3è enchantement était la source des 2 premiers : une magnifique créature se tenait devant lui à quelques coudées du tournant qu'il venait de franchir. Après une dizaine de secondes à gober les mouches avec sa monture (ce qui est assez cocasse pour être notifié) il lui vint l'envie de chanter une chanson où il était question que la jeune créature monte sur son cheval qui l’emmènerait par delà l'univers tout en fournissant gracieusement de la limonade. Mais où avait-il entendu cette chanson? Ah oui dans une taverne... (pas étonnant me direz vous.)

Bref il allait simplement passer au devant de la jeune femme grande blonde, aux yeux d'un bleu qui l'ensorcelèrent dès qu'elle les posa sur lui, une silhouette élancée, sans trop de formes mais pas trop peu non plus, lorsqu'il s’aperçut que quelque chose clochait. Un visage angélique encadré par deux adorables oreilles pointues. Pointues? Il comprit alors pourquoi on surnommait les Elfes "le Beau Peuple". Elle était habillée de façon à faciliter le voyage: une simple tunique avec une armure légère en cuir, un arc passé négligemment en bandoulière. Mais plus que ses attribut physiques (à part les yeux) ce fut la voix de la jeune (mais l'était elle vraiment?) elfe qui lui empoigna l'âme pour ne plus jamais la lâcher

Cette rencontre était bénie : il allait faire d'une pierre deux coups! Préférant cacher sa véritable identité c'est ainsi qu'il se présenta
:

- Bien le bonjour noble archère, fit il un peu cavalièrement (normal il est à cheval... huum huum reprenons)., que fait une si belle représentante de son peuple si loin de ses frontières? Non pas que vous n'ayez pas le droit loin de là ajouta-t-il prestement avec un grand sourire.

Cette jeune femme le rendait nerveux et il n'aimait pas ça. Il se sentait faible et minuscule et surtout moche comme un pou.

- Mais j'en oublie la plus élémentaires des politesses, continua-t-il mettant pied à terre, je suis Sinraa euuuh voyageur. Puis-je m’enquérir du nom de celle qui vient de me ravir mon âme?

Glinaina marchait depuis quelques jours sur les routes d'Odélian avant de revenir au campement ; un petit détour qu'elle s'était offert avant que l'hiver ne revienne ainsi que les vents froids. Ce matin-là était certes frais et humide, mais les rayons du soleil réchauffait le visage de tous voyageurs ayant pris la route ! Proches de la saison blanche, nous étions donc encore à celle des feuilles aux couleurs de feu et aux senteurs forestières que seuls l'automne et le printemps savaient rendre si bien, chaque saison de manière différente. Chacune avait une beauté différente de celle de l'autre, que ce soit visuel ou bien lié aux autres sens inouïs que les Cinq leur avaient accordés.

Encore et toujours habillée comme une humaine (ce qui lui allait plutôt bien, au final), c'est-à-dire portant des vêtements de facture humaine la recouvrant des épaules jusqu'aux pieds ainsi qu'une longue cape noire et une armure de cuir du même gabarit, il était pourtant beaucoup plus facile que d'habitude, cette journée-ci, de constater qu'elle était bien une elfe. Grâce à quoi ? Peut-être parce qu'elle avait pour une fois détaché ses cheveux, ou peut-être parce qu'une fois seule elle avait tendance à se sentir telle quelle. En fait elle n'en savait trop rien. Elle avait juste remarqué que les gens qu'elle croisait faisaient plus facilement la différence et qu'il y avait un petit plus dans son comportement. La magie de cette journée de cette journée certainement. Rien de plus. Mais cela suffisait pour lui donner envie de chanter, de se lier en un sens à la nature environnante... Elle n'était pas druide, bien loin de là, mais avoir l'impression de faire partie d'un tout majestueux était quelque peu rassurant.

C'est alors qu'un bruit se fit entendre : celui de sabots sur le chemin de terre. Tout en terminant sa chanson Glinaina se retourna pour voir ce qui se passait (simple cavalier ou danger en approche ?). Elle se retrouva presque nez à nez devant un cavalier, un Homme aux cheveux d'or, semblant assez jeune (plus jeune que Gloral dirait-elle) et vêtu comme un guerrier. Et au vu de l'armure et de tout son attirail, certainement pas le plus pauvre d'entre eux ! Mais de cela, elle s'en fichait royalement. Ce qui l'interloqua le plus chez lui fut la façon dont il la regarda ; ce n'était ni celui d'un camarade, ni celui de ceux qui se sentent supérieurs au autres et donc vous regardent de beaucoup trop haut. C'était comme si elle avait déjà vu un tel regard, mais sans jamais en avoir éprouvé un. Elle n'arrivait en fait pas à comprendre ce qu'elle pouvait lire dans ses chaleureux yeux bleus (du peu qu'elle savait le faire). Mais elle avait presque peur de le deviner.

« Bien le bonjour noble archère, que fait une si belle représentante de son peuple si loin de ses frontières? Non pas que vous n'ayez pas le droit loin de là, ajouta-t-il prestement avec un grand sourire. Mais j'en oublie la plus élémentaires des politesses, continua-t-il mettant pied à terre, je suis Sinraa euuuh voyageur. Puis-je m’enquérir du nom de celle qui vient de me ravir mon âme?

Malheureusement, elle avait l'air d'être tombée sur un jeune garçon charmeur de demoiselles... Beaucoup trop galant à son goût. Et un qui allait bien vite en besogne. Sans pour autant le laisser paraître dans son attitude ou sur son visage, elle se mit aussitôt sur ses gardes. Elle n'avait même pas eu besoin de la provoquer, la méfiance était venue à elle toute seule.

-Enchantée de vous rencontrer, messire Sinraa, voyageur des plus armés. Puis-je savoir que me vaut une si belle courtoisie ?

Elle inclina respectueusement la tête avant de regarder une nouvelle fois le chevalier dans les yeux. Finalement elle avait laissé sous-entendre par sa question (ainsi que sa remarque) qu'elle se méfiait un minimum de lui, ou du moins qu'elle n'était pas très à l'aise, ce qui était également un peu vrai. Elle devait avouer qu'elle était peu habituée à une telle galanterie en ce moment, surtout de la part d'un inconnu !

-Vous pouvez m'appeler Lina. Et tout comme vous, je suis en voyage, mais loin de mon peuple. Je dois en effet me rendre dans une contrée avoisinante. Et vous ? Avez-vous un but particulier à suivre ? »

Deux points positifs : elle ne l'avait pas rejeté et elle avait continué la conversation répondant à sa question puis en lui posant une autre en retour. Mais certains détails avaient attiré l'attention exacerbée du jeune homme : tout d'abord il avait l'impression que la jeune elfe cherchait à lire son regard, cherchait quelque chose pour la rassurer ou autre chose qu'Aarnis n'arrivait pas à cerner. Ensuite dès qu'il l'avait abordée elle c'était relevée et donc mise sur la défensive; quoi de plus normal me direz vous... Mais ce qui l'avait le plus choqué c'était le changement subit d'émotions qui passèrent sur le visage de l'elfe : en une fraction de seconde la jeune créature passa de la surprise à l'incrédulité, comme si elle s'était perdue. Ensuite vint la déception lorsqu'il eut fini de s'exprimer et pour finir une surprise, quelque peu emprunte de curiosité toutefois, illumina de nouveau son visage.

- Tout d'abord veuillez excuser cette galanterie, ou courtoisie peu importe comment vous l'appelez. J'ai, lors de mes nombreux voyages, côtoyé de nombreuses personnes de haute naissance et il se peut que leur phrasé et leurs attitudes vis à vis de la gent féminine ait quelque peu déteint sur ma personnalité première, déclara-t-il en riant.

Aarnis s'exprimait de nouveau facilement, tant le jeu auquel il jouait l'amusait. Non pas qu'il aimait rouler cette elfe dans la farine (de plus ce n'était pas son but) mais le fait de s'inventer une nouvelle personnalité l'avait toujours enchanté, autant que de jouer le personnage nouvellement créé. Mais le plus amusant était d'improviser, de sentir l'adrénaline monter et l'excitation vous gagner. C'est donc dans cet état presque second qu'il continua, une étincelle presque réelle illuminant ses pupilles :

- Quant à mon but il est d'abord de trouver quelque abri pour la nuit. Ensuite... Eh bien advienne que pourra! Mais pour l'hébergement je connais un village non loin d'ici : il est sous la protection d'un fier château et son propriétaire est l'un de mes vieux amis. Si jamais vous acceptez de vous joindre à moi il en serait ravi croyez moi sur parole, dit-il en faisant un clin d'oeil à son interlocutrice.

Là Aarnis ne se sentait littéralement plus. Le double jeu auquel il jouait lui procurait deux avantages : tout d'abord il pourrait apprendre à mieux connaître son hôte et pour cela rien de tel que de voyager de concert. Ensuite il aurait tout le loisir de s'imaginer la tête que ferait l'elfe quand elle s'apercevra qu'elle a été dupée. C'est là qu'apparaissent les inconvénients : si pour Aarnis ce n'est qu'un jeu peut être que l'elfe ne le prendrait pas ainsi. Une bonne relation est basée uniquement sur la confiance et Aarnis ne partait pas du bon pied. Il décida de rectifier quelque peu le tir ne serait-ce que par curiosité. Il n'avait en effet jamais été"vrai" avec les gens son apprentissage de la cour le lui interdisant, et là il sentait que cette elfe ne lui en voudrait pas d'être sincère...

- Je n'ai pas été tout à fait franc avec vous, avoua-t-il sans honte. La courtoisie qui vous gêne (je le vois sur votre visage) me vient d'une éducation noble. Je suis ledit châtelain et nous sommes en ce moment sur mes terres. Ne me jugez pas trop vite et laissez moi vous faire découvrir mon modeste domaine... Ainsi qu'un côté peu connu de ma personnalité, acheva-t-il de la mélancolie dans la voix. Et, continua-t-il d'un ton plus léger, veuillez me laisser être outrageusement courtois en vous laissant ma monture. Si toutefois vous daignez accepter mon invitation, conclu-t-il d'un sourire malicieux.

- "L'Ombre sur son visage était passée. La Lumière l'avait de nouveau éclairé."

Le voyage fut plus que plaisant, l'elfe, quoique déclinant fort poliment l'invitation d'Aarnis à partager sa monture, délia quelque peu sa langue mais la conversation n'était pas aussi fructueuse qu'il ne l'avait espéré au départ. Dès le premier regard que le Châtelain avait posé sur l'elfe, il avait su que c'était une sorte de bête blessée qui sortirait ses griffes dès qu'on l'approcherait de trop près. Aussi avait il entrepris de la désorienter quelques peu, de la mettre encore un peu plus sur la défensive pour pouvoir observer ses émotions. Il avait maintenant une base de référence quant à sa sincérité : dès que son visage exprimerait autre chose que son expression de base qui était un mélange de mélancolie, de souffrance et malgré tout de bonheur. Lorsqu'elle lui offrit son premier sourire il sut alors qu'il allait pouvoir casser cette coquille qui l'entourait.

Lors de la conversation qui s'ensuivit il essaya alors de la mettre à l'aise essayant de la faire rire. Si certaines fois un rire cristallin venait illuminer encore un peu plus cette belle (mais néanmoins fraîche) journée d'hiver, d'autres un lourd silence venait ponctuer une vanne plus pourrie que les autres ou un moment de sa vie que l'elfe préférait passer sous silence. Lors de ces moments de gêne, autant pour l'un que pour l'autre, Aarnis laissait l'elfe reprendre la conversation quand elle le souhaitait. Et comme il l'avait espéré le laps de temps entre les silences et la reprise de la conversation se réduisait peu à peu.

Arrivé en la demeure du châtelain les serviteurs de ce dernier vinrent l'accueillir comme il se doit, chassant du même coup les doutes que pouvait avoir l'elfe quant à sa véritable identité.

Il ordonna alors que l'on donne un repas simple mais néanmoins redondant en l'honneur de l'invitée qu'ils allaient recevoir ce soir. Il pouvait voir que la jeune elfe semblait quelque peu empruntée avec tous ces domestiques, aussi il leur demanda de laisser Dam Lina tranquille lorsqu'elle monterait se changer et se reposer quelque peu dans la chambre qui lui serait allouée.

- Eh bien ma chère veuillez m'excuser mais je dois me décrasser de ces longues journées de voyage. Mais vous devez être aussi fourbue que moi aussi ai-je pris la liberté de vous allouer une chambre non loin de la mienne.

Voyant les yeux de soucoupe que faisait l'elfe il reprit très vite :

- Elle n'est pas non plus adjacente, un couloir entier nous sépare. Le problème c'est que les hivers sont rudes et nous ne chauffons qu'une aile du château pour ne pas gaspiller de bois. Un domestique s'approcha de lui et lui murmura à l'oreille :

- Monsieur votre intendant vous demande
- Dites lui que j'arrive

Il reprit :

- Vous m'en voyez marri mais des affaires urgentes m'appellent. Il faut croire que le bain attendra, ajouta-t-il en riant.

Au moment où il s'éloignait il se ravisa et se retourna vers son invitée :

- J'ai aussi pris la liberté de vous faire porter la plus belle robe que ce château ai jamais accueilli en son sein. Etant donné que vous êtes la plus belle créature qui ait pénétré ces murs il me semble que votre rencontre était inévitable. Libre à vous de la porter ou non mais j'aimerais vraiment vous voir dedans, dit-il alors qu'une ombre passait sur son visage. Enfin je ne veux en aucun cas vous forcer. Sur ce je vous laisse suivre ce domestique il vous mènera à vos appartements.

Il tourna les talons et s'en alla rejoindre son Intendant. Si quelqu'un l'avait croisé à ce moment précis il aurait vu une larme perler suer les joues mal rasées du châtelain. Mais au moment où il entra dans son bureau il avait retrouvé sa sérénité habituelle.

Le châtelain s'était mis en beauté : il avait revêtu un simple mais néanmoins élégant surcôt de brocard bleu sombre (sa couleur préférée) brodé de fils d'argent. Un pantalon de lin blanc venait se perdre dans des bottes de cuir souples attachées plutôt lâchement. Il s'était aussi parfumé avec une fragrance de sa propre composition : quelques goûtes de citron dans de l'alcool de pomme. Le tout distillé de façon à ce que ce soit un parfum et non un alcool et le tour était joué. Le châtelain ainsi affublé se dirigea vers la chambre de sa magnifique, mais néanmoins réservée, invitée. Lorsqu'il arriva devant la port, Aarnis remit sa tenue en place, épousseta ses épaules et inspira un grand coup.

Aarnis n'avait pas très bien entendu que l'elfe lui avait dit d'entrer. Aussi attendit-il patiemment tanguant d'avant en arrière sur ses talons. Lorsque son invitée ouvrit Aarnis mit un moment avant de s'en remettre : ses cheveux dorés avaient bouclé de la plus exquise des manières, tombant en une cascade de cheveux dorés sur le brocard bleu nuit. Le plus bizarre dans tout ça était peut être qu'Aarnis revoyait sa mère... les oreilles pointues en moins. Et puis le visage de l'elfe était beaucoup plus fin que celui d'une femme humaine des contrées du Nord. Néanmoins elles avaient toutes deux un éclat particulier au fond des pupilles de leurs yeux, cet éclat qui fait les grandes femmes, qui les différencie des autres.

- Je hum... Je ne suis plus vraiment habituée à ce genre de ceintures... Enfin je n'arrive pas à la mettre.

Heureusement que l'elfe ne vit pas alors la tête du châtelain! Il aurait eu du mal à avoir un minimum de crédit après ça! Il ressemblait à un mérou pas frais, sorti de l'eau bien trop tôt, ouvrant et fermant la bouche à la recherche de l'élément salvateur. Ce fut d'ailleurs cette image qui sauva la dignité de notre héros :

- Euh... Oui oui pasdeproblèmes, déclara-t-il très vite et en butant sur la moitié des mots.

Il s'approcha alors lentement de l'elfe en prenant garde à ne pas faire de geste trop brusques de peur de l'effrayer. Affublée de la sorte elle ressemblait à une panthère, féline, sur ses gardes. D'aucuns diraient que l'on a jamais vu une panthère blonde, mais laissons là les mauvaises langues qui ne savent point apprécier la poésie et continuons notre récit. Aarnis s'approcha donc lentement vers l'elfe et saisit ladite ceinture. Le visage magnifique de la créature était maintenant si près qu'il pouvait sentir sa respiration et son haleine fruitée enivrer ses sens. Ayant quelques difficultés a nouer correctement la ceinture il s'agenouilla, frôlant au passage l'adorable petit nez de l'elfe ainsi que ses cheveux, lesquels ajoutèrent de nouvelles senteurs au panel olfactif d'Aarnis. Il pensait que d'échapper au regard ensorceleur de l'elfe lui permettrait de ne pas commettre d'impairs, mais la vue du ventre se déformant au rythme de la respiration de la sublime créature ne l'aidait pas plus à reprendre son empire sur lui-même.

Au bout de longues minutes d'un combat acharné la boucle céda et Aarnis put se relever la tête haute. N'attendant pas un quelconque remerciement de l'elfe il tourna les talons après une révérence et se dirigea vers la porte.

- Je vous laisse finir votre mise en plis tranquillement. Je vous attends dans le couloir. Si jamais vous avez besoin d'aide appelez moi.

Il fut surpris qu'aucune émotion ne transparaisse dans sa voix tant il était ému par le charme simple de l'elfe. Une fois la porte fermée il se plaqua contre le mur et essaya de calmer son coeur qui battait la chamade.

Lorsque l'elfe sortit de la chambre, Aarnis se réveilla en sursaut. Ou plutôt la vue de l'elfe ainsi affublée lui fit l'effet d'une claque monumentale qui eut pour résultat de lui ouvrir la bouche et de lui instiller un frisson dans tout son corps. Il se reprit assez vite écoutant vaguement les remerciements de Dame Lina, son attention toute concentrée sur les lèvres vermeilles qui bougeaient. Soudain ces mêmes lèvres, qui jusque là remuaient de la plus exquise des manières, se fendirent révélant deux rangées de perles nacrées dans ce qui était le plus beau sourire qu'il eut été donné à Aarnis de pouvoir observer. Le châtelain fut plus qu'étonné de voir une émotion transparaître sur ce visage qui jusque là n'avait pratiquement rien laissé passer si ce n'est quelques rires qui sonnaient un peu faux et quelques sourires vides. Celui-ci par contre était vrai, Aarnis pouvait le voir aux différents muscles faciaux qui se contractaient. Mais cette promesse s'évanouit aussi vite qu'elle était apparue et l'elfe reprit son masque froid.

Néanmoins la lueur d'humanité qui transparut encouragea Aarnis à poursuivre dans cette voie. Quelque chose le poussait à mieux connaître cette jeune créature et il avait pour principe de suivre ses intuitions qu'elles qu'elles soient. Il la mena donc jusqu'à la salle à manger d'où les odeurs du repas montaient.

Ils s'attablèrent donc et pendant quelques minutes aucun des deux convives n'ouvrit la bouche (si ce n'est pour manger... C'est dur de manger la bouche fermée et c'est une chose dont tout le monde convient aisément). Ce fut Aarnis qui bisa la glace :

- Euh... Humm, commença-t-il en s'éclaircissant la voix, et donc que fait une si belle représentante de son espèce dans nos contrées reculées et froides?

Il attendit poliment la réponse de l'elfe... En espérant qu'elle viendrait.

Le travail de sape qu'effectuait Aarnis depuis sa rencontre avec la jeune elfette commençait à porter ses fruits. Le masque de la jeune femme ne se refermait pas immédiatement après s'être entre-ouvert et il commençait à se fragiliser de plus en plus. Aarnis s'amusait de plus en plus. Mais ce n'était pas QUE de l'amusement. Quelque chose d'AUTRE le poussait à en savoir plus sur son invitée... Et il ne savait pas quoi. Et si quelque chose mettait Aarnis en rogne c'était de ne pas savoir.

La jeune elfe lui demanda alors par où il avait voyagé... Son dos le fit se rappeler à son bon souvenir. Il décida alors de la jouer franc-jeu :

- Pour tout vous dire mes voyages sont généralement le fait d'invitations mondaines auxquelles je suis obligé de répondre présent (la politique que voulez vous...). Néanmoins le dernier de ces voyages m'a coûté personnellement mais aussi et c'est là le plus grave la vie de certains de mes hommes.

A cette pensée le visage du châtelain s'assombrit... Il continua pourtant son récit avec une voix claire, seuls ses yeux trahissaient son émotion :

- Je protégeais alors des intérêts en terre de Nelen. Malheureusement je ne puis même pas assister à leur mort ou même essayer de les sauver par quelconque manœuvre étant cloué au lit par une colique exotique que mon corps de nordique ne pût supporter.

Il planta alors ses yeux dans ceux de son interlocutrice la prenant par surprise. Il y lu une sorte de compréhension de l'expérience qu'il avait vécue mais aucune pitié.
Il continua donc son récit :

- Alors que je remontais vers mon pays adoré, je fis escale à Soltariel où ma rencontre avec la duchesse ne fut pas des plus plaisantes, dit-il en grimaçant. Figurez vous que cette femme est tellement arrogante et sûre d'être une sorte de divinité qu'elle permet à ses domestiques d'insulter les visiteurs sans aucune gêne. Et lorsque ledit visiteur à le malheur de remettre l'importun à sa place celui-ci repart avec un souvenir gravé à vie dans sa mémoire...mais pas que.

Il profita alors de l'occasion :

- A ce propos on dit le plus grand bien de la médecine elfique... Pourrais-je vous demander d'examiner mon cas pour savoir si vous pouvez faire quelque chose ou si seule la magie le peut?

Il attendit alors la réponse de son invitée en mangeant une tranche de steak parfaitement cuite.

A sa dernière question, le châtelain ne mis pas plus de temps qu'il dit ses mots avec franchise, ce que l'elfe put apprécier en regardant les yeux du jeune humain. Il lui expliqua que la majorité de ses voyages étaient à buts politiques tout comme mondains, ce qui ne devait certainement pas être des plus agréables. Surtout le dernier, où la jeune femme n'eut aucun mal à comprendre qu'Aarnis parlait là de guerre. Son visage s'assombrit quelque peut, surtout ses yeux. Cependant, lorsqu'il reprit la parole, sa voix était toujours aussi claire. Glinaina se demanda un instant comment pouvait-il autant cacher ses émotions ; pour sa part presque toute émotion pouvait passer librement sur son visage, ce qui s'avérait parfois énervant, surtout quand la situation ne s'y prête guère. Certainement le fait qu'il ait à prendre depuis longtemps différentes responsabilités ou peut-être même était-ce un don inné. Mais là cela n'avait aucune importance, du moins pas pour l'instant. Autant y réfléchir pendant la nuit, après tout elle avait besoin de beaucoup moins d'heures de sommeil que les humains !

« Je protégeais alors des intérêts en terre de Nelen. Malheureusement je ne puis même pas assister à leur mort ou même essayer de les sauver par quelconque manœuvre étant cloué au lit par une colique exotique que mon corps de nordique ne pût supporter.

Il planta alors ses yeux dans les siens, la prenant par surprise. Peut-être pensait-il lire de la pitié dans les yeux de l'elfe, ou peut-être cherchait autre chose, comme un appui ou juste une réaction. Quoi qu'il en soit, quoi qu'il ait pu chercher, il y trouva une douloureuse compréhension. Le dialogue silencieux qui se faisait entre eux dura un petit moment, si bien que Glinaina ajouta sa voix à celle de l'humain pour lui expliquer en partie ce que ses yeux pouvaient laisser voir.

-Je ne pu malheureusement moi non plus venir en aide à mes camarades lors d'une embuscade, confia-t-elle tout en posant ses couverts de biais sur l'assiette, faute d'un appétit coupé. Mais ce n'était pas à cause d'une maladie, contrairement à vous. Les elfes ne peuvent être malades... Il y eut un blanc avant qu'elle ne reprenne. Disons qu'ils avaient préféré me capturer plutôt que de me tuer, ce que dans le fond je ne comprendrais jamais ! Mais reprenez je vous prie, sinon je risque encore de me renfermer sur moi-même ! Ajouta-t-elle avec un sourire d'excuse. Et surtout, ne vous sentez pas responsable de ce qui est arrivé. Cela pourrait vous empêcher à tort d'avancer.

Heureusement Aarnis changea presque de sujet, tout en restant cependant sur les mondanités. Une autre histoire pouvant être amusante, à savoir comment s'était-elle terminée.

-Alors que je remontais vers mon pays adoré, je fis escale à Soltariel où ma rencontre avec la duchesse ne fut pas des plus plaisantes, dit-il en grimaçant. Figurez vous que cette femme est tellement arrogante et sûre d'être une sorte de divinité qu'elle permet à ses domestiques d'insulter les visiteurs sans aucune gêne. Et lorsque ledit visiteur à le malheur de remettre l'importun à sa place celui-ci repart avec un souvenir gravé à vie dans sa mémoire...mais pas que. A ce propos on dit le plus grand bien de la médecine elfique... Pourrais-je vous demander d'examiner mon cas pour savoir si vous pouvez faire quelque chose ou si seule la magie le peut?

A ces derniers propos Lina se demanda comment allait-elle réagir : de nouveau se renfermer sur elle-même ? Réagir au quart de tour ? Ne sachant pas encore très bien se maîtriser dans ces situations d'approche, elle appréhenda rapidement les quelques secondes qui allaient suivre.
En fait, elle éclata de rire ! Un rire vide sans pourtant être nerveux même si elle se sentait plutôt gênée (par la proposition comme le fait de rire à un moment incongru) et savait ce qui risquerait d'arriver s'il s'approchait trop d'elle, ce qui était peut-être son intention. Et en plus ce n'était pas drôle...

-Vous savez, je n'y connais strictement rien en médecine, alors me demander un avis sur quoi que ce soit... Elle essaya tant bien que mal de calmer son rire qui ne voulait plus la quitter. Et veuillez me pardonner, mais je ne préfère pas regarder. Je n'ai rien contre vous, rassurez-vous, mais qui sait ce qui pourrait arriver ? »

Puis son rire repartit, incontrôlable. Devenant peu à peu rouge comme une tomate et commençant aussi à suffoquer, l'elfe posa les coudes sur la table (tant pis pour la politesse) et cala sa tête dans le creux de ses mains, laissant les longues manches de la robe retomber doucement le long de ses avant-bras pour s'arrêter au niveau des coudes, révélant un court instant un bras droit tordu et étrangement tatoué avant qu'Aina ne reprenne quelques secondes ses esprits et remette la manche en place. Le qu'elle avait jusqu'alors s'était subitement calmé, mais il persistait toujours, comme si la chose n'avait aucune importance aux yeux de la jeune fille.

Sa partenaire se dévoilait c'était indéniable. Le plus surprenant était peut être qu'elle se dévoilait aussi bien physiquement que mentalement. Aarnis ne disait pas non. Il est vrai que l'elfe l'attirait tant elle était belle et avait un esprit hors du commun, c'était peut être ce qui poussait le châtelain à la séduire.

Mais si l'elfe laissait couler sa carapace elle n'en restait pas moins prudente. Aarnis décida alors d'adopter un autre angle d'approche :

- Dites le tatouage sur votre bras, c'est vous qui l'avez fait? Si jamais c'était le cas j'aimerais vous féliciter il est très réussi.

Aarnis s'interrompit quelques secondes, hésitant. Il ne savait si il devait, et pouvait continuer sur cette voie. Il se décida enfin :

- Auriez vous l'extrême obligeance de bien vouloir m'en faire un? Le repas est terminé et je doute que vous restiez plus longtemps qu'une nuit dans cette demeure qui vous trouble. Faisons en sorte que cette nuit nous soit profitable, qu'en pensez vous?

Il fit une pause, assez longue pour laisser ses mots faire leur effet et assez courte pour ne pas permettre à l'elfe de répondre :

-Je vous raccompagne à votre chambre. Vous me ferez savoir votre réponse en venant ou non frapper à ma chambre dans la tour ronde de l'autre côté du couloir où se trouve vos quartiers. Vous êtes une femme d'extraordinaire Dame Aina et sachez que quelque soit votre réponse j'ai été ravi de vous connaître.

Sur ces mots il se leva et présenta son bras à l'elfe pour la raccompagner à son appartement. Lorsque leurs peaux se touchèrent, Aarnis sentit un frisson parcourir sa nuque et se propager dans tout son corps. Il savoura cette sensation durant tout le long du trajet ne prononçant aucun mot, ceux-ci auraient d'ailleurs été superflus dans pareille situation. Arrivé devant la porte de l'elfe il effleura sa main de ses lèvres, savourant l'odeur enivrante de cette peau non humaine, et après une gracieuse mais simple révérence, il se retira, un léger sourire sur son visage.

C'était désormais à l'elfe de décider de la suite des opérations.

L'elfette avait apparemment fait son choix.... Mais Aarnis n'était pas du genre à capituler :

- Hmm je lis à votre visage que vous refusez ma proposition, déclara-t-il pensif. Je respecte votre décision mais permettez moi d'insister et d'éclaircir certains points ombrageux : si vous refusez par peur de vous engager je vous rassure tout de suite je en suis pas homme à prendre compagne si rapidement, fit-il avec un petit rire, même si vous avez, à première vue, la plupart des qualités requises. Je cherchais juste à partager un moment d'intimité avec une charmante jeune elfe. Je suis quelqu'un de simple et j’apprécie donc ce genre de choses : deux adultes consentants, un feeling qui passe plutôt bien entre eux (arrêtez moi si je me trompe), une nuit calme et douce et c'est à eux d'en décider le programme! Pas d'attaches aucunes! Pas de prise de tête! Juste apprécier l'instant et en profiter pleinement! Quoi de plus simple?

Il termina sa phrase avec son sourire le plus enjoueur et charmeur, non pas pour tromper l'elfe, mais parce qu'il exprimait désormais tous ses émotions et désirs.

Et en ce moment il ne désirait qu'une chose :

- Dame Lina, accepteriez vous de partager ma couche pour cette nuit? fit-il en mettant un genou à terre.

"Dame Lina, accepteriez vous de partager ma couche pour cette nuit? fit-il en mettant un genou à terre.

Glinaina resta là, bouche bée, incapable de produire le moindre son tellement la question d'Aarnis l'avait surprise ! Enfin surprise... Ce n'était pas tout à fait le bon mot, mais elle avait jusque là espéré s'être trompée sur les possibles sentiments du châtelain. Et fort malheureusement, celui-ci éprouvait bien du désir pour elle, à savoir même de l'amour ; et elle avait trop peur pour ressentir ces émotions, pour les partager, et cela la gênait terriblement ! Vraiment, elle ne savait comment réagir : refuser catégoriquement et s'en aller dans la chambre qui lui était alouée, refuser mais avec un "mais" ou bien accepter ? Cette dernière possibilité ne lui plaisait guère. Déjà qu'elle n'était pas si "consentente" que cela, mais là en plus elle était sûre qu'il n'y survivrait pas !

-Je...

L'elfe regarda un instant dans toutes les directions, ne cherchant aucunement à cacher son désarrois. Sa gêne était intense et elle se rendit alors compte de sa stupidité vis-à-vis de la magie (et très certainement de son traumatisme) désormais ancrée en elle. Même si cela ne l'avait pas détruite physiquement, elle se rendait maintenant compte que c'en était tout autre du point de vue psychologique !

Elle ne voyait désormais plus qu'une solution pour que cette belle journée ne tourne pas au cauchemar : arrêter de se voiler la face et s'ouvrir à Aarnis en lui exposant son problème.

-Je... Elle repassa une mêche de cheveux derrière son oreille. Je ne peux pas, Aarnis, et ce que je le veuille ou non.

Elle laissa un court instant avant de reprendre, s'obligeant à tout dire d'une seule traite pour ne pas s'arrêter en court de route. Et pour s'aider elle s'agenouilla en face de lui, lui pris les mains avec douceur (l'un des seuls touchers qu'elle arrivait sans problème à accepter) et le regarda droit dans les yeux affin de lui exprimer toute sa franchise.

-Les marques qui sont sur mon bras droit, celles que vous avez vues pendant le repas ; ce ne sont pas un tatouage, et seule la magie en est la cause, tout comme la déformation du même avant-bras. Et depuis que je porte cette magie (ce mot lui semblait bien dur...) en moi je ne supporte plus le contact avec autrui, au point de pouvoir en vouloir sa mort et même de la provoquer sans être consciente de ce que je fais. Cela a déjà failli se produire, et ce fut un ami qui réussit à m'arrêter - juste à temps parait-il. Je ne sais ce qui pourrait se passer si nous nous rapprochions de trop... Veuillez me pardonner mes craintes certainement veines ou du moins trop prononcées, mais je ne puis accepter.

Elle serra l'une de ses mains sur celles d'Aarnis et se releva, l'invitant presque timidement à le suivre.

-Mais si vous n'avez en rien le sommeil, peut-être pouvons-nous profiter de cette soirée pour discuter ? J'essayerais d'être plus ouverte, à moins que vous ne pensiez déjà que vous risqueriez d'être trop tenté..."