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 La reconquête d'Almia - Prologue [PV Dun Eyr]

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Agrarald Dolbarg'Ma
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MessageSujet: La reconquête d'Almia - Prologue [PV Dun Eyr]   La reconquête d'Almia - Prologue [PV Dun Eyr] I_icon_minitimeMar 17 Avr 2012 - 23:58

    Ainsi tomba Arvilgard Dureroche, fils de Marbgrund Dureroche et de Glaïnea Lenclume, après avoir lutté avec courage, force et honneur pour la reconquête d’Almia.
    Au moment où ses jambes se dérobèrent sous lui, son poing gauche tenait toujours fermement la poignée de ce qu’il restait de son bouclier, quelques planches disjointes sur lesquelles il était désormais impossible de reconnaitre l’emblème de son clan. Et son bouclier n’était pas le seul à témoigner de la violence des combats qu’il avait menés tout le jour. Son heaume à tête d’ours portait d’innombrables entailles. Tout le côté droit de son armure avait été enfoncé par un terrible coup de hache. Sur le fer de son marteau de guerre, les restes sanguinolents de ses adversaires s’accumulaient comme autant de funestes trophées. Du reste, au pied du valeureux Nain, gisaient les cadavres désarticulés de nombreux Peaux vertes, attestant de la robustesse de son bras et de son ardeur au combat.
    Durant de longues heures, il avait en effet combattu sans se soucier de sa sécurité. Par ses nombreuses prouesses, il avait redonné courage à ses frères d’arme et, plus d’une fois, fait reculer ses adversaires. Jamais il n’avait cédé le moindre pouce de terrain, entrainant les siens toujours plus avant au sein des ruines d’Almia. Pas même lorsqu’un trait s’était fiché dans son bras droit, il n’avait ralenti. Le sang de ses ennemis avait beau se mêler à celui qui sourdait de ses propres blessures, Arvilgard n’avait pas faibli. Mogar, Père de toutes les batailles, avait guidé son bras et entretenu la flamme de son cœur jusqu’à ce qu’il vienne à bout du dernier de ses ennemis. Alors, son devoir enfin accompli, s’était-il agenouillé afin de gagner un repos bien mérité.
    Puisse le Père, à présent et à jamais, l’accueillir à ses côtés.

    Arvilgard tombé, on n’entendit plus sous la terre que les gémissements des rares blessés que Tari tardait à emporter. Les Gobelins qui avaient échappé au courroux des Nains s’en étaient déjà retournés au plus profond de leurs galeries, priant sûrement les démons qui leur servaient de dieux pour que jamais le Fier Peuple ne se lance à leurs trousses.
    Après le rugissement de la bataille, le silence parut assourdissant aux oreilles du Peuple Troglodyte. Les Nains encore debout s’observèrent durant de longues minutes. Immobiles et essoufflés, appuyés sur leurs armes, du sang maculant leurs barbes, tous considéraient d’un œil neuf ces terres qu’ils venaient de reprendre de haute lutte. Leurs regards se croisèrent alors. De discrets hochements de tête suffirent à exprimer l’estime qu’ils se portaient les uns aux autres.
    Alors, comme venant de très loin, un bruit se fit entendre. Etouffé et timide d’abord, à l’image d’un simple murmure qu’on n’oserait formuler à claire voix de peur de briser quelque instant sacré, il enfla peu à peu. Très vite le murmure se mua en une clameur assourdissante. Sortant de toutes les gorges et résonnant sur tous les boucliers, retentit un bruit que les corridors et cavernes d’Almia n’avaient plus entendu depuis de trop nombreuses lunes : celui d’un hymne à Mogar.
    L’acier frappait le bois tandis que les gorges vantaient les mérites du dieu de la Guerre. Repris de proche en proche, d’un guerrier à l’autre, ce chant synonyme de victoire faisait vibrer les murs de la Perle du Nord afin que nul n’ignore que les Nains étaient de retour chez eux.


Reposant sa plume, Agrarald considéra son travail d’un regard critique. Les pages qu’il avait déjà écrites s’entassaient en une pile parfaitement ordonnée sur un coin de son bureau. Avec un léger soupir, il ajouta cette dernière aux autres.
Voilà déjà près d’un mois qu’il s’était résolu à mettre ses insomnies à profit pour rédiger un récit sur la reconquête de la cité. A chaque nouvelle page, le Haut-Prêtre de Mogar ne pouvait s’empêcher de repenser aux épreuves traversées : le long mois de marche depuis Lante jusqu’aux contreforts de Lazgarb Larg, la faim et le froid qui avaient quotidiennement sapé leurs forces, les incessants raids des gobelins, les combats et leurs lots de blessés, les éboulis dans les tunnels, la découverte des cadavres carbonisés et bien d’autres horreurs dons les visions revenaient le hanter nuit après nuit.
Et tout ça pourquoi ?

Après deux longs mois d’efforts, les presque six cents Nains que le Haut-Prêtre avait rassemblés étaient parvenus à dégager le couloir qui s’enfonçait sous Lazgard Larg et permettait d’accéder au premier niveau de la cité. Mais qu’elle n’avait pas été leur déception lorsqu’après un ultime coup de pioche, ils avaient découvert l’état dans lequel était leur cité.
Pour Agrarald qui y avait passé son enfance et avait tenu à y pénétrer en premier, le choc avait été terrible. Si la Colère de Mogar s’était concentrée sur Kirgan, la destruction d’Almia n’en avait pas été moins terrible. Le palais du gouverneur, fierté et cœur de la cité, n’existait plus. A sa place se dressait maintenant un monticule de gravats où Agrarald avait cru reconnaitre le marbre blanc qui ornait la coupole. Oubliées les chaînes où pendaient les braseros qui éclairaient la cité. Perdus la Bibliothèque et l’Atelier. Tout n’était plus que ruines. A peine si ça et là subsistaient une fresque reconnaissable. A peine remis de cette vision d’apocalypse, Agrarald avait senti son cœur se serrer en voyant que les parois des galeries qui l’avaient vu naître s’ornaient désormais de symboles gobelins. Ultime outrage fait à sa cité.
Dans les jours qui suivirent les Nains avaient dû faire face à des raids gobelins qui les empêchaient de progresser dans la cité. Ils étaient sans cesse harassés par des volées de flèches. Ceux qui s’éloignaient pour traquer les assaillants revenaient couverts de blessures… pour les plus chanceux d’entre eux. La mort dans l’âme, Agrarald avait dû se résoudre à donner l’ordre de quitter la cité. L’abandonnant une nouvelle fois aux Peaux vertes.
Les Nains avaient finalement convenus de s’installer dans le seul endroit sûr qu’ils connaissaient : le couloir qui menait de la plaine à Almia. Avaient alors commencé de patients travaux de fortifications : à l’aide des pierres qu’ils avaient déblayées, les Nains avaient érigés des défenses aux deux extrémités du tunnel. Retranchés, ils avaient installé un camp que tous avaient espéré provisoire. Mais cela avait été sans compter sur la ténacité des Gobelins.
Le petit Peuple s’était dès lors installé dans une épuisante routine faite d’attaques gobelines, de chasses dans les forêts proches, d’expéditions dans la cité pour y traquer des Peaux vertes et y récupérer des objets précieux et, quatre fois l’an au moins, ils organisaient des convois qui ralliaient Lante et Thanor pour échanger les quelques trésors extraits des décombres contre des vivres et de l’équipement.

Après cinq années passées ainsi, au plus près des épreuves, les survivants étaient devenus aussi durs que la roche qui les entourait. Les jours heureux passés à Kirgan, avant le Voile, n’était plus que des souvenirs. Tous avaient renoués avec les plus martiales traditions de leur peuple. Trouvant force, courage et réconfort auprès des prêtres de Mogar, ils avaient renoué avec l’ancienne Voie faite de combats et de sacrifices. Ils enduraient patiemment la faim et les blessures, conservant leur haine pour leurs ennemis.
Bien que toujours moins nombreux année après année, ils étaient paradoxalement devenus plus forts. Ainsi que Mogar l’avait pressenti, les épreuves traversées avaient forgés des Nains plus solides que jamais. Désormais réunis tel un poing vengeur, œuvrant de concert et avec efficacité, ils avaient entrepris de regagner le premier niveau de la cité. Les pertes avaient été lourdes, les combats nombreux mais les Gobelins avaient fini par leur abandonner le territoire.
Et si pour l’heure il était parfaitement utopique d’espérer ne serait-ce que descendre au second niveau de la cité, au moins pouvait-ils espérer défendre le premier. Les meilleurs guerriers du clan montaient d’ailleurs une garde vigilante devant l’escalier dont l’entrée avait été fortifiée.

* * *

S’ébrouant pour sortir de sa torpeur et laisser loin derrière lui ce passé qui revenait le hanter jusque dans ses rêves, Agrarald se leva de sa chaise. Etirant ses muscles endoloris par une nouvelle nuit passée à travailler à son bureau jusqu’à ce que l’épuisement ne réclame son dû, il se dirigea à pas lents jusqu’au broc. Après s’être passé un peu d’eau sur le visage, il coula un regard plein d’envie sur le dernier tonneau de bière qu’il conservait précieusement. Renonçant comme toujours à le mettre en perce sans une bonne raison, il s’habilla rapidement.
Repoussant le rabat de sa tente, il se dirigea sans hâte en direction de l’extrémité nord du tunnel, celle qui donnait sur le premier niveau de la cité. A cette heure extrêmement matinale où, en surface, le jour n’était encore qu’une lointaine promesse, le camp nain paressait presque désert. Les survivants se reposaient encore en prévision de la dure journée qui les attendait. Il leur faudrait sous peu relever les sentinelles, partir chasser en forêt pour rapporter un peu de viande fraîche ou déblayer le premier niveau d’Almia. Agrarald pour sa part, après s’être informé des dernières nouvelles, irait rejoindre les prêtres runistes qu’il formait au combat.

Approchant des fortifications sud, il salua les sentinelles d’un regard et accepta avec reconnaissance le bol qu’on lui tendait. Ce dernier ne contenait qu’un liquide clairet où flottait un unique morceau de lard.
Sitôt qu’il eut avalé son petit-déjeuner, un jeune Nain vint lui faire son rapport.


- Salutation, Haut-Prêtre. Puisse le Père veillez sur vous en ce nouveau jour.
- Et puisse son marteau te protéger également, répondit Agrarald. Quelles sont les nouvelles ce matin ?
- La nuit a été calme, Haut-Prêtre. Les hommes ne rapportent que deux attaques des Gobelins sur l’escalier cette nuit. Et ici nous n’avons pas vu la moindre Peau Verte, ajouta le Nain en caressant machinalement la tête de sa hache. Et d’après ce que j’ai entendu, ce n’était même pas de véritables assauts. Simplement des têtes brûlées qui voulaient à nouveau gouter de nos lames.
- Bien, bien. Des nouvelles de Gorlart et Marbiena ?
- Aucune depuis hier. La dernière fois qu’on les a vus, ils ont dit vouloir explorer une fissure dans le mur Est de la cité. Marbiena prétendait y sentir du minerai exploitable.
- Hum, hum, répondit Agrarald en se passant une main dans la barbe comme pour la démêler. Espérons qu’ils n’ont pas fait de mauvaise rencontre. Gorlart est un vaillant guerrier et Marbiena une prêtresse accomplie mais j’ai comme un mauvais pressentiment.

Après une seconde de réflexion, Agrarald reprit :


- Avant de quitter ton poste, envoie quelques hommes près de cette fissure. Qu’ils prennent position pour couvrir toute éventualité mais qu’ils ne partent pas en exploration. Ne faisons pas le jeu des Gobelins en nous dispersant.
- Bien, Haut-Prêtre. Il en sera fait comme vous le souhaitez. A-t-on des nouvelles de la caravane de Lante ? demanda le soldat après avoir esquissé le geste du marteau, la paume de sa main gauche venant appuyer sur son poing droit fermé, en réponse à l’ordre d’Agrarald.
- Je n’en sais rien pour le moment, répondit le représentant de Mogar. Je ne suis pas encore allé aux fortifications Sud. Je m’y rends de ce pas.

Après un dernier salut, Agrarald se retourna et entreprit de remonter tout le tunnel en direction de la surface. Le chemin était long mais le Haut-Prêtre, malgré les privations, marchait d’un pas vif et alerte. Ces six années où les combats avaient succédé aux durs labeurs lui avaient permis de se forger un corps solide et résistant.
En chemin, il salua les Nains qui s’éveillaient et se mettaient à la tâche, qui armé de sa hache, qui de sa pioche. Sur les quelques six cents âmes qui avaient quitté Lante, il n’en restait plus désormais que la moitié. Les années et les combats avaient prélevé leur part. Mais ceux qui restaient formaient un groupe soudé où tous connaissaient leur place et devoir. Agrarald se sentait responsable du moindre d’entre eux. Il lui arrivait fréquemment de passer des nuits blanches à penser que son entêtement à regagner le Nord risquait de les avoir tous condamnés à une mort certaine, loin des leurs et oubliés de tous.
Mais pour l’heure des problèmes plus immédiats occupaient son esprit. Les vivres accumulées par le clan étaient presque toutes épuisées. Et si le printemps avait déjà commencé dans le Sud, si loin au Nord il leur faudrait attendre encore longtemps avant de pouvoir récolter quoique ce soit. S’ils voulaient échapper à la disette, il ne leur restait qu’un espoir : la caravane qu’ils avaient envoyée à Lante près de deux mois plus tôt.
Arrivant près de l’entrée du tunnel, Agrarald emplit ses poumons d’air frais et profita de la légère brise qui soufflait ici. En temps normal les cités naines étaient bien aérées et, en son temps, Almia n’avait pas fait exception à la règle. Mais depuis la Colère de Mogar les puits d’aération s’étaient effondrés et les Nains n’avaient jamais trouvé le temps de les dégager. Aussi vivaient-ils dans des conduits saturés par la fumée de leurs feux. Dans ces conditions, il était agréable de devoir monter la garde aux fortifications Sud.
S’approchant des portes, Agrarald resserra sa peau d’ours et, sitôt que ses yeux se furent habitués à la lumière de la surface, scruta l’horizon. Au bout de quelques minutes, il se tourna en direction des sentinelles.


- A-t-on des nouvelles de la caravane ?
- Non, Haut-Prêtre. Mais il est encore trop tôt pour scruter la plaine.
- Hum, grommela Agrarald en ne pouvant s’empêcher de jeter à nouveau un œil en direction du Sud. Il faut absolument qu’elle nous parvienne. Nos réserves sont presque toutes épuisées.
- Elle n’a que quatre jours de retard sur nos estimations, Haut-Prêtre. C’est peu de choses si on considère tout le chemin qu’il lui faut parcourir.
- Puisse le Père te donner raison, Gormund, conclut Agrarald.

Demeurant immobile en compagnie des sentinelles, Agrarald n’ajouta rien de plus. Les yeux fixés sur le Sud, il ne dit rien des doutes qui l’assaillaient. Car Gormund avait eu raison sur un point : longue était la route de Lante à Almia. Longue et dangereuse, surtout en cette saison.


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MessageSujet: Re: La reconquête d'Almia - Prologue [PV Dun Eyr]   La reconquête d'Almia - Prologue [PV Dun Eyr] I_icon_minitimeLun 23 Avr 2012 - 21:35

Ce qui frappait avant toute chose, c’était l’odeur, elle vous assaillait aux naseaux. Et puis, venait la vue, la vallée noyée de sang, jonchée de corps. Et là, en travers des chèvres de charges dépecées et agglutinées, un barrage de piques acérées ; et dessus trônaient de tristes ribambelles de crânes.
C’avait été une caravane, ils avaient été des Nains.

Dun Eyr cracha sur sa lame, qui menaçait rouiller tant elle avait trempé dans le flux rougi, et l’essuya entre deux doigts. C’était une vieille rapière, prise à la hâte, ramassée sur quelques Petit Bonhomme décapité. Le Nain avait surgi dans le vallon lors même que les Peaux-Vertes faisaient festin de ses congénères ; le reste avait été triste, brutal et rouge.

Depuis les cimes toutes proches, qui inondaient d’ombre la vallée, un ignoble gargouillis rugit en écho sur les montagnes. Xanthe, quelque part, devait faire un sort aux derniers des Gobelinardeaux. Les lames d’acier du démon qui lui tenaient lieu de doigts, avaient toujours leur sinistre efficacité.
Xanthe n’avait pas son pareil pour arracher des petits bouts…


Le Nain, au milieu des siens écorchés, eut un regard las alentour. Il laissa la lame se ficher dans un crâne, et puis cracha sur le tout. Les viandes et les venaisons, et toute la bonne chère extirpée des caves à sel de Lante, avait été anéanties dans l’embuscade. Elles gisaient, pour une part dérobées, pour une part avalées, éparses, et les mouches barbotaient le restant.

« Tout cela ne nous rendra pas les vivres, grommela le Nain dans sa barbe. Il y a pourtant des frères Nains, quelque part dans les cimes, qui vont grogner l’estomac creux sans ces chariots éventrés… »

Pour quel cellier, cette longue caravane désormais muette ? Ils n’avaient pas le blason des loyalistes de Lante – de ce qu’il en restait, gronda dans un rictus le Nain – ni même des clans tueurs du Nord ou de l’Est. Mais la double marque qui cousait leurs tuniques, rare encore, évoquait à Dun Eyr ce qui se tramait dans l’Est, autour d’Almis et de ses cendres vertes…
Jamais le Nain n’avait encore posé le pied dans ces roches-là, pas depuis que la fournaise les avaient prises – la gobelinesque frénésie –, mais pourtant, c’était un récit qui courait les tavernes et les bouges : le marteau cognait de nouveau les fers dans les galeries d’Almis.

D’un souffle, le Démon reparut aux cotés de son Nain de maître et, comme lui, contempla les vivres dévastées au milieu de la caravane désolée. L’odeur empirait à chaque instant sous les mouches en nuées.
Le regard de Dun Eyr, sombre comme la roche, alla des provisions détruites aux carrioles branlantes – certaines, encore robustes, quoique roussies – et puis remonta, vers le ciel, aux yeux vairons de son compagnon des Marais. Ces deux-là avaient appris à s’entendre sous cape, et la même idée leur embrumait l’esprit.

Il fallait des salaisons pour les bastions nouveaux d’Almis…


* * *


L’étrange convoi clopinait le long de la route rocailleuse, et il peinait rudement à l’ascension des derniers cols d’Almis. Il faut dire qu’à sa tête, le Lirganique, renfrogné, hésitait encore à affronter les nouveaux Nains de l’endroit.

Dun Eyr chevauchait une étrange bête à pattes flottantes, la réplique d’une chèvre – mais avec ce soupçon de tremblement dans les sabots, qui suggérait qu’elle n’était pas née d’un beau bufflon mais d’un salamalec du Magicien – et il tirait le plus improbable des entrelacs de bois, de clous et de roues : car en deux heures de labeur, le Nain et le Démon avaient fait de douze carrioles balayées par les Verdâtres, un long charroi branlant à neuf roues. Et derrière, mi-planant, mi-tombant, venait Xanthe, qui de ses trop longs bras poussait sur l’arrière de la carriole élongée.
Sous son mufle des Marais, des quintaux de belle viande rouge et salée ondulaient au rythme de la charrette, de ses essieux et de ses chocs. Comment se l’étaient-ils procurée, ces deux errants des routes, d’où avaient-ils extrait ces vivres pour les longues veillées d’une colonie ?
Le Moqueur, seul, le savait…

Alors Dun Eyr, indubitablement sur ses gardes, fit stopper son illusoire monture à quelques bonds des portes et tours d’Almis – des palissades et de la mauvaise corde, un pauvre pastiche de la gloire d’antan des Nains du Levant – et tonna de sa voix de stentor usé déjà :

« Du Moqueur aux Feux, le salut de Dun Eyr ! Nombre d’entre nos frères, pris par les verdâtres, gisent dans la vallée du Faucon-Fauve, et les mouches bombinent sur leur corps comme sur vos vivres. Mais le Tisseur de Torsades offre à la colonie d’Almis l’A-nouveau Affairée, ses venaisons propres. »

Du moment que les Nains n’allaient pas trop enquêter sur ce qui tapisserait le fond de leur écuelle pour l’à-venir…

Pour autant, de plus urgentes préoccupations hantaient Dun Eyr : car, dans les gargotes, on murmurait que c’était le Héraut de Mogar, le vieux Dolbarg’Ma, qui purifiait à l’étincelle les cavernes verdies.
Peut-être certains en gardaient-ils un souvenir, par ici, une trace…


Dernière édition par Dun Eyr le Mer 2 Mai 2012 - 12:23, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: La reconquête d'Almia - Prologue [PV Dun Eyr]   La reconquête d'Almia - Prologue [PV Dun Eyr] I_icon_minitimeLun 30 Avr 2012 - 15:24

L’excitation qui avait saisi les gardes de la porte extérieure au petit matin, lorsque la première sentinelle avait annoncé le retour de la caravane, avait peu à peu laissé place à une sourde appréhension. Ils avaient patiemment observé le convoi progresser sur la plaine, loin en dessous d’eux. Et, au fur et à mesure qu’il s’était rapproché, ils avaient noté des détails inquiétants. Bien qu’encore forts distants, les chariots leurs paraissaient étranges. Ils n’avançaient pas comme à leur habitude. S’ils n’avaient pas su la chose parfaitement ridicule, les gardes auraient juré qu’il n’y avait en réalité qu’un unique et immense chariot se déplaçant cahincaha sur la route inégale. Mais pour bizarre que fût cette observation, ce n’était pas elle qui dérangeait le plus les Nains. Non, car à mesure que la caravane se rapprochait, tous se rendaient compte que les guerriers censés l’escorter manquaient à l’appel.
Ainsi, alors que la caravane s’approchait lentement d’Almia et que tous parmi le peuple Troglodyte auraient dû se réjouir de cette arrivée imminente, de solides Nains se préparaient au pire.

Fraor n’avait pas perdu de temps. D’un simple geste du bras, il avait fait signe à ses hommes de se préparer au combat. Et à son tour, sans plus même y penser désormais tant cela lui paraissait naturel, il s’était livré à ces gestes qui rythmaient sa vie depuis maintenant près de cinq ans. Pendant qu’ils s’équipaient, aucun parmi la petite troupe ne prononça la moindre parole. Ils n’en avaient nul besoin. Tous savaient ce qu’ils avaient à faire et ce qu’ils risquaient.
Tandis qu’il resserrait les sangles de son armure et fixait sa rondache à son bras gauche, Fraor jeta un dernier regard sur le convoi qui s’approchait. Quoiqu’il puisse s’être passé dans les plaines, si ce curieux cortège n’amenait pas des vivres à la colonie, la victoire ou la défaite n’aurait probablement pas grande importance.
Pourtant, après avoir fait une dernière fois jouer ses épaules pour répartir au mieux le poids de son armure, le vieux Nain se tourna vers ses hommes et s’assura que tous prenaient leurs postes. Satisfait, il se saisit de sa hache et se sentit rasséréné par son poids. Machinalement, il fit courir ses doigts sur les lanières de cuir jusqu’à ce qu’elles trouvent leur juste place. Enfin, il dit calmement :


- Frères, quoiqu’il puisse monter jusqu’à nous en ce jour, je ne doute pas de notre capacité à l’affronter. Notre courage n’est plus à démontrer. Bien des fois nous avons repoussé les attaques des Peaux Vertes et jamais notre courage ou notre foi en Mogar n’ont faibli. Le vieux soldat marqua une courte pause et frappa son bouclier de sa hache pour rendre grâce au Père des Batailles. Il ajouta ensuite à l’attention du plus jeune de ses soldats : Gloriana, va prévenir le Haut-Prêtre que la caravane approche. Puis, d’une voix où perçait pour la première fois l’esquisse d’une crainte, il ajouta : Dis-lui bien qu’elle risque de nous apporter la ruine et non la vie... Que nos frères se tiennent prêts !

Puis, sachant que ces ordres seraient suivis. Convaincu que toutes ces années passées à lutter contre les Verdâtres avaient façonné les meilleurs combattants de toute la Nanie et que ces derniers n’avaient pas besoin de lui pour leur dire que faire, Fraor fit quelques pas à l’extérieur et abandonna les fortifications pour se camper devant les Portes.
Les défenses que les Nains avaient construites à l’extérieur du tunnel ne payaient pas de mine. Et pour être tout à fait honnête, elles n’étaient guère solides. Elles n’avaient, pour ainsi dire, qu’une seule utilité : ralentir le flot des assaillants et les canaliser pour que les flammes des prêtres de Mogar remplissent leur office. Les véritables défenses de la petite colonie étaient tout autres. Elles avaient été érigées, pierre après pierre, dans le tunnel lui-même. Et bien qu’elles fussent très loin des anciennes constructions du Petit Peuple, tant par leur solidité que par leur apparence inachevée, elles n’avaient jamais failli à leur tâche. Constituées de hauts murs percés de trous étroits, elles obligeaient d’éventuels assaillants à passer par un long et étroit corridor que deux guerriers nains pouvaient aisément défendre tandis que leurs frères d’arme, munis de solides piques et bien à l’abri derrière les murs, harcelaient les flancs de leurs adversaires.
Pour précaires que puissent sembler ces fortifications, elles n’en avaient pas moins maintes fois montré leur efficacité contre les charges aveugles des Gobelins. Pour s’en convaincre, il suffisait de jeter un œil aux deux tumulus qui flanquaient les Portes d’Almia. Sous la terre reposaient les corps réduits en cendres des ennemis des Nains. Funeste hommage au Dieu des Batailles.

* * *

Bien campé sur ses courtes jambes, le bois de sa hache appuyé sur son épaule, Fraor détailla l’étrangeté de la caravane au fur et à mesure que celle-ci se rapprochait. Un immense chariot fait de bric et de broc, donc. Tiré par Mogar savait quelle créature invoquée des ténèbres et poussée par pire encore.
Lorsque ses yeux se posèrent sur le démon qui accompagnait Dun Eyr, le soldat esquissa un mouvement de recul. Combattre ne l’effrayait plus depuis longtemps, le Père en avait eu la preuve maintes fois, mais cette chose était loin de ressembler aux adversaires qu’il avait déjà affrontés. Pourtant, il ne fit pas un geste pour se soustraire à son devoir. Au fil de ses années passées à combattre, il avait à deux reprises lutté aux côtés d’élémentaux de feu invoqués pour défendre les temples menacés du Dieu de la Guerre. Et pour étrange que semblât la créature servant Dun Eyr, elle n’était pas plus effrayante que ces créatures de feu et de lave qui l’avaient aidé à défendre les terres consacrées lors des révoltes provoquées par le Voile. Aussi répondit-il avec calme au salut de Dun Eyr.


- Et les Feux répondent au Moqueur. Salut à toi, Haut-Prêtre de Lirgan. Sache qu’ici, on n’a pas oublié les anciennes traditions. Détaillant le convoi, il ajouta : Les fidèles de Mogar sont les bienvenus en ce lieu. Surtout quand ils amènent des nouvelles de ceux que l’on n’attendait plus. Frappant rituellement son bouclier du fer de son arme, il conclut en baissant la voix : Même si les nouvelles ne sont pas celles que l’on espérait. Pourtant, Haut-Prêtre vous ne pouvez avancer plus avant en compagnie de cette chose qui…
- Paix ! Fraor, tonna la voix claire d’Agrarald. Et tandis qu’il passait devant le soldat pour s’approcher de Dun Eyr, il posa sa main droite sur l’épaule du soldat : Tu as fait honneur au Père aujourd’hui. Tant par ta garde vigilante que par ta capacité à reconnaitre un allié quand il se présente. Ne va pas prononcer à la légère des paroles qui pourraient faire fuir de précieux amis.

Puis, sur un dernier hochement de tête, Agrarald, vêtu de son armure, coiffé de son calot, son marteau de guerre pendant à sa ceinture et son sceptre à la main, s’avança pour accueillir un Nain qu’il n’avait pas vu depuis six ans.
Dès qu’ils furent suffisamment proches, le Haut-Prêtre de Mogar tendit une main calleuse à son homologue. Malgré les nombreuses cicatrices qui la couvraient, on y distinguait encore nettement le symbole du Dieu de la Guerre.


- Par ma voix, le Père salue le retour de Lirgan à Almia. Rares sont les visiteurs pacifiques à s’aventurer jusqu’ici. Plus rares encore ceux qui arrivent avec des présents même si les nouvelles qu’ils colportent nous attristent. Mais l’heure n’est pas encore venue de pleurer les braves. Gardons cela pour plus tard. Baissant alors la voix, Agrarald poursuivit de sorte que seul Dun Eyr l’entende : Nous avons autant besoin de nourriture que d’espoir ici. Mais mieux vaudrait éviter qu’un démon ne pénètre dans nos tunnels. Pour l’instant.

Après avoir ainsi parlé, Agrarald demeura la main tendue, attendant que Dun Eyr la saisisse. Le vieux prêtre de Mogar paraissait en meilleure forme que lors de leur dernière rencontre. Dans ses yeux, notamment, brillait une lueur nouvelle : celle d’une foi retrouvée.
Pour peu qu’on s’y attarde, le visage d’Agrarald reflétait tous les changements qui s’étaient opérés dans sa vie. Malgré ses traits tirés par la faim et la fatigue, on y lisait une paix sereine. Les doutes nés du Voile étaient loin derrière à présent. Il était enfin en paix avec la nature profonde de son dieu : Père et Destructeur tout à la fois.
Sa main tendue, celle-là même qui avait été brûlée par les fers consacrés à Mogar, était tout à la fois la promesse d’une amitié sincère et l’assurance qu’en cas de traitrise les flammes s’abattraient sans pitié sur ses adversaires.
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MessageSujet: Re: La reconquête d'Almia - Prologue [PV Dun Eyr]   La reconquête d'Almia - Prologue [PV Dun Eyr] I_icon_minitimeMer 2 Mai 2012 - 12:21

Xanthe le malvenu cracha son mépris en une bouffée d’humeur et superbe, il fila rejoindre les nuages ses compagnons. Une bécasse égarée du Printemps, qui croisait dans ces hauteurs, craqua sinistrement lorsque le Démon la broya d’un coup de ses mâchoires hargneuses, avant que de se tourner au Levant et fuir à tire-d’aile. Sa silhouette distordue, et ses lames d’acier, clinquaient durement contre l’éclat du Soleil.

Resté sur la terre, campé fièrement dans ses bottines, Dun Eyr regardait la scène sans se trahir d’un trait. La main d’Agrarald, le vieux compagnon, demeurait hissée dans l’air et attendait l’accolade, l’attendait encore. Mais derrière ses épaules massives, le campement hâtif, trois palissades de corde et de bois, s'hérissait de Nains bourrus et batailleurs. Un froid silence d’hiver s’attardait encore, rudoyant les Fils de la Montagne, et passant sur les targes et les rondaches comme pour les polir.

« Voilà donc les reliquats d’Almis, songea le Lirganique. »
C’était, on ne pouvait le nier, silencieux, triste et fier. Austère comme seuls les Mogaristes le sont, et revêche sous les marées grognardes des Vertegueules.

Et surtout, flottant au coin de chacun des visages ici durcis, planait l’ombre de la faim.
D’une œillade, Dun Eyr contemplait le long convoi qui cristallisait la salive et l’envie de ces bretteurs et archers. Sur l’abord pentu du campement, face aux palissades, s’arc-boutait l’étrange et Lirganique créature extirpée des mémoires du Moqueur. Xanthe parti, l’illusion ployait sous son joug, mais ses os de zéphyr tenaient bon encore sous la charge des vivres.

Alors le Maître Ciseleur, chaleureux comme une pierre, regarda son vieux comparse d’au-dessous les montagnes, le Maître des Forges, le Dolbarg’Ma.

* * *

Agrarald était là, comme il l’avait toujours été, rugueux comme la roche et fier comme la flamme. Sa gueule émergée des brumes, taillée à la serpe, avait été retaillée par les coups rouillés des Gobelinards. Les rides avaient pris leur royaume, et les traits et les dents avaient passé par-dessus, et labouré les collines pour en arracher des ravins. C’était la fière, et brave, et noble trogne de ceux qui guerroient.
Mais entre les vallées et les dunes de chair, ici violacées, là noires comme souffre, demeuraient les prunelles brûlantes du lige de Mogar.

Cela humait la puissance et l’honneur, et les gouffres béants que l’on passait en bataillant. Ah ! ce n’étaient pas retrouvailles de pillards ou compagnons de bordée, pas la tendre embrassade des longues-jambes épargnées lorsque les campagnes cessaient à l’Automne. Une bouffée d’antan, du bon grisou de jadis et des clans aux étendards écarlates, prenait le Lirganique à la gorge.
A Lante, il avait quitté des marchands et des chalands ; ici, dans la tourmente, il retrouvait des Nains.

Et sans plus s’atermoyer, le Haut-Prêtre saisit le paume couturée de son frère :

« Je n’ai pas l’espoir dans ma musette, grommela de joie le Nain, mais j’y ai du buffle et du porc pour un mois. »

C’allait être jour de fête pour les austères pionniers !
Et pourtant, sans relâcher l’étreinte de sa pogne, Dun Eyr souffla à son compagnon retrouvé, sur son épaule penché :

« Les vivres vous viennent dans une carriole cerclée de la magie du Moqueur, et tirée jusqu’aux cimes par une merveille des Prairies lointaines. C’est par Lirgan que la viande rentre ce jour en Almis dans vos galeries et vos gorges, ne va pas interroger les faveurs du Tisseur. »

Et sur cette note – oh ! à peine un avis de magicien – le Nain fit volte-face, et caressa de trois doigts le museau anguleux de l’étrange Créature Ciselée. A peine avait-il effleuré le crin virevoltant qu’un souffle emportait la bête, et que bientôt elle ne fut plus.
Seul gisait le convoi, soudain affaissé, branlant et lourd, aux abords des palissades de petit bois.

« Que les Nains d’Almis s’emparent vite de l’offrande, avisa le Lirganique, ou bien elle roulera dans les ravins. »

Et, pour faire exemple, le Nain se courba sur l’interminable chariot des salaisons, et prit trois tonnelets de bonne chair sur ses épaules. Une odeur de tendre carnation planait sur les victuailles espérées et promises, et la viande serait juteuse sous les dents affamées.
Le Religieux n’eut qu’un regard, par l’interstice d’un tonneau, à ces mets miraculeux. Xanthe avait bien travaillé de ses trois lames, et l’on ne distinguait plus la forme des corps, ni le cheveu ni la barbe, ni rien qui pût aiguiller le gourmet. Et à chaque livre de viande, il avait mêlé quelque bestiole ou oiselet des montagnes, pour en tempérer la saveur.
Dun Eyr ne s’autorisa pas une oncette de regret – ce soir au moins, les Nains mangeraient.


Alors, souriant pour la première fois au Dolbarg’Ma, et préservant le périlleux équilibre de trois tonnelets sur deux épaules, le Nain dépassa la garde et franchit les palissades du nouvel Almis.
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MessageSujet: Re: La reconquête d'Almia - Prologue [PV Dun Eyr]   La reconquête d'Almia - Prologue [PV Dun Eyr] I_icon_minitimeSam 30 Juin 2012 - 14:38

Agrarald écouta silencieusement les mises en garde de Dun Eyr. Qu’aurait-il bien pu dire de toute façon ? Avaient-ils, lui et les siens, la possibilité de refuser pareil don ? Non, bien sûr. Quelle qu’ait pu être la provenance des venaisons qui remplissaient le chariot du Lirganique, les Nains d’Almia étaient trop affamés pour y regarder de très près. Aussi firent-ils la seule chose qui s’imposait : ils se hâtèrent de récupérer les vivres et organisèrent une chaîne humaine pour les mettre en sécurité dans les cavernes.
Tandis que les Nains se passaient les tonneaux de main en main, Agrarald remontait la longue file de ses compatriotes en compagnie de Dun Eyr. Reconnaissants, les Nains d’Almia s’inclinaient sur le passage de Dun Eyr et dans leurs yeux, le vieux prêtre voyait briller une lueur qu’il n’y avait plus vu depuis longtemps. La venue du Haut-Prêtre de Lirgan semblait déjà connue de tous et sa légende ne tarderait plus guère à résonner sous les voutes de pierres.
Timidement, avec le retour du printemps et l’arrivée de Dun Eyr, l’espoir renaissait dans la Perle du Nord. Ce n’était pour l’heure qu’une modeste braise sous un tas de vieilles cendres, mais Mogar s’y connaissait pour ranimer les flammes.

Après qu’Agrarald eut invité Dun Eyr à confier sa charge à de solides Nains qui se proposaient pour donner un coup de main, le Haut-Prêtre de Mogar entreprit de faire connaitre la nouvelle Almia à son visiteur.
Les deux Nains progressaient lentement dans le tunnel. Leurs pas allaient au rythme des histoires que racontait Agrarald. Patiemment, il faisait à son hôte le récit des années écoulées. Comment lui et ses fidèles étaient arrivés aux portes de la Perle du Nord cinq ans plus tôt et n’y avaient trouvé que des ruines. Des portes majestueuses qu’Agrarald avait contemplées dans sa jeunesse, il ne restait rien sinon quelques frises jetées au sol. Triste témoignage d’une grandeur désormais révolue. Malgré l’amertume que tous les Nains avaient ressentie, ils n’avaient pas cédé au découragement. Vaillamment, comme seul le Petit Peuple savait le faire, ils s’étaient attelés aux pénibles travaux de déblaiement. Et tandis qu’ils rouvraient le long tunnel qui descendait en pente douce sous la montagne, ils excavaient les pierres et se construisaient des abris de fortune.
A ce point de son récit, Agrarald marqua une courte pause. Du plat de sa main droite, il tapota légèrement la hutte la plus proche. Sans regarder son vieil ami, les yeux perdus dans ses souvenirs, il ajouta comme à regret :


- Des abris de fortune… Quand nous les avons construits, nous pensions naïvement que nous n’en aurions besoin que quelques semaines. Nous imaginions dégager le premier niveau en quelques mois tout au plus... Poussant un long soupir, Agrarald reprit sa marche en maugréant : Cinq longues années… Voilà des abris de fortune qui n’ont que trop été utilisés.

Toujours cheminant sous la voute du tunnel, les deux Nains continuaient leur progression. De temps à autre, le Haut-Prêtre désignait l’un ou l’autre Nain qui venait à croiser leur route et parlait des hauts faits qu’il avait accomplis. Comme le disciple de Mogar le précisa lui-même à Dun Eyr : après quatre années de lutte ininterrompue contre les Gobelins, les faits d’armes dignes d’éloges ne manquaient pas.
Arrivé au bout du tunnel, le vieux Nain marqua une nouvelle pause. Après avoir salué les sentinelles, il se tourna vers Dun Eyr et dit :


- Si jusqu’à présent la visite de la nouvelle Almia n’avait guère de quoi impressionner un bâtisseur tel que vous… Et, jetant un œil par-dessus l’épaule de Dun sur les précaires abris qui encombraient le tunnel, Agrarald ne put s’empêcher d’ajouter : Ce qui est, je le reconnais, le moins que l’on puisse dire. J’ai bien peur que ce qui nous attend au-delà de ce poste de guet ne soit une épreuve bien pire encore. Enfin, voyez vous-même…

Joignant le geste à la parole, Agrarald s’engagea entre les gardes de la porte et conduisit son hôte en direction du premier niveau de la cité.
Le simple fait de persister à donner le nom de cité au terrifiant amas de ruines qui leur faisait face témoignait à lui seul de l’opiniâtreté légendaire des Nains. Car il fallait vraiment être doué d’un optimisme débordant ou, plus vraisemblablement, d’un caractère trempé directement dans les forges du Père pour penser qu’Almia pourrait un jour se relever des destructions subies depuis le Voile. Le paysage qui s’offrait aux yeux du Lirganique était celui d’une terre dévastée, un univers chaotique peuplé seulement d’ombres et de dangers.
Où que leurs regards se posaient, les deux Nains n’avaient à voir que des amas de pierres roussies. Les rares bâtiments que les tremblements de terre avaient épargnés, les Gobelins s’étaient chargés de les mettre en pièces, brûlant ce qu’ils ne pouvaient abattre. Les traces du passage des Peaux vertes étaient partout visibles : des frises séculaires avaient été jetées à terre et martelées ; les runes qui ornaient les frontons des bâtisses avaient été effacées. Ce que les Gobelins n’avaient pas eu le temps de détruire, ils l’avaient souillé des signes abjects de leur langue. Des pans entiers de murs, ceux-là même qui avaient résisté par miracle à la Colère de Mogar, avaient ainsi été barbouillés de signes infamants. Des peintures et des mosaïques qui avaient fait la fierté du Palais du Gouverneur, il ne restait plus rien.
Chaque jour, à chaque nouvelle visite d’Agrarald dans la ville qui l’avait vu naître, le vieux Nain avait l’impression qu’on lui plongeait une dague de dans le cœur. Il se sentait malade tandis que lui revenaient des images de la grandeur passée de sa cité. Dans son esprit, pourtant, les rues d’Almia étaient telles qu’il les avait connues. Elles se peuplaient de visages familiers, ceux qu’il avait croisés enfant. Et, lorsque ses pas l’amenaient à fouler les dalles de granit de la grand place, aujourd’hui encombrées de débris mais jadis lisses et étincelantes, ses oreilles croyaient encore percevoir les échos de rumeurs passées. Mais toujours les souvenirs s’évanouissaient et laissaient place à la triste réalité et aux pierres branlantes. Les ors et les reflets cuivrés que projetaient jadis les immenses braseros pendants du plafond n’étaient plus que de lointains souvenirs. Ils avaient depuis cédé la place aux ténèbres. Et ce n’était pas les rares torches que le Peuple Troglodyte avait plantées en terre qui parviendraient à les dissiper. Au contraire, ces dernières n’avaient d’autre effet visible que rendre l’obscurité plus tangible et menaçante.
Ecartant largement les bras, Agrarald se racla la gorge et de sa voix profonde et gutturale annonça :


- Voilà la Perle du Nord… ou ce qu’il en reste. Comme vous pouvez le voir, la cité n’a pas été épargnée. En ce sens, elle est à l’image de ses bâtisseurs : mal en point mais toujours bien présente sans que l’on puisse dire si c’est pour le pire ou le meilleur. Tout en parlant, Agrarald s’était baissé pour ramasser une pierre qui gisait sur le sol. Après une seconde passée à la contempler, il la rejeta et reprit : Au-delà de la voute qui nous fait face se trouve l’escalier qui mène au second niveau de la cité. Pour l’heure nous l’avons partiellement obstrué. Nous le gardons jour et nuit et nous assurons qu’aucun Peau Verte ne s’en approche. Nous sommes autant en sécurité que nous pouvons l’être. Désignant du bras la partie orientale de la cité, le vieux Nain ajouta : Nous avons découvert des failles inexplorées. On ne sait pas vraiment où elles mènent. Aussi nous gardons-nous bien de nous y aventurer. Des gardes munis de trompes les surveillent au cas où les Gobelins en sauraient plus que nous là-dessus.

Après un dernier salut aux Nains qui surveillaient la voute, Agrarald tourna les talons. Il n’alla pourtant pas très loin. En effet après quelques pas seulement, il s’arrêta et observa longuement les fissures qui s’ouvraient dans la partie est de la ville. Maugréant à nouveau, le Haut-Prêtre de Mogar fixa à nouveau son vis-à-vis.


- Quand je vous ai dit que nous ne nous aventurions pas dans les fissures, je ne vous ai pas tout dit. Une prêtresse et un de mes meilleurs soldats s’y sont rendus. Il y a deux jours de ça à présent. Elle a expliqué qu’elle y avait senti des veines de minerais exploitables. J’aurais aimé pouvoir envoyer une patrouille à leur recherche mais je ne peux pas faire courir pareil risque aux miens. Nous sommes trop peu et trop épuisés pour pareille mission.

Secouant la tête, Agrarald frappa le sol de son sceptre, seul signe de la colère qu’il contenait.
Tandis que les deux Nains reprenaient leur marche dans la cité dévastée, la pierre qu’Agrarald venait de frapper laissa échapper un léger sifflement et un nuage de vapeur.
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MessageSujet: Re: La reconquête d'Almia - Prologue [PV Dun Eyr]   La reconquête d'Almia - Prologue [PV Dun Eyr] I_icon_minitimeDim 8 Juil 2012 - 20:59

Le long regard de Dun Eyr planait sur les ruines qui partout l’environnaient. Un grand silence entourait les deux Hauts-Prêtres, tandis qu’ils cheminaient le long de ces chemins caillouteux, et que d’autres Nains remontaient en cahotant, l’épaule lasse ; ce n’était pas le lourd bourdonnement du vide qui s’appesantissait sur leurs oreilles, ni l’atmosphère figée des vieux sépulcres : simplement, vague et lointain, le silence cotonneux et bouffant d’un esprit sidéré.
Hagard, presque sonné, comme après les luttes gaillardes de jadis, le Nain laissait ses mémoires hanter ce lieu. La Perle du Nord avait perdu de son éclat, les griffes des Gobelins et des ans avaient mâchouillé sa splendeur. Seule restait, comme insoumise, l’âme fière et colérique de la cité rebelle ; mais, ô combien ravagée.
Semblable au vieux charmeur de Kerkands des récits de l’enfance, Dun Eyr revenait dans l’antre de son antique monstre de compagnie, pour l’y retrouver exsangue, la corne brisée, oreilles coupées et queue biseautée… On avait volé la crinière d’Almis, il n’en restait qu’une gueule fauve mais honteuse, aux prunelles effarouchées. Furie ou lionne, vieillard ou catin, le Lirganique ne parvenait plus à distinguer, sous la pierre brisée et comme rouillée, ce que lui renvoyait la carcasse rompue de l’oppidum d’antan.


La barbe flottante, Dun Eyr lança à son comparse :

« Les tiens ont bien œuvré, frère Dolbarg’Ma ; leur pioche était menée par un esprit aiguisé. La cité bourdonne déjà… »

La mâchoire lourde, et broyeuse comme pendant sous le crâne d’acier d’un automate, le Nain laissait filer ses mots sans bien les décompter ; la parole coulait, glissait, ou pouvait bien buter, il n’en savait trop rien. Notre ancien enfant d’Almis, revenu sur les pâturages de ses tendres années, contemplait ce qu’étaient ses chers cailloux devenus : rien, ou bien du sable… Pourtant, derrière le masque de sa voix, le cortex tourbillonnait à pleine charge : et son esprit, songeur, ignorant les lèvres babillantes, filait droit à l’âme farouche du Nain pour y souffler que tout était vrai – que le Dolbarg’Ma, et les siens, avaient bien fait des prodiges dans toute cette caillasse verdie.

Alentour, les ruines du Premier Niveau – était-ce vraiment le Premier, n’avaient-ils pas aussitôt débouché au Troisième déjà … ? – s’étendaient en un amas effroyable ; pas même infiniment, pas même à perte de vue, n’offrant rien de passionné ou de fou à l’œil qui les lorgnait. Bien au contraire, c’était un terrible chaos d’arêtes brisées, de pierre concassée, et de fragments brouillons qui s’entassaient en monceaux, branlants, tombants, comme de vieux saules qu’un dément aurait pétrifiés avant que de les rompre.
Les arcades d’Almis, les plans divins qui avaient présidé au tracé de ces flamboyantes perspectives, tout cela affleurait encore au nez d’un Dun Eyr. Le maul favorable qui avait foré ces galeries, voilà que son éclat tonnait encore aux oreilles du Lirganique ; pour un peu, sous ses prunelles muettes, le Nain eût vu se démener ses semblables, des fantômes vieux d’une éternité, qui laissaient traîner le souvenir de leur souvenir entre ces poussières fracassées.

Agrarald parlait, et son compagnon parla alors en retour :

« Tes frères, nos frères sont à bout de souffle, ami Brûleur ; les Gobelins les prennent, ou bien d’autres bêtes tapies les ravissent, si ce n’est pas le dédale rompu qui les égare. Si leur courage n’a pas de bornes, leurs bras sont trop rares, pour trop d’exploits à faire rouler dans les mémoires. »

Le lent écho des Nains bâtisseurs, comme un mythe étiolé, tintinnabulait dans les esprits de Dun Eyr, tandis qu’il enchaînait à l’adresse de son frère en religion :

« Lorsque nos bataillons sont clairsemés, la pierre est encore le plus fidèle des alliés : ce que hache ne peut fendre, rocher peut broyer. Almis est un échafaudage bousculé, comme une garçonne vengeresse qu’un ignare aurait corsetée ; ses galeries ploient et menacent lorsque nos ennemis y hérissent leurs gueules, ils ne manquent que d’un mot pour que la roche les assaille. Laisse-moi, Agrarald, réveiller les pierres enragées de la Perle du Nord, laisse-moi souffler aux tunnels le sens où ébouler leurs stalagmites. »

Dun Eyr sentit passer les années proches comme des ridules sur l’océan ; les pitreries du Sud, d’Alonna à Soltariel, et les roueries vénales d’un Nain devenue croupier pour plantons minables, tout cela flotta loin de son front. Une vague lueur, lointaine encore, lui grommelait dans l’œil, des tréfonds de son corps grassouillet.
D’ailleurs, l’humour lui revint en premier, et il lança à son compère, mi-amusé mi-terrible :

« Le Moqueur peut t’offrir, tu le pressens, bien plus que trois quintaux de cochonnaille pour les rations... »
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MessageSujet: Re: La reconquête d'Almia - Prologue [PV Dun Eyr]   La reconquête d'Almia - Prologue [PV Dun Eyr] I_icon_minitimeJeu 9 Aoû 2012 - 16:36

Agrarald observa la roche nue qui l’entourait de toute part. Lentement un sourire vint ourler ses lourdes lèvres. Avec un éclat farouche au fond de ses prunelles ambrées, il répondit à son homologue.

- Oui, ami, cela pourrait marcher.

Durant quelques instants, le vieux Nain ne prononça plus nulle parole. Sans oser se l’avouer encore totalement, il se prenait à rêver à sa cité retrouvée. Dans son esprit, Almia recouvrait son lustre d’antan suite aux travaux du Moqueur. Les marbres luisaient à nouveau sous le flamboiement des torchères ; les fresques se relevaient plus majestueuses que jamais ; jusqu’aux braseros qui retrouvaient la place qu’ils n’auraient jamais dû quitter. Toutes ces merveilles reprenaient la place qu’elles n’auraient jamais dû quitter. La pierre se pliait à la volonté de Dun Eyr et lentement la cité reprenait vie.
Mais plus encore que ces visions d’une cité à l’opulence restaurée, l’esprit d’Agrarald était habité de songes martiaux. Les guerriers de la Nouvelle Almia avançaient sur des hordes de Gobelins terrifiés. Ces derniers, réduits aux viles créatures qu’ils avaient toujours étés, fuyaient devant ses hommes. Dans ses songes, Agrarald se réjouissait de la futilité de leur fuite. Car aussi loin que leurs pas les menaient, aussi vite que leurs jambes torses les portaient, les Gobelins ne trouvaient aucun échappatoire. Ses prêtres runistes levaient des murs de flammes pour couper leur retraite. S’ils par folie, ils tentaient de revenir sur leurs pas, ils se heurtaient à la fine fleur des guerriers d’Almia, véritable muraille d’acier. De tous côtés, enfin, la roche mouvante les pressait, les écrasait avant de les digérer.
Pour les Gobelins d’Almia, il n’existait nul autre avenir que Tari elle-même.


- Les dons du Moqueur seront appréciés à leur juste valeur. Se disant, Agrarald tendit la main à Dun Eyr. Souriant derechef, le vieux prêtre désigna le tunnel où s’était installée la colonie. Pour commencer, allons faire honneur aux vivres que tu nous a apportées. Je gardais dans ma tente un tonnelet de bonne bière pour une occasion spéciale. Un large sourire illuminant ses traits, Agrarald ajouta : Je crois l’heure venue de le mettre en perce. Quand nous aurons bu et mangé tout notre saoul, il sera temps de parler de l’avenir. J’ai des projets qui ne demandent qu’à se réaliser.
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