[TERMINE] Les liens du sang. (PV)

Dernière édition par Glinaina le Dim 16 Sep 2012 - 13:09, édité 1 fois

Les liens du sang... Parfois plus forts que tout autre, ils sont de ceux qui vous font faire l'impossible, tout comme sont les liens de la loyauté et de l'amitié, l'amour compris dans ce dernier. Ils sont également ce qui nous permet d'exister et d'être, que ce soit par le besoin même du sang pour notre corps que par l'affiliation d'une personne à une famille. Sans cette dernière nous ne pourrions être nés, avoir une éducation, une conscience et une connaissance affective. Sans parents nous ne pourrions être, sans famille – quelle qu'elle soit – la stabilité devient difficile à trouver. Par cela les liens du sang ne pourront jamais être coupés autrement que par la mort, rejetés ou non par l'individu. Toujours présents, toujours enfouis en chacun de nous, sera-t-il toujours temps de les renouer avec ses proches, qu'ils les acceptent de nouveau ?

Le silence régnait dans la forêt, remplaçant petit à petit l'agitation des récentes batailles entre de lointains cousins se vouant une haine des plus profondes depuis des millénaires. Des combats nécessaires pour les Elfes devant protéger leurs frères de l'incursion drow. Une incursion comme il y en avait déjà eu, la jeune femme le savait, mais qui avait cette fois-ci donné une leçon au peuple sylvestre : ils devaient rester sur leurs gardes, continuer à surveiller leurs frontières malgré que les autres peuples ne soient apparemment pas tournés vers eux, ayant déjà leurs propres problèmes à régler.

L'elfe marchait en silence, profitant du paysage obscurcit par de gros nuages noirs ainsi que de cet instant de solitude qui s'offraient à elle pour faire un point sur les derniers événements. Enfin... plutôt sur les cinq dernières années. Ce n'était pas la première fois qu'elle le faisait, bien sûr, mais là elle avait besoin d'avoir toutes ses idées au clair pour la confrontation qui allait avoir lieu. Elle ne savait comment cela se passerait, quelle serait leur réaction, mais une chose était sûre : les liens du sang la rappelaient à son premier foyer, vers sa véritable famille.

Le matin même, Erestor, Altiom et la grande majorité des soldats étaient repartis vers l'Ithri'Vaan, plus rapidement que l'elfe ne l'aurait pensé. Un message était parvenu au commandant, il leur fallait revenir au plus ite à Naelis. La raison de cela ? Le concerné avait préféré ne pas vraiment lui en parler, malgré qu'elle en ait une mauvaise idée, et peut-être bien à juste titre. Quoi qu'il en soit, cinq gardes de Naelis étaient restés en territoire elfique, servant de « garde rapprochée » à l'elfe. Cette dernière avait conseillé à s on supérieur de garder les trois blessés qui ne pouvaient se déplacer le jour même sans risquer de rouvrir leurs blessures ; les Elfes les soigneront. Et puis elle avait encore une dernière chose à faire avant de reprendre la route et pour cela elle avait besoin d'être seule.
Elle était donc allée voir le lieutenant Koraen avant son départ en solitaire.

« Lieutenant Koraen, puis-je vous parler ?
-Bien sûr. Je suppose que c'est à propos de vos compatriotes ?
-En effet. Tous ne vont pas quitter la Prime Forêt maintenant, cinq vont rester avec moi, dont trois blessés.
Koraen eut un haussement de sourcils, se demandant où la jeune femme voulait en venir. Il craignait déjà le pire, n'aimant pas savoir de pareilles gens destructeurs de forêts tels que les Hommes en ces lieux. Il ne l'interrompit pas.
-Le problème est que je dois m'absenter pendant quelques jours, seule. Vous serait-il gré de vous occuper d'eux ? D'ici trois jours je serais revenue.
Elle remarqua la moue que fit le lieutenant, ce qui n'était pas vraiment bon signe...
-Ce ne sera pas si long et ils feront attention.
-En somme, vous me demandez de remplacer leur supérieur direct, c'est-à-dire vous ?
-Il se pourrait bien que oui... même si « remplacer » reste un bien grand mot.
L'elfe la regarda droit dans les yeux, l'air glacial. Cette idée ne l'enchantait guère, lui donnait envie de rire même. Prendre des Fils de Néera sous son aile... C'en était hors de question ! Et pourtant il leur devait bien ça... Il s'était battu en quelques semaines à plusieurs reprises aux côtés de son interlocutrice, connaissait sa valeur, mais le plus fort était le fait que si des Humains étaient entrés dans la Prime Forêt, c'était pour protéger des Elfes. De plus s'ils n'étaient pas arrivés à temps pour la dernière bataille... Il avait du mal à l'admettre, mais ils ne s'en seraient très probablement pas sortis.
-Très bien, votre requête est acceptée. Si dans trois jours vous n'êtes pas revenue je fais traîner vos hommes jusqu'en Aduram !
-Je vous en remercie, Koraen. »

Un sourire s'était alors dessiné sur son jeune visage elfique. Dans trois jours elle serait revenue aucun problème. En attendant elle savait ceux qui lui étaient confiés entre de bonnes mains.

Ca y est, elle y était. La jeune femme pouvait apercevoir le village dans les arbres, construit il y a bien longtemps avec des arbres qui n'auraient pu tenir l'hiver. Fort heureusement, les bâtisses étaient loin de ressembler à celles des Humains, paraissant même pour certaines excentriques et arriérées à ces derniers. Dans le fond, c'était un bon exemple sur la différence de culture des deux races, sans parler de la nourriture...

L'elfe grimpa à un arbre et se rendit sans mal à la hauteur du village. Toujours le même depuis son départ, semblait-il. Non loin d'elle un petit groupe de personnes parlait, la salua au passage même. Mais ils ne la reconnaissaient pas. Pourtant, elle pouvait sans problème appeler chaque son prénom ou du moins donner sa fonction dans le village : Sinaethrin, Olorin le professeur, Mara, Glemeg et... le gamin devait être Simean. Elle se demanda alors si elle avait tant changé que ça, les salua de loin puis prit la direction du Nord-Est, empruntant les différentes traverses plus ou moins naturelles pour arriver à son but. Sur le chemin elle croisa plusieurs personnes, qui la reconnurent cette fois-ci. Tout d'un coup elle sentit l'air s'alourdir, une gêne s'installer parmi les quelques villageois présents et le silence tomber comme une masse autour d'elle.

« Beleg et Sydith Wylenaryn habitent-ils toujours ici ?
-Oui, Glinaina. Viens, ils t'attendent.

La femme elfe qui venait de parler était de grande stature avec un doux visage encadré par de longs cheveux châtains, noués une natte défaite. Ses grands yeux bleus fixaient ceux de Glinaina, cherchant comme autrefois à percer son âme. Sinai, sa tante qui avait eu un grand rôle dans son éducation. Elle n'avait pas changé (cinq années n'étaient pas longues en même temps), faisant toujours autant « mère matrone ». Elle ressemblait bien à son frère sur ce point, pensée qui fit sourire la jeune femme.
Sinai emmena sa nièce à travers le village, de cette démarche élégante dont beaucoup de femmes elfes étaient dotées. Elles ne se parlèrent aucunement pendant le trajet, n'ayant encore rien à se dire... ou peut-être trop de choses. Glinaina écoutait en douce les murmures qui naissaient derrière elle, peu surprise de l'étonnement général : elle avait quand même disparue pendant cinq années et devait même avoir été considérée comme morte.
Arrivées devant la porte d'entrée, Sinai se retourna enfin vers elle et esquissa un sourire.

-Tu as changé, jeune elfe ; de corps comme d'esprit. Puisses-tu savoir répondre à leurs questions. Sydith ? Il y a quelqu'un pour toi !
-Entrez, j'arrive. »

Sinai avait entrouvert la porte pour appeler sa belle-sœur. Dorénavant, c'était à la fille d'entrer en scène, si on pouvait dire. La tante sourit une nouvelle fois puis partit, laissant les affaires de famille aux principaux concernés. Après une grande inspiration, Glinaina ouvrit la porte et entra dans la maisonnée.

Les deux femmes restaient plantées là, toutes les deux interloquées par celle qui se trouvait en face d'elle : d'un côté la mère ne s'était pas attendue à revoir son enfant disparue et encore moins aussi changée et, de l'autre côté, la fille s'étonnait fort du changement qui s'était opéré chez sa mère. Elle semblait avoir vieilli, ses cheveux avaient perdu de leur éclat et ses traits étaient un peu tirés par la fatigue. Glinaina voulait demander à sa mère si tout allait bien, s'il s'était passé quelque chose pendant son absence, mais s'en défendit. Ce qui s'était passé devait tout simplement être sa disparition et elle était loin d'être en position de dire quoi que ce soit à ce sujet. Alors elle restèrent là bêtement pendant un bon moment, l'une ayant une tasse mouillée et un torchon dans les mains, l'autre une cape aux couleurs d'une ville humaine sur le dos.

"Bonjour, mère.

Ce n'étaient que deux mots qui, au goût de la jeune femme, auraient pu être bien mieux. Mais elle se sentait gênée de revenir ici après cinq bonnes années, surtout si cela avait trop affecté ses parents. Franchement, pour un début raté, elle ne voyait pas mieux...

Comme si cette prise de parole avait été un déclic, Sydith posa ses affaires sur la table et s'approcha de sa fille. Elle n'arrêtait pas de se dire que ce ne pouvait être Glinaina, mais son coeur et la voix de la jeune femme qui se trouvait en face d'elle lui assurait que oui. Pourtant ce n'était pas la jeune fille qui entrait seulement dans l'armée, loin de là : ses traits avaient changé, la rendant plus mature, état de fait qui se lisait également dans son regard. Il lui semblait qu'elle avait grandi aussi, ou du moins elle ressemblait beaucoup plus à son père au niveau du visage. Ce qu'ils leur avaient raconté devait donc être vrai, finalement...
Les mains un peu tremblantes, elle prit son enfant dans ses bras, sans rien dire. Étreindre sa fille était amplement suffisant. Et de toute façon il s'était passé trop de temps pour qu'elles puissent arriver à discuter comme avant. En même temps, tout le monde l'avait cru morte jusqu'à il y a quelques jours.

Elle fit signe à sa fille de poser ses affaires et de prendre place pendant qu'elle finissait d'essuyer la tasse. Elle l'essuya longtemps, longtemps tellement elle était enfuie dans ses pensées. Elle se demandait comment allait réagir Beleg à son retour et craignait ce moment...

Alors que le silence régnait dans la petite pièce, de petits bruits se firent entendre sur le toit, rapides et réguliers. Glinaina leva les yeux aux ciel en se rendant compte qu'il commençait à pleuvoir, puis posa de nouveau les yeux sur sa mère.

-Papa est-il en mission ?
-Non, il a dû aller jusqu'à Mera hier soir, il devrait revenir d'une minute à l'autre. Sinon, que... que deviens-tu ?
-Je travaille chez des Humains avec qui je me suis liée d'amitié. A Naelis. Je suis lieutenant et si je suis ici c'est également parce qu'une mission assez spécifique m'a été confiée.
-Ah...
-Et toi ?
-Rien, j'ai arrêté de travailler. Tu... tu as un petit frère, maintenant. Isarian. Il a un peu plus d'un an, peut-être veux-tu le voir ?

Lina n'eut pas le temps de répondre que sa mère se leva pour aller chercher le bambin. Elle... Un petit frère ? Elle en resta tétanisée, ne sachant vraiment pas comment réagir face à cette nouvelle : être heureuse que la famille s'agrandisse enfin ou comprendre que ce petit garçon l'avait remplacée ? Un pieu de glace vint la transpercer, reflétant bien quelles émotions étaient les plus fortes en elle. Elle prenait au plus mal la bonne nouvelle. Sans attendre que sa mère ne revienne, elle se leva à son tour et se dirigea vers la porte d'entrée. Elle avait besoin de prendre l'air.

Et comme si cela ne suffisait pas, Glinaina se retrouva face à face avec son père lorsqu'elle ouvrit la porte. Grand et de bonne carrure pour un elfe, Beleg n'était pas homme à qui on pouvait se frotter facilement. L'homme de la maison, comme diraient certains. Et encapuchonné à cause de la pluie, ayant comme à l'accoutumée ses épées à ses côtés, il en paraissait encore plus rigide. Sans un mot et seulement après avoir transpercé de ses yeux verts la jeune femme, il esquissa un mouvement. Il fit décaler sa fille avec son bras gauche, doucement mais fermement, et posa ses affaires comme si de rien était. Glinaina ne manqua pas de remarquer le regard dédaigneux qu'il eut en voyant la cape rouge, avant qu'il ne se tourne vers elle, le regard froid. Pour la première fois la jeune elfe ne broncha pas, ne baissa pas la tête comme on le lui avait appris (surtout lorsqu'elle faisait des bêtises).

-Prends tes armes de corps-à-corps. Je te déconseille de prendre cette cape, ce serait un fardeau en trop."

Elle obéit sans réplique et suivit son père qui s'en retournait à l'extérieure, sous une pluie qui allait de plus en plus fort. Sydith appela son mari, essaya de le raisonner, mais rien y fit. Il ne reconnaîtrait sa fille que si elle réussissait.

Pas un regard, pas une seule parole. Il ne servait en rien de dire quoi que ce soit, l'un étant trop en colère pour écouter quoi que ce soit, l'autre reconnaissant assez sa faute pour ne pas prendre la parole. Seules les règles du combat auraient pu être citées, mais elle les connaissait déjà pour avoir dû apprendre à réellement se battre au corps-à-corps de cette manière. A l'époque, elle n'était pas prête. A l'époque, elle ne voyait même quel était l'intérêt de passer un temps fou à se battre par tous les temps avec des épées alors qu'elle se destinait à l'arc. Elle avait même râlé auprès de sa mère, ne comprenant dans le fond rien au bouleversement qui s'était effectué chez son père après la bataille du Fort Ellyrion. Une gamine insouciante, qu'elle était ! Insouciante et d'avance abonnée aux Drows...

Aujourd'hui était tout autre : elle avait combattu à de nombreuses reprises, comprenait en partie son père et l'en remerciait. Elle n'était plus une gamine mais bien une femme. A savoir si elle était prête, c'était une toute autre histoire qui commençait à se dérouler, là, sous la pluie battante.
A cette réflexion, un fin sourire vint illuminer le visage couvert d'eau salée de la jeune elfe. Elle était loin d'être tirée d'affaire, ne se souvenait plus tant que ça de toutes les règles qui, de toute façon, étaient changées au vu des circonstances. Mais bon, dans le fond, ce n'était pas si compliqué : réussir à prendre l'autre "par surprise" pour avoir l'avantage dès le départ en utilisant notamment la vue et l'ouïe (qui n'était pas si utile à cause des trombes d'eau...), puis à combattre. Non, en fait, ce n'était pas bien compliqué... en théorie.

Un mouvement, non loin. Glinaina dégaina doucement son épée hors du fourreau, prête à parer dès que nécessaire. Puis plus rien. Elle se leva donc et parcourut rapidement la distance qui la séparait de la direction du "mouvement". Elle s'arrêta derrière l'un des nombreux arbres qui peuplaient la forêt pour ne pas se mettre directement à un endroit trop facile à prendre, trop facilement visible. Elle sentait qu'il était là, tout près. Son coeur commença à battre plus fort, la garde de son épée glissait entre ses doigts gantés. Ses cheveux coupés mi-longs lui collaient au visage. Ses yeux se fermèrent. Un... Deux... Fer contre fer, ses yeux se rouvrirent pour voir qu'elle avait bien contré l'attaque, que ses souvenirs des différents combats qu'elle avait eu contre Beleg ne l'avaient pas trompée. Sans attendre, elle prit l'offensive, imposant un rythme moyen mais avec une bonne force mise dans ses coups. Le père teint facilement le rythme, fit en sorte de prendre à son tour l'offensive pour que les coups pleuvent beaucoup plus rapidement et avec plus de dextérité. Elle n'osa trop s'en prendre à lui par peur de lui faire du mal. Il n'était pas un ennemi, encore moins un sombre. Mais ce n'était pas le point de vue de Beleg : au contraire il n'hésita pas à porter des coups aux organes vitaux, à frapper comme s'il avait en face de lui quelqu'un de la race la plus haïe des Elfes ! La lieutenante parait, ses muscles commençaient à se faire douloureux après ce qui lui sembla être de nombreuses minutes.

Soudain elle sentit le sol se dérober sous ses pieds et tomba face contre terre, dorénavant recouverte de boue de la tête aux pieds ! Elle eut juste le temps de se retourner pour voir la pointe d'une épée s'abattre sur elle et de la dévier grâce à son poignard. Son coeur battait la chamade : voulait-il juste voir jusqu'où elle pouvait aller ou voulait-il... la tuer ? Elle n'arrivait pas trop à voir la différence en ce jour... Elle réussit à donner un coup de pied dans le genou, ce qui déstabilisa son adversaire. Il n'avait pas eu l'habitude de cela avec elle, si bien qu'il n'eut le temps de se stabiliser que sa fille fonça sur lui et le plaqua à terre, le couvrant lui aussi de boue au passage. L'épéiste administra un crochet du droit à son adversaire et la bascula dos à terre pour bientôt se retrouver sur elle, un couteau pointé sur la peau délicate de la jeune femme. Ce n'est qu'à ce moment qu'il aperçut l'incompréhension de sa fille dans ses yeux. Ce n'est qu'à ce moment là qu'elle vit toute cette colère en lui qui s'évacuait petit à petit à travers les armes. Reconnaissant sa défaite, elle baissa enfin les yeux devant son père, comme avant.

"Ne baisse pas les yeux, Glinaina. Tu t'es améliorée ; tu aurais déclaré forfait à peine mise à terre, la dernière fois. Heureux que ce ne soi plus le cas.

Il se releva et ramassa ses armes précédemment tombées sur le sol. Il ne dit plus rien pendant un moment, mais garda son poignard en main. La jeune femme pouvait le voir, il tremblait. De rage.

-Mais merde, qu'est-ce qui t'as prit ?! Il jeta violemment la petite arme qui vint se planter auprès des racines d'un vieil être. Pourquoi as-tu suivi ces Humains, sans prévenir, à déserter même ? A déserter ! Jusqu'à hier nous te croyons morte, tu ne t'imagines même pas...
-Et toi tu ne t'imagines rien de ce qui a pu se passer, le coupa-t-elle ! Tu ne sais rien, rien de ce que j'ai pu vivre. C'est vrai, je n'ai donné aucun signe de vie, mais parce que je savais que tu allais mal réagir !
Tout comme lui, elle s'était mise à crier. Maintenant qu'il en parlait, elle aussi avait un minimum de rage à évacuer, sur à peu près tout. Comment pouvait-il comprendre ce qu'elle avait fait jusqu'à présent ?
-Je n'ai pas eu le courage de revenir, et puis zut ! Tu n'es même pas capable de comprendre pourquoi j'ai réagi ainsi, tu ne peux pas me comprendre, tout simplement !
-Tu ne sais rien de ce que je sais ou non ! Que crois tu ?
-As-tu seulement une seule fois été enlevé, Beleg ? Par des Drows ou des Humains ? Non ? Et bah alors !"

Elle s'était avancée vers lui et lui tambourinait maintenant le torse de ses maigres points de femme. Son père n'apprécia pas sa réplique et réagit en lui administrant une claque bien sentie. Avaient-ils seulement parlé de ce sujet-là pendant son enfance ? Si il pouvait comprendre, si...

La fille se mit alors à pleurer, de fatigue comme d'énervement. Il prit sa tête entre ses mains, la regarda droit dans les yeux et serra sa fille tant aimée contre lui. Il était temps qu'ils prennent enfin le temps de parler, maintenant qu'elle était prête.

Assis tous deux sur le tronc d'un arbre mort, les deux Elfes discutaient depuis maintenant de nombreuses minutes, non contraints par la pluie tellement ils y étaient habitués. Glinaina apprit bien des choses sur son père, des parties de son passé qu'il avait gardé cachées en lui pour diverses raisons. Sydith et Sinai n'étaient pas forcément au courant des même choses, selon lui, et il désirait que toute leur conversation lui serve à elle et ne soit pas transmise à d'autres. Ce n'était rien de très choquant, fort heureusement, mais Beleg avait décidé depuis longtemps de garder tout cela en lui et, le connaissant, personne ne pourrait lui faire changer d'avis ! De l'autre côté Lina lui parla de sa vie militaire à Naelis, des différents aspects qui changeaient de ce qu'elle avait pu voir ou entendre concernant les armées elfiques. En cela son père ne comprenait toujours pas pourquoi elle avait choisi de suivre le peuple de Néera et désapprouvait ce choix : les Humains étaient mortels, sujets aux maladies et à de nombreux comportements immoraux. Ils se font perpétuellement la guerre entre eux, ne respectent pas leurs propres engagements et, surtout, détruisent tout ce qui est autour d'eux. Et il ne souhaitait aucunement que sa propre fille devienne ainsi !

Au bout d'un temps ils s'aperçurent quand même qu'ils étaient toujours sous une pluie battante : lorsqu'ils eurent envie de simplement changer de place, leurs pieds restèrent coincés dans la boue qui s'était lentement accumulée avec la pluie.

"Je crois qu'il va être temps de rentrer, ta mère va finir par croire que je t'ai tuée.
-Heureusement que nous ne pouvons pas être malades, il y aurait de quoi attraper la fièvre...
-La fièvre ? Ils ont l'air de ne pas avoir une excellente constitution.
-C'est différent. Et... tu aurais pu me tuer, là ?

Beleg haussa juste les épaules, ne montrant aucune expression sur son visage. Glinaina quant à elle fit la grimace, comprenant de part cette attitude qu'il aurait très bien pu le faire. Elle n'ajouta rien et se contenta de reprendre son épée avant de le remettre dans son fourreau. Elle ne l'eut pas même enfoncé de dix centimètres que de l'eau commença à déborder de l'étui ! La jeune femme éloigna donc la lame et fit pencher le fourreau, qui se déversa de tout son soul sur le sol. Enfin elle put rentrer son arme et prendre le chemin du retour après avoir réussi à décoller ses pieds.

Lorsqu'ils arrivèrent au village, il fallut bien monter jusqu'à l'habitation, et dans cet état ce n'était pas une partie de plaisir... Ça glissait, lorsque Glinaina refermait sa main sur une prise, de l'eau sortait de son gant d'archère, la boue qui était encore collée à leurs pieds ne faisait qu'augmenter les risques de chute... Cela avait beau la faire rire, la montée resta des plus difficiles.
Quand enfin ils entrèrent dans la petite maisonnée, Sydith n'en revint pas : ce n'étaient plus des elfes, mais deux êtres marchant sur leurs deux pieds et dégoulinant d'eau et de boue, les vêtements collant sur leur peau, les cheveux ne se distinguaient plus vraiment du visage bref, ils n'étaient plus que deux énergumènes heureux d'avoir fait une bêtise !
Elle en resta pétrifiée, ne sachant pas quoi faire sur le coup. Ils allaient faire peur à Isarian si cela continuait ! Elle se réveilla après quelques instants de sa torpeur et se dirigea vers les deux membres adultes de sa famille tout en grondant promptement son mari, ce qui n'eut pour effet que de le faire rire. C'est état de fait, qui se faisait bien rare ces dernières années chez lui, ne faisait que l'énerver encore. Et ainsi la boucle se refermait, infaillible pour l'instant. Sydith emmena sa fille dans sa chambre, la tirant par le bras. De là elle se dépêcha d'aller chercher de quoi la laver . Une fois que l'eau fut dans la bassine, elle ordonna à sa fille de se laver immédiatement avant de refaire exactement la même chose avec son mari, la dispute en plus.

Maintenant seule (ou presque, son petit frère dormait tranquillement dans un petit landau au fond de la pièce), la jeune elfe se mit donc en mesure d'exécuter les ordres de sa mère. Elle se déshabilla, fit deux tas distincts pour les vêtements et tout ce qui était en cuir et entra dans la bassine d'eau pure. Tout en se nettoyant elle repensa à ce qu'il venait et était en train de se passer : la réaction de son père, le vieillissement de sa mère, le bambin... Sydith était encore en train d'évacuer toutes ses émotions sur son mari, à ce qu'elle pouvait entendre, et était plutôt contente de la tournure des choses. Elle avait beau ne pas trop aimer l'arrivée de ce petit frère, tout aurait pu être bien pire.
Le temps passa lentement entre les doigts de l'elfe ou plutôt entre les coups de savon qu'elle donnait sur sa tendre peau, si bien qu'elle resta bien plus de temps qu'elle ne l'avait pensé. Alors qu'elle remuait encore une fois sa dernière discussion avec son père dans sa tête, la porte s'ouvrit soudain sur sa mère, tenant dans ses bras quelques vêtements.

-Aina, je t'ai...
Sydith s'arrêta net en voyant les nombreuses traces affligeant le côté droit de sa fille, interdite.
-Maman ! Qu'est-ce que tu fais là ?
-Qu'est-ce qui t'es arrivé ?
-Ce n'est rien, mais...
-Non, Glinaina ! Des marques de ce genre ne sont pas courantes et tu n'es pas du style à te faire faire tatouer. Elle déposa les habits et alla jusqu'à sa fille pour mieux voir ce qu'il en était. Elle n'avait jamais rien vu de pareil. Alors ?
-C'est ce qui résulte de ma rencontre avec des drows, il y a six ans. Rien de grave.
-Tu as vu un guérisseur au moins ?
-Un grand mage qui m'a assurée que ce n'était rien de grave. Il fallait que je vive avec en attendant de voir si ces marques pouvaient s'effacer. Je ne devrais pas me transformer en bête sauvage, normalement.
-Encore une chance ! Allez, penche ta tête en arrière, il reste de la terre dans tes cheveux.

Aussitôt dit, aussitôt fait ! Glinaina se cacher la poitrine avec ses bras, voulant garder un minimum d'intimité. Sa mère ne dit plus rien jusqu'à ce qu'elle reparte de la pièce, mais elle pouvait sentir de l'énervement dans ses gestes. C'était rare de sa part, étant toujours calme, laissant plutôt son mari gérer les choses. A croire qu'elle avait peur dans le fond et que cette peur déclenchait une autre dispute. Et si elle se souvenait bien, ils ne s'étaient que très rarement disputés pour quelque chose qui ne comprenait pas leur fille. C'en était navrant, un en sens.

Une fois terminé, l'elfe s'enroula dans la longue serviette et alla voir ce que lui avait pris sa mère : une robe verte et un gilet. Deux habits qu'elle connaissait bien. Puis elle se tourna vers le berceau d'Isarian, assez simple, comme le reste de la maison. Elle alla se pencher au-dessus du petit bonhomme qui dormait encore, ses bras positionnées en U derrière sa tête. Qu'allait-elle faire de lui ? Elle se le demandait bien. Il la remplaçait à la maison, mais était sans offense. Il fallait dire qu'il était mignon ainsi endormi. Avec un soupir, elle lui caressant doucement la joue.

-J'espère que tu sauras mieux que moi prendre soin de nos parents. Il semblerait que je ne cause que des problèmes, pour l'instant. Grandi bien, Isarian. Soit là où je n'ai pas su aller.

Puis, sans plus rien dire, elle se sécha rapidement, s'habilla et se coiffa. Elle avait vraiment dû grandir, parce que le bas de la robe s'arrêtait plus haut que dans ses souvenirs !
Sortant de la pièce, elle vit ses parents en train de discuter autour de la table. Les couverts étaient mis, Sydith faisait une salade de légumes, enfin du peu qu'il pouvait y avoir en hiver. Ils mangèrent sans dire grand chose, prenant juste le temps de se donner des nouvelles. Glinaina en profita pour parler un peu de son métier, de la vie auprès des Humains. Puis Beleg prit congé des deux femmes et alla se coucher, leur permettant de discuter entre mère et fille.

-Il semblerait que tu te sois bien installée là-bas, à …
-Naelis.
-Oui, Naelis. Ce n'est pas trop dur de vivre avec des Humains ?
-Dur ? Non. Ils ont des mœurs fort différentes des nôtres, mais j'ai fini par m'y habituer. Je les ai rejoins par choix, tu sais. Par amitié, contrairement à ceux qui m'ont enlevée. Même qu'au bout d'un moment j'ai fini par voir la vie sous le même angle, comme si j'étais mortelle. J'ai l'impression de grandir et de vieillir en même temps qu'eux alors que je sais que c'est complètement faux.
-Penses-tu rester longtemps parmi eux ? Resteras-tu là-bas lorsqu'ils rendront l'âme ?
-Je ne sais pas. Je n'y ai pas encore pensé, pour l'heure. J'ai encore du temps devant moi, après tout.
-Du temps ? Combien de temps vivront tes frères d'arme encore ? Trente, quarante ans tout au plus ? N'oublie pas que tu n'auras pas changé d'ici là, physiquement. Et puis ce sera au tour d'une autre génération de prendre le relais. Il sera temps pour toi de retourner vers les tiens.
-Les miens ne me considèrent plus comme tel, pour beaucoup. Le simple fait de commander des Hommes les horripiles. Et la discorde concernant les Elfes de bois et les Elfes de pierre n'arrange en rien la situation. Je suis très bien là où je suis. Je ne reviendrais qu'une fois que les Cinq l'auront décidé.
-Très bien... Reste dans ta voie, mais ne fait pas de bêtise que tu pourrais amèrement regretter plus tard.
-Comme ?
-Répugner ta propre race ou bien... te lier avec une personne qui ne pourra pas te suivre jusqu'au bout.
-Ah oui, en effet. D'ailleurs on m'a posé la question avant que je ne parte.
-Et ?
-Pour l'instant, rien. Dans le fond je ne sais même pas comment je pourrais savoir si je suis amoureuse ou non !
-Eh bien c'est assez simple : quand tu penses à lui tu souris, il te manque lorsqu'il est loin de toi. Tu peux très bien rêver d'être auprès de lui, et tu es prête à rester à ses côtés pendant tout le temps qu'il vous sera permis d'être ensemble, fonder une famille... Après ces sentiments changent d'une personne à l'autre, personne ne réagit pareil.
-Je vois...

Glinaina pensa à toutes les personnes rencontrées jusqu'à présent, allant de Glenn à Kelendil. Non, pour l'instant il n'y avait aucun sentiment de ce genre. Quoi que... Non.

-Dis, papa... il a une dent contre les Humains ?
-Depuis le Fort Ellyrion, oui. Et cela s'est aggravé avec ton enlèvement. Il est bien loin d'être un elfe de pierre, renfermé comme il est.
-Il n'a pas dû aimer me savoir accompagnée d'Hommes.
-Non. Mais tu es sa fille et il sait qu'il ne peut plus te contrôler comme il pouvait le faire il y a encore quelques années. Et le fait que tu te battes auprès de nôtres l'a rassuré. Bon allez, il est temps que tu ailles dormir, si tu veux profiter de la journée de demain. Au fait, quand dois-tu partir ?
-Après-demain.
-Très bien. Passe une bonne nuit, Aina.
-Toi de même. Et merci pour... cette discussion. »

Elle aida à ranger les affaires puis retourna dans sa chambre, où toutes ses affaires traînaient encore. Elle s'occupa d'étendre ses affaires plus soigneusement et essaya de faire en sorte que les gants et autres affaires de la sorte ne s’abîment pas, ces choses là n'aimant pas des plus les pluies comme tout à l'heure. Enfin elle se coucha, sachant d'avance que la journée de demain ne serait pas de tout repos.

Sujet: Re: [TERMINE] Les liens du sang. (PV) Dim 16 Sep 2012 - 13:08

En effet, c'était une journée fort chargée qui s'annonçait ! Non pas que Glinaina devait courir toute la journée, mais elle était forcément occupée entre le fait de rendre visite à toute la famille (qui n'était pas très nombreuse, mais le temps passe bien vite), apprendre à s'occuper de son petit frère (et apprendre à apprécier un bambin d'un an par là même), aider au village... Et bien sûr la prit à part pendant un bon moment pour faire de duels plus amicaux que la veille. Cette fois-ci il se montrait davantage comme un père et un maître, conseillant sa fille sur la façon dont elle pourrait se battre en fonction de ses atouts et faiblesses. Elle avait beaucoup appris avec les Humains et s'était grandement améliorée, mais ce n'était pas assez - et se battre comme beaucoup d'elfes était quand même mieux. La jeune femme qu'il voyait était loin d'avoir énormément de force dans ses bras mais jouer sur l'agilité et l'endurance. Ce dernier point était encore à améliorer, si bien qu'il lui conseilla d'aller très vite dans un premier temps : plus elle y serait habituée, plus son endurance augmenterait, de même pour son agilité. Aller vite est une bonne chose, mais si on ne sait pas frapper au bon endroit au bon moment on se fatigue pour rien. De plus, avoir deux façons de se battre différentes ne pouvait être qu'un atout lors d'un combat.
De même, sa mère prit un minimum de temps pour confronter sa fille à l'arc. Le fait que le bras droit d'Aina n'était pas tout à fait droit pouvait déranger, mais non, elle avait trouvé sa propre façon de tirer et avait pu battre sa mère à son propre jeu. Il était difficile de croire qu'une Elfe pouvait tant changer en si peu de temps... Pourtant c'était le cas.

Ainsi la journée se passa et le soleil se coucha pour laisser l'astre nocturne rayonner de ses mille feux. Glinaina avait Isarian dans ses bras, petit bout de chou qui ne disait rien. Elle avait fini par l'adopter, même si la sensation de remplacement resterait toujours en elle. Elle était malgré tout heureuse de connaître ce petit frère.

"Tiens, c'est de la part de ton père... et de moi.
-Qu'est-ce que c'est ?
-Ouvre, tu verras.

D'une main la jeune femme ouvrit le petit paquet et fut surprise d'y trouver un collier en argent. Le pendentif était fin et représentait une feuille. Elle sourit et remercia sa mère, heureuse de la signification de ce message.

-Tu auras toujours ta place dans la forêt, ne serait-ce parce que tu es notre fille. Et n'oublie pas Kyriä, elle t'aidera même si tu es loin des bois."

Au moins savait-elle qu'elle avait une place dans la prime Forêt... Mais cela ne l'aidait que peu à savoir qui était son vrai peuple : Elfe par le sang, Humain par loyauté. Tout un débat philosophique qui pouvait être tout à fait inutile !

Le lendemain matin, Glinaina fit ses adieux à sa famille puis repartit là où il y avait eu le combat contre les Drows durant la semaine puis, après avoir repris les guetteurs, prit la direction d'Alëandir.

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